Résumés
Résumé
Outre le fait que les conceptions « allemande » et « française » de la nation ne sont pas aussi antagonistes que le laisse supposer leur ordinaire réduction à deux traditions résolument distinctes, l’une ethno-culturelle, l’autre politico-élective, elles présentent de surcroît la particularité d’être toutes deux issues de productions idéologico-politiques visant à définir et légitimer un État existant ou revendiqué. Dépeignant les nations sous les traits d’entités essentialisées, ces conceptions mobilisées à plusieurs reprises dans le cadre du récent débat sur l’identité nationale française ont été déconstruites depuis trois décennies par des historiens et sociologues dits « modernistes », lesquels ont développé des théories anti-objectivistes destinées à remettre en cause le primordialisme a-scientifique des discours du 19e siècle. Présentant la nation comme une communauté imaginée née de la croyance partagée en sa réalité et ne pouvant être définie que de manière subjective, ces productions « modernistes » sont les seules à être aujourd’hui acceptées dans le champ des sciences humaines en matière de réflexion sur le fait national.
Mots-clés :
- nation,
- nationalisme,
- identité nationale,
- primordialisme,
- ethno-nationalisme,
- anti-objectivisme,
- Johann Gottfried Herder,
- Ernest Renan,
- Benedict Anderson,
- Eric Hobsbawm
Abstract
The “German” and “French” conceptions of nation, that are ordinary reduced to two resolutely opposed traditions (an ethno-cultural one and a political-elective one), are not so antagonistic as would at first appear. Moreover, they have the particularity of proceeding from ideological-political productions aiming to define and legitimate an existing or a claimed state. These conceptions, that represent nations as essentialised entities, have both been deconstructed since three decades by “modernist” historians and sociologists, who have forged anti-objectivist theories in reaction to the non-scientific primordialism of the 19th century. These “modernist” productions, that regard the nation as a community socially constructed, imagined by people who hold subjectively in their minds a mental image of their affinity, are the only ones prevailing today in the field of the social sciences. This article emphasizes this point, in order to enlighten the recent debate on the French national identity, during which the scientists conceptualizing the national fact didn’t really have a say in the matter.