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Le trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) représente un défi pour les parents et l’enseignant de l’enfant qui en est atteint (Barkley, 2006). Il touche de 3 à 7 % des enfants en Amérique du Nord (American Psychiatric Association (APA), 2000) et affecte environ quatre fois plus de garçons que de filles cela varie en fonction du sous-type[1] (Ramtekkar, Reiersen, Todorov et Todd, 2010). Au Québec, il représente le trouble le plus fréquemment diagnostiqué chez les enfants d’âge primaire selon les ministères de l’Éducation et de la Santé et des Services sociaux (MEQ-MSSS 2003). L’enfant ayant un trouble à prédominance attentionnelle (sous-type inattentif) peut, entre autres, présenter de la difficulté à s’organiser dans le temps et dans l’espace (par ex., suivre des étapes, ordonner son bureau, son sac et son travail), à se rappeler d’une consigne, à se mettre à la tâche ou à maintenir sa concentration et son effort (Zentall, 2005). L’enfant ayant un trouble à prédominance hyperactive-impulsive (sous-type hyperactif-impulsif) peut présenter de la difficulté à rester assis, à réguler son niveau d’activité en fonction de la situation, à s’empêcher de bouger, à évaluer les conséquences de ses agissements et à tolérer la frustration (Barkley, 2006). L’enfant ayant un TDAH mixte présente à la fois des manifestations d’inattention et d’hyperactivité-impulsivité. Ces difficultés ont des conséquences sur le cheminement scolaire de l’enfant, qui a une probabilité accrue de présenter un rendement scolaire plus faible que ses pairs, ne pouvant s’expliquer par son potentiel intellectuel (Barry, Lyman et Klinger, 2002).

Pour pallier et prévenir ces difficultés, une entente de complémentarité MEQ-MSSS (2003) encourage la concertation entre les différents agents de socialisation travaillant auprès de l’élève, stimulant ainsi la relation entre la famille et l’école. La valorisation de l’implication du parent dans la vie scolaire de son enfant s’appuie sur les bénéfices rapportés par les nombreuses études portant sur le thème plus global de l’implication parentale dans l’éducation de leur enfant et qui ont été réalisées à partir d’échantillons tirés de la population générale (par ex. Christenson et Hirsch, 1998; Epstein, 1995; Knopf et Swick, 2007; Miretzky, 2004). Le prochain paragraphe présente ces études. La présente étude s’intéresse toutefois à une composante spécifique de l’implication scolaire parentale, la collaboration famille-école, et ce, dans le cas plus précis d’enfants qui ont un TDAH. Les études portant précisément sur la collaboration famille-école, notamment celles portant sur les élèves à risque, seront donc ensuite analysées. Les questions de recherche seront finalement exposées, puis la description de la méthode et les résultats de la recherche seront décrits.

Des études sur l’implication des parents dans l’éducation de leur enfant, s’appuyant souvent sur le modèle développé par Epstein (1995), définissent ce concept à partir d’indicateurs variés allant des attentes parentales de réussite de l’enfant à la participation des parents aux activités scolaires, en passant par leurs valeurs éducatives. Les parents peuvent s’engager dans l’éducation de leur enfant de façons variées, ce qui fait de l’implication scolaire parentale un concept multidimensionnel (Epstein, 1995; Fan et Chen, 2001; Kohl, Lengua et McMahon, 2000; Sui-Chu et Willms, 1996). Les études sur le sujet concluent que l’implication scolaire parentale contribue à la réussite scolaire de l’enfant. Par exemple, les enfants auprès desquels les parents sont plus engagés obtiennent de meilleurs résultats scolaires, ont une attitude plus positive envers l’école, ont de meilleures habiletés d’autorégulation et manifestent moins de problèmes de discipline (Alexander, Entwisle et Kabbani, 2001; Christenson et Cleary, 1990; Englund, Luckner, Whaley et Egeland, 2004; Epstein, 1995; Esler, Godber et Christenson, 2002; Robinson et Fine, 1994; Sheridan, Clarke et Knoche, 2006; Sui-Chu et Willms, 1996). Les parents engagés et les enseignants qui favorisent l’implication scolaire parentale en tirent aussi des bénéfices personnels, comme une satisfaction accrue de travailler ensemble (Christenson et Cleary, 1990; Epstein, 1995; Esler et al., 2002; Robinson et Fine, 1994). Ces études ont fait l’objet de deux méta-analyses montrant que l’implication des parents dans l’éducation de leur enfant a une relation d’ampleur petite à modérer avec la réussite scolaire (Fan et Chen, 2001; Jeynes, 2003).

