Résumés
Résumé
La prévalence de la syllogomanie (ou trouble d’accumulation compulsive) est plus importante chez les personnes âgées de 55 ans et plus. Les proches qui soutiennent ces aînés exercent l’aidance dans un contexte où le vieillissement et le trouble mental sont en interaction. Peu d’études se sont intéressées à ce contexte spécifique de la proche aidance. Cette recherche visait à connaître les enjeux personnels et sociaux rencontrés par les personnes proches aidantes (PPA) des personnes accumulatrices. Nous avons fait appel à un devis qualitatif et recueilli les témoignages de 11 PPA de personnes aînées composant avec une problématique d’accumulation et de 8 intervenantes sociales au cours d’entretiens individuels. Les résultats indiquent que l’interaction du vieillissement et de ce trouble mental amène une charge importante pour les PPA et des inquiétudes spécifiques, ainsi que le développement de stratégies visant à préserver le « soi » dans leur cheminement et à travers l’aidance. Les travailleurs sociaux peuvent jouer un rôle clé pour favoriser le bien-être des PPA. Plus largement, il importe d’instaurer concrètement une « culture de la bientraitance » à l’égard des PPA dans nos sociétés.
Mots-clés :
- syllogomanie,
- accumulation,
- proche aidance,
- impacts psychosociaux,
- vieillissement,
- santé mentale
Abstract
The prevalence of hoarding disorders is greater amongst people of age 55 and up. Relatives who support these seniors provide care in a context where aging and other mental disorders interact. Few studies have addressed this specific context of caregiving. The objective of this research was to shed light on personal and social issues experienced by hoarder’s close caregivers. Using a qualitative design, through individual interviews, we gathered testimony from eleven caregivers for seniors dealing with hoarding and eight social workers. Our results indicate that the interaction between aging and this mental disorder brings about considerable burden and specific concerns to close caregivers, as well as the development of strategies for “self preservation” throughout their pathway and in the caregiving. Social workers can play a key role to foster the well-being of close caregivers. In a broader perspective, it is important to instill, in concrete terms, a “culture of benevolence” in favor of close caregivers in our societies.
Keywords:
- hoarding,
- caregiving,
- psychosocial impacts,
- aging,
- mental health
Corps de l’article
Introduction
La syllogomanie est un diagnostic distinct dans la cinquième version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (mieux connu sous son appellation anglaise Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, ou DSM) (voir American Psychiatric Association, 2015). Cette nouvelle entité nosologique consiste en une difficulté à se départir d’objets, indépendamment de leur valeur, ce qui entraîne un encombrement du domicile qui amène une altération du fonctionnement social. Dans ce tableau clinique, le besoin de conserver les biens est indissociable de la souffrance ressentie à l’idée de s’en départir, ou au moment de s’en départir. La syllogomanie affecterait de 2 % à 6 % des populations occidentales, la proportion étant plus importante chez les personnes âgées de 55 ans et plus, soit d’environ 6 %[1]. Les comportements d’accumulation apparaissent généralement à l’adolescence ou au début de l’âge adulte, mais s’aggraveraient à chaque décennie, ce qui explique que les proportions soient plus importantes chez les personnes âgées (Bratiotis, 2009 ; Tompkins, 2015). Ainsi, les événements et transitions qui marquent le vieillissement peuvent contribuer à l’amplification des comportements d’accumulation : par exemple l’insécurité financière engendrée par la retraite, le besoin de chercher une occupation valorisante ou le fait de vivre des pertes ou des deuils (Eckfield et Wallhagen, 2013 ; Steketee, Schmalisch, Dierberger, DeNobel, et Frost, 2012). L’encombrement du domicile résultant de l’accumulation, qui survient alors qu’apparaissent des problèmes de santé physique ou un déclin fonctionnel, augmente d’autant les risques de blessures ou de chutes. Il interfère aussi dans les capacités de la personne âgée de répondre à ses besoins de base, comme se laver ou prendre sa médication adéquatement (Ayers et Dozier, 2014 ; Tompkins, 2015). De plus, l’encombrement peut devenir un obstacle à l’accès aux services à domicile, tels les services d’hygiène ou de préparation des repas (Kim, Steketee, et Frost, 2001), en raison de l’état du milieu de vie qui peut être jugé non sécuritaire pour les professionnels. Ces réalités se produisent dans un contexte sociosanitaire où les critères des programmes destinés aux personnes âgées (p. ex. : programmes de soutien à domicile) peinent à intégrer simultanément les phénomènes du vieillissement et de la maladie mentale (Dallaire, McCubbin, et Provost, 2010 ; MacCourt, 2013).
Les différents phénomènes rattachés à l’encombrement du domicile
Dans les milieux d’intervention et dans les écrits scientifiques, l’encombrement du domicile est considéré comme étant la manifestation de différents phénomènes tels que l’autonégligence ou le syndrome de Diogène[2]. Le fait que les conséquences de l’autonégligence, du syndrome de Diogène et de la syllogomanie puissent être les mêmes fait qu’il peut être difficile de les distinguer. Cela fait aussi que les terminologies associées à chacun de ces phénomènes sont souvent utilisées de façon interchangeable (Calvé, Beaulieu et Pelletier, 2016 ; Neesham-Grenon, 2012). Par ailleurs, spécifiquement au Québec, le terme de « trouble d’accumulation compulsive (TAC) » est aussi utilisé par la majorité des intervenantes[3], particulièrement dans le champ de la santé mentale[4]. Dans le cadre de notre recherche, nous avons donc privilégié la terminologie de « problème (ou problématique) d’accumulation », puisque l’appellation fait consensus chez les actrices concernées.
Soutenir une personne composant avec une problématique d’accumulation
Être le proche d’une personne accumulatrice[5] amène des conséquences sur les plans personnel et relationnel. L’encombrement du milieu de vie peut être une source de honte pour les personnes accumulatrices et devenir un obstacle aux contacts avec les proches (que l’on n’ose plus inviter chez soi), aux rassemblements familiaux et au maintien de liens entre les membres de la famille (Moreau, 2016 ; Ong, Pang, Sagayadevan, Chong et Subramaniam, 2015 ; Sampson, 2013a). Par leur proximité avec la personne accumulatrice, les personnes proches aidantes (PPA) peuvent aussi vivre de la honte liée au problème d’accumulation et craindre d’être également stigmatisées « par association » (voir Goffman, 1963). Cela peut amener les PPA à éviter elles aussi certains contacts sociaux et les dissuader d’aller chercher du soutien (Sampson, 2013a ; Wilbram, Kellett et Beail, 2008). On note aussi que certaines PPA de personnes âgées accumulatrices vivent des émotions semblables à celles qui marquent les expériences vécues par les PPA de personnes composant avec un trouble mental grave : une crainte de développer elles-mêmes un problème similaire (dans ce cas, l’accumulation compulsive), de la tristesse et de la colère à l’égard de la personne aidée et des attitudes de rejet à son égard (Panicker et Ramesh, 2019 ; Park, Lewin et Storch, 2014 ; Rees, Valentine et Anderson, 2018 ; Sampson, 2013a ; Tolin, Frost, Steketee et Fitch, 2008).
