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Présentation

Quelles sont les évolutions structurelles du régime représentatif ? Passant par une redéfinition du rapport des citoyens à la politique, le cadre représentatif tend à être de moins en moins lisible dans une société civile qui se complexifie. La relation entre les citoyens et le pouvoir politique se réalise d’une part à travers la définition de nouvelles procédures de participation et d’autre part par l’usage des médias et des nouvelles technologies comme moyens de faire pression sur les décisions. Les élus et les responsables politiques ont un nouveau rôle à jouer au sein de cet espace public et n’hésitent pas à recourir à une forme de légitimité médiatique. Traitant de ces évolutions, les articles de ce dossier en analysent principalement deux aspects : la recherche de nouveaux modes de légitimation politique et la transformation de la communication politique. Si la représentation politique tente d’atténuer la distinction entre gouvernants et gouvernés, celle-ci est pourtant à la source de la formulation du principe représentatif. Sommes-nous donc dans un nouvel âge de la représentation politique ou bien sommes-nous sortis du système représentatif ?

À la recherche de nouveaux modes de légitimation

L’opinion publique est devenue un véritable tribunal de la vie politique au sens où elle intervient de manière informelle dans les débats politiques[1]. L’émergence de citoyens de plus en plus informés et de plus en plus revendicatifs bouleverse la nature même de l’espace public. Le système représentatif contemporain n’est plus caractérisé par la stabilité des identifications partisanes mais par l’expression de mobilisations collectives qui inscrivent sur l’agenda des responsables politiques des priorités à suivre dans la conduite des politiques publiques. Le tableau ci-dessous reprend les éléments théoriques apportés par Bernard Manin sur l’évolution du régime représentatif.

Les trois stades de la démocratie représentative

Figure 1

Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Paris, éditions Calmann-Lévy, 1995, p. 303.

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Selon Bernard Manin, le régime représentatif contemporain évolue vers un âge de la démocratie publique dans lequel le public, de manière informelle, n’hésite pas à intervenir et à contester certaines décisions politiques. Dans un tel système, les outils médiatiques jouent un rôle essentiel en ce qu’ils permettent à ces publics de créer des espaces de communication (par exemple les blogs). Les appartenances partisanes sont par ailleurs bouleversées, ce qui ne signifie pas pour autant leur disparition. Même si la discipline partisane tend à se desserrer, les partis politiques sont contraints de s’adapter à ces évolutions. Le débat porte alors sur la définition de procédures susceptibles de garantir une participation équitable des citoyens et collectifs engagés dans la discussion. L’influence considérable des médias, journaux et télévision, dans l’évolution de la scène publique pose question : le régime représentatif ne tend-il pas à devenir une forme de « télécratie »[2] dans laquelle les images, les impressions et l’émotion viennent se substituer à l’idéal d’une discussion de raison ?

La transformation de la communication politique

De la montée en puissance des médias et des nouvelles technologies résulte une transformation de la communication politique caractérisée par la volonté des élus de cultiver une illusion de proximité avec leurs électeurs. Les nouvelles technologies accentuent l’ubiquité des responsables politiques soucieux de renforcer leur présence sur la scène publique. Tout se passe comme si on insistait sur la représentation-ressemblance plutôt que sur la représentation-indépendance. Hannah Pitkin a rappelé comment, à la fin du 18e siècle, les débats entre Fédéralistes et Anti-Fédéralistes américains avaient conçu deux significations radicalement différentes de la représentation politique, avec d’un côté un mandat indépendant pour des représentants sélectionnés pour leur indépendance d’esprit et de l’autre une représentation d’intérêts où les représentants se créent un rôle à l’image de leurs électeurs et de leur composition sociologique[3]. La communication tend à la fois à accentuer cette logique de représentation et à altérer la structure de la scène publique. Castoriadis, dans Les Carrefours du Labyrinthe VI [4] , a défini la différence entre trois types de sphères humaines en analysant le régime athénien : la sphère du privé/privé (l’oïkos, c’est-à-dire la sphère domestique), la sphère du privé/public (l’agora, c’est-à-dire le lieu où nous rencontrons les autres), et la sphère du public/public (l’ecclésia, où les décisions se prennent). La transformation de la communication politique montre que la sphère publique/publique est de moins en moins visible pour les citoyens et qu’une forme de privatisation de l’espace public est en cours. Cette privatisation est illustrée par le recours au mode de l’intimité[5] pris comme nouvelle forme de connivence avec les citoyens.

Il ne s’agit pas ici de s’inscrire dans une logique normative qui condamnerait ou louerait les évolutions contemporaines du régime représentatif. L’enjeu est de les qualifier et de voir en quoi elles accompagnent une nouvelle culture politique[6] caractérisée par l’institution de nouveaux rôles, tant du côté des citoyens que du côté des responsables politiques et des experts. Comme l’écrivent Peter Berger et Thomas Luckmann, « en jouant des rôles, l’individu participe à un monde social. En intériorisant ces rôles, le même monde devient, pour lui, subjectivement réel »[7]. S’appuyant en particulier sur la campagne présidentielle française de 2007, les articles de ce dossier analysent comment les citoyens et les responsables politiquent sont entrés dans un nouveau type de relation qui modifie considérablement la configuration de l’espace public.