VariaChronique

Notre dette à l'égard des Grecs ![Notice]

  • Yannick Maignien

Depuis quatre ans, l’Europe (et le monde) découvrent l’abîme de l’endettement grec. Mais a-t-on seulement mesuré l’énormité de notre dette à l’égard de la Grèce ? Depuis presque trois mille ans, nous utilisons gratuitement, sans licence ni brevet, l’invention de la démocratie, nous usons sans royalties de milliers de termes scientifiques et techniques, mais aussi indispensables à l’esthétique, à l’éthique, à la philosophie, et ce dans toutes les langues du monde, directement, ou par l’intermédiaire des racines latines. Depuis Homère, nos rêves sont débiteurs de la plus riche mythologie qui soit ! Cette langue n’est donc pas qu’un héritage patrimonial, c’est un investissement des plus actuels au sein de notre modernité hyper-technique ! On mesure à cette aune la prétention outrancière et ignorante des Allemands à l’égard de cette dette ! Comment la mesurer ? Imaginons un système comme Adwords de Google qui fasse payer en fonction de l’usage des mots : l’Allemagne, l’Europe, le monde devraient payer une rente incommensurable assurant une Kolossale richesse au Hélènes. D’accord, entre-temps, en 2001, les Grecs ont adhéré à l’Euro, avec un taux de conversion de 1 euro pour 340,750 drachmes ! Rappelons qu’en même temps les Allemands échangeaient 2 deutsch mark pour 1 euros… N’importe quel enfant de 10 ans comprendrait qu’un espace monétaire comportant et exprimant de telles disparités irait droit dans le mur économique, si des mécanismes budgétaires et fiscaux de redistribution ne venaient compenser de tels déséquilibres de souveraineté. C’est vrai qu’avec un différentiel de 170, les allemands ne risquaient pas de se poser la question !... alors que les denrées de base en Grèce subissaient l’inflation imposée par l’Euro fort. Imaginez un instant que le PIB des Hauts-de-Seine, 22 fois plus élevé que le PIB de la Corrèze, n’implique aucune régulation de péréquation nationale dans l’espace de souveraineté du Franc français. Pensez-vous donc que vous auriez les mêmes soins hospitaliers, les mêmes lycées, les mêmes policiers, les mêmes inspecteurs des impôts et les mêmes fonctionnaires de préfecture ? Admettons enfin que des grecs soient de vils armateurs et spéculateurs ne payant aucun impôt et trafiquant les comptes publics. Mais allez maintenant expliquer que la seule façon de résoudre la crise soit de jeter dans la misère des millions de personnes qui n’avaient déjà que de très faibles revenus, ou de maigres pensions. L’Europe (aidée du FMI) a quelque mal à le faire comprendre et les Grecs en ont légitimement et démocratiquement tiré toutes les leçons. Dans le « trilemme de Rodrik», face à l’intégration économique et financière et à la question de la souveraineté, les Grecs n’ont pas envie de perdre la démocratie, ne serait-ce que parce qu’ils l’ont inventée et qu’ils en connaissent le « prix ». À l’évidence, l’Europe est prise dans un processus de « fédéralisme de nécessité », tentant, la tête à l’envers de faire nécessité (monétaire) vertu (démocratique), mais les Grecs, encore eux, savaient qu’il y avait beaucoup de sens à cette anankè. Les Allemands de Mme Merkel ne devraient pas trop avoir la mémoire courte.