Volume 43, numéro 1, printemps 2011 Pour une sociologie de la mode et du vêtement For a Sociology of Fashion and Clothing Sous la direction de Clara Lévy et Alain Quemin
Sommaire (14 articles)
I. Dimension domestique et quotidienne de la mode / I. Fashion in Daily and Domestic Life
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Blogs personnels de mode : identité, réalité et sociabilité dans la culture des apparences
Agnès Rocamora
p. 19–44
RésuméFR :
Depuis leur apparition au début du xxie siècle, les blogs consacrés à la mode se sont affirmés comme une plateforme de choix pour l’articulation de pratiques de mode. Les blogs personnels de mode en particulier, sur lesquels les blogueuses postent des images d’elles-mêmes, constituent un espace de construction identitaire à travers lequel se joue la position ambivalente des femmes dans la société contemporaine. L’écran de l’ordinateur devient une surface réfléchissante où leur statut est conjugué non seulement en tant qu’objet mais aussi en tant que sujet. La mode comme pratique ordinaire est privilégiée au sein d’un discours réaffirmant la puissance du réel dans l’imaginaire de mode. La mode se révèle être un objet autant parlé que porté, se conjuguant à internet comme vecteur d’union et de sociabilité.
EN :
Since their appearance at the start of the twenty-first century, blogs dedicated to fashion have claimed to provide an ideal platform for the articulation of fashion practices. Personal fashion blogs in particular, on which bloggers post images of themselves, constitute a space for identity construction in which the ambivalent position of women in contemporary society is revealed. The computer screen becomes a reflective surface where their status, not only as objects, but also as subjects, may be discerned. Fashion as an ordinary practice is at the centre of a discourse reaffirming the power of the real in the fashion imagination. Fashion as an object is shown to be spoken, as well as worn, and is defined on the Internet as a vector of unity and sociability.
ES :
Desde su surgimiento, al inicio del siglo veintiuno, los blogs consagrados a la moda se han afirmado como una plataforma preferencial para la articulación de las prácticas de moda. Los blogs personales de moda en particular, donde las blogueras exhiben imágenes de sí mismas, constituyen un espacio de construcción identitario a través del cual se juega la posición ambivalente de las mujeres en la sociedad contemporánea. La pantalla de la computadora constituye una superficie reflectante donde se conjuga su estatus, no sólo como objeto, sino además como sujeto. La moda, como práctica ordinaria, es privilegiada al interior de un discurso que reafirma el poder de lo real en el imaginario de moda. La moda se manifiesta como un objeto tanto hablado como puesto, conjugándose al internet como un vector de unión y sociabilidad.
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La « Lolita » et la « sex bomb », figures de socialisation des jeunes filles. L’hypersexualisation en question
Philippe Liotard et Sandrine Jamain-Samson
p. 45–71
RésuméFR :
Figure essentiellement littéraire ou cinématographique dans la seconde moitié du xxe siècle, les « Lolitas » deviennent un véritable phénomène de mode pour les jeunes filles en France à partir des années 1990, avant d’être doublées, la décennie suivante, par la figure de la « sex bomb », qui métamorphose un corps d’enfant ou d’adolescente en corps sexué érotisé. Cette incursion sur le terrain de la mode vestimentaire interpelle. Les modèles de féminité incarnés par ces figures jouent à la fois sur le registre de l’enfance, la virginité des petites filles et les codes de l’érotisme d’une féminité affirmée. Cet article se propose de questionner ces modèles identitaires à la lumière d’une double analyse. Un premier regard historique rappelle l’émergence de ces figures érotisées et le passage du personnage littéraire au monde de la mode. L’analyse, complémentaire, de magazines destinés spécifiquement aux jeunes filles et jeunes femmes conforte, dans un premier temps, le rôle de ces médias dans la diffusion de ces modèles de féminité, mais ils semblent également fournir les clés d’une possible émancipation par rapport à ces modèles. Enfin, si la question de l’érotisation du corps des jeunes filles est centrale, la notion d’hypersexualisation interroge celle du contrôle social de l’apparence, ce qui sera l’objet de la dernière partie.
