Résumés
Résumé
Calle Velarde est un récit inspiré de la figure de Michi Panero (ici, Archi Escario), le benjamin d’une saga de poètes espagnols. Il a vécu ses derniers jours malade et solitaire à Madrid. Le récit évoque la relation d’Escario et d’une jeune fille obsédée par la vie de bohème. Elle part à la recherche du dernier artiste bohème, et elle finit par rencontrer Archi. Calle Velarde est une méditation d’actualité sur le succès et l’échec, et sur la fascination que les intellectuels de la classe moyenne exercent sur les outsiders.
Abstract
Calle Velarde is a short fiction inspired on the tragic figure of Michi Panero (who is named as Archi Escario), the youngest son of a Spanish poets saga who spent his last years sick and lonely in the middle of Madrid. The story told the relationship between Escario and a young woman who is obsessed with the bohemian life-style. She is looking for the last bohemian till she found Richi. Calle Velarde would be a reflection about success and loose in modern times and about the fascination for the outsiders which used to be typical in middle-class intellectuals.
Corps de l’article
Je ne me souviens plus quand elle m’a remarqué. Ni quand je l’ai remarquée. Elle a surgi et c’est tout. Moi, je vivotais dans un appartement miteux de Cuatro Caminos avec trois autres paumés et elle papillonnait dans Madrid jusqu’à ce qu’elle tombe sur moi. Elle me raconta des histoires qui, au début, me laissèrent indifférent, puis me firent sourire, et en fin de compte, réussirent à me faire délaisser les choses que je croyais importantes pour l’écouter. Nous buvions de la bière et nous parlions. Elle parlait. Nous nous arrêtions dans un bar, commandions deux grandes chopes, glacées et mousseuses, et moi j’écoutais. Nous reprenions notre promenade, entrions dans un autre bouge, commandions deux autres chopes et des chips, et je continuais à écouter. Parfois, nous payions. Parfois, non. Peut-être aurais-je dû l’embrasser dans l’un de ces bars. Peut-être attendait-elle un baiser. Ou peut-être pas. Elle me prenait le bras, s’asseyait sur mes genoux et continuait à parler et parler et parler encore. Le fait est que je ne l’ai pas embrassée. Jamais.
Un jour, elle me raconta qu’elle écrivait un roman. Bon, en réalité, elle en avait écrit plusieurs, mais celui-ci était le dernier. Elle n’avait qu’un brouillon et voulait que je le lise. Mon avis comptait. Moi aussi j’écrivais, ou croyais écrire, mais je ne lui ai rien dit. J’ai seulement accepté. Je n’ai même pas demandé de quoi il retournait. Ce jour-là nous n’avons pas parlé davantage du roman.
L’après-midi suivant et elle me prit à nouveau par le bras et nous nous sommes promenés comme deux petits vieux. Nous ne sommes entrés dans aucun bar parce que je n’avais plus d’argent pour l’inviter et que marcher ne semblait pas la gêner. Nous avons descendu toute la Gran Via de la Place d’Espagne jusqu’à Alcala et sommes revenus sur le trottoir d’en face jusqu’à hauteur de Santo Domingo. Nous nous sommes perdus dans les petites rues qui descendent vers Arenal, avons remonté et émergé sur la Gran Via. Nous sommes descendus jusqu’à la Telefonica et, en suivant notre instinct, nous avons pris le début de Fuencarral. En arrivant au Tribunal, elle s’est tue et m’a entraîné vers Malasaña. Elle s’est arrêtée devant une porte cochère de la rue Velarde. Une porte de bois d’un immeuble ancien et imposant, mais sale comme tous ceux de ce quartier. C’est ici, dit-elle. Archi habite ici. Je n’avais jamais entendu ce nom. Tu veux monter ?, me demanda-t-elle. Pourquoi voudrais-je monter ? Je ne sais pas qui est Archi, lui dis-je. C’est le protagoniste de mon roman, me répondit-elle, mais si tu ne veux pas monter, je peux comprendre. Voir Archi n’est pas très agréable, mais moi je dois le voir. C’est mon devoir. À demain, d’accord ? J’ai haussé et les épaules et n’ai pas bougé, observant comme elle sortait des clés et ouvrait la porte pour disparaître derrière. Je suis resté un moment immobile, silencieux, les mains dans les poches, jusqu’à ce que je commence à m’engourdir, j’ai fait demi-tour et suis parti.
