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Le monde contemporain semble aujourd’hui traversé par une multitude de courants contradictoires et complexes. On parle de monde multipolaire, en recomposition, voire de pluralité de mondes[1]. Les objets symboliques sont également multiples, foisonnants, et porteurs de contradictions. Face à cela, chacun semble dans une certaine confusion et l’appréhension linéaire des évènements ne semble plus de mise. Divers circuits, boucles et autres trajets plus complexes paraissent dès lors se mettre en place, et ce, aussi bien pour les récepteurs que pour les producteurs de contenus symboliques. On a souvent dit que ceux-ci, fortement modelés par la présence des réseaux informatiques, prenaient la forme d’hyperliens, de rhizomes, etc. Mais une autre forme, cousine de ces dernières, pourtant très présente dans les images contemporaines, et en forte résonance avec la pluralité des mondes contemporains, n’a que peu été théorisée : c’est celle du compositing. On pourrait d’ailleurs remarquer une telle lacune par l’absence de traduction française adéquate du terme. Cette lacune est d’autant plus frappante à une époque où la multitude d’appareils contemporains porteurs d’écrans renforce la prégnance de l’articulation composite.
Par ailleurs, en 2001 déjà, Lev Manovich remarquait la chose suivante :
La composition numérique est exemplaire d’une opération plus générale propre à la culture informatique : l’assemblage d’un certain nombre d’éléments pour la création d’un objet homogène. Nous pouvons donc distinguer la composition au sens large (l’opération dans son ensemble) et la composition au sens restreint (l’assemblage d’éléments des images d’un film pour créer un plan photoréaliste). Cette dernière correspond à l’acception admise du terme « composition » (compositing). J’y vois, quant à moi, un cas particulier d’une opération plus générale qui se retrouve dans l’assemblage de tout objet néomédiatique.
(Manovitch 2010, 270)
En remplaçant dans cette citation le terme néomédiatique par numérique, on peut dire que le point de vue développé par Lev Manovich se voit largement confirmé en 2021, époque dite du « tout numérique » et du « Web 2.0 », où les cas particuliers de l’opération plus générale de compositing (compositage[2]) se multiplient[3]. En effet, le nombre d’images composites produites par une grande quantité d’individus et distribuées sur Internet est très important à l’heure actuelle. On peut même arguer qu’aujourd’hui l’image homogène, non composite, est devenue plutôt rare[4]. Cette augmentation de production est également visible chez les artistes.
À la lumière de ces constats – similarité entre composite et organisation des mondes contemporains, portée de l’image composite à l’époque actuelle –, il paraît important de s’interroger sur le composite, autant du côté de l’image que pour les mondes contemporains. Cette interrogation permettra notamment de mieux comprendre l’organisation actuelle des objets symboliques, leurs effets et la portée critique qu’une exploration artistique permet, et ce, autant pour les images que pour les différents espaces sociopolitiques co-existants. Ce sera l’objet de cet écrit collectif.
Afin d’aller plus avant sur la centralité des notions d’images et de mondes composites à notre époque, il paraît important de préciser la définition de l’image composite, son histoire et ses multiples accointances avec des réflexions actuelles touchant les mondes contemporains.
Définition
Dans un sens général, l’image composite peut se définir comme un assemblage d’éléments visuels disparates en un tout à l’apparence plus ou moins homogène. L’assemblage se fait horizontalement et verticalement. L’assemblage horizontal se rapproche de l’idée de mosaïque (ensemble d’éléments disparates mis ensemble pour composer une seule image) et l’assemblage vertical de l’intégration (étant entendu qu’un ensemble de calques superposés constituent l’image finale). Si on considère l’image en mouvement, la succession des différentes compositions s’approche du mixage musical plutôt que du montage.
Par ailleurs, l’image composite n’est pas propre à un médium particulier, mais a été fortement explorée au cours du dernier quart du XXe siècle dans les pratiques vidéographiques, autant du côté de la télévision que du côté de l’art contemporain. C’est pour cette raison que je m’attarderai d’abord sur des définitions provenant de ce champ avant d’élargir la notion à ce qui l’a précédé, lui a tenu compagnie et l’a suivi.
L’idée de mosaïque a été explorée par de nombreux auteurs, parfois en d’autres termes. En effet, Françoise Parfait affirme que la vidéo en tant qu’« image mixée » (entendons compositée) « présente sur le même plan des éléments […] hétérogènes » (2001, 116). Aussi, Philippe Dubois, dans le chapitre « Pour une esthétique de la vidéo » de son ouvrage La Question vidéo. Entre cinéma et art contemporain, défend l’idée selon laquelle la vidéo « simultanéise les données dans une seule entité composite » (2011, 92). Par ailleurs, toujours selon Philippe Dubois, cette fois-ci à propos de Global Groove (1973) de Nam June Paik :
Lorsque le coréen-américain Nam June Paik, […] dans Global Groove, bande qui met en relation les codes culturels de l’Extrême-Orient et de l’Extrême-Occident, incruste une danseuse traditionnelle de Corée sur un décor d’images fait de vues aériennes de Manhattan, il ne monte pas des plans (une scène), il « compose » une image électronique qui nous donne à voir en une seule fois l’équivalent vidéographique de ce que le cinéma nous aurait inévitablement montré sous forme d’un classique montage alterné. Mieux même : l’idée de confrontation liée à la logique de l’alternance se trouve, avec l’incrustation vidéo, transformée en une idée de mixage, de brassage, d’interpénétration (des cultures autant que des images). Ce n’est plus l’Asie face à l’Amérique, c’est l’Asie et l’Amérique l’un dans l’autre.