Comme c’est le cas pour les personnes âgées et celles qui vivent avec un trouble mental, les membres de la famille sont souvent les premiers désignés pour apporter un soutien aux personnes accumulatrices, les échantillons des études les concernant étant majoritairement composés des enfants, suivis par les partenaires de vie, les parents, la fratrie et les autres membres de la famille (Drury, Ajmi, Fernández de la Cruz, Nordsletten et Mataix-Cols, 2014 ; Park et al., 2014 ; Rees et al., 2018 ; Sampson, 2013a ; Statistique Canada, 2020 ; Wilbram et al., 2008). Vu les multiples besoins découlant de la maladie mentale et du vieillissement, les PPA sont appelés à assumer plusieurs responsabilités, comme la gestion de la médication et des rendez-vous médicaux, l’entretien ménager, etc. (Park et al., 2014 ; Wilbram et al., 2008). De plus, ces PPA doivent souvent composer avec un manque de reconnaissance du problème et un refus de recevoir de l’aide chez la personne accumulatrice, ce qui peut complexifier l’aidance et augmenter les conséquences fâcheuses pour la personne aînée, tel le risque d’éviction (Park et al., 2014 ; Rees et al., 2018 ; Sampson, 2013a ; Tompkins, 2015)[6]. Par ailleurs, le problème d’accumulation amène des inquiétudes liées aux risques d’incendie, ou encore à la gestion des biens à la suite du décès de la personne accumulatrice (Rees et al., 2018 ; Sampson, Yeats et Harris, 2012 ; Tompkins, 2015). Les études réalisées à ce jour indiquent que le fait de soutenir une personne accumulatrice exige des efforts importants afin de réussir à concilier les différentes sphères de vie (famille, travail, etc.), ce qui est une source de stress qui augmente chez les PPA le risque de développer un trouble anxieux ou dépressif (Drury et al., 2014 ; Park et al., 2014). À cet égard, l’avancement en âge de la personne accumulatrice serait un facteur déterminant quant aux impacts négatifs sur le bien-être et le fonctionnement social des PPA (Drury et al., 2014).
Notons qu’au Québec, la proche aidance s’inscrit dans un contexte sociopolitique néolibéral où le soutien aux personnes composant avec des incapacités repose en grande partie sur les familles et les proches (Grenier, Marchand et Bourque, 2021 ; Guberman et Lavoie, 2012). De plus, en ce qui a trait plus spécifiquement aux personnes aînées composant avec un trouble mental, il appert que malgré les différentes réformes, les services sociosanitaires publics (programmes de soutien à domicile et programmes de santé mentale) continuent de fonctionner « en silo » et donc peinent à intégrer simultanément les phénomènes du vieillissement et du trouble mental, et que la rigidité de certains critères d’admissibilité aux services exclut certaines personnes aînées des services (Moreau et Dallaire, 2020 ; Villeneuve, 2013). Ce contexte vient donc amplifier la charge qui échoit aux PPA, lesquelles doivent pallier le manque de services et de ressources (MacCourt, Wilson et Tourigny-Rivard, 2011).
L’autocompassion et des environnements bientraitants : deux clés essentielles pour la bientraitance des PPA
Les PPA des personnes accumulatrices peuvent adopter différentes stratégies pour s’adapter à la problématique d’accumulation. Elles peuvent agir directement sur le problème, par exemple en tentant de diminuer l’encombrement ou l’acquisition de biens chez la personne accumulatrice (Wilbram et al., 2008 ; Sampson, 2013a). Cependant, l’encombrement peut vite réapparaître, ce qui est une source de découragement pour les PPA (Sampson, 2013a ; Rees et al., 2018). Certaines vont donc plutôt tenter d’accepter la situation (Rees et al., 2018). L’acceptation est une composante de l’autocompassion et peut diminuer la détresse psychologique chez les PPA (Dunkley-Smith, Reupert, Ling et Sheen, 2021). L’autocompassion réfère à la capacité d’accueillir sa propre souffrance (plutôt que de l’éviter ou de tenter de s’en détacher), ce qui amène un désir de l’apaiser et de se soigner avec douceur. Elle implique une compréhension sans jugement de sa douleur, de ses imperfections et échecs, le vécu étant vu de façon plus large comme une partie de l’expérience humaine (Neff et Germer, 2017). L’autocompassion est reconnue comme favorisant la résilience et a déjà été identifiée comme un aspect significatif dans la gestion du stress et la résilience chez les PPA des personnes atteintes de démence (Susan May, Mioshi et Killett, 2019). La pratique de l’autocompassion est dans la ligne des interventions d’autogestion en santé mentale, qui permettent aux personnes d’augmenter leurs capacités et d’utiliser leur pouvoir d’agir afin de favoriser leur bien-être (McCusker et al., 2017). Notons qu’en raison de leurs multiples responsabilités et de leur souci du bien-être de la personne aidée, les PPA peuvent malgré elles avoir tendance à s’oublier ou à dépasser leurs limites, d’où l’importance qu’elles prennent aussi soin d’elles-mêmes (Cummings et Kropf, 2015 ; Dunkley-Smith et al., 2021 ; Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale, 2013).
Cependant, la bientraitance des PPA va au-delà de leurs compétences personnelles. Comme nous l’avons souligné plus haut, la structure des services sociosanitaires québécois peine à répondre à l’ensemble des besoins des personnes aînées composant avec un trouble mental, ce qui contribue au fardeau des PPA (Benoit, Lévesque et Perron, 2021 ; Éthier et al., 2020 ; Moreau et Dallaire, 2020). À cet égard, la première politique québécoise sur la proche aidance, dévoilée en 2021, constitue une avancée notable, notamment en raison de l’accent mis sur la bientraitance à l’égard des PPA. Celle-ci s’actualise à travers une meilleure reconnaissance et un soutien aux PPA afin de permettre à celles-ci de maintenir leur santé, leur bien-être et de diminuer les risques de précarisation financière et d’appauvrissement inhérents à la proche aidance (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2021). Concrètement, cela implique de « prendre soin » (Éthier, 2020, p. 44) des PPA en offrant des soins et des services adaptés aux besoins de la personne aidée et à ceux de la PPA durant tout le parcours de soins (Éthier, 2020 ; MSSS, 2021).
Pertinence et objectifs d’une étude québécoise ancrée dans la perspective du travail social
Les études réalisées à ce jour concernant les familles et les PPA des personnes accumulatrices nous aident à mieux comprendre les réalités des PPA engagées auprès de personnes accumulatrices âgées, mais elles demeurent peu nombreuses[7]. Ces études, majoritairement réalisées dans d’autres contextes que celui du Canada ou du Québec, s’inscrivent dans le domaine de la psychologie et sont majoritairement fondées sur des devis quantitatifs. Par ailleurs, aucune de ces études ne portait une attention spécifique à l’interaction entre le vieillissement et la problématique d’accumulation, non plus qu’à ses impacts pour les PPA. Parce qu’elle aborde ces phénomènes à partir de la perspective du travail social, qu’elle est fondée sur des méthodologies qualitatives et qu’elle met un accent particulier sur l’interaction du vieillissement et du trouble mental dans l’expérience des PPA, notre étude apporte un éclairage innovant sur ces réalités. En particulier, elle explore les enjeux personnels et sociaux rencontrés par les PPA québécoises des personnes âgées composant avec une problématique d’accumulation. Ainsi, cette recherche avait pour objectif de mieux connaître les réalités des PPA et était fondée sur la question suivante : quels sont les enjeux personnels et sociaux rencontrés par les PPA québécoises des personnes âgées composant avec une problématique d’accumulation ?