Les études réalisées auprès d’échantillons normatifs font aussi apparaître que les enseignants souhaitent que les parents soient présents à l’école, que les parents souhaitent aussi y participer (Chavkin, 1991; Miretzky, 2004; Saint-Laurent, Royer, Hébert et Tardif, 1994) et que la relation entre eux soit généralement plus positive que négative (Christenson et Hirsch, 1998). Par exemple, Christenson et Hirsch (1998) rapportent que 77 % des parents et enseignants qualifient leur relation de bonne à excellente et que 81 % des parents défavorisés sur le plan socio-économique se sentent bienvenus à l’école de leur enfant.

Des résultats si généraux manquent toutefois de nuances. La présente étude s’intéresse à une composante spécifique de l’implication scolaire parentale, la collaboration famille-école au sens que lui donnent Christenson et Sheridan (2001)[2]. Celle-ci implique des échanges et un partage de responsabilité ayant pour but de lier les contextes d’apprentissage de l’enfant afin de faciliter ses apprentissages et son développement global (Christenson et Cleary, 1990; Christenson et Sheridan, 2001; Esler et al., 2002). De façon générale, la collaboration famille-école se définit par, et est opérationnalisée par la fréquence et la qualité des contacts entre la famille et l’école. Dans la présente étude, elle est mesurée par la fréquence des contacts entre les parents et l’école ainsi que le sentiment qu’ont le parent et l’enseignant de collaborer. Parents et enseignants ont des perceptions différentes de l’implication parentale à l’école, mais les uns comme les autres affirment que leur collaboration est essentielle à la réussite scolaire de l’enfant (Lawson, 2003; Miretzky, 2004).

Plusieurs auteurs ont montré que la collaboration famille-école contribue au succès scolaire de l’enfant. Par exemple, Izzo, Weissberg, Kasprow et Fendrich (1999), qui ont suivi des enfants de la maternelle à la 3e année, observent que la fréquence et la qualité des contacts entre l’école et les parents, les activités d’apprentissage à la maison sous la guidance des parents et la participation des parents à des activités à l’école sont associées positivement au rendement scolaire de l’enfant. La collaboration famille-école en 1re et en 2e année est également un prédicteur des résultats scolaires en 3e année, au-delà des résultats en 1re. Graue, Clements, Reynolds et Niles (2004) confirment que plus le parent participe aux activités scolaires, meilleur est le rendement de l’enfant en lecture, moins il redouble une année scolaire ou fréquente des programmes spéciaux (entre 6 et 14 ans selon les termes de la recherche) et ce, au-delà de l’effet de l’âge et du sexe de l’enfant, du revenu familial, de la scolarité du parent et de sa participation à un programme préscolaire. Potvin, Deslandes, Beaulieu, Marcotte, Fortin, Royer et Leclerc (1999) observent cependant que la fréquence des communications entre les enseignants et les parents est plus élevée pour les enfants qui présentent plus de difficultés. La méta-analyse de Fan et Chen (2001) indique que les attentes des parents à l’endroit de l’éducation de leur enfant sont un prédicteur de sa réussite et que les contacts entre les parents et l’école y contribuent dans une mesure plus grande encore. Ils concluent qu’il est essentiel de définir opérationnellement les dimensions de l’implication scolaire parentale qui sont étudiées et, vu leur rôle distinct dans la réussite, ces dimensions devraient être considérées individuellement dans les études, ce qui sera fait dans celle-ci.