(Dubois 2011, 92)
Un autre aspect de la dimension mosaïquée de l’image composite en vidéo est abordé par Lev Manovich à la fin du chapitre « Composition » de son ouvrage susmentionné :
[…] si l’avant-garde des années 1990 et MTV dans son sillage ont juxtaposé des réalités radicalement différentes dans une même image, et si les artistes-infographistes d’Hollywood se sont servi de l’ordinateur pour coller des images différentes dans un espace illusionniste continu, [d’autres artistes contemporains] s’aventurent dans le champ ouvert à la créativité qui s’étend entre ces deux extrêmes.
(Manovitch 2010, 302)
La mosaïque, ou agencement en surface, est donc un aspect central de l’image composite qui a été exploré dès les débuts de l’art vidéo et qui, suivant les usages, permet de jouer de l’éclatement à la continuité feinte, en passant par toutes les situations intermédiaires.
Par ailleurs, le compositage audiovisuel chercherait aussi à rassembler, à tout contenir. À ce propos, Françoise Parfait utilise le terme d’« image intégrée » :
[…] on ne peut plus parler de plan mais de tableau de bord pour reprendre l’expression de Gilles Deleuze, ou d’image intégrée comme on parle de cuisine intégrée où tout est là à disposition, superposé, encastré, rangé dans une surface fermée sur elle-même puisque tout y est.
(Parfait 2001, 115)
De même, Philippe Dubois affirme :
L’un sur l’autre (surimpression), l’un à côté de l’autre (volet), l’un dans l’autre (incrustation), ou les trois ensembles, mais toujours à l’intérieur de l’image-cadre. Le montage est intégré, il est interne à l’espace image.
(Dubois 2011, 91‑92)
Le terme d’« intégration » est également employé en informatique où il désigne la mise en relation de plusieurs programmes, et en électronique où il correspond au rassemblement d’une grande quantité de composants en un seul[5]. Par rapport au terme de mosaïque, qui renvoie plus à l’éclatement, l’intégration renvoie davantage à une tentative de masquage de l’hétérogène, du dissemblable. Et, si la surface peut plus aisément être considérée comme morcelée, l’empilement, ou encore la profondeur, peuvent davantage donner l’impression de pouvoir tout contenir[6].
Pour illustrer l’idée d’une « image virtuellement totale », Philippe Dubois évoque une vidéo, Powers of Ten, dans laquelle les auteurs zooment de l’infiniment grand à l’infiniment petit. Dans cette vidéo, Charles et Ray Eames montrent un homme allongé sur un carré de serviette posé dans l’herbe. Au cours d’un lent travelling arrière simulé, la caméra s’éloigne du personnage pour montrer ensuite la terre, puis l’univers. Dans un second temps, la caméra refait le trajet en sens inverse, et même s’approche plus près cette fois-ci, puisqu’elle montre les cellules de la peau de la main. C’est une image virtuellement totale, car elle suggère qu’elle n’a pas de limites : aussi loin que la caméra aille, dans un sens ou dans l’autre, une image succèdera toujours à la précédente. Cela sous-entend que la limite de l’image n’est plus de l’ordre du monde des images, mais plutôt du côté de la visualisation faite par l’utilisateur. Il n’y aurait alors plus de hors-champ, mais du hors-parcours.
La production audiovisuelle composite semble tout autant proposer une image morcelée qu’être une tentative d’intégration totale. Pour Philippe Dubois elle est « potentiellement totalisante autant qu’éclatée et multiple » (2011, 92). Aussi, pour préciser et nuancer le propos, même si la mosaïque d’image pourrait plus facilement s’apparenter à l’éclaté et l’intégration spatiale, à une totalisation, le compositage contient la dualité évoquée par Philippe Dubois autant dans sa surface que dans son épaisseur. La surface peut masquer ses aboutements et l’épaisseur peut faire affleurer de l’extrêmement divers.
En ajoutant la dimension temporelle à la réflexion, on peut considérer la succession d’images non comme un montage, mais comme un mixage. Certains éléments de la mosaïque peuvent disparaître au profit d’autres sans que l’ensemble soit remplacé. De même, des éléments peuvent être déplacés, agrandis, surexposés, etc. Dans tous les cas, la succession diachronique est mise en concurrence avec les éléments synchrones. Françoise Parfait synthétise la question en ces termes :
Si les synthétiseurs d’images avaient eu pour but d’explorer la visualité de l’image électronique, ils avaient aussi contribué à transformer l’articulation des images entre elles telle qu’il est d’usage de la concevoir en cinéma. En effet, si le montage au cinéma s’est historiquement construit sur la succession de petites unités (les plans) rapprochées les unes des autres grâce à des raccords définissant à eux seuls une rhétorique du film (raccord cut, en fondu, au blanc, à l’iris, etc.), en vidéo, c’est la notion même de montage qui est reconsidérée voire abandonnée au profit d’opérations consistant à gérer des flux continus de durées et de vitesses hétérogènes, à trouver et à activer des liens entre ces différentes temporalités, à ménager des glissements entre le son et les images. En l’occurrence, ces opérations s’apparentent davantage au travail du son ; et c’est pourquoi on va préférer le terme de mixage – qui désigne le regroupement et l’équilibrage, sur un même support, de sons de nature et de supports différents – emprunt d’anachronisme et de simultanéité, à celui de montage qui induit une chronologie et une succession de type linguistique. Coalescence, fusion, écoulement, mélange, confusion, équivalences… : autant de manifestations de la surface mixée du flux vidéographique.
