Résumés
Résumé
Le tambourmalbar est un instrument qui, à La Réunion, est généralement considéré comme sacré de par son usage principalement réservé au sein des cérémonies religieuses hindoues. Mais depuis une trentaine d’années, cette tradition musicale indo-réunionnaise connaît une certaine expansion de sa pratique et de son répertoire. En effet, l’instrument peut tout aussi bien être utilisé au cours de rituels hindous que dans des circonstances qui s’émancipent du contexte initial strictement religieux.
Dans le cadre de cet article, trois espaces caractéristiques seront abordés en vue d’appréhender les différents ressorts d’une telle pluralité situationnelle : d’une part, le contexte hindou, c’est-à-dire l’espace religieux, sera abordé, pour ensuite investiguer d’autre part le contexte créole, plus précisément l’espace du spectacle avec l’exemple de la troupe « Les Tambours Sacrés de La Réunion » et celui du concert de maloya.
La fonction religieuse à laquelle le tambourmalbar est ordinairement rattaché conditionne en grande partie le caractère sacré de cet instrument ; d’après certains informateurs interrogés à ce sujet lors d’enquêtes de terrain menées à La Réunion depuis 2014, ce tambour est en effet non seulement sacré en lui-même, mais également par le rôle qu’il joue au sein du contexte musical rituel : celui de marquer la présence des divinités qui réagissent à son appel.
Dans le recueil des discours, il s’avère que les dires relatifs au sacré de l’objet s’élèvent à plusieurs niveaux. En effet, bien que les rythmes produits dans les divers contextes de jeu soient plus ou moins éloignés de ceux qui sont en usage dans la sphère religieuse, les modes de sécularisation du tambourmalbar divise les Réunionnais. Quel(s) sens et quelle(s) valeur(s) revêt le tambourmalbar lorsqu’il est utilisé dans l’une ou l’autre des situations observées ? Comment s’en trouve alors affecté le répertoire musical de cet instrument ? L’usage rythmique est-il réellement susceptible de caractériser une certaine circonstance de jeu ? Une fois analysées les spécificités propres aux trois espaces de jeu ci-dessus mentionnés, sera proposée une approche de ces situations musicales par l’étude d’une pratique et d’un répertoire éclatés susceptible de révéler les enjeux identitaires que suscite chacun des usages dont le tambour malbar fait aujourd’hui l’objet à La Réunion.
Abstract
The malbar drum is an instrument which, in Reunion Island, is generally considered sacred due to its use mainly in Hindu religious ceremonies. However, over the last thirty years, this Indo-Reunion musical tradition has seen its practice and repertoire expanded. Indeed, the instrument can be used as much during Hindu rituals as in circumstances free from the initial strictly religious context.
Within this article’s framework and with the aim of understanding the various dynamics of this kind of situational plurality, its three characteristic spaces of use will be discussed: first, the Hindu context, meaning the religious space; next, the Creole context, specifically the performance space, using the example of the group “Les Tambours Sacrés de La Réunion”; and finally, the context of the Maloya concert.
The religious function typically ascribed to the malbar drum is largely responsible for this instrument’s sacred nature. According to some sources interviewed on the topic during fieldwork carried out since 2014 in Reunion, not only is the drum itself sacred, it has also become so through the role it plays within the ritual musical context: that of denoting the presence of the deities who respond to its call.
In compiling the narratives, it turns out that statements about the object’s sacredness are made on several levels. While the rhythms produced in various playing contexts are somewhat distanced from those in use in the religious space, the way the malbar drum has been secularized divides the Réunionese. What meaning(s) and value(s) can be attributed to the malbar drum when it is used in one or another of the situations observed? How is its musical repertoire then affected? Is the use of rhythm truly likely to be a trait of a specific playing context? Once the specificities of the three aforementioned playing spaces have been analyzed, an approach to these musical situations will be proposed by examining this fragmented practice and repertoire, which is likely to reveal the identity issues raised by each of the current uses of the malbar drum in Reunion Island.
Parties annexes
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