EN :
“Lolitas,” essentially literary or cinematographic figures in the second half of the twentieth century, became a veritable fashion phenomenon for young girls in France in the 1990s, before the massive addition in the following decade of the figure of the “Sex Bomb,” which metamorphizes the body of a child or teenager into an eroticized sexual body. This calls for consideration of the issue of clothing. The models of femininity reflected by these figures simultaneously affect the nature of childhood, the virginity of little girls, and the codes of eroticism of an overt femininity. This article proposes to question these identity models in the light of a twofold analysis. An initial historical overview will highlight the emergence of these eroticized figures and the transfer of the literary character to the world of fashion. Then, a complementary analysis of magazines specifically for little girls and young women first reinforces the role of these media in the spreading of such models of femininity, while also appearing to provide the key to a possible emancipation from these models. Finally, while the question of the eroticization of the bodies of young girls is central, the notion of hypersexualization raises the issue of the social control of appearance, which will be the subject of the last section.
ES :
Figura esencialmente literaria o cinematográfica de la segunda mitad del siglo XX, las “Lolitas” llegaron a ser un verdadero fenómeno de moda para las jóvenes en Francia, a partir de los años 1990, antes de ser remplazadas, en el siguiente decenio, por la figura de la “Sex bomb”, que metamorfosea un cuerpo de niña o de adolescente en un cuerpo sexuado erotizado. Esta incursión en el terreno de la moda vestimentaria nos interpela. Los modelos de feminidad encarnados en estas figuras juegan a la vez a nivel de la evocación de la infancia, la virginidad de las niñas y los códigos del erotismo de una feminidad afirmada. Este artículo propone cuestionar estos modelos identitarios a la luz de un doble análisis. Un primer análisis histórico recuerda el surgimiento de estas figuras erotizadas y el paso del personaje literario al mundo de la moda. Un análisis complementario de las revistas dirigidas específicamente a las jóvenes y a las mujeres jóvenes fortalece, en un primer momento, el papel de estos medios en la difusión de estos modelos de feminidad pero, igualmente, parecen suministrar las claves de una posible emancipación con relación a esos mismos modelos. Por último, si la cuestión de la erotización del cuerpo de las jóvenes resulta central, la noción de hipersexualización nos interroga acerca el control social de la apariencia, lo que será objeto de la última parte.
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« Prendre le contre-temps à contrepied ou comment s’accommoder de vêtements “hors mode” ou démodés »
Sofian Beldjerd
p. 73–96
RésuméFR :
L’analyse s’appuie sur les données qualitatives recueillies au cours d’une enquête qui associait entretiens compréhensifs et observations menées dans des espaces du quotidien (principalement domestiques et professionnels). Elle vise à caractériser certaines des ressources que l’usager d’un vêtement peut mobiliser pour s’accommoder du renouvellement des formes et des styles que l’industrie de la mode impose sans relâche. L’article examine d’abord les conditions empiriques de possibilité de la typification du « démodé » et du « hors-mode », en cherchant à tirer parti du jeu de la pluralité des médiations marchandes et non marchandes dont elles se révèlent tributaires. Il entreprend, ensuite, d’éclairer les processus à travers lesquels les vêtements ainsi catégorisés peuvent néanmoins échapper à la disqualification, au remisage ou à la mise au rebus. Sont alors mises en évidence différentes tactiques de recomposition du rapport au vêtement, dont l’efficacité confirme l’intérêt d’étudier les objets comme des productions continues.