(Parfait 2001, 115‑16)
Cette construction temporelle entraîne d’autres considérations. Notamment, et comme le remarque Christine Ross parmi d’autres (1996), le caractère surfacique de l’image vidéo est renforcé au détriment de la transparence du cinéma héritée de la perspective de la Renaissance. Par ailleurs, chaque configuration apparaît, par son indécision entre le stable et l’instable, métastable. En effet, chaque vidéogramme est touché par une impression d’absence d’unité, l’ensemble des éléments qui le constituent semble agencé de manière provisoire avec des liaisons ténues entre elles. Ce qui correspond tout à fait au terme métastable qui provient de la physique/chimie et a été repris en sciences humaines[7]. Ici, c’est le sens développé dans le champ de la physique/chimie qui est opérant puisqu’il correspond à un système qui n’est pas stable en théorie, mais qui présente les caractères de la stabilité en raison d’une vitesse de transformation très faible. C’est aussi un système qui peut se transformer brusquement sous l’effet d’une modification subite de son énergie interne ou externe[8]. Le parallèle semble assez évident avec le compositage en mouvement puisque la stabilité apparaît comme transitoire, quelquefois localisée, et que l’instabilité peut subitement reprendre le dessus. Est-ce une manière de rejouer l’ambivalence évoquée précédemment entre l’éclaté et la totalisation, cette fois-ci par une différence d’état dans le temps ? Quoi qu’il en soit, voici brièvement évoquées trois caractéristiques principales de l’image composite en mouvement.
Comme je l’ai déjà mentionné, ces caractéristiques, bien qu’abondamment explorées à l’époque des images électroniques, n’appartiennent pas à cette dernière, pas plus que l’image composite d’ailleurs. En effet, si on se réfère encore à Philippe Dubois, ce dernier remarque que la pensée de l’image éclatée existe déjà chez certains cinéastes du muet. Même si cette notion diffère quelques peu de l’image composite, on peut en noter le très grand nombre de similitudes :
On rappellera d’ailleurs utilement que toute cette esthétique de l’image éclatée, si elle est au cœur de l’esthétique vidéographique, ne lui est pas pour autant spécifique, ainsi qu’en témoigne par exemple, dans une perspective historique qui n’a rien de linéaire ou de téléologique mais procède d’une histoire des formes autrement productive, le fait que les grands cinéastes du muet, innovateurs de formes, l’ont à la fois revendiquée et pratiquée avec éclat. Ainsi du cinéma de Dziga Vertov, qui évoquait lui-même l’idée d’un « montage vertical », ou d’un Abel Gance, maître de la surimpression, du volet et du triple écran et dont le Manifeste d’un art nouveau : la polyvision proclame clairement : « L’âge de l’image éclatée est venu ! […] Les frontières du temps et de l’espace s’écrouleront dans les possibilités d’un écran polymorphe qui additionne, divise ou multiplie les images… ».
(Dubois 2011, 96)
À cette même époque des débuts du cinéma, nombre d’artistes de l’Avant-garde produisent des tableaux disparates, éclatés, pouvant rappeler les caractéristiques susmentionnées du composite même si les enjeux y diffèrent, que ce soit les cubistes qui multiplient les points de vue sur une surface unique ou divers artistes qui effectuent une « superposition d’éléments plans qui conservent leur propre identité entre transparence et opacité, tout en interférant mutuellement dans un espace de représentation commun » (Arnaud 2014, 13).
Par ailleurs, Lev Manovich (2010, 191) remarque, à la suite de nombreux historiens, que « la composition numérique nous ramène aux techniques de photomontage du XIXe siècle, notamment celles développées par Henry Peach Robinson et Oscar G. Rejlander pour créer ce qu’on appelait alors des combination prints ». Bien avant cette époque, la composition picturale correspondait déjà à un ensemble d’éléments disparates agencés dans l’espace d’un tableau unique. Un pas en arrière supplémentaire pourrait nous amener à la Grèce antique, dans laquelle la double dimension du mosaïqué est déjà discutée et explorée plastiquement avec les chimères et les hybrides. En effet, la chimère renvoie à un être dont certaines parties sont visiblement différentes, tandis que l’hybride correspond à un mélange aux sutures non visibles. Enfin, avec l’avènement de l’image numérique, le compositage n’a fait que s’affirmer et se répandre pour que, aujourd’hui, les images non composites soient devenues plutôt rares.
Bien entendu, chaque époque et chaque occurrence du composite comporte des spécificités – qui seront par ailleurs discutées par différent·e·s auteur·e·s de cet ouvrage collectif –, cependant, le nombre de points communs qui traverse les époques démontre clairement que la notion de composite est bien plus ancienne que l’image électronique et lui a survécu.
Rapprochement modal
Maintenant que l’image composite a été définie et située dans le temps, je m’attarderai sur ce qu’elle partage avec des pensées et des mondes, de l’époque actuelle principalement. Cependant, afin de poursuivre la traversée transhistorique, je commencerai par une pensée sur le contemporain, proposée par Lionel Ruffel (2016, p. 23) dans son ouvrage Brouhaha, les mondes du contemporain. Le contemporain, selon cet auteur, peut être entendu comme « une manière d’être au temps » et non comme une époque. En effet, bien que Lionel Ruffel l’ai pensé à partir de l’époque actuelle, ce mode d’être au temps s’observe également à des époques antérieures.