Le lendemain, elle ne m’a pas appelé. Le jour d’après, le téléphone n’a pas sonné non plus, et je n’ai pas non plus appelé. Neuf jours s’écoulèrent ainsi durant lesquels je sortis à peine et bu du rhum avec les paumés qui prétendaient vivre avec moi et nous avons élaboré de stupides plans pour l’été et nous avons ri et nous sommes saoulés. Le neuvième jour, le téléphone a sonné et sa voix m’est parvenue de l’autre côté.
- Nous devons nous voir.
- Maintenant ?
- Non, ce soir, je t’invite à dîner.
Elle ne m’avait jamais invité à dîner. Nous n’avions jamais dîné ensemble.
Elle avait passé les neufs jours précédents avec Archi et pas un seul ne s’était écoulé sans qu’elle me maudisse de ne pas l’appeler pour lui porter secours. Tu aurais pu m’appeler, toi, lui rétorquai-je. Cela aurait été grossier, humiliant et indigne. Si tu viens à mon secours, c’est de ta propre initiative, n’attends pas que je te le demande.
- Qui est Archi ?
-- Je te l’ai déjà dit : le protagoniste de mon roman.
- Alors il n’a pas d’existence en dehors de lui.
- Si, bien sûr que si. En fait, je vais enfermer cette existence dans mon livre. Pour le moment, elle est un peu perdue, et ce n’est pas bon pour le monde.
- Bon, soit, Archi sera le protagoniste de ton roman. Mais, qui est-il maintenant ?
Elle soupira, but une longue gorgée de Guinness, lécha l’écume sur ses lèvres et me raconta d’une traite l’histoire d’Archi Escario :
J’ai d’abord rencontré un petit-fils d’Alejandro Sawa. C’est un nom très rare et j’ai supposé qu’il serait dans l’annuaire. Bien sûr, il aurait aussi pu ne pas vivre à Madrid. En réalité, je ne savais pas grand-chose de Sawa et il pouvait n’avoir laissé ni enfants ni petits-enfants, ou qu’ils soient tous exilés en Argentine à cause de Franco ou morts ou au Pôle Nord. Avant de consulter le s, j’ai regardé le e, pour voir s’il apparaissait à Estrella. C’est ce qui m’aurait paru le plus logique, un acte sublime de cohérence littéraire, que tous ses descendants adoptent ce nom : Max Estrella[1]. J’ai déchanté et j’ai regardé au s. Et il y était : Raul Sawa. Ce ne pouvait être que lui. L’adresse indiquée se trouvait à Lavapies. D’abord, j’ai pensé téléphoner, puis j’ai décidé qu’il serait préférable de m’y rendre en personne, sans prévenir. Tu imagines si sa voix m’avait déplu au téléphone ? Cela arrive. Je ne me rendrais jamais à un rendez-vous avec quelqu’un qui n’aurait pas une jolie voix. Je peux supporter beaucoup de choses, mais pas les voix désagréables ou dépourvues de charme. Le lendemain, donc, après déjeuner, j’ai pris le métro jusqu’à Lavapies et je suis restée devant la porte cochère. Mais je n’ai pas osé sonner. Je suis restée plantée deux heures dans la rue et je n’ai pas eu assez de courage. Des voisins sont entrés et sortis, mais ils étaient tous trop jeunes pour être Raul Sawa. Quand j’ai réalisé que je n’y arriverais pas, je suis entrée dans un bar et j’ai pris un White Label avec du Coca. Oui, c’est banal, mais je me sentais nulle après mon échec et je méritais cette punition. J’ai voulu revenir le lendemain armée de courage, mais j’ai compris durant la nuit que ce serait inutile, du temps perdu. En réalité, je ne voulais pas rencontrer Raul Sawa. Il me suffisait de savoir qu’il existait et que grâce à son adresse et à son téléphone, je pouvais remonter au sperme et aux testicules de celui que je considérais comme le dernier bohême. Mais la vie même du petit-fils de Sawa était aussi la preuve biologique de l’échec de son grand-père : Alejandro Sawa n’était pas une fin de race. Alejandro Sawa n’était pas une allumette qui s’était consumée sans laisser d’autres traces qu’un peu de noir dans un cendrier. Il n’y avait rien