Résumés
Résumé
À deux reprises, dans Le philosophe anglais, Prévost met en scène une utopie fondée sur un transfert culturel. Les réformes imposées aux Abaquis par Cleveland, tout comme celles à l’origine de l’évolution des Nopandes, reposent sur l’inscription de la raison au sein de la sauvagerie américaine. Mais, chez les Abaquis, le transfert n’est opératoire qu’après que Cleveland se soit approprié leur culture pour la détourner à son profit et, chez les Nopandes, il constitue le point aveugle de leur passé. Dans le roman de Prévost, l’Autre est l’objet d’une expérience culturelle qui démonte la mécanique de l’aliénation des hommes. En même temps qu’il fait appel à la raison pour faire évoluer les Abaquis, Cleveland met à profit leurs superstitions pour asseoir son autorité, qu’il métamorphose alors en théocratie. Chez les Nopandes, l’aliénation, qui constitue le point aveugle de leur histoire, suggère l’impossibilité de tout transfert culturel. Ce que Prévost met finalement en doute, c’est la perfectibilité de l’homme. Ni la nature, toute bonne qu’elle est, ni la raison, si éclairée soit-elle, n’assurent le progrès de l’humanité.
Abstract
In his Le Philosophe anglais [The English Philosopher] (1731), Prévost depicts at two different times a utopia founded on cultural transfer. The reforms Cleveland imposes on the Abaquis, like those that set in motion the evolution of the Nopandes, depend on the imprint of reason in the minds of the native American Indians. But for the Abaquis, the transfer is operative only after Cleveland has appropriated their culture and manipulated it to his advantage, while for the Nopandes, it constitutes the blind spot of their past. In Prévost’s novel, the Other is the object of a cultural experience that dismantles the mechanism of human alienation. At the same time that he calls upon reason to spark the evolution of the Abaquis, Cleveland exploits their superstitions to establish his own authority, which he then transforms into a theocracy. For the Nopandes, alienation, the blind spot of their history, suggests the impossibility of any form of cultural transfer. In the end, what Prévost is questioning is the notion of the perfectibility of Man. Neither nature, however good, nor reason, however enlightened, assures the progress of humanity.