Dans son ouvrage, le contemporain ne serait donc pas à entendre de manière épochale, c’est-à-dire comme une époque qui succèderait à la précédente dans une succession temporelle (il y a eu le moderne et maintenant voici le contemporain), mais de manière modale : comme un « mode d’être au temps », comme un rapport au temps particulier. En s’attachant à l’analyse du terme contemporain (constituée de cum- et temps), cet auteur propose de lire ce mode d’être au temps comme une manière d’« être compagnon du temps », et ce, avec toute la complexité que la notion de compagnonnage peut avoir : « Être avec le temps, être camarade du temps, c’est se glisser dans ses plis, l’occuper, l’habiter, pour le reconfigurer et le faire voir » (Ruffel 2016, 29). En cela, « Non seulement à l’imaginaire de la séparation, [le contemporain] impose un imaginaire de la confraternité, de la coexistence, mais en plus il renoue avec les autres imaginaires non modernes […] Des superpositions (cum-), non des substitutions » (Ruffel 2016, 202). Cette première synthèse permet déjà de remarquer les similitudes avec le mixage composite, notamment à travers la simultanéité et la synchronie, que l’on peut considérer comme traduction plastique de ce rapport au temps.
Par ailleurs, un autre rapprochement peut être fait à travers le déplacement du temporel au spatial qui marque également le contemporain. On retrouve ici une conception déjà ancienne (les années 1960) du tournant spatial de l’époque, de la transformation d’une pensée du temps à une pensée de l’espace. Même si les tournants, qu’ils soient spatiaux ou temporels, restent des considérations largement discutables, ils n’en ont pas moins quelquefois des vertus heuristiques non négligeables. C’est notamment le cas ici quand Lionel Ruffel affirme que : « le tournant spatial, c’est la prise en compte d’une multiplicité d’histoires concurrentielles ou simplement parallèles qui coexistent et sont juxtaposées. Le tournant spatial, c’est tout simplement la pensée de la multitude déhiérarchisée » (2016, 200). De même, le rapprochement avec la dimension essentiellement spatiale du compositage y est facilement appréhendable puisque la mise en relation d’éléments audiovisuels se fait de manière mosaïquée, et donc en partie synchronique.
Aussi, les techniques de pensée actuelles, notamment Internet et ses algorithmes, reposeraient sur « une structure souple et chaque fois recommencée » (Ruffel 2016, 200). Et :
le Web, structuré par l’hypertexte et les bases de données, a entraîné une déhiérarchisation et une coexistence d’éléments disparates. Relier une photo à un texte, une image à une vidéo, un article à un livre, trier des informations par traits potentiellement infinis plutôt que par genre produit une technique de pensée qui se rapproche de la multitude et favorise le très grand nombre. […] L’Internet n’est pas une bibliothèque. Celle-ci traite le grand nombre, en le hiérarchisant, celui-là le très grand nombre en l’horizontalisant dans une structure souple et chaque fois recommencée. […] Ces jours-ci, il semble qu’on pourrait dire que le monde est (dé)structuré comme le big data.
(Ruffel 2016, 202)
L’organisation particulière permise par le compositage contemporain, à savoir un mélange en mouvement, un jeu avec des délimitations plus ou moins visibles et un usage très courant de cette pratique, désignent aisément cette déstructuration et ses usages.
Un autre aspect du contemporain s’observe dans la manière dont les multitudes que constituent la population mondiale s’organisent et prennent la parole dans l’espace public. En effet, comme je l’ai déjà évoqué, le contemporain c’est aussi une « multiplicité d’histoires concurrentielles » et une « multitude déhiérarchisée » (Ruffel 2016, 202). On peut en observer diverses manifestations dans les constructions chorales de discours, très présentes dans les créations utilisant des images composites[9].
Enfin, pour conclure ce bref tour d’horizon des similitudes entre le contemporain tel qu’il est synthétisé par Lionel Ruffel et le composite, on pourrait considérer la réception contemporaine dans une dimension composite. Appréhendée ainsi, la réception est plurielle, se scindant quelquefois en plus de deux sources d’attention pour veiller sur chacun des objets audiovisuels possédant l’intérêt du moment[10]. Et c’est encore une fois une manière d’être contemporain puisque : « être contemporain, […] c’est faire l’expérience de cette simultanéité de sollicitations attentionnelles » (Ruffel 2016, 198).
On a vu que métastabilité et structure souple entraient en résonnance. On a également fait le constat que la flèche temporelle est remise en question au profit d’un compagnonnage du temps, compagnonnage proche de la cohabitation mosaïquée du composite. Par ailleurs, la dimension spatiale, présente dans la stratification des calques numériques, se retrouve dans la pluritemporalité et la dimension archéologique[11] du contemporain. Aussi, la multitude déhiérarchisée trouve un écho dans la juxtaposition spatiale et non plus uniquement temporelle d’une multitude de sources visuelles et sonores. Enfin, la simultanéité se retrouve dans les sollicitations attentionnelles de l’époque et l’éventuelle compagnie simultanée d’une très grande quantité d’éléments audiovisuels.
En poursuivant l’exploration comparative des notions d’image composite et du contemporain, entendu comme mode d’être au temps, on remarquerait de nombreuses autres affinités. À tel point qu’on pourrait se demander si cette acception du contemporain et le composite constitueraient les deux faces d’une même pièce. Plus précisément, on pourrait se demander si le composite serait le versant plastique de ce contemporain. Quoi qu’il en soit, les mondes du contemporain, comme formations multiples de communautés temporelles synchronisées, et productions composites, comme mise en œuvre plastique de ces mondes, paraissent dans une forte accointance.