à récupérer parce que ses gènes vivaient dans un certain Raul Sawa qui était certainement un crétin. Ou pas. Mais c’était une vasque indigne pour un feu qu’on avait voulu éteindre et que les spermatozoïdes et les ovules ravivèrent. Maudite fertilité, déclamai-je. Maudite fertilité qui ranime la pourriture et reproduit même ceux qui n’aspirent qu’à se détruire. Alejandro Sawa était une imposture. Il ne me servait plus à rien. Valle-Inclán fut un imbécile pour avoir cru en lui. Lui, le dernier bohême, quelle foutaise ! Moi je ne voulais le sauver qu’avec des mots et il s’écroulait avant même que je l’aie aperçu. Il n’y avait pas de dernier bohême. Les fins de race n’existaient pas. Au final, il y avait toujours un utérus pour nier cette infime gloire de jaguarondi. Le plus difficile dans cette vie, aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est de se consumer. J’avais besoin, moi, de trouver cette fin de race, de sauver les ultimes soubresauts de la bohême et de me les approprier. De les conserver dans une fiole et de les montrer au monde. Regardez, ils sont à moi, c’est moi qui les ai trouvés. Le dernier bohême, le bout de la chaîne, l’étincelle qui précède l’obscurité. Pendant longtemps j’avais cru que cette étincelle était Alejandro Sawa, mais bien sûr il n’en était rien. J’avais le pressentiment, comme un chatouillement, qu’un appartement sale et pestilentiel de Madrid devait renfermer ce chaînon. Mais où ? Je n’allais pas me mettre à chercher dans chaque maison. Il n’y avait pas de temps pour ça. Je devais continuer à me documenter. Dans un paragraphe, je trouverais le bon nom, la lueur exacte, la piste idoine. Mais je n’ai rien trouvé dans aucun livre, à part un photogramme. Je voyais alors un professeur de littérature plus âgé que moi. Il tentait de m’impressionner avec sa conversation et son habileté à préparer les gins toniques l’après-midi. Le soir, il m’emmenait au restaurant et me faisait l’amour à l’aube chez lui. C’était un peu routinier, mais cela m’amusait. Il se croyait cinéphile, ou quelque chose dans le genre, le pauvre. Et, certains après-midi, il prétendait me faire découvrir le cinéma à la cinémathèque. Regarder des films avec lui était insupportable. Un rasoir. Mais je le supportais car il baisait bien et préparait un risotto à tomber par terre. Le fait est qu’une après-midi de cinémathèque, nous vîmes un documentaire espagnol des années 70 : L’indolence. C’était une chronique larmoyante et kitsch à propos de la décadence d’une famille d’hommes de lettres, les Escario. Durant les premières minutes, je les trouvais tous idiots, mais j’ai vite changé d’avis. C’étaient trois frères qui essayaient de se libérer du terrible poids que leur père, écrivain lui aussi, faisait peser sur eux. L’un d’entre eux, tu as deviné, était Archi. Il se déplaçait avec une terrible indifférence. Il fumait sans envie, languide, rejetait ses cheveux en arrière et souriait à demi. Ses frères étaient soit fous soit en colère, mais lui s’asseyait sur un banc les jambes croisées et fumait. Il parlait à peine. Il me fascina, et je suis sortie du cinéma convaincue qu’il était le dernier bohême. Une fois dans la rue, j’ai pris deux décisions : laisser tomber le professeur ennuyeux et chercher Archi. Cette nuit-là j’ai donc fait une dernière fois l’amour avec le confectionneur de risotto et, au matin, je me suis levée très tôt pour commencer le travail. En réalité je savais très peu de choses d’Archi. Il vivait retiré depuis des années. Il n’assistait plus aux fêtes, aux cocktails ni aux présentations de livres. Beaucoup de ses vieux amis n’avaient plus de nouvelles depuis longtemps. Certains pensaient qu’il était mort, et tous