Si on sait que la collaboration famille-école est favorable à la réussite scolaire et que certains enfants ont plus de difficultés à l’école, on ne sait pas si la collaboration famille-école apporte les mêmes bénéfices pour tous. Selon certains auteurs elle constituerait un facteur de protection pour les enfants les plus à risque, c’est-à-dire qu’elle aurait une influence positive plus forte pour les enfants défavorisés sur les plans social et économique (Christenson et Sheridan, 2001; Gutman et Midgley, 2000; Weissberg et Greenberg, 1998). Les études de Dearing et al. (Dearing, Kreider, Simpkins, et Weiss, 2006; Dearing, McCartney, Weiss, Kreider et Simpkins, 2004) illustrent bien ce rôle de protection. Elles montrent la présence d’une interaction entre la collaboration famille-école (c’est-à-dire participation aux réunions ou activités à l’école et aux apprentissages à la maison, communication avec l’école et avec les autres parents) et la scolarité de la mère, indiquant que la collaboration a un lien positif plus fort avec la littératie des enfants dont la mère est moins scolarisée, et ce, de la maternelle à la 5e année.

Cependant, des auteurs notent que les difficultés de l’enfant constituent une barrière à la collaboration famille-école (Christenson et Sheridan, 2001; Weissberg et Greenberg, 1998). En effet, l’augmentation de la fréquence des contacts en période de crise et la tradition du blâme qui prévaut dans certaines écoles interfèrent négativement dans l’établissement de la collaboration famille-école. Des études ont démontré que le parent participe à de plus nombreuses activités à l’école quand ça va bien alors que l’enseignant cherche le contact avec les parents quand ça va mal (Knopf et Swick, 2007; Potvin et al., 1999; Shumow et Miller, 2001). D’autres études indiquent que le personnel scolaire a tendance à tenir les parents responsables des problèmes présentés par les enfants à l’école, ce qu’ils appellent la tradition du blâme (Christenson et Cleary, 1990; Lawrence et Heller, 2001; Robinson et Fine, 1994; Roffey, 2004). Conséquemment, parents et enseignants d’un enfant en difficulté rapportent être mal à l’aise l’un avec l’autre, ne pas avoir la même perception des problèmes de l’enfant et percevoir tous deux que l’autre a la responsabilité d’entreprendre des actions afin de résoudre le problème (Esler et al., 2002; Roffey, 2004). Finalement, une faible présence des parents à l’école est perçue comme de l’apathie et du désintérêt (Roffey, 2004). Tout cela expliquerait que les parents des enfants à risque anticipent une interaction négative lorsqu’ils sont contactés par l’école (Christenson et Cleary, 1990; Roffey, 2004) et rapportent un sentiment d’isolement social et de frustration en raison du manque de soutien reçu de la part des professionnels scolaires et de la santé (Lin, Huang et Hung, 2009).

Les élèves ayant un TDAH étant aussi à risque de vivre des difficultés scolaires, une collaboration efficace entre leur famille et l’école pourrait favoriser leur réussite scolaire (DuPaul et Power, 2008; MEQ-MSSS, 2003). Cependant, ces difficultés pourraient également interférer dans l’établissement d’une collaboration famille-école. Aucune étude à notre connaissance n’a observé le rôle de cette collaboration spécifiquement auprès de ces enfants. La présente étude a pour but d’explorer la relation entre la collaboration famille-école et le rendement scolaire des enfants du primaire présentant un TDAH, en tenant compte de leur profil diagnostique. Dans la présente étude, la collaboration famille-école est représentée par la fréquence des contacts entre ces partenaires ainsi que par le sentiment qu’ont le parent et l’enseignant de collaborer ensemble. Le rendement scolaire se détermine quant à lui par la qualité du travail effectué et la productivité (quantité) de ce travail. Plus précisément, la présente étude poursuit trois objectifs :

  1. Décrire la collaboration famille-école entourant des enfants du primaire présentant un TDAH.

  2. Voir si la collaboration famille-école explique le rendement scolaire des enfants au-delà de leur potentiel intellectuel, du revenu familial et de la scolarité de leurs parents.

  3. Voir si la collaboration famille-école explique le rendement scolaire des enfants ayant un TDAH de la même façon selon leur sous-type diagnostique (prédominance inattentive, hyperactive/impulsive ou mixte).

