VariaLecture

La mise en scène du passéLecture de "Spectacle de l’histoire" de Stéphane Haffemayer, Benoît Marpeau et Julie Verlaine (dir.) (Presses Universitaires de Rennes, 2012)[Notice]

  • Rémy Besson

Articulé autour d’une vingtaine d’études de cas et adoptant une approche résolument culturaliste, Le spectacle de l’histoire est un ouvrage collectif portant sur la manière dont le passé a été mis en scène entre le début du dix-neuvième et la fin du vingtième siècle. Plus précisément, les auteurs se sont intéressés au rôle des héros (partie 1), à la place des femmes (partie 2) et au spectaculaire (partie 3), principalement au théâtre (huit articles), aux films (six articles), aux commémorations et aux reconstitutions publiques (quatre articles). Dans une introduction aux accents programmatiques, Stéphane Haffemayer, Benoît Marpeau et Julie Verlaine expliquent vouloir éviter la posture pure de l’historien-expert qui juge les productions culturelles à l’aune de ses propres attendus disciplinaires. Ils écrivent ainsi, on ne peut plus explicitement : « la question de la vérité historique validée par l’expertise ne se pose pas (…) la question n’est pas celle de sa fidélité [au spectacle] à la science. » Ils s’inscrivent ainsi, explicitement, dans la continuité d’une série de travaux publiés depuis le début des années 1970, visant à mieux percevoir les articulations entre histoire et représentations. Dans cet ouvrage, la perspective choisie est moins évaluative que compréhensive, l’objectif poursuivi par l’ensemble des chercheurs étant de déterminer selon quelles modalités un certain nombre de productions culturelles se sont approprié le passé. Ce qui les intéresse particulièrement, c’est tout à la fois de comprendre la fabrication de formes concrètes et d’identifier des stéréotypes identitaires propres à une période et à un espace précis. Les choix relatifs à la mise en scène aussi bien de films que de pièces de théâtre ou de cérémonies commémoratives, ainsi que la conception des costumes, la construction des décors, la posture du corps des acteurs sont étudiés dans cette optique. Par exemple, dans un article consacré à Jeanne d’Arc, Julie Déramond a écrit qu’au dix-neuvième siècle, le costume de l’actrice visait un triple objectif de « vraisemblance historique », de « représentation d’une héroïne guerrière » et de « reconnaissance » immédiate de cette figure par le public (p. 112). L’étude de cette dernière dimension, soit la réception – anticipée ou réelle – par le public et par la critique, constitue un point commun à la plupart des articles réunis dans ce recueil. Cette attention portée tout à la fois à la conception et à la circulation des formes revient à s’interroger sur la façon dont l’art donne « chair » à l’histoire, c’est-à-dire à questionner les différences et les complémentarités entre l’écriture de l’histoire par les historiens et la conception de spectacles par les artistes. Dans ce but, plusieurs d’entre eux se sont intéressés aux effets de réel et, en particulier, au rôle des détails (Jean-Marc Leveratto et Fanny Robles, notamment). Ils expliquent, chacun dans leur domaine, que les créateurs ont fait mener des recherches en archives par leur équipe, car ils savaient qu’une partie de leur public serait attentif à ces petits riens qui renvoient au temps passé. Erika Wicky indique ainsi que l’ajout de ces signes vise à établir une « illusion parfaite », « le détail fonctionne lorsque, sous prétexte d’être un déclencheur de savoir, il permet au récit de la bataille de reconstituer ses péripéties. » (Erika Wicky, p. 240). L’intérêt pour ces choix culturellement construits a conduit les auteurs à s’interroger sur des notions telles que la vraisemblance ou le réalisme des représentations, et non sur la fidélité au référent ou sur l’authenticité de celles-ci. De même, ils insistent sur l’importance des genres et des formats préexistants aux productions, ainsi que sur l’existence « d’une mémoire historique stéréotypée partagée » (Crivello, p. …

Parties annexes