On peut également se rappeler que ce mode d’être au temps est loin d’être spécifique à l’époque actuelle. Et si la période moderne invitait davantage à une approche plus linéaire du temps, ce n’est pas le cas pour un grand nombre d’époques qui l’ont précédées[12]. Ainsi la pensée de la synchronie et de la multitude déhiérarchisée, qu’on peut trouver dans l’image composite, peut se retrouver dans des productions n’appartenant pas à l’époque actuelle. C’est peut-être également le cas pour la réception composite et la structure souple en réorganisation constante, quoique les modes de réception des époques antérieures restent peu étudiés.
Rapprochements temporels
J’achèverai ce parcours de rapprochements avec le compositage par des pensées sur l’époque, plus situées temporellement, qui marquent également des accointances, des affinités, des résonnances avec le composite. Pour être en plus grande adéquation avec les pensées que je solliciterai et pour continuer à signifier la richesse du composite, je reprendrai le découpage précédent tout en le nommant quelque peu différemment, à savoir : le disjoint, l’inséparé et une multitude de com-, d’avec.
Une des premières pensées de l’époque qui marque des accointances avec les images composites telles que définies ici, également la plus ancienne dans l’histoire des idées, est celle de la postmodernité. Cette dernière a été formulée par Jean-François Lyotard en 1979, pour être ensuite reprise par de nombreux auteurs. Je n’en retracerai pas l’histoire ici, je reprendrai seulement une synthèse faite dans La Condition postmoderne :
En simplifiant à l’extrême, on tient pour post-moderne l’incrédulité à l’égard des métarécits [Grands Récits]. Celle-ci est sans doute un effet du progrès des sciences ; mais ce progrès à son tour la suppose. […] La fonction narrative perd ses foncteurs, le grand héros, les grands périples et le grand but. Elle se disperse en nuages d’éléments langagiers narratifs, mais aussi dénotatifs, prescriptifs, descriptifs, etc., chacun véhiculant avec soi des valences pragmatiques sui generis. Chacun de nous vit aux carrefours de beaucoup de celles-ci. Nous ne formons pas des combinaisons langagières stables nécessairement, et les propriétés de celles que nous formons ne sont pas nécessairement communicables.
(Lyotard 1979)
Ainsi la société qui vient relève moins d’une anthropologie newtonienne (comme le structuralisme ou la théorie des systèmes) et davantage d’une pragmatique des particules langagières. Il y a beaucoup de jeux de langage différents, c’est l’hétérogénéité des éléments. Ils ne donnent lieu à institution que par plaques, c’est le déterminisme local (Lyotard 1979, 7‑8).
On peut noter de ce passage, les notions les plus significatives de la pensée du postmoderne : la fin des Grands Récits unificateurs et la dispersion en nuage d’éléments langagiers, auxquels chacun est confronté, qui font sens localement, mais qui tiennent rarement tous ensemble. Ensuite, Fredric Jameson poursuit la réflexion, notamment pour la vidéo :
[…] dans une sorte de renversement de la quantité en qualité, la réification pénètre le signe lui-même et disjoint le signifiant du signifié. Maintenant, référence et réalité disparaissent complètement, et même la signification – le signifié – se trouve mise en crise. Nous nous retrouvons avec ce pur jeu aléatoire de signifiants que nous appelons le postmodernisme, […] qui remue sans cesse les fragments de textes préexistants […] telle est la logique du postmodernisme qui trouve une de ses formes les plus puissantes, les plus originales et les plus authentiques dans le nouvel art de la vidéo expérimentale.
(Jameson 2011, 159)
Ainsi la vidéo, notamment par le compositage, rejouerait parfaitement l’époque de la postmodernité par son jeu de brassage incessant ; jeu qui recouvre, comme on l’a déjà évoqué, le mosaïqué et le mixage. On peut sentir que la lecture proposée par Fredric Jameson dans ce passage n’est pas marquée de connotations très positives et que la vidéo en art serait le parangon de la perte de sens et du relativisme tant décriés dans cette époque. On ne pourrait totalement s’opposer à cette analyse. Cependant, l’éclatement, le multiple, le brassage incessant ne seraient-ils pas également une ouverture, un décalage, une possibilité de changer de places ? Et pour le redire avec Lionel Ruffel (2016, 30) : « Le flux est désormais “Turbulent”, il s’ouvre au brouhaha, au mélange ».
Face à l’éclatement, au brassage, au disjoint, au disparate de la postmodernité s’oppose une pratique de l’intégration, de la totalisation, de l’inséparé, de la disparition de l’extériorité, voire de la transcendance. J’ai précédemment évoqué la capacité intégrative du compositage qui peut masquer les délimitations, dénier les origines multiples des images sources, suggérer que ce type d’image contient tout, qu’il n’y a plus de dehors, ni de hors champ. C’est également un autre versant de la postmodernité dans laquelle des récits localisés, se prétendant vérités, vont tenter de nier toute extériorité en donnant une impression de totalisation dans le discours et les représentations. Dans ces cas de figure, l’image sert au mensonge et à la construction de ce récit par élimination des détails ne coïncidant pas avec le micro-récit ou montrant l’incongruité de certains rapprochements.