Méthode

Participants

Au total, 37 enfants de la grande région de Montréal, leur parent et leur enseignant participent à l’étude. Les enfants (5 filles, 32 garçons, âge moyen de 9,0 ans; ÉT = 1,5) fréquentant l’école primaire (1re à 6e année, moyenne de 3,6; ÉT = 1,3) ont tous un diagnostic de TDAH (inattentifs : n = 13; hyperactivité-impulsivité : n = 4; mixte : n = 20) et prennent un médicament de type méthylphénidate (M = 29,05 mg/jour, ÉT = 11,76 mg). Les enfants vivent avec leurs deux parents (n = 27), un parent (n = 4) ou dans une famille recomposée (n = 6). Les mères et les pères ont un âge moyen respectif de 37,4 ans (ÉT = 5,1) et 38,7 ans (ÉT = 4,1). Les parents ont complété des études primaires (3 %), secondaires (27 %), collégiales (41 %) ou universitaires (29 %). Le revenu familial moyen est de 62 703 $/année (ÉT = 27 249 $). Les enseignants (32 femmes, 5 hommes) ont un âge moyen de 38,3 ans (ÉT = 11,0), comptent entre 9 et 15 années d’expérience en enseignement et ont presque tous enseigné à d’autres enfants ayant un TDAH au cours des deux dernières années.

Procédure

Sélection des participants. Les participants de la présente étude ont d’abord été sélectionnés dans le cadre d’une étude plus vaste portant sur l’évaluation d’un programme de soutien parental (Normandeau et al.). Le lien entre le projet de recherche et les familles a été fait par un professionnel du milieu de la santé, de l’éducation ou des services sociaux. Pour participer à l’étude, les familles devaient avoir un enfant répondant aux critères suivants : (a) être âgé entre 6 ans et 10 ans; (b) rencontrer les critères diagnostiques du TDAH selon le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders IV (American Psychiatric Association, 1996); (c) présenter comme problème principal un TDAH selon le DISC-IV (Diagnostic Interview Schedule for Children-IV : Shaffer, Fisher, Lucas, Dulcan et Schwab-Stone, 2000); (d) ne pas présenter de retard mental (QI ≥ 79; WISC-III : Wechsler, 1991), de trouble de langage ou d’apprentissage sévère, de maladie neurologique avérée, de syndrome Gilles de la Tourette ou de tics graves, ni de trouble obsessif compulsif; (e) ne pas être né prématurément (< 35 semaines); et (f) prendre la dose de méthylphénidate qui lui a été prescrite.

Mesures

Les mesures liées au diagnostic de TDAH ont été recueillies l’année précédant le recueil des mesures de collaboration et de réussite scolaire auprès des parents ou des enseignants à l’automne.

Mesures diagnostiques du TDAH. La présence d’un TDAH chez l’enfant, établie par le médecin traitant de l’enfant, est corroborée par (a) une entrevue couvrant les critères diagnostiques du DSM-IV avec le parent (DISC IV; bonne fiabilité test-retest de 0,79; Shaffer et al., 2000), et par (b) le Conners (2001), questionnaire regroupé en échelles évaluant les comportements spécifiques et associés au TDAH, rempli par le parent (80 énoncés; α = 0,73 à 0,94) et par l’enseignant (59 questions; α = 0,73 à 0,95). Par la suite, le parent a rempli le questionnaire de renseignements généraux, qui informe sur l’histoire familiale et médicale de l’enfant. Le pédopsychiatre de l’équipe de recherche a rencontré finalement la famille pour compléter l’évaluation et confirmer le diagnostic de TDAH et le sous-type (prédominance). Les sous-types qui incluent des manifestations d’hyperactivité-impulsivité (H/I ou mixte) ont été combinés afin d’augmenter la puissance statistique (en lien avec le petit échantillon). Deux sous-types seront utilisés lors des analyses : inattentif ou hyperactif-impulsif.

Rendement scolaire. Deux échelles de la version française du Academic Performance Rating Scale (DuPaul, Rapport et Perriello, 1991) ont permis de mesurer le rendement scolaire. La qualité du travail, correspondant à l’exactitude des réponses de l’enfant, a été évaluée à l’aide de 7 énoncés (α = 0,90). La productivité scolaire de l’enfant, correspondant à la quantité de travail effectué par l’enfant, a été évaluée à partir de 12 énoncés (α = 0,89). Pour chaque énoncé, l’enseignant répondait sur une échelle Likert allant de 1 (jamais, pauvre) à 5 (très souvent, excellent). La moyenne des réponses pour chaque sous-échelle a été utilisée.