Cadre d’analyse
Les résultats et analyses présentés dans le présent article concernent des thèmes « émergents » (donc non prévus dans notre grille de codification au départ) issus de nos collectes. S’il était prévu d’aborder les impacts du problème d’accumulation et de la proche aidance auprès des participantes, certains témoignages recueillis ont aussi mis en lumière des dimensions davantage phénoménologiques, donc qui concernent les PPA elles-mêmes : leur vécu, leur histoire relationnelle avec la personne accumulatrice et leurs stratégies pour se préserver. Les analyses présentées ici partent donc du point de vue des personnes sur leur expérience, afin d’avoir une meilleure compréhension de leurs réalités (Ntebutse et Croyere, 2016).
Notre cadre d’analyse se fonde également sur le cadre analytique développé par Erving Goffman (1963, 1973, 1974), en particulier sur le concept de stigmate qui s’est avéré central dans nos analyses. Le stigmate est un attribut (dans le cas qui nous intéresse, il s’agit de la problématique d’accumulation) qui peut amener le discrédit sur la personne qui le porte lorsqu’elle est en interaction avec autrui. Selon Goffman, il existe trois types de stigmates : les « abominations » du corps (les déformations physiques), les imperfections de caractère (les troubles mentaux, les comportements criminels ou de consommation) et les stigmates tribaux, qui réfèrent à la race, à la nationalité (ou l’ethnicité) et à la religion. Ainsi, les personnes âgées composant avec un trouble mental comme une problématique d’accumulation peuvent être doublement stigmatisées, vu la présence simultanée du vieillissement et du trouble mental, lesquels sont porteurs de préjugés dans notre société. Par leur lien avec la personne stigmatisée, les PPA peuvent aussi être contraintes de partager le fardeau lié au stigmate, ce que Goffman appelle la stigmatisation par association (Goffman, 1963). Tant le stigmate direct (duquel on peut être soi-même affligé) que le stigmate indirect (porté par un proche) seraient attribués, subis, évités ou « négociés » à travers les interprétations individuelles et les interactions au quotidien. Or, la subjectivité (le point de vue de la personne stigmatisée) et l’intersubjectivité (la rencontre entre différents points de vue) étant indissociables dans la pensée goffmanienne, on conçoit aisément qu’une analyse phénoménologique apporte un complément nécessaire afin de bien saisir les réalités concernant les problématiques à fort potentiel de stigmatisation, telle l’accumulation compulsive (Giorgi, 1997 ; Ntebutse et Croyere, 2016). C’est sur cet aspect que nous attirons l’attention dans cet article.
Dans le cadre de cette étude, qui s’intéressait spécifiquement aux réalités des PPA impliquées auprès de personnes aînées composant avec une problématique d’accumulation, le concept de vieillissement est donc central. Le vieillissement peut se caractériser par des changements biologiques et sociaux, comme un déclin fonctionnel ou la perte de rôles sociaux (Vercauteren, 2010). Il s’agit également d’une construction sociale, en ce sens qu’il est lié à des perceptions et des attentes normatives concernant les personnes aînées : certaines mettent en avant le déclin et les pertes (la « fragilité » et la « dépendance »), alors que d’autres impliquent au contraire une injonction à préserver le plus longtemps possible certains attributs associés à la jeunesse (le « vieillissement actif » et la « vieillesse réussie »). Dans nos sociétés occidentales où la jeunesse est grandement valorisée, les marqueurs physiques qui accompagnent le vieillissement du corps (p. ex. le fait d’avoir des cheveux gris, des rides ou encore celui d’utiliser une canne) peuvent contribuer à marginaliser ou stigmatiser les personnes qui les portent (Grenier et Ferrer, 2010 ; Vercauteren, 2010). Ainsi, les aînés composant avec un trouble mental peuvent être perçus à la fois comme étant « vieux » et « fous » et être doublement stigmatisés (Aubin et Dallaire, 2018 ; Dallaire, McCubbin, Provost, Carpentier et Clément, 2010). Dans le cas qui nous intéresse, l’encombrement du milieu de vie, le fait de ne pas répondre aux standards sociaux par rapport à l’entretien de son domicile et le déclin fonctionnel constituent les attributs qui stigmatisent les personnes âgées et leurs proches.
Méthodologie
Cette étude qualitative, qui comprenait un volet exploratoire (Deslauriers, 2005), visait à mieux comprendre les réalités personnelles et sociales des PPA impliquées auprès de personnes âgées composant avec un problème d’accumulation. Des entretiens individuels auprès de 11 PPA et 8 intervenantes sociales[8] des régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches ont été réalisés par la chercheure principale. La combinaison de ces sources de données nous a permis d’explorer les convergences et divergences d’interprétation constatées auprès des protagonistes. Les intervenantes sociales, en plus de pouvoir nous relater leurs propres expériences, étaient en mesure de nous rapporter celles des PPA qu’elles avaient côtoyées dans leur pratique, ce qui nous a permis d’avoir accès à une diversité d’expériences et ainsi d’avoir une compréhension enrichie des réalités des PPA et de leurs contextes (Laperrière, 1997 ; Yin, 2013).
Les critères d’inclusion établis pour les PPA étaient : 1) être âgée de 18 ans ou plus ; 2) résider dans la région de Québec ; 3) être une PPA d’une personne âgée de 55 ans et plus vivant un problème d’accumulation au moment de l’entrevue, ou l’avoir été au cours des deux dernières années. Les critères d’inclusion pour les intervenantes sociales étaient : 1) être un(e) intervenant(e) détenant une formation en travail social, éducation spécialisée ou psychoéducation ; 2) pratiquer, ou avoir pratiqué durant les deux dernières années, auprès de personnes âgées de 55 ans et plus composant avec un problème d’accumulation et de leurs PPA (dans le réseau public, communautaire ou privé), dans la région de Québec. Les tableaux 1 et 2 présentent les caractéristiques des participantes.
Le projet de recherche fut approuvé par le Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval. Le recrutement a été réalisé d’octobre 2019 à juillet 2020, par l’intermédiaire d’organismes destinés aux PPA, des journaux locaux, des réseaux sociaux, ainsi que de courriels diffusés par l’Université Laval et l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. Par la suite, les PPA et les intervenantes sociales intéressées par l’étude ont pu entrer en contact avec la chercheure principale. Les personnes qui étaient admissibles à l’étude ont signé un formulaire de consentement et les entretiens ont été enregistrés sous format audio.
