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L'hiver de forceSur le retournement des élites québécoises[Notice]

  • Dominic Desroches

L’hiver s’est installé sur le Québec. Le temps froid est revenu et la neige s’est subitement mêlée à une pluie verglaçante qui fait craindre le pire pour ceux qui veulent du changement, car ce cocktail météorologique rend toutes les routes impraticables. Et comme la longue période de gel n’est pas propice aux changements politiques, la situation du Québec est et demeura inquiétante. Si la tradition veut que, l’hiver venu, l’on reste à la maison et que l’on regarde la télévision, voilà qui n’a rien de rassurant pour une population victime de plus d’une décennie de règne libéral. Quand on observe la gouvernance politique, on constate que la « belle province » s’enfonce dans un nouvel épisode pour le moins difficile de sa jeune histoire, une sorte d’hiver de force, si l’on peut se permettre d’adapter ici le titre d’un grand roman québécois. L’hiver de force politique est à entendre comme un phénomène angoissant en démocratie car il exprime le désengagement et le refroidissement des élites. On peut défendre cette thèse en montrant d’abord combien les projets économiques actuels sont peu rassembleurs. Non seulement ils ne sont pas définis en fonction des besoins réels de la population, mais ils prennent un tour idéologique et par là dangereux. Le gouvernement libéral utilise l’argent des Québécois pour défendre son « Plan nord » – le Premier Ministre y voit son testament politique – qui n’emporte pas l’adhésion. Ce plan est douteux parce que les entreprises, surtout étrangères, invitées à développer les ressources minières et gazières au nord du 49e parallèle, n’ont pas à s’engager auprès de la population. Il semble supposer que l’État construit les routes du nord, assurent les coût d’entretien et que les compagnies privées les utilisent pour maximiser leurs profits. Le Plan Nord est le projet phare du premier ministre libéral Jean Charest. Le gouvernement estime, pour la presse, qu’il générera des investissements de 80 milliards de dollars sur 25 ans. Pourtant, clame l’opposition, les entreprises qui ont signé proviennent peu du Québec et auront peu de redevances à payer à l’État québécois : elles profiteront de ressources qui auraient pu ou dû enrichir une population forcée de payer des impôts élevés. De même dans le dossier déjà célèbre du gaz de schiste. Comme on sait, partout où cette industrie s’implante, aux États-Unis comme en Europe, on note des problèmes majeurs : les profits ne sont pas partagés et les risques environnementaux sont toujours prévus aux frais des gouvernements. Les puits, comme au Québec, sont abandonnés et les terres contaminées. Que doit faire alors l’État ? Il doit payer pour les dégâts. Que dire aussi du projet hydro-électrique de la Romaine, la dernière grande rivière à harnacher du Québec ? Au lieu de développer l’énergie éolienne ou tout autre type d’énergie, le gouvernement libéral investit massivement dans un modèle énergétique appartenant au passé et pour le moins discutable. Si l’hydro-électricité, à la vérité, a fait la fortune du Québec en 1960-1970, son développement est moins prometteur aujourd’hui en raison des coûts économiques et environnementaux. Les Québécois voient d’un mauvais œil ces nouveaux projets non par parce qu’ils refusent l’investissement et l’innovation, mais parce qu’ils sont sensibles à l’environnement et que, par le passé, les compagnies privées, souvent américaines, à la tête de projets similaires ont exploité les travailleurs et quitté les lieux sans pénalités lorsque les investissements s’avéraient moins rentables. Les gouvernements successifs, malheureusement, tous partis confondus, ont trop souvent plié l’échine devant les grosses compagnies et bradé ainsi les ressources naturelles de tous. On peut encore développer notre thèse d’un hiver de force politique en observant à quel point …

Parties annexes