Collaboration famille-école. Des versions adaptées et révisées des questionnaires développés par le Oregon Social Learning Center évaluent la fréquence des contacts parents-école ainsi que le sentiment qu’ils ont de pouvoir collaborer ensemble (Webster-Stratton, Reid et Stoolmiller, 2008). Le questionnaire rempli par l’enseignant comporte trois échelles. Sept énoncés mesurent la fréquence à laquelle l’enseignant établit un contact avec le parent (contact enseignant; α = 0,76; par ex. l’enseignant téléphone au parent, l’invite à une réunion d’école), sur l’échelle suivante : (1) jamais, (2) une ou deux fois dans les trois derniers mois, (3) tous les mois, (4) toutes les semaines, (5) plus d’une fois par semaine. Sept énoncés utilisant la même échelle indiquent la fréquence des contacts réels parent-école (contacts réels; α = 0,84; par ex. le parent téléphone à l’enseignant, le parent est présent à une réunion d’école). Finalement, 6 énoncés évaluent le sentiment qu’a l’enseignant de pouvoir collaborer avec le parent (collaboration enseignant; α = 0,91; par ex. le parent est intéressé à me connaître, partage les mêmes objectifs, encourage une attitude positive envers l’école), sur une échelle Likert allant de 1 (pas du tout) à 5 (beaucoup). Le questionnaire rempli par le parent comporte 7 énoncés évaluant le sentiment qu’a le parent de pouvoir collaborer avec l’école (collaboration parent; α = 0,78; par ex. impression d’être averti trop tard des difficultés de l’enfant, sentiment d’être appuyé par l’enseignant, d’être bienvenu à l’école) sur une échelle Likert allant de 1 (pas du tout) à 5 (beaucoup).

Résultats

L’étude visait tout d’abord à décrire la collaboration famille-école entourant des enfants du primaire présentant un TDAH. Le tableau 1 présente les statistiques descriptives de chaque composante de la collaboration famille-école. Les enseignants indiquent que, depuis le début de l’année scolaire, ils ont communiqué avec le parent entre une fois et moins d’une fois par mois (scores entre 2 et 3,57). Vingt et un parents (57 %) ont eu un seul ou aucun contact avec l’école depuis le début de l’année, 14 (38 %) en ont eu moins d’un par mois et 2 (5 %) ont eu plus d’un contact par mois. Alors que 81 % des enseignants estiment que les parents sont intéressés (de moyennement à très intéressés) à travailler avec eux et partagent leurs valeurs et objectifs, 11 % des enseignants pensent que les parents sont peu intéressés et 8 % des enseignants rapportent que les parents ne sont pas du tout intéressés à collaborer avec l’école. Pour ce qui est des parents, 89 % d’entre eux indiquent qu’ils sont satisfaits de leur collaboration avec l’école, c’est-à-dire qu’ils se sentent bienvenus et appuyés par l’école de leur enfant et qu’ils ne sont pas en désaccord avec les pratiques de celle-ci (score moyen entre 3 et 5).

L’étude visait ensuite à explorer la relation entre la collaboration famille-école et le rendement scolaire des enfants du primaire présentant un TDAH, au-delà du QI total de l’enfant, du revenu familial et de la scolarité de la mère. Des statistiques descriptives et des analyses univariées de corrélations pour l’ensemble de ces variables sont présentées au tableau 1. Ces corrélations permettent d’identifier les variables contrôle (QI total de l’enfant, revenu familial, scolarité de la mère) qui sont liées avec au moins une dimension de la réussite scolaire de l’enfant. Les corrélations indiquent que le revenu familial est lié positivement à la qualité du travail et à la productivité de l’enfant; plus le revenu est élevé, plus l’élève présente un rendement scolaire élevé. Le QI total de l’enfant est lié positivement à la qualité du travail, signifiant que plus l’enfant a un QI élevé, plus le travail qu’il accomplit est de grande qualité. La scolarité de la mère n’est pas liée au rendement scolaire de l’enfant. Le revenu familial et le QI de l’enfant seront donc utilisés à titre de variables contrôle dans les régressions ultérieures.

