Résumés
Résumé
En publiant sous le titre de Sciomachie (1549) le compte rendu des festivités organisées à Rome par le cardinal Du Bellay à l’occasion de la naissance de Louis d’Orléans, second fils de Henri II, Rabelais prétend fournir un récit « extraict d’une copie des lettres escrites [au] Cardinal de Guise », alors qu’en fait il traduit, en la remaniant et en l’augmentant, la relation italienne d’un contemporain, Antonio Buonaccorsi. L’alibi épistolaire est entretenu dans le corps même du texte, puisque le narrateur se justifie d’abréger son entrée en matière par le souci de ne pas excéder « la juste quantité d’une epistre ». En réalité, il semble que cet alibi épistolaire cherche à inscrire le texte dans le genre de la lettre d’information (epistola nunciatoria) en général et de la lettre de Rome (Romsbrief) en particulier, pour mettre en avant son caractère apparemment véridique et factuel. Même si le souci de la datation et de la chronologie rapproche la Sciomachie de ce type de lettre, le récit s’assimile bien davantage à une lettre démonstrative par le recours aux répétitions symétriques, l’emploi de termes techniques ou les emprunts au latin, au grec ancien et à l’italien, en offrant au besoin des gloses en français courant. En outre, la composition même des descriptions, en particulier de la fausse forteresse construite pour le simulacre de bataille, répond très exactement à la méthode préconisée par Érasme dans son De conscribendis epistolis. C’est que l’alibi épistolaire cherche à donner à la propagande royaliste de la Sciomachie le caractère vraisemblable d’un compte rendu épistolaire d’individu à individu, même si, dans les faits, le récit est destiné au plus large lectorat.
Abstract
In publishing, under the title Sciomachie, an account of the festivities that Cardinal du Bellay had organized in Rome to celebrate the birth of Louis d’Orléans, second son of Henri II, Rabelais claims to supply an “extract of a copy of the letters written [to] Cardinal de Guise”, whereas what he is doing, in fact, is reworking and expanding the Italian report of a contemporary, Antonio Buonaccorsi. The epistolary alibi is continued in the body itself of the text, since the narrator justifies his overly brief introduction to the subject by citing a concern not to excede “the appropriate length of an epistle.” In reality, it would appear this epistolary alibi seeks to position the text within the genre of the letter of information (epistola nunciatoria) in general and the letter from Rome (Romsbrief) in particular in order to emphasize its apparently authentic and factual character. Even if the Sciomachie closely resembles this type of letter due to its preoccupation with dates and chronology, the narrative can be further considered a demonstrative letter because of its recourse to symmetrical repetitions and the use of technical terms or borrowings from Latin, ancient Greek and Italian, along with commentary provided as needed in standard French. Moreover, the very composition of the descriptions, particularly that of the fake fortress constructed for a simulated battle, corresponds quite closely to the method recommended by Erasmus in his De conscribendis epistolis. What the epistolary alibi aims to do is give the royalist propaganda of the Sciomachie the likely character of an epistolary account written from one individual to another, even if the narrative is in fact intended for a wider readership.