en profitaient pour raconter une ou deux anecdotes que je notais dans un cahier. Archi n’était pas un écrivain, c’était un lettré. J’ai voulu le connaître avant de le rencontrer. J’ai voulu m’assurer que j’avais, effectivement, trouvé le dernier bohême. Archi n’a jamais écrit un seul livre pas plus qu’il n’en a exprimé le désir. Il ne s’est jamais appliqué à briller dans aucun travail artistique. À quoi bon ? Il était lui-même art. C’était un bohême, pas un médiocre qui avait besoin d’effrayer ses fantasmes en donnant une raclée à son prochain. Son existence même suffisait. Il faisait office, dans tous les cas, de muse. Dans les années 60, des poètes catalans le prirent pour mascotte et l’emmenèrent à Paris dans l’intention de se le taper. Ils y parvinrent presque, mais ce qu’ils réussirent vraiment c’est à raviver une pulsion destructrice qui l’habitait depuis de nombreuses années. Ils allumèrent la bougie et la cire a commencé à se consumer alors. Archi a cessé d’être une muse et devint bohême, brûlant jusqu’à sa propre destruction. Il se laissa aller et se laissa aimer d’amours qui s’évanouissaient dès qu’ils découvraient que le véritable amour d ‘Archi c’était Archi. Un amour aussi détaché que celui qu’il professait au reste du monde. J’ai reconstruit et thésaurisé un Archi mythique, littéraire, mais à partir d’évocations et de pistes réelles. Un Archi languide qui se désagrégeait, comme la braise d’un cigare, sans envie ni volonté d’être écrasé contre le verre d’un cendrier. C’était quelque chose de beaucoup plus éblouissant qu’un suicide : il prétendait s’immoler à un rythme biologique pour proclamer sans tapage la fin de sa race. Après Archi, il n’y aura plus de place pour les bohêmes. Aujourd’hui, il n’y a plus de place pour les bohêmes. C’est une uchronie qui se défait, qui fond comme le beurre dans la poêle de Madrid. Je savais tout cela déjà, mais il me manquait la chaire, la présence, la voix. Et une vieille connaissance m’a fourni la clé qui était sous mon nez durant tout ce temps et que je n’avais pas été capable de voir : Archi Escario se cachait derrière un vilain pseudonyme qui rédigeait chaque semaine la critique télé d’un grand journal. C’était sa seule source de revenus et elle était certainement modeste. Au moins, aussi modeste que ces commentaires rachitiques qui paraissaient dans un petit encadré à côté des grilles de programmes. J’ai appelé le journal et j’ai embobiné comme j’ai pu le responsable Culture jusqu’à ce qu’il accepte de transmettre mon nom et mon numéro de téléphone à Archi. Bien entendu, il ne m’a jamais appelée. Mais je n’allais pas me déclarer vaincue par un contre-temps aussi stupide. J’ai écrit vingt variantes hebdomadaires d’une longue protestation insultante au relent de sacristie contre le critique de télévision du journal en clouant ses articles au pilori. Je m’y suis beaucoup appliquée et j’ai essayé d’être aussi cruelle que possible. Aucune ne fut publiée, mais on les lui remettait certainement et il devait beaucoup s’amuser à les lire. Au bout de deux semaines, j’ai obtenu l’effet escompté. Dans la boîte à lettres, j’ai trouvé une mince enveloppe à mon attention. À l’intérieur, il n’y avait qu’une feuille manuscrite, sans signature, où on lisait : « Cessez de me casser les pieds, s’il vous plaît, vos balivernes me fatiguent ». Mais il avait commis une erreur : peut-être sans faire attention, mécaniquement, il avait indiqué ses coordonnées. Enfin je connaissais son adresse, et cette fois-ci je n’allais pas rester dans la rue, parce que j’étais devant le vrai dernier bohême. Sans perdre de temps, l’après-midi même je suis allée rue Velarde et j’ai sonné à l’interphone. Une voix