VariaChronique

Les passagers clandestinsPetit hommage à ceux qui font des efforts pour les absents[Notice]

  • Dominic Desroches

Qui marchaient à Montréal en mars, en avril et en mai ? Qui participaient à ce mouvement social historique baptisé « le printemps québécois » ? Qui manifestaient le 22 juillet dernier sous le chaud soleil de la ville, loin de la plage ? Ceux qui profitent des meilleures conditions ou ceux qui veulent améliorer un système d’éducation national en perte de crédibilité ? Marche-t-on quand on vit au présent ou quand on pense à l’avenir, au sort des générations futures ? La réponse à ces questions a d’importantes conséquences, nous le verrons. Ici, il est facile de distinguer deux genres : il y a ceux qui marchent et qui font des sacrifices, et il y a les autres, peut-être plus nombreux, qui acceptent la force d’inertie du politique. Ce texte voudrait rendre hommage à ceux qui font des efforts et des sacrifices pour les autres, pour les personnes à venir, pour les absents. Il suppose que, dans la nature comme dans la vie sociale, il y a en qui bougent et il y en a d’autres qui, peu importe les raisons, profitent du mouvement des autres. Dans tout voyage – et la vie politique est la plus grande entreprise collective – certains participent, d’autres montent dans le convoi sans payer. Or le voyage collectif commence souvent à l’école. Ou bien nous allons à l’école publique ou bien à l’école privée. À l’école privée québécoise, on reçoit une généreuse subvention de l’État et l’on obtient un bonus, c’est-à-dire la réputation. À l’école publique, trop souvent, on vit le problème du sous-financement et l’on combat le préjugé de la mauvaise réputation. Évidemment, tout cela est complexe mais se laisse à ramener à une équation assez simple : dans une logique libérale, il est difficile de ne pas croire que l’école publique est inférieure à l’école privée parce que la première se réclame de l’universalité et de la gratuité. Tout concourt à renforcer ce préjugé voulant que ce qui ne s’achète pas soit dénué de valeur. Selon cette idée commode, l’école publique est de piètre qualité et serait supérieure à ce qu’elle est si on devait payer pour elle. Or, il n’est pourtant pas sûr que l’école privée, hors des palmarès commandités, soit supérieure à l’école publique. On ne peut pas comparer ce qui est subventionné et ce qui ne l’est pas. Ce qui est sûr, c’est que ceux qui fréquentent l’école publique doivent se battre encore pour être reconnus, même quand ils réussissent de manière exemplaire. Si l’école, premier test d’une socialisation qui sera décisive pour tous, apparaît comme le lieu initial d’une injustice, d’un concours d’inégalités sociales, certaines personnes, heureusement, se battent encore pour limiter les avantages et les privilèges. Elles disent qu’une société est plus juste et égalitaire lorsqu’elle permet à tous d’étudier et d’être reconnu et que, s’il doit y avoir de l’aide financière, cette aide sera d’abord versée aux personnes les plus défavorisées. L’école relève de l’État. Centre du politique, l’État assurera un minimum d’équité, de justice et de liberté en respectant la majorité. Partant de l’État, on pourra dès lors vouloir rompre avec la croyance voulant que les injustices sociales soient fatales. En effet, la politique est là pour réduire les conflits et favoriser l’égalité des chances. On remettra en question l’opinion disant qu’il y a des personnes bien nées et d’autres non. On investira la démocratie afin de partager les biens communs et sortir d’un système qui fait voyager toujours les mêmes. On le fera en s’appuyant sur l’idée que la démocratie est un régime qui, bien qu’imparfait, cherche à inclure tous les citoyens afin …