Le tableau 1 présente les corrélations entre la collaboration famille-école et le rendement scolaire des enfants. Celles-ci indiquent que les contacts à l’initiative de l’école et le sentiment qu’ont les parents de pouvoir collaborer avec l’école ne sont pas liés au rendement scolaire de l’enfant. La fréquence des contacts réels entre le parent et l’école et le sentiment qu’a l’enseignant de pouvoir collaborer avec le parent sont associés positivement à la qualité du travail et à la productivité scolaire de l’élève. Plus les contacts entre parents et école sont fréquents et plus l’enseignant perçoit qu’il peut collaborer avec lui, meilleur est le rendement scolaire de l’élève.

Tableau 1

Statistiques descriptives des variables à l’étude et corrélations entre ces mêmes variables

Statistiques descriptives des variables à l’étude et corrélations entre ces mêmes variables

a La scolarité de la mère a été mesurée sur une échelle ordinale : 0-primaire; 1-secondaire régulier; 2-secondaire professionnel; 3-cégep général; 4-cégep technique; 5-baccalauréat; 6-études universitaires supérieures; t p<0,10 ; *p < 0,05 ; ** p < 0,01.

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Ces analyses univariées ne permettent pas d’évaluer le rôle de la collaboration famille-école au-delà des habiletés intellectuelles de l’enfant et du revenu familial. Les analyses de régression linéaires multiples dont les résultats sont présentés au tableau 2 vérifient si la collaboration famille-école est associée au rendement scolaire des enfants TDAH lorsqu’un contrôle statistique est exercé pour le revenu familial et le QI de l’enfant. L’ensemble des variables incluses dans le modèle expliquent 56 % de la variance de la qualité du travail de l’élève et 32 % (non significatif) de la variance de sa productivité. Plus précisément, les résultats indiquent que plus l’enfant a un QI élevé, plus les contacts réels entre le parent et l’école sont fréquents et plus l’enseignant perçoit qu’il a une bonne collaboration avec le parent, plus l’enfant accomplit du travail de qualité. Au contraire, plus l’enseignant prend l’initiative du contact avec le parent et moins le travail est de qualité. Par ailleurs, plus l’enseignant a le sentiment de pouvoir collaborer avec le parent, plus l’enfant a une grande productivité scolaire.

Tableau 2

Résultats des analyses de régressions mesurant le lien entre la collaboration famille-école et le rendement scolaire de l’enfant

Résultats des analyses de régressions mesurant le lien entre la collaboration famille-école et le rendement scolaire de l’enfant

t p<0,10* p < 0,05; ** p < 0,01

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Le dernier objectif de l’étude était de voir si la collaboration famille-école explique le rendement scolaire des enfants TDAH de la même façon quel que soit leur profil diagnostique. Pour vérifier le rôle modérateur du profil diagnostique dans la relation entre la collaboration famille-école et le rendement scolaire, la procédure recommandée par Baron et Kenny (1986) a été suivie. Des régressions ont été réalisées en deux blocs, alternativement pour chaque dimension de la collaboration famille-école (4) et du rendement scolaire (2), pour un total de huit régressions (voir tableau 3). Le premier bloc visait à identifier si une dimension de la collaboration famille-école et le profil diagnostique sont prédictifs du rendement scolaire. Le deuxième bloc vérifiait si l’interaction entre la collaboration famille-école et le profil diagnostique est prédictif du rendement scolaire au-delà de ces variables prises individuellement. Les résultats de ces régressions indiquent que l’interaction entre les contacts réels parent-école et le profil diagnostique tend à être prédictive de la productivité scolaire. Ainsi, bien qu’il soit important pour tous les enfants de l’échantillon (voir étape 1), cet aspect de la collaboration famille-école tend à être plus important pour les enfants qui présentent des manifestations d’hyperactivité-impulsivité que pour ceux ayant seulement des manifestations d’inattention. Dans le même sens, l’interaction entre la perception de la collaboration par l’enseignant et le profil diagnostique est prédictive de la qualité du travail scolaire. Bien que ce soit important pour tous les enfants de l’échantillon (voir étape 1), le sentiment qu’a l’enseignant de pouvoir collaborer avec le parent tend à avoir plus d’effet sur le travail scolaire dans le cas des enfants qui présentent des manifestations d’hyperactivité-impulsivité.