Les guides d’entrevue abordaient les thèmes de la proche aidance, des représentations du problème d’accumulation, des interactions avec la personne aidée et les autres acteurs, ainsi que des services. Le matériel a fait l’objet d’une analyse de contenu thématique soutenue par le logiciel NVivo 12. Nous avons d’abord procédé à une première analyse verticale des entretiens. Après avoir codé les thèmes d’un nombre suffisant d’entretiens qui abordaient l’ensemble des thèmes, nous avons soumis notre grille de codification à un test d’accord interjuges appliqué à un sous-échantillon de transcriptions, afin de s’assurer que les thèmes respectaient les critères d’homogénéité, de pertinence, d’exclusivité mutuelle, de fidélité et de productivité (Bardin, 2007). Cela nous a permis de clarifier et fusionner certains thèmes. Par la suite, nous avons procédé à l’analyse transversale des données.
Résultats
Les résultats présentés concernent les perceptions et le vécu des PPA des personnes âgées composant avec une problématique d’accumulation. Une première partie exposera les perceptions des PPA quant à la problématique d’accumulation. Une seconde partie portera sur les impacts émotionnels et comportementaux de la problématique d’accumulation chez les PPA. En troisième lieu, nous aborderons les impacts qu’a la problématique d’accumulation sur les relations sociales des PPA. Enfin, nous présenterons les stratégies des PPA pour composer avec la problématique d’accumulation et leur rôle d’aidantes.
Perceptions de l’encombrement et impacts sur les PPA
Huit PPA et deux intervenantes se sont exprimées sur l’état du domicile de la personne accumulatrice. Chez cinq participantes, la description de l’environnement était teintée d’expressions qui reflétaient le caractère démesuré du problème d’accumulation à leurs yeux : « Puis des livres de recette, je pense qu’il devait y en avoir 200, alors qu’elle n’a jamais cuisiné. C’était vraiment complètement débile. » (PPA 7) Le manque d’espace causé par l’encombrement a été relevé par cinq participantes ; pour les PPA qui cohabitaient avec la personne accumulatrice (n = 2), l’impossibilité de se servir de certaines pièces dans leur quotidien (p. ex. : pour cuisiner, se détendre, lire, etc.) a été relevée comme étant problématique. D’ailleurs, l’une de ces participantes était au début de l’âge adulte et considérait que l’encombrement dans le domicile était un obstacle dans le développement de son autonomie, car le manque d’espace l’empêchait de s’exercer à faire des activités domestiques comme cuisiner ou faire la vaisselle, ce qui l’amenait à anticiper le moment où elle quitterait le nid familial pour aller vivre en appartement. Enfin, une seule participante a fait part d’un aspect positif lié à l’encombrement du domicile de sa mère, expliquant qu’elle et sa famille avaient été heureuses d’avoir retrouvé des souvenirs lors de la gestion des biens de la personne accumulatrice après son décès.
Les impacts émotionnels et comportementaux
L’un des principaux impacts du problème d’accumulation pour les PPA semble être le lot d’émotions négatives qu’elles sont appelées à vivre, puisque 10 PPA et 7 intervenantes en ont fait mention (n = 17/19). Ainsi, 11 participantes ont fait état des inquiétudes éprouvées par les PPA. L’inquiétude la plus fréquente était liée aux risques d’incendie et à la crainte que la personne accumulatrice ne soit pas en mesure de quitter les lieux en cas d’urgence (n = 5). Suivaient les inquiétudes liées à la gestion des biens de la personne accumulatrice advenant son décès (n = 4) : « Même moi à un moment donné j’ai paniqué pis j’ai dit : “Hey ! Si ma mère à un moment donné elle meurt, là, j’veux pas ça. J’fais quoi moi avec ça là ?” J’saurais même pas quoi faire avec ça, j’ai l’impression qu’il faudrait louer trois bennes à ordures pour l’intérieur et l’extérieur. » (PPA 8) Comme l’illustre cet extrait, ces PPA ne savaient pas ce qu’elles feraient de tous les biens et avaient le sentiment que de devoir en disposer constituerait une charge importante. Des inquiétudes liées aux conséquences possibles découlant des avis des propriétaires ou des services municipaux ont aussi été rapportées par deux participantes. Les autres inquiétudes évoquées par les PPA concernaient la crainte que le problème d’accumulation prenne de l’ampleur, que la personne accumulatrice fasse une chute, de créer une perte pour la personne accumulatrice en quittant le milieu de vie partagé avec elle et que la personne accumulatrice ne reçoive plus d’aide si la PPA n’était plus en mesure d’exercer son rôle d’aidante.
Des sentiments de colère, de frustration, d’amertume et de tristesse ont aussi été exprimés par sept participantes. Ces sentiments pouvaient être présents même si certaines des PPA concevaient le problème d’accumulation comme étant la manifestation d’un trouble mental : « On dirait que c’est comme si j’avais tout le temps un petit bassin d’amertume. […] Je le sais que ce n’est pas sa faute tu sais. » (PPA 8) Deux intervenantes ont expliqué que les sentiments de colère des PPA pouvaient être liés à une incompréhension ou à un sentiment d’impuissance devant la situation : « Les gens, ils se sentent souvent impuissants face à ça. Il y a beaucoup de colère au début. […] Ils se sentent dépassés, ils ne comprennent pas. » (Travailleuse sociale, CIUSSS) Pour ce qui est de la tristesse, les PPA disaient en éprouver en raison de l’état du milieu de vie de la personne accumulatrice, de la honte que cette dernière pouvait ressentir et du fait de devoir jeter les biens de la personne accumulatrice à la suite de son décès.
L’essoufflement et l’épuisement engendrés par la proche aidance ont été relevés par cinq participantes. Trois PPA ont confié que leur rôle était « lourd », « submergeant » ou « décourageant », que ce soit lié aux exigences qu’il comporte pour l’aide instrumentale (p. ex. : gestion financière, négocier pour diminuer l’acquisition de biens lors des emplettes) ou à la gestion de la détresse de la personne accumulatrice : « Je regarde sa liste, puis je suis bien découragée. Il faut que je lui parle, puis là, ça ne marche pas […]. Tu sais, c’est comme une lourdeur mentale que je me passerais. » (PPA 11)
Les autres émotions vécues et rapportées par les PPA étaient la honte (n = 2), le stress lié à la relocalisation de la personne accumulatrice (n = 1), la souffrance liée à l’histoire relationnelle avec la personne accumulatrice (n = 1), le sentiment de vivre la situation la plus difficile à avoir été vécue (n = 1), le malaise lié aux interventions des services municipaux (n = 1) et au fait d’annoncer à la personne accumulatrice qu’elle devra quitter son domicile (n = 2).