À l’opposé, Dominique Quessada, notamment dans L’Inséparé. Essai sur un monde sans Autre[13], avance que nous sommes entrés dans une époque de l’inséparé, dans un monde sans Autre, dans un monde de l’immanence. Cependant, cette analyse ne l’amène pas aux conclusions et aux risques que je viens d’évoquer. Au contraire, selon lui, l’époque de l’inséparé est l’époque de la globalisation où tout est connecté à tout. Ainsi, il n’existerait plus d’altérité radicale, et ce qui affecterait quelqu’un ou quelque chose quelque part serait connecté aux autres d’une manière ou d’une autre. Sous cet angle, l’organisation humaine actuelle serait à penser comme une imbrication multiple de « nous », et plus à des « nous » et des « eux ». Ce renversement analytique permet alors de reconsidérer le masquage des différences comme des rapprochements d’éléments inattendus. Ceux-ci seraient a priori hétérogènes, mais comporteraient également des affinités, des liens, des relations qui n’avaient jusqu’alors pas été envisagées ou découvertes.
Les liens, les relations inattendues amènent également à considérer l’entre-deux, entre le séparé et l’inséparé, qui a été très heureusement synthétisé, il me semble, dans un ouvrage de Donna J. Haraway : Staying with the trouble : Making Kin in the Chthulucene, récemment traduit en français par Vivien Garcia (2020) et titré Vivre avec le trouble. Dans cet ouvrage foisonnant et bigarré, l’auteure indique que nous sommes entrés dans l’ère du trouble et invite à faire de nouvelles parentés, des nouages ou plutôt des « jeux de ficelles » (string figures) avec les autres espèces, notamment les « espèce compagnes ». Ces jeux de ficelles sont autant de décentrements épistémologiques, qu’une invitation à un nouvel enchevêtrement des « bestioles » (critters) dans l’humus. Plus précisément, avec les mots de l’auteure traduite : « Pour vivre avec le trouble, les noms et les figures ont besoin les uns des autres. Ils ne sont pas pour autant isomorphes. Ils habitent des histoires liées, des histoires séparées, des histoires enchevêtrées » (Haraway 2020, 47). Il semble ici qu’une parenté, encore une, puisse être trouvée avec le composite dans la mesure où il se situe justement entre le lié et le séparé.
La figure du compagnonnage s’y trouve également convoquée d’une autre manière en compagnie de gestes cousins du compositage. En effet, Haraway (2020, 21) appelle également à la « récupération » plutôt qu’à la « restauration » ou la « réconciliation », elle appelle aussi au « recomposé » (2020, 61) et enfin, plutôt que du post-humain, elle suggère le « com-post ». On pourrait se demander si le composite est aussi une sorte de compost par l’accumulation de couches successives, de sédimentations, de divers, de vivants et de morts, de différences temporelles. Il semblerait en tout cas que le compositage soit du compostage, si on en croit mon correcteur d’orthographe. Plaisanterie à part, ces préfixes de com- et de re-, déclinés de multiples manières par Donna J. Haraway, sont en forte résonnance avec le contemporain de Lionel Ruffel, le compagnonnage du temps et le composite tel qu’on l’a vu jusqu’alors.
Ainsi, l’image composite et son geste de formation, le compositage, font écho à des pensées de l’époque actuelle, qu’on la nomme postmodernité, contemporain, inséparé, anthropocène, capitalocène, chthulucène, trouble… Dans tous les cas, nous ne nous trouvons plus dans l’époque moderne et les délimitations, les liaisons et la temporalité sont en reconfiguration ; comme cela a été le cas à d’autres époques, mais avec les particularités que comportent les technologies, les bestioles (y compris les humains) et l’état de la terre actuels.
Présentation des articles
Sans que les articles qui composent cette production collective ne traitent avec exhaustivité des différentes acceptions et parentés qui viennent d’être évoquées, ils abordent néanmoins des images et des mondes composites de multiples manières. Cette publication rassemble des articles issus de communications faites durant deux journées d’étude (« Imaginaires du composite. Images et mondes contemporains », 12 avril 2018 ; « L’Image composite aujourd’hui », 18 avril 2019) et intègre une partie des communications du séminaire « document, compositage et récit intermédial » (octobre – décembre 2019) du programme « Images en tr@nsit – territoires et médiums » (LESA). Des invitations spécifiques ont également été lancées pour encore augmenter les approches et les points de vue qui avaient déjà été rassemblés.
Une première partie aborde certaines des capacités des images composites et/ou du compositage pour appréhender le monde actuel. Le premier article, de Jean Arnaud, traite du composite dans sa dimension critique selon quatre déclinaisons : fusion, transposition, transcomposite et la part du composite dans le métamorphique. À travers ces entrées, il évoque des formes de compositage automatisées (programmatiquement) qui peuvent servir d’espace d’élaboration de récit et de contre-récit. Il propose aussi d’appréhender, avec la transcomposition, le passage d’une image composite à d’autres médiums, ce qui multiplierait de manière exponentielle les interférences entre faits et fictions. Ensuite, Alejandro León Cannock nous invite à explorer le caractère éventuellement pensif des images composites et la spécificité de cette pensivité, notamment à travers leur caractère hétérogène, avec Fendre les images, fendre les choses. Les images composites peuvent-elles devenir des images pensives ? Je parle ensuite, dans Habiter le trouble. Potentialités des images à l’ère du tout composite, de la capacité des images composites à explorer l’époque troublée à travers les questions de la spatialité, de la véridicité de certaines images, de la platitude et des possibles offerts par une reconsidération du fond, autant fond de scène qu’environnement-surround. Cette première partie est clôturée par Carole Nosella qui pense l’image composite dans sa réalisation, dans son rapport à la ville et hors de l’écran, à travers une pratique en train de se faire de projection-captation en direct dans Imbriquer des images par la projection hors-écran : penser l’expérience du composite en train de se faire.
