Résumés
Résumé
Au Québec, le problème de l’itinérance des femmes est généralement conçu comme le résultat d’une multiplicité et d’une accumulation de violences et de vulnérabilités individuelles et structurelles fondées sur le genre. Pour comprendre cette analyse macropolitique, le présent article propose de considérer ce problème public en regardant au plus près comment il est identifié, défini et réparé en situation, et pas seulement comment il émerge dans les arènes publiques et s’institutionnalise. Pour cela, une ethnographie menée dans un lieu d’accueil et d’hébergement à Montréal a permis de comprendre comment les femmes en situation d’itinérance sont qualifiées et évaluées comme « victimes » de rapports de genre par les intervenantes sociales qui les accueillent. Les opérations de cadrage, au sens microsociologique de Goffman, incarnées dans leurs expériences quotidiennes d’écoute et de soin, les conduisent à s’engager dans des réparations singulières à mi-chemin entre interventions féministes et interventions psychologiques.
Mots-clés :
- Itinérance,
- vulnérabilité de genre,
- problème public,
- ethnographie,
- ressource communautaire
Abstract
In Quebec, the public problem of women’s homelessness is generally framed as the result of the accumulation of multiple forms of gender-based violence and individual and structural vulnerabilities. To understand this macropolitical analysis, this article will consider this public issue by taking a closer look at how it is identified, defined and remedied in situ, rather than only focusing on how it emerges in public arenas and becomes institutionalized. This is carried out through an ethnography in a day center and shelter in Montreal, which demonstrates how women who are homeless are labelled and evaluated as “victims” of gender relationships by the social workers who care for them. Their framing operations, in Goffman’s micro-sociological sense, embodied in their daily experiences of listening and caring, lead them to engage in singular reparations halfway between feminist and psychological interventions.
Keywords:
- homelessness,
- gender vulnerabilities,
- public problems,
- ethnography,
- community resources
Resumen
En Quebec, el problema de la itinerancia de la mujer suele ser concebido como el resultado de una multitud y una acumulación de diversas formas de violencia y de vulnerabilidades individuales y estructurales basadas en el género. Para comprender este análisis macropolítico, el presente artículo propone considerar este problema público observando de cerca cómo es identificado, definido y reparado en situación, y no solamente cómo surge en la arena pública y se institucionaliza. La realización de una etnografía en un lugar de acogida y alojamiento en Montreal ha permitido comprender cómo las mujeres en situación de itinerancia son calificadas y evaluadas como “víctimas” de relaciones de género por los asistentes sociales que las acogen. Las operaciones de orientación, en el sentido microsociológico de Goffman, encarnadas en sus experiencias cotidianas de escucha y cuidado, las conducen a comprometerse en las reparaciones singulares a medio camino entre intervenciones feministas e intervenciones psicológicas.
Palabras clave:
- Itinerancia,
- vulnerabilidad de género,
- problema público,
- etnografía,
- recurso comunitario
Parties annexes
Bibliographie
- Astier, I. (1995), « Du récit privé au récit civil : la construction d’une nouvelle dignité ? », Lien social et Politiques, n° 34, p. 121-130.
- Astier, I. et N. Duvoux (dir.) (2011), La société biographique. Une injonction à vivre dignement, Paris, Harmattan.
- Becker, H., 1967, « Whose Side Are We On ? », Social Problems, n° 14, p. 239-248.
- Bellot, C. et al. (2018), « Rendre visible l’itinérance au féminin », Programme Actions Concertées, Fonds de recherche du Québec, Société et culture.
- Bellot, C. et J. Rivard (2017), « Repenser l’itinérance au féminin dans le cadre d’une recherche participative », Criminologie, vol. 50, n° 2, p. 95-121.
- Bourgon, M. et C. Corbeil (1990), « Dix ans d’intervention féministe au Québec : bilan et perspectives », Santé mentale au Québec, vol. 15, n° 1, p. 205-222.
- Bresson, M. (1997), « Exclusion et « norme Logement ». Pour une étude des représentations associées à la question sociale », Sociétés contemporaines, vol. 28, n° 1, p. 111-126.
- Bresson, M. (dir.). (2006), La psychologisation de l’intervention sociale : mythes et réalités, Paris, Harmattan.
- Bresson, M. (2012), « La psychologisation de l’intervention sociale : paradoxes et enjeux », Informations sociales, n° 169, p. 68-75.
- Cardi, C. (2007), « Le contrôle social réservé aux femmes : entre prison, justice et travail social », Déviance et Société, vol. 31, n° 1, p. 3-23.