Quatre PPA ont mentionné qu’être proche d’une personne accumulatrice faisait que dans leur propre quotidien elles se situaient « à l’opposé » ou « au contraire » du problème d’accumulation : « C’est comme si de voir ça [l’encombrement], ça me rend le contraire. Comme si j’avais envie de tout jeter. » (PPA 2) D’ailleurs, deux PPA ont expliqué que lorsqu’elles désencombraient le milieu de vie de la personne accumulatrice et leur propre domicile, elles en retiraient du bien-être ou du plaisir. Ces PPA ont expliqué qu’elles jetaient régulièrement leurs biens (parfois trop rapidement), qu’elles veillaient à ne pas accumuler trop de choses et à maintenir leur propre environnement très ordonné : « J’ai grandi dans le TAC [trouble d’accumulation compulsive], mais moi je suis à l’extrême. Chez nous c’est parfaitement ordonné, je suis tombée à l’opposé. Moi je suis très à l’ordre. Je jette tellement que des fois je jette trop vite. […] Je n’accumule rien, je jette tout ! Moi quelque chose qui me trotte dans la tête c’est de ne pas accumuler. » (PPA 4) Deux participantes ont expliqué que ces comportements étaient des « réactions » face au problème d’accumulation et une autre PPA a verbalisé agir de la sorte par crainte de devenir comme la personne accumulatrice. Contrairement à ces participantes, une autre PPA pensait que le fait que son conjoint (fils de la personne accumulatrice) ait grandi dans un environnement encombré lui avait laissé un « héritage » et qu’il était moins préoccupé par le rangement, sans qu’il ait pour autant un problème d’accumulation.
Les impacts de la problématique d’accumulation sur les relations sociales des personnes proches aidantes
Neuf PPA ont témoigné du fait que la problématique d’accumulation avait ou avait eu des répercussions sur leur vie sociale ; parmi elles, sept ont rapporté qu’elle avait des conséquences directes sur leur relation avec la personne accumulatrice. Elles ont mentionné que la problématique était un obstacle quand il s’agissait d’aller chez la personne accumulatrice, ou qui retenait celle-ci de leur rendre visite, ou encore qui les empêchait de recevoir des visiteurs, lorsqu’elles cohabitaient avec la personne. Pour les PPA qui ne cohabitaient pas avec la personne accumulatrice, le manque d’espace causé par l’encombrement pouvait complexifier la planification de leurs rencontres (p. ex. : impossibilité de cuisiner avec la personne accumulatrice ou de s’assoir avec elle pour partager un repas) : « Pis aussi, de pas pouvoir aller la voir. De pas pouvoir aller vivre des choses avec elle, chez elle. […] C’est des moments que j’aimerais ça vivre avec ma mère, mais que j’peux pas vraiment à cause que… À cause qu’y’a juste trop de stock. » (PPA 6) Pour une PPA qui avait des enfants en bas âge, le fait de rendre visite à la personne accumulatrice était une source de stress et demandait de la préparation afin de s’assurer que les enfants ne touchent pas à tout. D’autre part, cette PPA se disait triste de refuser l’aide que lui offrait la personne accumulatrice pour le gardiennage (en raison des enjeux de sécurité liés à l’encombrement), car elle avait l’impression de refuser la complicité que la personne accumulatrice développait avec ses enfants : « C’est difficile de refuser cette belle complicité là qu’y’ont avec mes filles, parce que… C’est trop, c’est trop… C’est trop cumulé, y’a trop de choses. Faque c’est difficile, c’est vraiment difficile. » (PPA 5)
La majorité des PPA de notre échantillon étant des enfants adultes de personnes accumulatrices, certaines ont spontanément abordé la question des impacts de la problématique d’accumulation sur leur vie sociale depuis leur enfance. Une PPA a expliqué que durant son enfance, alors qu’elle n’était pas consciente du problème d’accumulation de sa mère, cette dernière ne voulait pas qu’elle invite des amis, ce qui avait pour conséquence qu’elle en avait peu. C’est d’ailleurs lorsqu’elle avait commencé à se rendre chez des amis qu’elle avait réalisé que la maison familiale n’était « pas normale » : « Parce que j’invitais pas d’amis, pis ma mère voulait pas non plus que j’invite des amis. Faque t’sais veut veut pas, j’avais pas tellement d’amis. Faque à cet âge-là je réalisais pas que ma maison était pas normale. C’est en étant plus vieille que là tu vas chez des amis, tu fais comme : bin c’est dont bin propre ! » (PPA 8)
Deux autres PPA ont mentionné que la problématique d’accumulation avait eu des impacts durant leur adolescence. L’une d’elles a expliqué avoir vécu un sentiment d’injustice et un manque, dus aux choix faits par sa mère en raison du problème d’accumulation : « […] C’était là-dessus que j’avais trouvé ça dur, fait que je disais : “Maman, c’est parce que tu dépenses à Québec Loisirs puis à Super Écran pour des affaires que ce n’est même plus utile, puis qu’on a en quantité industrielle, puis que ce n’est même pas des choses essentielles pour notre survie. Mais en bout de ligne, tu sais, je ne peux pas m’inscrire à une activité avec des amis.” […] Fait que c’était un peu là, l’injustice que je vivais […] » (PPA 9) L’autre participante a expliqué qu’elle craignait que ses amis viennent la chercher chez son père et d’être jugée sur la base de l’apparence de l’appartement de celui-ci. Pour deux participantes ces craintes perduraient à l’âge adulte et étaient intimement liées à un sentiment de honte. Ces deux PPA ont mentionné insister auprès de leurs amis pour éviter qu’ils leur assurent un transport jusqu’au domicile de la personne accumulatrice, ne pas recevoir de visiteurs chez la personne accumulatrice et faire en sorte que leur partenaire de vie ne voie pas le milieu de vie de la personne accumulatrice : « Pis t’sais j’ai un nouveau copain depuis peu puis… Ha ouin, faut j’y présente mon père ! Mais t’sais… Ça s’ra pas chez lui là. J’veux pas l’amener là, il va faire comme : “Hou-hou… !” » (PPA 3)
Les stratégies adoptées par les personnes proches aidantes : de l’action sur la problématique d’accumulation à l’autocompassion
Six PPA et deux intervenantes ont mentionné que les PPA agissaient directement sur la problématique d’accumulation et jetaient parfois certains biens de la personne accumulatrice en sa présence (n = 4) ou à son insu (n = 5), par exemple lorsqu’elle partait en voyage ou se trouvait dans une autre pièce (n = 5). Les objectifs des PPA étaient de retrouver plus d’espace (lorsqu’elles cohabitaient avec la personne accumulatrice) ou d’aider la personne accumulatrice à limiter l’encombrement chez elle. Certaines ont mentionné le faire parce qu’elles savaient combien il était difficile pour la personne accumulatrice de se départir de ses biens : « Mais c’est juste qu’à un moment donné ça va l’exposer inutilement à se poser des questions pis à ceci, pis à cela. J’le sais là, en mon âme et conscience, j’le sais qu’elle en a pas de besoin. J’le sais qu’elle s’en servira pas. Pis euh… J’y rends service. » (PPA 7)
Cependant, deux PPA ont mentionné qu’elles-mêmes ou des tiers avaient désencombré trop rapidement le milieu de vie de la personne accumulatrice, ou l’avaient fait avec une attitude teintée d’agressivité. Ces deux participantes considéraient qu’il fallait éviter cette stratégie et une PPA a précisé que lorsqu’elle l’avait utilisée, elle croyait à l’époque que jeter était « facile » et qu’elle « faisait la bonne chose ».
