VariaChronique

EuroproseHorizons pour l'Europe[Notice]

  • Gérard Wormser

En septembre 2012, les revues participant au congrès Eurozine à Hambourg étaient généreusement accueillies dans le nouveau quartier Hafen-City, symbolique de la mondialisation vue d'Allemagne. Les immeubles de L'Oréal et de Procter&Gamble voisinent avec le terminal des croisiéristes, côtoient le Musée maritime et la rédaction du grand hebdomadaire der Spiegel, qui tire à plus d'un million d'exemplaires (et dont le concurrent, die Zeit, également hambourgeois, plus intellectuel, est diffusé à 500 000 exemplaires). En voie d'achèvement après moult péripéties, la Philharmonie de l'Elbe est appelée à devenir un nouveau symbole de ce port que son dernier historien Wolfgang Michalski présente sous le signe d'un ville qui a su capitaliser sur le changement (voir en ligne). A proximité des portraits des armateurs des temps anciens qui ennoblissent l'hôtel de ville, non loin de la statue de Heinrich Heine, des restaurants portugais lovés au creux des canaux de l'Elbe servent du bacalau authentique. Situé entre la gare centrale et le bassin qui forme le cœur historique de la ville, le Musée fait voisiner les lumières de Caspar David Friedrich avec des œuvres contemporaines, à ce moment, sous l'intitulé « Lost Places » une grande exposition photographique représentant un ensemble de lieux dégradés, une ancienne piscine datant de la DDR et de l'idylle socialiste, ou symboliques du stress contemporain, ainsi de grands ensembles chinois. Les congressistes pensaient se retrouver à Barcelone l'année suivante. Nous préparions dans cette perspective un espace d'échanges euro-espagnol, certains de pouvoir travailler avec certains journalistes d'InfoLibre licenciés d'El Pais à Madrid, des éditeurs de la revue Turia de Saragosse et de rencontrer des collègues engagés à comprendre les voies de transformation de leur pays qui avait trop bien vécu d'une bulle immobilière et touristique, du culte de la voiture et des aides structurelles européennes. Tout cela s'est effondré, et aussi le congrès à Barcelone : l'abdication du roi d'Espagne après que les élections européennes ont manifesté le peu de crédibilité des partis politiques et la fragilité des institutions ouvre une phase critique pour un pays en peine d'affronter ses fantômes (voir ce texte de Claudio Tognonato sur Baltasar Garzon et les disparus du franquisme – et Carlos Benguigui sur le problème politique posé par l'abdication de Jan Carlos). Les subsides manquèrent donc. Le congrès de 2013 se déroula finalement à Oslo par un début d'hiver clément. La ville résonnait encore de la grande commémoration d'Edward Munch et nous rencontrâmes l'auteur d'une biographie de l'artiste national en bande dessinée. La Maison de la Littérature verra probablement ses soutiens financiers réduits mais c'est pour l'heure un lieu prestigieux, librairie, café, salles de conférences à quelques centaines de mètres du Palais royal et des anciens ports Viking situés au fond d'un fjord inviolable, une assurance récemment remplacée par le fonds financier souverain où s'accumulent une partie des revenus tirés du pétrole par la compagnie Statoil et les concessions de forage aux majors. A Hambourg, nous avions évoqué les migrations et les métissages des villes portuaires, à Oslo, le thème portait sur les espaces publics : nous signâmes une pétition de soutien aux manifestants de la Place Maïdan de Kiev que les milices anti-émeutes tentaient de déloger. Soudain, à la veille d'une année commémorative de la Grande guerre, le sens de l'Europe unie réapparaissait. Loin de l'épopée des Cap-horniers et des forges de navires, loin du Bidermaier et du design, les images des insurgés de Maïdan renvoyaient bien davantage à l'iconographie des expéditions norvégiennes en haute mer, quand l'espace manque, que de la promiscuité naît le scorbut, ou que le pack de la banquise …