L’idée de la possibilité d’un référendum fédéral fait encore frémir la classe politique en Allemagne. Outre les réminiscences des plébiscites hitlériens d’ailleurs faussement démocratiques si on en croit les recherches effectuées dans ce domaine, le référendum fédéral est largement perçu comme une menace par le système représentatif allemand. La Constitution de Weimar avait introduit des éléments de démocratie directe non pas par penchant immodéré pour de telles pratiques, mais parce qu’elles permettaient de corriger les effets de fermeture du système représentatif. Hugo Preuß avait déposé un projet de loi le 8 février 1919 qui prévoyait la soumission d’un projet à l’Assemblée Nationale en cas de désaccord entre le gouvernement du Reich et le Staatenauschuss (Commission des États Confédérés où chaque État avait une voix). Au cas où l’accord ne serait pas atteint entre la Commission et l’Assemblée Nationale, les autorités pourraient organiser un vote populaire. Hugo Preuß n’était pas un fervent défenseur du gouvernement direct qu’il trouvait adapté aux petits États, il pensait néanmoins que le référendum pouvait débloquer des situations de crise. Son projet (texte de 73 articles) fut très proche des dispositions finales adoptées le 11 août 1919. Le débat a porté essentiellement sur la dénaturation de ces mécanismes de démocratie directe à l’époque nazie. Le régime de Weimar portait-il en lui la dégradation programmée des principes du gouvernement représentatif ? L’hostilité d’après-guerre à l’égard des mécanismes référendaires tient essentiellement aux conséquences des plébiscites hitlériens et à ceux qui promouvaient cet instrument pour instaurer un État totalitaire. Carl Schmitt avait très tôt analysé la façon dont on pouvait exploiter les mécanismes de démocratie directe du régime de Weimar. Selon lui, « l’initiative populaire et le référendum sont tous les deux des institutions de la démocratie dite directe ou pure ». La loi sur la consultation populaire du 14 juillet 1933 a énoncé les caractéristiques du plébiscite, comme question posée directement par le chef d’État au peuple. À cette époque, les Länder avaient perdu toute prérogative, les clauses fédérales avaient même été levées dans la mise en place d’un régime dictatorial. L’écrivain suisse Denis de Rougemont avait séjourné en Allemagne comme lecteur de français à l’Université de Francfort-sur-le-Main et avait rédigé un témoignage très négatif sur le nazisme avec quelques passages portant sur la comparaison du régime politique français et allemand, et notamment sur l’usage du référendum : Pour Denis de Rougemont, le plébiscite est un « referendum truqué » et renvoie aux expériences napoléoniennes ainsi qu’à la pratique hitlérienne. En analysant en détail les plébiscites hitlériens, Otmar Jung a montré la diminution des taux d’approbation alors que les citoyens vivaient sous un régime dictatorial total. Mis à part le plébiscite sur l’Anschluss, celui du 12 novembre 1933 révélait véritablement des résistances à certains endroits comme à Hambourg et à Lübeck où les « non » ont totalisé respectivement 13% et 22,1%. Otmar Jung a mis en évidence comment ces mécanismes neutres à la base ont été détournés de leur sens par les partis extrémistes, faisant de Weimar une « démocratie sans démocrates ». L’expérience de Weimar a souvent été montrée du doigt à la fin de la Seconde Guerre Mondiale comme si elle avait fait le lit des pratiques plébiscitaires nazies. Le débat historique et juridique autour de la Constitution de Weimar a heureusement évolué au cours de la dernière décennie, mais ce contexte explique en partie la forte hostilité actuelle de la classe politique allemande à l’égard de l’institutionnalisation des pratiques référendaires au niveau fédéral. L’association Mehr Demokratie, fondée en 1988, milite pour une institutionnalisation des pratiques référendaires à tous les échelons territoriaux. Cette …