EN :
The analysis is based on qualitative data collected during the course of an investigation using comprehensive interviews and observations in daily settings (principally domestic and professional). It attempts to characterize certain resources that the wearer of an item of clothing could draw upon to adapt to the changes in shape and style relentlessly dictated by the fashion industry. First, the article examines the empirical conditions required to classify clothing as “old-fashioned” and “unfashionable,” by seeking to use the range of negotiated and non-negotiated mediation from which they are shown to stem. Then, it undertakes to clarify the processes through which clothes, deemed to be unfashionable or old-fashioned, can still escape relegation to storage bins or the garbage. Finally, different tactics for remaking these garments are highlighted, the effectiveness of which demonstrates the value of studying objects as expressions of continuous production.
ES :
Este análisis se apoya en los datos cualitativos recopilados en el transcurso de una investigación en la que se relacionaron entrevistas integrales y observaciones realizadas en espacios cotidianos (principalmente espacios domésticos y profesionales). El análisis busca caracterizar ciertos recursos que puede utilizar el usuario de un vestuario con el fin de adaptarse a la renovación de las formas y de los estilos que la industria de la moda impone incansablemente. El artículo examina inicialmente las condiciones empíricas de la posibilidad de la tipificación de lo “anticuado” y lo “pasado de moda”, buscando sacar partido del juego de la pluralidad de las mediaciones mercantiles y no mercantiles de las cuales resultan tributarias. En seguida, se busca aclarar los procesos a través de los cuales los vestuarios así categorizados pueden sin embargo escapar a la descalificación, al intercambio o al desecho. De esta manera se evidencian diferentes tácticas de recomposición de la relación con el vestuario, cuya eficacia confirma el interés de estudiar los objetos como producciones continuas.
II. La mode et le cadre professionnel / II. Fashion and the Workplace
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Du bleu de chauffe au jean : Les jeux de l’apparence des « ouvriers » à l’hôpital, entre traditions corporatistes et normes institutionnelles renouvelées
Anne Monjaret
p. 99–124
RésuméFR :
Ces ouvriers revendiquent leur appartenance à l’institution, tout en n’étant pas toujours identifiés comme faisant partie de l’hôpital. Minoritaires et bien que contribuant au bon fonctionnement de l’établissement, ils sont stigmatisés dans cet univers dominé par les « blouses blanches ». Cultivant leur identité, ils disent appartenir à des corporations ouvrières aux fortes traditions. Pourtant, un effritement de ces dernières s’observe depuis des années : des métiers disparaissent, l’externalisation se développe, la figure de l’ouvrier militant n’est plus ; leur vêtement de travail change d’allure au fil du temps ; les « jeunes » s’affichent en jean, seuls les « anciens » font toujours du bleu leur emblème. Le vêtement constitue un bon analyseur des jeux et des enjeux de l’apparence, mais plus largement aussi des rapports sociaux, dans les mondes du travail.
À partir de l’analyse du « vêtement au travail » des personnels ouvriers des hôpitaux de Paris (AP-HP), Anne Monjaret cherche à saisir comment ces agents d’État, « les bleus », se conforment ou non aux codes internes du savoir-faire et du savoir-être, comment ils échappent ou non aux normes sociales du groupe de travail ou de l’institution, comment se combinent en définitive les normes institutionnelles avec les expressions collectives — ici corporatistes — et individuelles.
EN :
These workers identify with the institution, while not always being seen as an integral part of the hospital. Although they definitely make a contribution to the good functioning of the establishment, they are a minority and are often stigmatized in this world dominated by “white-collar” employees. Cultivating their identity, they claim to belong to longstanding workers’ organizations. However, an erosion of the latter may be observed in recent years : trades are disappearing ; outsourcing is becoming more popular ; the figure of the worker activist has vanished ; and their work clothes have changed over time — the “young people” show up in jeans and only the “old folks” continue to wear the traditional blue-collar garb. Clothing is a good indicator of the games and issues involved with image, but also, more broadly, of social relationships in the world of work.
Staring with an analysis of “work clothes” of hospital workers in Paris (AP-HP), Anne Monjaret attempts to determine whether or not these government employees, “blue collar workers,” conform to internal codes of technical and interpersonal behaviour, how they manage or fail to escape the social norms of the work group or institution, and how they ultimately resolve the tension between institutional norms and collective — here corporatist and individual — expressions.
