Résumés
Résumé
Genre le plus prolifique de la peinture, le portrait en est également l’origine puisque, selon un mythe remontant à Pline l’Ancien, c’est l’ombre portée d’un corps et sa délinéation qui déclencha l’invention des arts visuels. Or, là où l’histoire de l’art convient plutôt de la diversité du genre et rappelle que, de L’homme du puits du Paléothique jusqu’aux plus récents tableaux de Glenn Brown, le portrait n’omet aucune époque ni aucun style, la sémiotique peut, en s’attachant à un « modèle énonciatif », ambitionner d’établir son unité.
Tout d’abord, si le souci du portrait se partage historiquement entre la ressemblance et l’expressivité, la visée mimétique qu’il accomplit se conçoit plus fondamentalement comme un « effet de présence ». Il s’agit de faire « comme si l’autre, l’absent était ici et maintenant le même, non pas présence mais effet de présence », estime Louis Marin, qui reprend ainsi les termes du traité d’Alberti et assigne à la peinture la vocation de « rendre les absents présents ». À quoi tient alors le souffle de vie ? À certaines dispositions de la syntaxe figurative, à l’inscription particulière de la figure dans la profondeur de l’espace pictural, des données qui s’accordent pour constituer la présence sémiotique de l’absent. En s’attachant à porter le poids de présence sur le corps représenté, le dispositif du portrait convoque également la notion de rivalité actantielle et détermine la relation de la figure au fond.
On parvient ainsi à une définition sémiotique du portrait fondée sur trois instances, le visage, la tête puis le regard, qui restituent les conditions de la présence de l’autre. Car dans son effort pour incarner la figure actorielle et donner ce souffle de vie qui « rend présent » l’absent, le portrait restitue surtout une expérience affective par laquelle deux sujets se « destinent » l’un à l’autre.
Abstract
The most prolific of all genres of painting, portraiture is also the origin of painting, since, according to a myth dating back to Pliny the Elder, the shadow of a body and its delineation was what triggered the invention of the visual arts. Now, where art history agrees rather on the diversity of the genre and recalls that, from the Paleolithic Dead Man in Lascaux up to the latest paintings by Glenn Brown, portraiture encompassess all periods and styles, semiotics can, by adopting an “enunciative model”, attempt to establish its unity.
First of all, if the main concern of portraiture has historically been divided between resemblance and expressiveness, the mimetic aim it achieves is basically conceived as the “effect of presence.” The purpose is to act “as if the other, the absent one, were here and now the same, not a presence but an effect of presence,” maintains Louis Marin, who in so saying takes the terms of Alberti’s treatise and assigns to painting the vocation of “making the absent present.” Then to what do we owe the breath of life? To certain arrangements of figurative syntax, to the particular representation of the figure in the depth of the pictural space, of the data that come together to make up the semiotic presence of the absent one. By endeavoring to make the body represented bear the burden of presence, the portrait design also summons the notion of actantial rivalry and determines the relationship of the figure to the background.
We arrive then at a semiotic definition of portraiture that is based on three essential points — the face, the head and the gaze, all of which reproduce the conditions for the presence of the other. For in its effort to incarnate the actorial figure and give it the breath of life that “makes present” one who is absent, the portrait reproduces above all an emotional experience by which two subjects “become destined” to each other.