Résumés
Mots-clés :
- Histoire des techniques,
- Philosophie du numérique,
- Humanités numériques
Keywords:
- History of technology,
- Digital studies,
- Digital humanities
Se présentant comme un champ de recherche en pleine expansion, les Humanités numériques (HN) se présentent comme un sujet complexe, source d’une production scientifique (ouvrages, colloques, congrès) cherchant à dissiper la brume sémantique qui entoure une dénomination récente. À ce jour, la plus récente monographie de Pierre Mounier, chercheur français et directeur adjoint du Centre pour l’édition électronique ouverte (Cléo), s’inscrit dans cette littérature en quête d’une définition et choisit d’aborder l’objet étrange que constituent les HN par le biais d’une perspective historique. Son étude se présente sous la forme d’une histoire critique, d’un plaidoyer éclairé sur un champ de recherche en co-construction. Défenseur du libre accès, l’auteur a rendu disponible son ouvrage en ligne en accès libre sur la plateforme OpenEdition. La publication en libre accès du livre et la compatibilité de la plateforme de publication avec l’outil d’annotation Hypothesis la constitution de ce compte-rendu et la discussion des propos de l’article à même son espace de lecture : à ce dialogue, l’auteur lui-même à participé, répondant aux annotations et fournissant ainsi encore plus de matière critique à ce travail. Ces annotations ont été considérées dans le travail qui suit comme un véritable contenu méta-documentaire, et ont été référencées. L’auteur structure son propos sur une chronologie d’évènements et de projets relevant des HN qui rejoint le discours que l’on pourrait qualifier de “classique” sur ce champ d’étude (on peut d’ailleurs faire remarquer que le plan de l’ouvrage ressemble grandement à celui de la page Wikipédia consacrée aux HN). Les inscriptions des HN dans le paysage de la recherche ainsi mises en lumière sont analysées à l’aune de problématiques récentes dans une perspective qui se revendique comme interdisciplinaire. Le premier chapitre présente l’origine technique des HN au travers de la figure de Roberto Busa et de sa collaboration avec l’entreprise IBM (International Business Machines Corporation). Ce jésuite italien avait entreprit de transcrire la Somme théologique de Thomas d’Aquin - afin d’étudier le vocabulaire de la présence et de l’incarnation - et utilisa pour ce faire un système de machines à carte perforée. Cet acte de naissance des HN dans l’Index Thomisticus amène l’auteur à étudier dans le chapitre suivant les effets résultant de l’invention et de la pratique de l’ordinateur, dont notamment le changement de paradigme du texte littéraire, perçu comme une potentielle base de données. C’est à cette conception dataphile de l’art littéraire que s’oppose un courant de pensée qui se proclame humaniste ou humanistique (selon la tension entre les notions de data et de capta de Drucker (2010), l’humanisme numérique de Doueihi (2011)), présenté dans un troisième chapitre et développé dans un quatrième chapitre. La présentation de courants de pensée divergents, opposés parfois entre un paradigme technophile et un paradigme humaniste, amène dans un dernier chapitre à une réflexion sur les possibilités de conciliation entre technicité et humanistique (philosophie de la machine avec Turing reprise par Doueihi (2013), technoscience avec Habernas et Marcuse (1990)), une conciliation qui constituerait l’espoir d’un renouvellement nécessaire de la discipline. Dans son ouvrage, l’auteur initie sa réflexion à partir d’une question saisissante par son actualité : quel est l’avenir des Humanités, et notamment des Humanités classiques ? À cette question, une réponse s’impose presque immédiatement : les humanités numériques, comprises comme le rassemblement de disciplines diverses autour d’une réflexion commune sur les outils et théories à l’ère du numérique dans le cadre de projets relevant des Sciences sociales et humaines, sont l’avenir des humanités. C’est ainsi dans l’enjeu du devenir d’une discipline ou métadiscipline que Mounier fonde sa réflexion et propose une histoire critique retrançant les évènements historiques, techniques et théoriques …
Parties annexes
Notes et références
- Allington, Daniel, Sarah Brouillette, et David Golumbia. s. d. « Neoliberal Tools (and Archives): A Political History of Digital Humanities. Los Angeles Review of Books ». Consulté le 14 décembre 2019. https://lareviewofbooks.org/article/neoliberal-tools-archives-political-history-digital-humanities/.
- Berra, Aurélien. 2015. « Pour une histoire des humanités numériques ». Critique 8:613‑26.
- Bourdon, Jérôme. 2011. « L’interdisciplinarité n’existe pas ». Questions de communication, nᵒ 19 (juin):155‑70. https://doi.org/10.4000/questionsdecommunication.2652.
- Charaudeau, Patrick. 2012. « Pour une interdisciplinarité focalisée. Réponses aux réactions ». Questions de communication, nᵒ 21 (septembre):171‑206. https://doi.org/10.4000/questionsdecommunication.6660.
- Daniel Allington, David Golumbia, Sarah Brouillette. 2016. « Neoliberal Tools (and Archives): A Political History of Digital Humanities - Los Angeles Review of Books ». https://lareviewofbooks.org/article/neoliberal-tools-archives-political-history-digital-humanities/.
- Desrosières, Alain. 2013. Gouverner par les nombres : L’argument statistique II. Sciences sociales. Paris: Presses des Mines. http://books.openedition.org/pressesmines/341.
- Doueihi, Milad. 2011. Pour un humanisme numérique. La librairie du XXIe siècle. Paris: Éditions du Seuil.
- Doueihi, Milad. 2013. Qu’est ce que le numérique? Paris: Presses universitaires de France.
- Drucker, Johanna. 2010. « Humanistic approaches to the graphical expression of interpretation ». http://18.9.60.136/video/796.
- Eberle-Sinatra, Michael, et Marcello Vitali-Rosati. 2014. « Histoire des humanités numériques ». In Pratiques de l’édition numérique, édité par Michael Eberle-Sinatra et Marcello Vitali-Rosati, 49‑60. « Parcours Numériques ». Montréal: Les Presses de l’Université de Montréal. https://via.hypothes.is/http://parcoursnumeriques-pum.ca/histoire-des-humanites-numeriques.
- Habermas, Jürgen, et Jean-René Ladmiral. 1990. La technique et la science comme "idéologie". Paris: Gallimard.
- Le Deuff, Olivier. 2014. Le temps des humanités digitales. La mutation des sciences humaines et sociales. FYP éditions. http://journals.openedition.org/lectures/16598.
- Lepetit, Bernard. 1990. « Propositions pour une pratique restreinte de l’interdisciplinarité ». Revue de synthèse 111 (3):331‑38. https://doi.org/10.1007/BF03181048.