Une deuxième partie est consacrée aux rapports et relations entre corps et images composites. Vincent Ciciliato nous introduit à des jeux de jonction et de disjonction entre corps représenté et fond, temps, gestes cycliques et emboités avec Cinq notes sur la relation entre espaces composites et automatisations gestuelles. Fanny Terno, à travers l’interrogation d’un projet artistique réalisé en duo qui comportait nombre d’appareils de captation et de protagonistes humains, interroge mondes composites, temps composites et attention composite avec Images et mondes composites dans le projet de recherche-création Dés-œuvres de jeunesse (2017-2019). Ensuite, Jean-Paul Fourmentraux pense corps et images mêlées dans une situation conflictuelle avec Rave against the (vision) machine. Autour de Samuel Bianchini (dir.), Discontrol Party (2009-2018). Enfin, Marie-Laure Delaporte interroge les liens inattendus qui peuvent se nouer entre images hétérogènes, identité et corps tératologique dans De l’image hétéroclite au corps hybride dans les œuvres d’Hito Steyerl et Andrea Crespo.
La troisième partie est consacrée à des articles appréhendant l’image composite sur une durée relativement plus longue, des débuts du cinéma pour certaines jusqu’à la peinture antique pour d’autres. Patrick Nardin, dans Détours archaïques du cinéma, propose une approche analogique du composite en s’appuyant essentiellement sur des pratiques de cinéma expérimental qui permettent au spectateur, par une formation composite des images dans son esprit, de penser les structures discontinues. Ensuite, avec L’Image composite dans les effets spéciaux visuels cinématographiques, de l’analogique au numérique, Caroline Renouard retrace l’histoire des techniques du compositage, des débuts du cinéma avec Méliès, jusqu’aux films en images de synthèse des années 2000. Une autre histoire, cette fois-ci de la représentation et des récepteurs, est proposée par German Duarte dans Le Regard composite. Quelques réflexions sur la nature non-euclidienne des images composites. Elle débute à la Renaissance, en pensant par le cinéma du XXe siècle pour aboutir à des représentations plus contemporaines avec Hito Steyerl et les images fractales. Enfin, une proposition, davantage critique de la notion, est faite par Anna Guilló dans Art, cartographie et images satellitaires : le meilleur des mondes ? Commençant à la Grèce antique, le composite y apparait déjà lénifiant, mensonger, unifiant, et ces caractéristiques pourraient encore être trouvée dans les images composites contemporaines. Pour contrecarrer ce type d’images, l’auteure propose de faire des images reconstituées qui rassemblent des éléments initialement séparés.
Pour ouvrir plutôt que finir, une production particulière de Bruno Goosse, La Chasse au trésor, clôture cet ouvrage. Celle-ci, considérée comme objet composite en elle-même est une transcription textuelle d’un projet artistique réalisé sous forme installative dans un premier temps, à partir des discours et des représentations d’un bâtiment singulier se trouvant dans les Laurentides, au Québec (Canada).
Sommaire
L’Image composite comme outil d’appréhension du monde
Jean Arnaud, Le Composite comme outil critique
Alejandro León Cannock, Fendre les images, fendre les choses. Les images composites peuvent-elles devenir des images pensives ?
Damien Beyrouthy, Habiter le trouble. Potentialités des images à l’ère du tout composite
Carole Nosella, Imbriquer des images par la projection hors-écran : penser l’expérience du composite en train de se faire
Corps et images composites en relation
Vincent Ciciliato, Cinq notes sur la relation entre espaces composites et automatisations gestuelles
Fanny Terno, Images et mondes composites dans le projet de recherche-création Dés-œuvres de jeunesse (2017-2019)
Jean-Paul Fourmentraux, Images opératoires et dispositifs agonistiques. Autour de Samuel Bianchini, Discontrol Party (2011-2020)
Marie-Laure Delaporte, De l’image hétéroclite au corps hybride dans les œuvres d’Hito Steyerl et Andrea Crespo
En-deçà et au-delà du numérique et du composite
Patrick Nardin, Détours archaïques du cinéma
Caroline Renouard, L’Image composite dans les effets spéciaux visuels cinématographiques, de l’analogique au numérique
German Duarte, Le Regard composite. Quelques réflexions sur la nature non-euclidienne des images composites
Anna Guilló, Art, cartographie et images satellitaires : le meilleur des mondes ?
Transposition composite d’une production artistique :
Bruno Goosse, La Chasse au trésor
Parties annexes
Notes
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[1]
Voir notamment Lionel Ruffel, Brouhaha : les mondes du contemporain (2016).
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[2]
Je propose ici le terme de « compositage » comme traduction de l’anglais compositing. Ce terme n’est pas un néologisme puisqu’il est déjà utilisé en astronomie avec une acception différente.
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[3]
C’est d’autant plus important avec la crise sanitaire que le monde traverse depuis le début de l’année 2020.
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[4]
Pour quelques développements supplémentaires à ce propos, voir la partie introductive de mon article « Habiter le trouble. Potentialités des images à l’ère du tout composite » dans le présent travail collectif.
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[5]
« Philos. “Établissement d’une interdépendance plus étroite entre les parties d’un être vivant, ou entre les membres d’une société” (Lalande).