Tableau 3

Résultats des analyses de régressions mesurant l’effet modérateur du profil diagnostique de l’enfant (inattentif, hyperactif et mixte) dans la relation entre la collaboration famille-école et le rendement scolaire de l’enfant

Résultats des analyses de régressions mesurant l’effet modérateur du profil diagnostique de l’enfant (inattentif, hyperactif et mixte) dans la relation entre la collaboration famille-école et le rendement scolaire de l’enfant

t < ,10; * p < ,05; ** p < ,01

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Discussion

Le but de la présente étude était d’explorer la relation entre la collaboration famille-école et le rendement scolaire des enfants du primaire présentant un TDAH, en tenant compte du profil diagnostique de l’enfant. La collaboration famille-école est représentée par la fréquence des contacts entre ces partenaires ainsi que par le sentiment qu’ils ont de pouvoir collaborer ensemble. Cette façon de faire répond à la recommandation de certains auteurs (Christenson et Cleary, 1990; Kohl et al., 2000) de compléter la mesure de la fréquence des contacts par une mesure de la qualité de la relation. Tout d’abord, les analyses décrivent la collaboration entre l’école et la famille. Alors que parents et enseignants portent généralement un regard positif sur leur collaboration, ils se contactent rarement, c’est-à-dire moins d’une fois par mois en moyenne.

Dans cet échantillon d’enfants ayant un TDAH, la collaboration famille-école est corrélée au rendement scolaire de l’élève. Plus l’enseignant sent que le parent souhaite collaborer avec lui, c’est-à-dire qu’il est intéressé à le connaître et qu’il partage ses valeurs et ses objectifs, plus l’élève accomplit du travail de qualité et produit une grande quantité de travail. Par ailleurs, plus les parents sont présents à l’école, plus l’enfant a tendance à fournir du travail de qualité. Inversement, plus l’enseignant cherche à communiquer avec les parents de l’élève, moins celui-ci accomplit un travail de qualité. Les résultats montrent aussi que la relation positive entre (1) les contacts parent-école et la productivité scolaire et (2) le sentiment qu’a l’enseignant de pouvoir collaborer avec le parent et la qualité du travail accompli, tend à être plus fortement positive pour les enfants qui présentent des manifestations d’hyperactivité-impulsivité que pour ceux ayant seulement des manifestations d’inattention, c’est-à-dire pour les enfants qui ont des difficultés plus manifestes et extériorisées. Ces résultats sont tout à fait cohérents avec ceux des études avançant que la collaboration famille-école constitue un facteur de protection pour les enfants les plus à risque et corroborent ceux de Dearing et al. (2004; 2006) selon lesquels la collaboration est plus importante pour les enfants les plus à risque.

La perception qu’a le parent de pouvoir collaborer avec l’enseignant n’est pas associée au rendement scolaire de l’enfant. Ce résultat ne signifie pas que celle-ci ne soit pas importante, bien qu’elle ne soit pas prédictrice du rendement scolaire de l’enfant. En effet, selon Knopf et Swick (2007), la perception du parent est importante pour différentes raisons, en amont de la réussite scolaire. Par exemple, un parent qui se sent considéré par le personnel de l’école, qui est invité à partager son point de vue et à participer à différentes activités aura tendance à s’engager davantage dans l’éducation de l’enfant. Il peut le faire à la maison ou à l’école, par exemple dans le suivi des résultats obtenus et dans l’exécution des devoirs. De plus, s’il a le sentiment que sa présence est appréciée et s’il se sent respecté et bienvenu à l’école, il aura envie d’être présent dans ce milieu et de collaborer avec son personnel.

Un rappel du contexte dans lequel s’est déroulée l’étude peut faciliter l’interprétation de ses résultats. D’abord, l’étude utilisait un devis transversal ne permettant pas d’établir de lien de causalité entre les variables. Il est donc possible que l’enseignant contacte les parents quand il perçoit que l’enfant vit des difficultés à l’école. À l’inverse, quand ça va bien, il ne les contacte pas et perçoit (à tort ou à raison) qu’il a une collaboration harmonieuse avec eux. De plus, les informations ont été colligées auprès des parents et des enseignants d’enfants ayant un TDAH en début d’année scolaire. À ce moment, parents et enseignants se connaissent généralement peu. Les résultats indiquent d’ailleurs qu’ils ont eu peu de contacts, mais qu’ils ont une perception généralement positive les uns des autres. Toutefois, lorsqu’un enfant ayant un TDAH passe au niveau scolaire supérieur, les enseignants en ont déjà une certaine connaissance. De plus, les manifestations d’hyperactivité-impulsivité étant facilement observables et l’enseignant sachant qu’elles peuvent influencer le rendement scolaire de l’enfant, il prendra rapidement contact avec les parents afin d’établir une collaboration positive avec eux, s’il perçoit que l’enfant ne produit pas autant que les autres élèves de sa classe ou n’a pas une production d’aussi bonne qualité. Ces résultats sont cohérents avec ceux des études réalisées auprès d’échantillons normatifs et qui indiquent que règle générale, les enseignants prennent contact avec les parents quand ils perçoivent des difficultés chez l’élève (Potvin et al., 1999). Ainsi, dans le cas des enfants ayant un TDAH, une mesure hâtive de la collaboration famille-école est tout à fait appropriée.