- Cardi, C. et G. Pruvost (dir.) (2012), Penser la violence des femmes, Paris, La Découverte.
- Cefaï, D. (1996), « La construction des problèmes publics. Définitions de situations dans des arènes publiques », Réseaux, vol. 14, n° 75, p. 43-66.
- Cefaï, D., P. Costey, E. Gardella, C. Gayet-Viaud, P. Gonzalez, E. Le Méner et C. Terzi (2010), L’engagement ethnographique, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales.
- Cefaï, D. (2016), « Publics, problèmes publics, arènes publiques… », Questions de communication, n° 30, p. 25-64.
- Choppin, K. et E. Gardella (dir.) (2013), Les sciences sociales et le sans-abrisme. Recension bibliographique de langue française. 1987-2012, Saint-Étienne, PUSE.
- Clarkson, M. (1994), La violence familiale : une approche systémique, Québec, Gouvernement du Québec, Ministère de la Santé et des Services sociaux, Direction générale de la planification et de l’évaluation.
- Corbeil, C. et I. Marchand (dir.) (2010), L’intervention féministe d’hier à aujourd’hui, Montréal, Éditions du Remue-Ménage.
- De Gaulejac, V. et M. Legrand (dir.) (2010), Intervenir par le récit de vie, Toulouse, ERES.
- Declerck, P. (2001), Les naufragés. Avec les clochards de Paris, Paris, Plon.
- Dewey, J. ([1938] 1993), Logique : La théorie de l’enquête, Paris, Presses Universitaires de France.
- Dewey, J. ([1939] 2011), La formation des valeurs, Paris, La Découverte.
- Dewey, J. ([1927] 2010), Le public et ses problèmes, Paris, Gallimard.
- Dewey, J. ([1929] 2014), La quête de certitude : Une étude de la relation entre connaissance et action, Paris, Gallimard.
- Doucet, M-C. (2011), « Problématisation des dimensions psychiques et sociales dans l’intervention, une perspective socio-clinique », Reflets : Revue d’intervention sociale et communautaire, vol. 17, n° 1, p. 150-174.
- Emerson, R.-M. (2015), Everyday Troubles : The Micro-Politics of Interpersonal Conflict, Chicago, University of Chicago Press.
- Emerson, R.-M. et S. Messinger ([1977] 2012), « Micro-politique du trouble. Du trouble personnel au problème public », inCefaï D., Terzi C. (dir.), L’expérience des problèmes publics, Paris, EHESS, p. 57-81.
- Fassin, D. (2006), « Souffrir par le social, gouverner par l’écoute. Une configuration sémantique de l’action publique », Politix, vol. 73, n° 1, p. 137-157.
- Ferraro, K.- J. (1983), « Negotiating Trouble in a Battered Women’s Shelter », Urban Life, vol. 12, n° 3, p. 287-306.
- Foucault, M. (2008), Le gouvernement de soi et des autres Cours au Collège de France. 1982-1983, Paris, Seuil.
- Gagné, H. (2011), À quoi ça sert de grandir ? Histoires d’enfants de la DPJ et des services sociaux, Montréal, Libre expression.
- Gardner, C.-B. (1995), Passing By : Gender and Public Harassment, Berkeley, University of California Press.
- Gaudreau, J. (1992), « Aurore, l’enfant martyre. Essai sur la violence faite aux enfants », Santé mentale au Québec, vol. 17, n° 1, p. 55-72.
- Gelineau, L. (2008), « La spirale de l’itinérance au féminin : Pour une meilleure compréhension des conditions de vie des femmes en situation d’itinérance de la région de Québec », Montréal (Québec), RAIIQ et du RGF-03.
- Girola, C. (2005), « Le temps et l’espace : deux termes indissociables pour la compréhension des pratiques identitaires des personnes sans abri », inBallet D. (dir.), Les SDF : visibles, proches, citoyens, Paris, PUF, p. 65-87.
- Girola, C. (2011), Vivre sans abri. De la mémoire des lieux à l’affirmation de soi, Paris, Éditions Rue d’Ulm.
- Goffman, E. ([1961] 1968), Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus, Paris, Éditions de Minuit.
- Goffman, E. ([1974] 2012), « Le travail de terrain », Transcription d’une intervention orale à la Pacifical Sociological Association, inLofland L. (éd.), Goffman et l’ordre de l’interaction, Amiens, Curapp et Paris, Cems, p. 451-458.
- Gotman, A. (2001), Le Sens de l’hospitalité. Essai sur les fondements sociaux de l’accueil de l’autre, Paris, PUF.