Didact., psychol., psychan. Assimilation, incorporation (de nouveaux éléments) à un système psychologique. | Intégration mentale. – Processus (mal défini) par lequel la personnalité acquiert son unité et son harmonie ; équilibre entre les principales forces psychiques (en t. de psychanalyse : ça, moi et surmoi).
Physiol. Coordination des activités de plusieurs organes, nécessaires à un fonctionnement harmonieux.
Inform. | Intégration des données dans un processus de traitement. | Intégration de la gestion d’une base de données. — Processus par lequel on obtient des composants, des circuits intégrés. | Faible intégration, moyenne, grande intégration. | Densité d’intégration d’un circuit. | ». « Intégration », Le Grand Robert, (2005).
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[6]
L’intégration ferait également signe vers le caractère du réseau informatique planétaire cherchant à tout contenir. Ou, plus précisément, l’intégration fait écho au souhait de captation, par certaines entreprises, de tout ce qui circule sur Internet dans des centres de données privées. À ce propos, voir Shoshana Zuboff, L’Âge du capitalisme de surveillance : Le combat pour un avenir humain face aux nouvelles frontières du pouvoir (2020)
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[7]
Voir notamment : Gilbert Simondon, L’Individuation psychique et collective. À la lumière des notions de forme, information, potentiel et métastabilité, (1989).
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[8]
« métastable, phys. (Équilibre, corps chimique) qui n’est pas stable, mais dont la vitesse de transformation est tellement lente qu’il a l’apparence de la stabilité (d’apr. Méd. Biol. t. 2 1971). L’état (…) métastable (…) peut exister des années (M. Curie, Luminescence, 1934, p. 68). »
CNRTL, « Métastable », Centre national de ressources textuelles et lexicales, « Se dit de l’équilibre d’un système stable pour de faibles actions extérieures et instable pour des actions extérieures importantes. » Dictionnaire de français Larousse, « métastable ».
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[9]
Voir notamment les productions artistiques d’Hito Steyerl et de Natalie Bookchin qui proposent des narrations éclatées et chorales chacune à leur manière.
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[10]
Voir notamment Grosse Fatigue (2013) de Camille Henrot où une multitude de fenêtres sont ouvertes, fermées et juxtaposées continuellement dans une vidéo d’une vingtaine de minutes.
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[11]
Cf. Michel Foucault, Les mots et les choses (1966), L’Archéologie du savoir (1969) et Dits et écrits (1994).
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[12]
Voir Bruno Latour, sur lequel s’appuie d’ailleurs Lionel Ruffel, notamment dans Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique (1991).
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[13]
Voir à ce propos : Dominique Quessada, L’Inséparé. Essai sur un monde sans Autre, (2013) ; Dominique Quessada, L’Autre. Anatomie d’une passion, (2018) ; Dominique Quessada et Yves Citton, « Habiter l’inséparation », (2018).
Bibliographie
- Arnaud, Jean. 2014. L’Espace feuilleté dans l’art moderne et contemporain. Arts. Histoire, théorie et pratique des arts. Aix-en-Provence: Presses Universitaires de Provence.
- Curie, Marie. 1934. Luminescence des corps solides. Paris: Presses Universitaires de France.
- Dubois, Philippe. 2011. La Question vidéo : entre cinéma et art contemporain. Côté cinéma. Crisnée, Belgique: Yellow Now.
- Foucault, Michel. 1966. Les Mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines. Paris, France: Gallimard.
- Foucault, Michel. 1969. L’Archéologie du savoir. Paris, France: Gallimard.
- Foucault, Michel. 1994. Dits et écrits 1954-1988. Paris, France: Gallimard.
- Haraway, Donna Jeanne. 2020. Vivre avec le trouble. Traduit par Vivien García.
- Jameson, Fredric. 2011. Le Postmodernisme ou La logique culturelle du capitalisme tardif. Traduit par Florence Nevoltry.
- Latour, Bruno. 1991. Nous n’avons jamais été modernes : essai d’anthropologie symétrique. Nachdr. Paris: La Découverte.
- Lyotard, Jean-François. 1979. La Condition postmoderne : rapport sur le savoir. Collection Critique. Paris: Éditions de Minuit.
- Manovitch, Lev. 2010. Le Langage des nouveaux médias. Dijon: Les Presses du réel.
- Parfait, Françoise. 2001. Video, un art contemporain. Paris: Regard.
- Quessada, Dominique. 2013. L’Inséparé : essai sur un monde sans Autre. 1re édition. Perspectives critiques. Paris: Presses universitaires de France.
- Quessada, Dominique. 2018. L’Autre : anatomie d’une passion. Paris: Les éditions du Cerf.
- Quessada, Dominique, et Yves Citton. 2018. « Habiter l’inséparation ». Multitudes 72 (3):47‑59. https://doi.org/10.3917/mult.072.0047.
- Robert, Paul, et Alain Rey. 2005. « Intégration ». Dictionnaires Le Robert.
- Ross, Christine. 1996. Images de surface : l’art vidéo reconsidéré. Montréal, Québec: Ed. Artextes.
- Ruffel, Lionel. 2016. Brouhaha : les mondes du contemporain. Lagrasse: Verdier.
- Simondon, Gilbert. 1989. L’Individuation psychique et collective: à la lumière des notions de forme, information, potentiel et métastabilité. Repr. der Ausg. von 1989. Paris: Aubier.
- Zuboff, Shoshana. 2020. L’Âge du capitalisme de surveillance.