VariaChronique

Les rentrées littéraires et Madame Filippetti, Ministre de la Culture et romancière[Notice]

  • Roberto Gac

Comme le veut la tradition, les nouvelles rentrées littéraires 2013-2014 ont ouvert les portes au déferlement de centaines de romans français et étrangers, sorte de tsunami romanesque relayé bruyamment par les médias. Un demi millier de titres en septembre 2013, autant en janvier 2014. La tradition veut aussi que les critiques s'étonnent du peu de nouveauté des ouvrages présentés, aussi bien pour la rentrée d'automne et ses Grands Prix, que pour la rentrée d'hiver, réputée « sérieuse » car Hors Prix et réservée de préférence aux auteurs déjà récompensés au moins par un petit prix. Ceci, en attendant la rentrée d'été dite « rentrée des plages », ouverte aux romans best-sellers à vil prix, au sens propre comme au figuré. C'est quelque peu rébarbatif et d'un ennui sans fin. De temps à autre un critique a l'audace, savamment calculée pour ne pas trop indisposer les éditeurs de romans, de remettre en question la vitalité du roman comme genre narratif. Cela émeut comme il se doit le milieu germanopratin, lui-même composé principalement de romanciers et d'éditeurs de romans. Après quelques échauffourées bon chic bon genre, tout rentre dans l'ordre et, si on est en automne, on passe à l’attribution des fameux grands prix, concoctée d'avance dans les meilleurs restaurants de Paris. Ensuite, après les cocktails et les réjouissances de rigueur, on affichera les chiffres des ventes, réelles ou supposées, comme preuves de la qualité esthétique et éthique des ouvrages récompensés. « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes », pourrait-on dire en paraphrasant, à leur insu, Leibniz et Voltaire. « Indignez-vous ! », aurait rétorqué Stephan Hessel, décédé paisiblement en février 2013, avant le brouhaha de la rentrée la plus snob et criarde, celle de septembre-octobre, qui précède de peu l’arrivée, bien plus sympathique et populaire, du Beaujolais nouveau. Balzac, auteur du célèbre pamphlet Monographie de la presse parisienne (1843), serait sans doute étonné de voir que, presque deux siècles après sa dénonciation de la corruption du milieu politique et littéraire parisien, rien n'a changé. Au contraire, tout a empiré. Tant pis pour la presse et pour la littérature française, tant pis pour le pauvre lecteur de journaux et de romans, de plus en plus poussé vers la littérature de divertissement : le roman noir, la science-fiction, les romans illustrés, les romans porno, etc. Pour sûr, il faut rendre hommage une fois de plus à Balzac, qui savait apprécier le pamphlet comme genre littéraire. Dans sa dénonciation de la presse, au-delà des pastiches des journalistes et des critiques de son époque (mais, en quelque sorte, aussi de la nôtre), il mit l'accent sur un phénomène aussi singulier que fondamental: la concordance entre le journalisme littéraire et le journalisme politique, reflet de la corrélation entre la politique et la littérature depuis la Grèce ancienne. Madame Aurélie Filippetti, actuelle Ministre de la Culture mais aussi romancière (pour le moment sans prix), est là pour en témoigner. Revenons aux rentrées littéraires et au roman : l'essentiel pour les éditeurs est de vendre, et pour les romanciers primés, d'encaisser de juteux chèques. La littérature, « une des voies royales pour l’accomplissement de chacun » comme le signale en bon prophète Tzvetan Todorov dans son ouvrage La littérature en péril, n’est devenue qu’un prétexte pour faire de l’argent. Bien entendu, ceux qui osent questionner cet ordre des choses sont des écrivains ratés, jaloux et ignorants, qui ne comprennent rien à la littérature haut de gamme et de bon goût. Or, voici que dans ce mécanisme parfaitement rodé et commercialement efficace (du moins pour les éditeurs et les écrivains ayant reçu la « …

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