Afin de diminuer l’ampleur de la problématique d’accumulation, deux PPA ont mentionné utiliser des stratégies pour diminuer l’acquisition de biens chez la personne accumulatrice, par exemple en demandant aux membres de la famille de cesser d’apporter une grande quantité de cadeaux ou en utilisant la « carte du don » afin d’inciter la personne accumulatrice à accepter de donner ses biens au bénéfice d’autrui.
Par ailleurs, trois PPA ont évoqué leurs stratégies personnelles pour composer avec leur rôle d’aidante. Ainsi, une participante a dit s’écrire une lettre chaque année dans laquelle elle s’engageait à s’aider elle-même, vu les énergies exigées par son rôle. Une autre PPA a mentionné se rappeler les motivations de ses actions (éviter des problèmes à la personne accumulatrice) et exercer la pleine conscience. Enfin, une dernière participante a rapporté qu’elle s’encourageait par le contenu de son discours intérieur.
Les deux PPA qui cohabitaient avec la personne accumulatrice ont dit partir du domicile et se trouver d’autres lieux (restaurant, bibliothèque) pour socialiser ou réussir à travailler. Cependant, ces participantes rapportaient vivre un inconfort à utiliser ces stratégies puisque durant ces moments la personne accumulatrice se retrouvait seule, ce qui pouvait comporter des risques, en raison de son déclin fonctionnel ou de son état psychologique.
Discussion
Cette recherche visait à mieux comprendre les réalités personnelles et sociales des PPA des personnes âgées composant avec une problématique d’accumulation, en s’intéressant particulièrement à l’interaction entre les réalités du vieillissement et celles relevant de la maladie mentale. Nous avons présenté ici les thèmes émergents issus des entretiens, donc qui concernaient des aspects qui n’étaient pas prévus dans notre grille de codification au départ. Malgré certaines limites inhérentes au devis méthodologique utilisé (notamment le nombre restreint de participantes, le fait que les collectes ont été réalisées seulement dans deux régions du Québec et un possible biais d’autosélection), notre démarche fournit un éclairage sur des perspectives rarement exprimées. La richesse des témoignages recueillis ouvre sur une compréhension enrichie des expériences vécues par les PPA. Tout en s’accordant avec les études réalisées antérieurement, les résultats présentés ici vont plus loin, car ils montrent que la conjonction du vieillissement et des problématiques de santé mentale (ici, la problématique d’accumulation) amène aux PPA des inquiétudes spécifiques et une charge importante.
La proche aidance à la jonction du vieillissement et du trouble mental : la centralité de la charge émotionnelle
Nos résultats mettent en lumière le fait que les multiples inquiétudes des PPA constituent une charge importante pour elles et que celles-ci peuvent tout autant être liées au déclin fonctionnel découlant du vieillissement qu’à l’état psychologique de la personne accumulatrice (p. ex. : incapacité physique de la personne accumulatrice de quitter les lieux en cas d’incendie ; inconfort des PPA à laisser la personne accumulatrice seule en raison de son déclin fonctionnel ou de son état psychologique). Les inquiétudes mentionnées par les participantes sont les mêmes que celles rapportées dans les études antérieures (Rees et al., 2018 ; Sampson et al., 2012 ; Wilbram et al., 2008), mais à notre connaissance seule l’étude de Rees et al. (2018) avait relevé les préoccupations liées à la gestion des biens à la suite du décès de la personne accumulatrice. L’échantillon constitué dans cette étude était composé d’enfants adultes de personnes accumulatrices et ces dernières vivaient pour la plupart avec un problème d’accumulation depuis plus de trente ans. Ces expériences des participantes de l’étude de Rees et al. (2018) référaient aussi majoritairement à des personnes accumulatrices âgées de 55 ans et plus, ce qui semble indiquer que le vieillissement de la personne accumulatrice favorise l’émergence d’inquiétudes spécifiques. Ainsi, nos résultats et ceux issus de l’étude de Rees et al. (2018) semblent indiquer que l’aidance ne se termine pas au décès de la personne aidée et qu’une charge importante peut demeurer, la gestion des biens s’ajoutant aux procédures courantes suivant le décès d’un proche. Concrètement, dans l’intervention sociale auprès des PPA, cela démontre la nécessité de reconnaître cette étape dans la proche aidance et la pertinence de répondre aux besoins spécifiques des PPA (Orzeck, 2017). Dans le cas qui nous intéresse, des interventions pratiques peuvent être requises pour aider les PPA à gérer les biens de la personne accumulatrice, comme par exemple : les aider à connaître leurs droits et les délais pour procéder à la disposition des biens du défunt, les accompagner vers les ressources pouvant leur venir en aide, etc. Notons que dans notre échantillon, une PPA avait eu à disposer des biens de la personne accumulatrice à la suite de son décès et la gestion de ces biens avait effectivement constitué une charge très importante vu leur quantité. Cependant, la participante avait aussi relevé des aspects positifs de son expérience, comme le fait de retrouver des souvenirs. Cet aspect de nos résultats attire l’attention, plus généralement, sur le fait qu’aucune autre étude ne documente la post-aidance dans ce contexte spécifique. Nous considérons qu’il pourrait s’agir d’une piste de recherche future.
Nos résultats mettent aussi en évidence que ce groupe de PPA, à l’instar des PPA de personnes âgées et de celles qui apportent un soutien à un proche vivant un trouble mental, vit un sentiment de fardeau et de l’épuisement. La charge liée à leur rôle découlait tant des responsabilités liées à la problématique d’accumulation (p. ex. : aide à maintenir le domicile dans un état approprié, soutien émotionnel lors de désencombrements) que du vieillissement (p. ex. : aide instrumentale comme la gestion de la médication, faire l’épicerie, etc.). Ces résultats viennent donc appuyer les études antérieures qui indiquent que l’interaction entre le vieillissement et le trouble mental chez la personne aidée peut engendrer une « double demande » et constituer un fardeau important pour les PPA (Cummings et Kropf, 2015). L’accompagnement de ces PPA par les intervenantes sociales requiert donc que ces dernières soient sensibilisées aux multiples responsabilités que portent les PPA des personnes âgées composant avec un trouble mental, ainsi qu’au fait que ces PPA peuvent être confrontées à l’inaccessibilité de services adaptés pour la personne âgée ayant un trouble mental, à un manque de ressources et au fait de devoir pallier ces manques (Benoit et al., 2021 ; Moreau et Dallaire, 2020). Dans le cadre de l’intervention sociale, une telle sensibilisation légitime les intervenantes d’appuyer la mise en place de services et ressources adaptés et coordonnés afin d’amoindrir la charge des PPA et ainsi prévenir leur épuisement. Rappelons ici que les travailleuses sociales font partie des acteurs clés en mesure de promouvoir la bientraitance des PPA par nos institutions, notamment afin que celles-ci soient en mesure d’offrir des services adaptés à la diversité des besoins des personnes aînées et de leurs proches, ainsi qu’un nombre suffisant de services, plutôt que de laisser les PPA pallier le manque de ressources ou une organisation des services qui s’appuie sur des critères trop rigides (Éthier et al., 2020 ; Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, 2013).
