Résumés
Résumé
Il ne faut pas, lorsqu’on étudie le rap, y voir un seul matériau sociologique et oublier qu’il s’agit d’une création artistique. Toutefois, de nombreux textes, notamment quand ils sont à dimension autobiographique, sont source de connaissance. Les rappeurs produisent en effet, par des récits rimés, du savoir et des analyses sur des lieux, des modes de vie, des situations et des ressentis, souvent rattachés aux mondes et expériences minoritaires. Le traitement et la définition de ces sujets sont généralement réservés aux groupes et individus légitimés à s’exprimer dans l’espace public : politiques, journalistes ou scientifiques jouissent en quelque sorte d’un monopole sur la question, qui s’accompagne d’un rejet des compétences et des savoirs profanes. Les rappeurs semblent alors résister au risque d’aliénation que comporte la délégation de leur expérience ou de leur parole (à un chercheur, par exemple) : parlant par eux-mêmes (et souvent d’eux-mêmes), ils contredisent ou complètent les sociologues, dialoguent avec eux, parfois même s’y associent. Apporter ainsi des éléments de compréhension et d’analyse du monde social dans et par la chanson permet alors de multiplier les lieux de fabrication du savoir, d’en démocratiser la production et la diffusion.
Mots-clés :
- rap,
- sociologie,
- monopole du savoir,
- réappropriation de soi,
- démocratisation de la parole
Abstract
When rap music is studied, it is a mistake to see it only through a sociological point of view and forget that it is first and foremost an artistic creation. However, many texts are a source of knowledge and in particular those which are tinged with an autobiographical aspect. Indeed, rap singers’s rimed stories are a means to construe and know more about places, lifestyles, situations and feelings, which are often related to worlds and experiences that belong to a minority. In general, only groups and individuals that are legitimate to express their opinion in the public space tackle the treatment and the definition of these topics — politicians, journalists or scientists have a monopolistic position as regards these topics and reject competences and sources of knowledge that come from laypersons. There seems to be then no risks of alienation at all for rap singers — risks that are inherent in the delegation of one’s experience or one’s word (to a researcher for example). Rap singers talk by themselves (and often about themselves), they dispute or corroborate sociologists’s ideas, talk to them, and sometimes even work with them. Bringing thus elements that help understand and analyse the social world in and by songs enables the multiplication of the places of knowledge production and a wider access to its production and dissemination.
Keywords:
- rap music,
- sociology,
- monopolistic position on knowledge,
- taking back your own voice,
- wider access to speech
Resumen
Cuando se estudia el rap, en éste no debe verse tan sólo un material sociológico y olvidar que se trata de una creación artística. No obstante, numerosos textos, particularmente cuando éstos son de carácter autobiográfico, son fuente de conocimiento. En efecto, los raperos se expresan por medio de relatos rítmicos, del saber y del análisis acerca de los lugares, de los modos de vida, de las situaciones y de lo experimentado, con frecuencia asociados a mundos y experiencias minoritarias. El tratamiento y la definición de estos temas están generalmente reservados a los grupos e individuos legitimados para expresarse en el espacio público : políticos, periodistas o científicos que, en cierta forma, gozan de un monopolio del tema, acompañados de un rechazo de las competencias y de los saberes profanos. Los raperos parecen entonces resistir al riesgo de la alienación que conlleva delegar su experiencia o su palabra (por ejemplo, a un investigador) : hablando por ellos mismos (y, con frecuencia, acerca de ellos mismos), contradiciendo o complementando a los sociólogos, dialogando con ellos, a veces inclusive asociándose con ellos. De esta manera, contribuir a comprender y analizar el mundo social a través de la canción y por medio de ella, permite entonces multiplicar los lugares de fabricación del saber, así como democratizar la producción y la difusión.
Palabras clave:
- rap,
- sociología,
- monopolio del saber,
- reapropiación de sí,
- democratización de la palabra
Parties annexes
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