lasse m’a répondu et je n’ai pas su quoi dire, mais finalement, il me vint un « publicité » qui dut paraître convaincant. J’ai gravi les trois étages et me suis plantée devant la porte. Je ne t’infligerai pas les bobards que je lui ai racontés au début pour gagner sa confiance. Je te dirai seulement que l’appartement puait, qu’il y avait de la poussière et des toiles d’araignées partout, que les volets étaient baissés, qu’il y avait des reliefs de nourriture sur chaque meuble et qu’Archi se levait à peine de son lit. Il s’était blessé une jambe quelques semaines auparavant, ne s’était pas soigné et la blessure suppurait affreusement. Elle battait presque. Je l’ai désinfectée comme j’ai pu et j’ai appelé un médecin. On dut l’hospitaliser et on le garda une semaine pour soigner la gangrène et la déshydratation. Il n’a reçu aucune visite à l’hôpital à part les miennes, tous les matins à 10 h. Je lui apportais deux yaourts nature, l’une des rares choses qu’il pouvait manger, il essayait de me tripoter, je l’en empêchais, je riais un peu et j’allais déjeuner. L’après-midi, je me rendais à son appartement, et faisais du ménage jusqu’au dîner. Tu n’imagines pas la saleté, mais j’ai réussi à le rendre acceptable. C’était un appartement ancien avec de nombreuses pièces et de hauts plafonds qui fut probablement aménagé pour un avocat ou un médecin de la fin du 19e et qui, depuis les années 40, était la résidence familiale des Escario. Il y avait encore beaucoup de livres sur les étagères, et quelques meubles, restaurés, valaient la peine. Mais quelque chose attira mon attention : il n’y avait aucun téléviseur. Comment quelqu’un qui ne la regardait pas pouvait-il écrire des critiques de télévision ? Bingo : ma recherche n’avait pas été vaine, c’était vraiment le dernier bohême. Quand il rentra chez lui, mon ménage le mit très en colère. Il cria contre moi, m’insulta, me traita de tous les noms et me mit à la porte. J’ai pleuré toute la nuit, me sentant la plus grande idiote de l’univers, jusqu’à ce qu’il m’appelle le lendemain à la mi-journée pour s’excuser et m’inviter à déjeuner. J’y suis allée. Comment ne pas y aller. J’y suis allée heureuse et j’ai aspiré tout ce que j’ai pu. Sa chaire, sa présence, sa voix, ne m’avaient absolument pas déçue. J’étais maintenant avec Archi Escario. Je possédais maintenant Archi Escario et j’étais prête à, je suis prête à l’enfermer dans les pages de mon roman. C’est un bras de fer ou l’on a parfois l’impression qu’il l’emporte mais je joue avec un énorme avantage. Il ne m’aura pas. Je ne suis pas comme les autres. Parfois, il m’épuise. Parfois il croit me faire plier et qu’il peut m’entraîner. C’est ce qui s’est produit ces derniers jours. Lui aussi avait besoin de s’accrocher à une main tendue et de s’y cramponner. Alors, il m’étouffe presque et j’ai besoin d’aide. Mais tu es là maintenant et il ne pourra certainement pas m’enfermer à Velarde. C’est un lâche et il n’oserait pas t’affronter. J’en avais un peu assez, j’ai besoin de me reposer de lui quelques jours : cela fait plus d’une semaine que je lui donne des yaourts et maintenant j’ai besoin de boire de la bière avec toi. Ta curiosité est-elle satisfaite ?
J’allais lui répondre que non, mais je me suis tu. La seule attitude adaptée, étant données les circonstances, était de répondre par un baiser humide et chaste. Mais, comme je l’ai déjà dit, je ne l’ai jamais embrassée. Nous avons terminé nos bières et sommes allés nous promener dans la nuit madrilène, à l’opposé de la rue Velarde.
Parties annexes
Note
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[1]
Alejandro Sawa est incarné par Max Estrella dans Luces de Bohemia de Valle-Inclán. ndt