Les PPA que nous avons rencontrées ont rapporté vivre plusieurs émotions en lien avec le problème d’accumulation chez la personne accumulatrice, comme de la frustration, de l’amertume et de la tristesse, ce qui va dans le même sens que les études réalisées antérieurement (Park et al., 2014 ; Sampson, 2013a ; Rees et al., 2018 ; Wilbram et al., 2008). Nos résultats indiquent aussi que la colère des PPA est souvent liée à l’impuissance qu’elles peuvent ressentir, ce qui rejoint d’autres études qui expliquent que le manque de reconnaissance du problème de la part de la personne accumulatrice et son refus de recevoir du soutien peuvent susciter des sentiments de frustration chez leurs proches (Bratiotis, Ayers et Steketee, 2016 ; Park et al., 2014). Ces émotions rapportées par nos participantes sont communes aux PPA des personnes composant avec un trouble mental et à celles des PPA des personnes âgées ayant un trouble mental, qui doivent s’adapter au trouble mental et, s’il y a lieu, aux pertes engendrées par le vieillissement de leur proche (Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale, 2013 ; MacCourt et al., 2011 ; Schulz, Beach, Czaja, Martire et Monin, 2020). Ces émotions chez les PPA sont légitimes et dans le cadre de leurs interventions, les travailleuses sociales doivent les normaliser et sensibiliser les PPA à leurs propres besoins et à l’importance de prendre soin d’elles-mêmes (FFAPAMM et UNAFAM, 2013). D’ailleurs, des PPA de notre échantillon puisaient dans des approches thérapeutiques ou des techniques cognitivo-comportementales pour favoriser leur bien-être et ainsi mieux composer avec leur rôle d’aidantes, ce qui met en lumière leur capacité à exercer l’autocompassion (Dunkley-Smith et al., 2021). Ces résultats vont dans le même sens que ceux de Rees et al. (2018) et Susan May et al. (2019) quant aux capacités des PPA à développer leur résilience. De telles stratégies gagneraient à être davantage documentées afin de favoriser le bien-être des PPA, d’autant plus que les intervenantes sociales peuvent, encore une fois, jouer un rôle clé en « donnant la permission » aux PPA de prendre soin d’elles-mêmes (Dunkley-Smith et al., 2021), dans un contexte où la promotion du maintien des personnes aînées à domicile amène des exigences élevées à leur égard. Rappelons ici que le bien-être des PPA ne doit pas uniquement reposer sur leurs compétences personnelles à prendre soin d’elles-mêmes et que notre société doit aussi offrir des contextes favorisant une « culture de bientraitance » à l’égard des PPA (Éthier et al., 2020).
Nos résultats montrent que la problématique d’accumulation est souvent perçue comme une barrière relativement à la volonté de rendre visite à la personne âgée, constituant un obstacle à la réalisation d’activités typiques (comme partager un repas, cuisiner) ou encore de rôles (parent, tante) que les PPA associent à leur relation avec la personne accumulatrice, ce qui peut être source de tristesse. Ces résultats viennent appuyer les études antérieures qui mentionnent que les personnes accumulatrices ont peu de visiteurs et que le problème d’accumulation peut modifier les rituels familiaux ou l’exercice de rôles sociaux, et ainsi affecter les PPA (Sampson, 2013a ; Sampson et al., 2012 ; Wilbram et al., 2008). Notons que l’incapacité des personnes accumulatrices à assumer leurs rôles sociaux – dont la réalisation des activités de la vie domestique (AVD) pour l’entretien de leur domicile – s’inscrit en contradiction avec notre contexte sociopolitique, où les standards en matière de vieillissement sont élevés. Un vieillissement « réussi » implique non seulement d’être en mesure de demeurer à domicile, mais également de poursuivre une contribution active à différents rôles sociaux, ce qui a pour effet de stigmatiser les personnes âgées composant avec des incapacités, tel un trouble mental (Raymond, Grenier et Lacroix, 2016).
Enfin, un aspect original est ressorti de nos résultats, issu du témoignage d’une participante qui pensait que le problème d’accumulation avait constitué un obstacle au développement de son autonomie et de sa capacité à assumer les responsabilités inhérentes à la transition à la vie adulte, vu l’impossibilité de s’exercer aux tâches domestiques. Cette donnée peut sembler contradictoire avec les études traitant de la situation des jeunes PPA, qui relèvent que la réalisation de leur rôle et des responsabilités qui en découlent les amène à développer des habiletés liées aux activités de la vie quotidienne (McDougall, O’Connor et Howell, 2018 ; Rose et Cohen, 2010). Cet écart dans les résultats, sur ce point, semble s’expliquer par la nature même du problème spécifiquement abordé dans notre étude, qui rend la réalisation des tâches domestiques difficile. Cependant, d’autres études sont requises pour documenter les expériences des jeunes PPA des personnes accumulatrices. Sur le plan de l’intervention sociale, ces résultats pourraient servir de levier pour sensibiliser les parents accumulateurs aux impacts de l’encombrement sur leurs enfants.
Les impacts de la problématique d’accumulation sur le parcours des PPA : de la honte à la déstigmatisation et à une reprise de pouvoir
Nos résultats montrent que tant la personne accumulatrice que la PPA peuvent vivre de la honte, ce qui vient appuyer les constats des études existantes (Sampson, 2013a ; Wilbram et al., 2008) et semble indiquer que les PPA sont contraintes de partager le fardeau du stigmate associé au problème d’accumulation (Goffman, 1963). Le problème d’accumulation et la honte vécue par la personne accumulatrice peuvent avoir des impacts sur les PPA dès leur enfance, avant même qu’elles saisissent pleinement que le milieu dans lequel elles vivent ne répond pas aux normes et standards sociaux. Cela va dans le même sens que l’étude de Rees et al. (2018), mais nos résultats vont plus loin et mettent en lumière que la période durant laquelle les enfants commencent à sortir du nid familial et à aller chez leurs propres amis peut coïncider avec leur prise de conscience du fait que l’encombrement est en marge des normes sociales. Quant à l’adolescence, il s’agit d’une période durant laquelle les jeunes sont conscients des risques d’être stigmatisés et dissimulent des informations liées au stigmate, notamment en évitant que des personnes se présentent à leur domicile, ce qui semble tout autant leur permettre de préserver leur image de soi que celle de leur parent (Goffman, 1963). Ces stratégies perdurent lorsque les enfants sont rendus à l’âge adulte, qu’ils cohabitent ou non avec la personne accumulatrice, puisqu’ils peuvent éviter que des amis ou leur partenaire de vie voient le milieu de vie de leur parent ; cet aspect concorde avec les résultats de certaines études que nous avons recensées (Rees et al., 2018 ; Wilbram et al., 2008).