- Gusfield, J.-R. ([1981] 2009), La culture des problèmes publics. L’alcool au volant : la production d’un ordre symbolique, traduction et postface par Cefaï D., Paris, Economica.
- Ion, J. (dir.) (2005), Travail social et « souffrance psychique », Paris, Dunod.
- Kisor, A. J. et L. Kendal-Wilson (2002), « Older Homeless Women : Reframing the Stereotype of the Bag Lady », Affilia, vol. 17, n° 3, p. 354-370.
- Koselleck, R. ([1979] 1990), Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, Ecole des hautes études en sciences sociales.
- Laberge, D., Morin D. et S. Roy (2000), « L’itinérance des femmes : les effets convergents de transformations sociétales », in Laberge Danielle (dir.), L’errance urbaine, Multimondes, Sainte-Foy, p. 83-99.
- Laé, J.-F. et N. Murard (1995), Les récits du malheur, Paris, Descartes, Collection Interfaces-société.
- Lenton, R., D. Smith M., J. Fox et N. Morra (1999), « Sexual Harassment in Public Places : Experiences of Canadian Women* », Canadian Review of Sociology/Revue canadienne de sociologie, n° 36, p. 517-540.
- Lessard, G., L. Montminy, É. Lesieux, C. Flynn, V. Roy, S. Gauthier et A. Fortin (2015), « Les violences conjugales, familiales et structurelles : vers une perspective intégrative des savoirs », Enfances, familles, générations, n° 22, p. 1-26.
- Liebow, E. (1995), Tell Them Who I Am : The Lives of Homeless Women, New York, Penguin Books.
- Marchand, I. et C. Lalande (2015), « Du genre au Québec », Le sociographe, n° 49, p. 85-94.
- Marpsat, M. (1999), « Un avantage sous contrainte. Le risque moindre pour les femmes de se trouver sans abri », Population, vol. 54, n° 6, p. 885- 932.
- Marcillat, A. et M. Maurin (2018), « Singularisation, différenciation : pratiques de la (non)mixité dans l’intervention sociale auprès des personnes sans abri », Nouvelles Questions Féministes, vol. 37, n° 2, p. 90-105.
- Massé, H., M. Laberge et G. Massé (2002), « L’analyse différenciée selon les sexes au gouvernement du Québec : vers une mobilisation interne et des alliances stratégiques pour l’égalité », Lien social et Politiques, n° 47, p. 43-54.
- Maurin, M. (2017a), « Femmes sans abri : vivre la ville la nuit — Représentations et pratiques », Les Annales de la recherche urbaine, n° 112, p. 139-149.
- Maurin, M. (2017b), Le genre de l’assistance. Ethnographie comparative de l’accueil des femmes sans abri (Saint-Étienne/ Montréal), thèse de sociologie, Saint-Étienne, Université de Lyon — Jean Monnet — Saint-Étienne.
- Passaro, J. (1996), The Unequal Homeless : Men on the Streets, Women in their Place, New York, Routledge.
- Pichon, P. (2014), « Vulnérabilité narrative et expressions biographiques depuis l’expérience des personnes sans domicile fixe », inBrodiez-Dolino A., VonBueltzingsloewen I., Eyraud B., Laval C., Ravon B. (dir.), Vulnérabilités sanitaires et sociales, Rennes, PUR, p. 77-89.
- Ravon, B. (2005), « Vers une clinique du lien défait », inIon J. (dir.), Travail social et « souffrance psychique », Paris, Dunod, p. 25-58.
- Sauvé, J et M. Béchard (2008), « La violence conjugale au Canada : aspects méthodologiques de l’Enquête sociale générale sur la victimisation », Santé, société et solidarité, vol. 7, n° 1, p. 153-158.
- Smith, D. E. (2018), L’ethnographie institutionnelle. Une sociologie pour les gens, Paris, Economica, Collection Études sociologiques.
- Stavo-Debauge, J. (2009), Venir à la communauté : une sociologie de l’hospitalité et de l’appartenance, Paris, Thèse de doctorat EHESS.
- Stavo-Debauge, J. (2017), Qu’est-ce que l’hospitalité ? Recevoir l’étranger à la communauté, Montréal, Liber.
- Thomas, W.- I. et D.-S. Thomas (1928), The Child in America : Behavior Problems and Programs, New York, A. A. Knopf.
- Vrancken, D. et C. Macquet (2006), Le travail sur soi : vers une psychologisation de la société ?, Paris, Belin.
- Zimmermann, B. (2006), « Pragmatism and the Capability Approach : Challenges in Social Theory and Empirical Research », European Journal of Social Theory, vol. 9, n° 4, p. 467-484.