Comptes rendus

Franck Salaün (sous la dir. de), Marivaux subversif ?, Paris, Éditions Desjonquères, coll. « L’esprit des Lettres », 2003, 344 p. ISBN 2 84321 053 4.[Notice]

  • Marie Lise Laquerre

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  • Marie Lise Laquerre
    Université du Québec à Trois-Rivières

Peut-on « considérer Marivaux comme un auteur subversif, et en quel sens ? » (Franck Salaün, p. 13). Pour tenter de répondre à cette question, Franck Salaün a réuni dans cet ouvrage vingt-cinq études réparties en quatre sections : analyses des formes (« roman », « journaux », « théâtre ») que Marivaux a explorées, analyses précédées d’interrogations sur « le langage et le système littéraire » de l’auteur. D’entrée de jeu, Henri Coulet ne manque pas de rappeler que, si Marivaux est subversif, c’est bien par le refus qu’il manifeste à l’égard d’une « répartition des styles en fonction de la répartition des genres », si contraire à la « liberté qu’il faut laisser au langage » (p. 21). On sait que, dès 1713, le jeune auteur mettait au défi ces « beaux esprits qui ne lisent un livre, pour ainsi dire, qu’avec la règle et le compas dans l’esprit […] et qui se feraient un scrupule de rire, s’ils n’avaient ri par méthode » : « Lisez ce livre, ne soyez point savants, mais simplement spirituels », les exhortait-il. Si cette remarque se veut la manifestation d’un esprit rebelle cherchant à s’émanciper des règles dont se recommandait toute une tradition classique s’appuyant sur les Anciens, « elle confère une véritable cohérence à la poétique romanesque » (Jean Dagen, p. 49) qui marquera l’oeuvre de Marivaux, tout en résumant les enjeux fondamentaux de son écriture. Ces enjeux, ils se trouvent évoqués, dans la première partie de l’ouvrage, à la lumière d’études portant sur l’expression, la forme (Robin Howells) ou encore sur une esthétique dont, on s’en aperçoit, « les orientations propres et les poétiques particulières » (Jean Dagen, p. 52) sont déjà en place et théorisées dès les oeuvres dites « de jeunesse ». La seconde section analyse les oeuvres narratives, avec, on le note ici également, un intérêt marqué pour les premiers romans. De ces premiers romans, Catherine Gallouët propose une « réflexion sur les modes de la fiction » (p. 87) en insistant sur la figure du narrateur qui « joue avec les conventions du genre » (p. 91). La dimension subversive de l’oeuvre romanesque de l’auteur est pareillement examinée au regard du rejet des modèles traditionnels, qu’on aborde la question de la « figure paternelle dans le Télémaque travesti » (Jacques Guilhembet), celle des « représentations de lectrices » chez le jeune Marivaux (Sandrine Aragon) ou encore celle de l’intervention du hasard qui concourt à « faire de la vie surprenante et imprévisible la norme effective » (Carsten Henrik Meiner, p. 104) de ses romans. La troisième section de Marivaux subversif ? est, à ce titre, exemplaire de cette notion qui fait de l’expérience de la vie et du hasard des rencontres le critère incontournable de « l’analyse psycho-sociale » (Laurence Mall, p. 197) à laquelle se prête l’auteur des Journaux. Dans des études qui ne négligent ni le contenu ni la forme, on rappelle un Marivaux qui n’est « nullement arrêté par un quelconque principe d’autorité […] de l’oeuvre achevée » (Annie Rivara, p. 181) et où le discours, mû par une esthétique du « hasard et du caprice » (Éloïse Lièvre, p. 192), vient favoriser l’émergence d’une parole originale qui rend compte « du mouvement et de la variété » (Sarah Benharrech, p. 230) avec une audace qui affirme la « réhabilitation de la singularité entreprise par les Modernes » (p. 225). Enfin, la quatrième section traite de l’oeuvre dramatique de Marivaux. Quelques problématiques récurrentes portant sur la sensibilité (Jean Goldzink, Jean-Paul Schneider, John C. O’Neal) et sur la visée sociale de certaines …

Parties annexes