Ces résultats ont des répercussions sur le plan clinique. En effet, les résultats confirment la pertinence de l’orientation MEQ-MSSS (2003) quant à l’importance de la collaboration famille-école pour favoriser la réussite scolaire des enfants ayant un TDAH. Au-delà de ces lignes directrices, un soutien concret doit être offert à l’école et aux parents afin de favoriser cette collaboration. C’est entre autres ce que visent les programmes de consultation réunissant parents et enseignant, où un professionnel non enseignant (p. ex., un travailleur social, un psychoéducateur ou un psychologue) agit comme agent de liaison entre eux en vue d’établir une vision commune de la situation de l’élève, des interventions à mettre en place et de la façon d’identifier les progrès de l’élève. Pour y parvenir, ils accomplissent tous ensemble une démarche de résolution de problème vis-à-vis de la situation de l’enfant (identifier et analyser le problème, trouver des solutions et en choisir une, l’appliquer et évaluer ses effets et sa mise en oeuvre) (Sheridan et al., 2006). Ce soutien est d’autant plus pertinent que certains enseignants s’estiment peu ou mal informés sur les manifestations du TDAH et sur les stratégies à privilégier (Arcia, Frank, Sanchez-LaCay et Fernandez, 2000; Kos, Richdale et Hay, 2006) et se sentent peu confiants pour gérer le stress causé par l’élève ou ses parents (Greene, Beszterczey, Katzenstein, Park et Goring, 2002). Une autre façon de favoriser la collaboration famille-école est la carte de rapport quotidienne, présentée comme le moyen de communication privilégié (Epstein, 2001). La méta-analyse de Cox (2005) montre que les interventions favorisant la collaboration famille-école permettent d’améliorer le rendement scolaire des enfants ainsi que leur comportement à l’école. Les interventions les plus efficaces seraient celles qui amènent les parents et le personnel de l’école à travailler ensemble pour résoudre les problèmes et celles qui proposent une communication entre l’école et la maison, comme la carte de rapport quotidienne.

Bien que l’étude réponde à des questions importantes, elle présente aussi quelques limites. D’abord, rappelons qu’il s’agit d’une étude exploratoire. Ses résultats sont cohérents avec les études antérieures qui portaient sur la population générale. Toutefois, les prochaines études sur une clientèle d’élèves à risque de vivre des difficultés scolaires, comme ceux ayant un TDAH, devraient étudier l’effet de la collaboration famille-école sur le rendement scolaire de l’enfant plus tard en cours d’année scolaire, ainsi que l’effet d’une intervention favorisant la collaboration famille-école, et ce, sur un plus grand échantillon. De telles études permettraient d’identifier avec plus de certitude la relation entre la collaboration famille-école et le rendement scolaire des enfants. D’éventuelles recherches pourraient mesurer la collaboration famille-école plus tard au cours de l’année scolaire pour en étudier l’impact sur la réussite scolaire. De plus, il serait pertinent de s’attarder à l’évolution de cette collaboration au cours d’une année scolaire.

En conclusion, les résultats de la présente étude indiquent qu’au-delà du revenu familial et du QI de l’enfant, la collaboration joue un rôle dans la réussite scolaire de l’enfant. De plus, il semble que cette collaboration puisse constituer un facteur de protection pour les enfants les plus à risque de vivre des difficultés puisque la relation entre collaboration famille-école et rendement scolaire est plus forte pour les enfants qui présentent des difficultés manifestes, telles que l’hyperactivité et l’impulsivité.