En parallèle, certaines PPA de notre échantillon ont dit se situer à l’opposé du problème d’accumulation (ne pas accumuler de biens, entretenir un environnement bien rangé, etc.) par crainte d’en développer un, ce qui va dans le même sens que les données rapportées dans les études de Sampson (2012, 2013a) sur les proches de personnes accumulatrices et celle de Panicker et Ramesh (2019) sur les proches des personnes composant avec un trouble mental. Les PPA identifiaient explicitement leurs comportements comme étant des réactions à la problématique d’accumulation. Ces réactions semblaient être des tentatives pour maîtriser, pour elles-mêmes, ce qui touche la gestion de leurs propres biens et, par extension, pour se dissocier du trouble mental et se déstigmatiser. Notons que nos résultats font aussi ressortir que le fait d’avoir grandi auprès d’une personne accumulatrice n’amène pas systématiquement ce type de comportement et que la majorité des personnes se conforment aux attentes et normes sociales en matière d’entretien ménager, à différents niveaux. Ces résultats nous ramènent ainsi à l’importance, pour les travailleuses sociales, de garder en tête que l’intérêt accordé à l’entretien ménager chez les PPA et leur adaptation à la problématique d’accumulation est teinté par la subjectivité de chacun, et que c’est également à travers le regard des autres (intersubjectivité) qu’il sera déterminé si le niveau d’adhésion est approprié ou dévie de la norme (Goffman, 1963). En tant que travailleuses sociales, nous faisons aussi partie de ces « autres » et pouvons influencer les perceptions chez les clients quant à leur déviation (ou conformité) par rapport aux normes sociales. Par exemple : est-ce que le contexte social actuel – marqué par des standards élevés en matière de rangement et de propreté – teinte nos propres perceptions des milieux de vie des clients et des PPA lors des visites à domicile et, par extension, les interactions et le processus d’intervention ?
Notons enfin que comme dans les recherches de Sampson (2013a) et Wilbram et al. (2008), certaines PPA qui ont participé à notre étude utilisaient différentes stratégies pour agir directement sur la problématique d’accumulation. Leurs actions étaient fondées sur une volonté d’aider la personne accumulatrice, mais pouvaient aussi être des stratégies visant à retrouver plus d’espace pour elles-mêmes. D’ailleurs, des PPA ont rapporté avoir vécu des sentiments positifs après avoir agi directement sur le problème d’accumulation, ce qui constitue un aspect nouveau par rapport aux études réalisées antérieurement. Cela pourrait s’expliquer par une perception ou un sentiment de reprise de pouvoir chez les PPA (Bilodeau, 2005) ; mais d’autres études sont nécessaires pour documenter cet aspect.
Conclusion
Cette recherche visait à mieux comprendre les réalités personnelles et sociales des PPA des personnes âgées composant avec une problématique d’accumulation, en s’intéressant particulièrement à l’interaction entre les réalités du vieillissement et celles relevant de la maladie mentale. Les résultats et analyses présentés ici concernent des catégories émergentes issues des perspectives des participantes sur leurs expériences. Ils font ressortir que la conjonction du vieillissement et du trouble mental entraîne une charge importante pour les PPA, qui consiste à la fois en une aide instrumentale qu’elles doivent apporter et en un partage du fardeau lié au trouble mental. Le fait que les personnes âgées dont elles s’occupent composent avec une problématique d’accumulation amène des inquiétudes spécifiques chez les PPA en ce qui concerne la gestion des biens de la personne accumulatrice advenant son décès, ce qui met en évidence que la post-aidance est une étape significative de la proche aidance, qui interpelle les PPA. Ces dernières peuvent se préserver en puisant dans des stratégies personnelles d’autocompassion ; les travailleuses sociales peuvent jouer un rôle clé en légitimant les PPA dans leurs émotions et besoins et en les outillant pour y répondre, et surtout, en revendiquant des services adaptés afin que notre société et nos institutions soient bientraitantes à l’égard des personnes âgées et des PPA.
Parties annexes
Notes
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[1]
Dans le cadre de notre étude, la catégorie « personnes âgées » ou « personnes aînées » est composée des individus de 55 ans et plus, suivant en cela l’usage dans la littérature scientifique portant sur les personnes composant avec un trouble mental grave. Ces écrits montrent que le fait de vivre avec un trouble mental grave amène souvent un vieillissement physique et psychosocial prématuré. Ainsi, des personnes peuvent dès la cinquantaine devoir composer avec des incapacités, un déclin fonctionnel et une perte de rôles sociaux (Cummings et Kropf, 2011 ; Dallaire, McCubbin, Provost, Carpentier et Clément, 2010).
-
[2]
L’autonégligence et le syndrome de Diogène sont deux problématiques associées aux populations aînées. Le syndrome de Diogène se caractérise par une hygiène négligée, un encombrement du milieu de vie (parfois accompagné d’insalubrité) et une absence de honte face à la situation chez les personnes qui en sont touchées (Clark, Mankikar et Gray, 1975). Quant à l’autonégligence, elle se définit par des comportements qui ont pour résultat d’empêcher la personne touchée de répondre à ses besoins ou de se procurer des soins, ce qui engendre des conséquences pour sa santé et son bien-être (Calvé, Beaulieu et Pelletier, 2016).
-
[3]
Vu la prédominance des femmes dans les professions de la relation d’aide et dans notre échantillon, la féminisation du texte a été privilégiée lorsque nous référons à ces actrices.
-
[4]
Bien que la version française du DSM (APA, 2015) utilise le terme de syllogomanie, le concept de « trouble d’accumulation compulsive » (TAC) est privilégié par plusieurs professionnels et milieux de pratique au Québec. Par exemple, le Comité d’action sur le trouble d’accumulation compulsive regroupe différents acteurs (personnes accumulatrices, intervenants sociaux, chercheurs, organismes communautaires, etc.) issus de plusieurs régions du Québec.
-
[5]
Nous soulignons que cette expression est utilisée ici dans un souci d’alléger le texte et qu’elle ne constitue pas un « étiquetage » des personnes qui en sont affectées.
-
[6]
Un parallèle peut être fait avec la situation des proches des personnes itinérantes ou à risque d’itinérance. Ces proches apportent un soutien important pour les activités de la vie quotidienne, afin de trouver un hébergement ou pour prévenir une éviction, ce qui constitue un fardeau important à porter (Polgar, North et Pollio, 2014).
-
[7]
Dans le cadre de notre recherche, nous avons considéré les 16 études suivantes : Bratiotis, Davidow, Glossner et Steketee, 2016 ; Chasson, Carpenter, Ewing, Gibby et Lee, 2014 ; Drury, Ajmi, Fernández de la Cruz, Nordsletten et Mataix-Cols, 2014 ; Lin, 2018 ; Mayes, 2015 ; Nordsletten et al., 2014 ; Park, Lewin et Storch, 2014 ; Rees, Valentine et Anderson, 2018 ; Sampson, 2013b ; Sampson, 2013c ; Sampson, Yeats et Harris, 2012 ; Thompson, Fernández de la Cruz, Mataix-Cols et Onwumere, 2016 ; Tolin, Fitch, Frost et Steketee, 2010 ; Tolin, Frost, Steketee et Fitch, 2008 ; Vorstenbosch et al., 2015 ; Wilbram et al., 2008.
-
[8]
Le féminin est utilisé dans cet article lorsque nous référons aux PPA et aux intervenantes sociales, vu leur prédominance dans la composition de notre échantillon et, de façon plus globale, dans le care.
Références
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