ES :
Estos obreros reivindican su sentido de pertenencia a la institución y, a la vez, no se identifican como parte del hospital. Minoritarios y, aun cuando contribuyen al buen funcionamiento del establecimiento, son estigmatizados en ese universo dominado por los “blusas blancas”. A la vez que cultivan su identidad, dicen pertenecer a corporaciones obreras de fuertes tradiciones. Sin embargo, desde hace algunos años se observa el desmoronamiento de estos últimos : oficios que desaparecen, desarrollo de la externalización, desaparición de la figura del obrero militante ; su vestimenta de trabajo cambia de apariencia con el tiempo ; los “nuevos” se presentan en bluyines, tan sólo los “antiguos” hacen del azul su emblema. El vestuario constituye un buen analizador de los juegos y componentes de la apariencia pero, de forma más amplia, también de las relaciones sociales en el universo del trabajo.
A partir del análisis del “vestuario en el trabajo” del personal obrero de hospitales de París (Asistencia pública — Hospitales de París, AP-HP), Anne Monjaret busca comprender cómo estos agentes del Estado, “los azules”, se ajustan o no a los códigos internos del saber-hacer y del saber-ser, cómo escapan o no a las normas sociales del grupo de trabajo o de la institución, cómo se combinan en definitiva las normas institucionales con las expresiones colectivas — en este caso corporativistas — e individuales.
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L’apprentissage de la mode comme solution à l’insertion ? Un cas américain
Isabelle Hanifi
p. 125–146
RésuméFR :
Le texte de Simmel sur la mode, qui décrit les mécanismes d’imitation et de distinction, permet d’éclairer la façon dont les bénéficiaires du relooking s’approprient et incorporent un savoir-être professionnel.
L’apparence est primordiale dans l’accession aux bassins d’emplois privilégiés ; or, celle-ci suppose une maîtrise de la mode en vigueur dans les milieux économiques, notamment financiers. Le relooking vise à faire de l’appartenance sociale un choix, en donnant accès à une apparence reconnue et socialement valorisée. La mode devient un enjeu, dès lors que l’apparence est perçue comme un vecteur d’ascension sociale au même titre que les diplômes.
À travers l’expérience d’une organisation caritative américaine, qui relooke des femmes en difficulté pour favoriser leur insertion professionnelle, le présent article s’intéresse à la transmission des codes corporels véhiculés via la promotion d’une mode vestimentaire.
EN :
Simmel’s text on fashion, describing the mechanisms of imitation and distinction, allows us to clarify the manner in which beneficiaries of this improved image adopt and incorporate a professional sophistication.
Appearance is crucial in gaining access to the pool of desirable jobs. This presupposes a familiarity with the current fashion in economic milieus, particularly that of finance. Reworking a person’s image aims to make membership in a specific social group a choice, through providing access to a familiar and socially acceptable appearance. As long as appearance is perceived as a vector of social mobility, fashion becomes an issue, in the same way as a diploma.
Through experience in an American charity that assists women in difficulty to improve their image to help them integrate into the professional milieu, this article focuses on the transmission of corporal codes through the adoption of a particular style of dress.
ES :
El texto de Simmel acerca de la moda describe los mecanismos de imitación y de distinción que permiten aclarar la manera como los beneficiarios del cambio de imagen se apropian e incorporan un “saber ser” profesional.
La apariencia es primordial para acceder a las cuencas de empleo privilegiadas, pues éstas suponen un dominio de la moda en vigor en los medios económicos, principalmente financieros. El cambio de imagen busca hacer de la pertenencia social una opción, dando para ello acceso a una apariencia reconocida y socialmente valorizada. De este modo, la moda llega a ser un desafío, en el momento en que la apariencia es percibida como vector de ascenso social, tanto como los diplomas.
A través de la experiencia de una organización caritativa americana que cambia la imagen (relooke) de mujeres en dificultad con el fin de facilitar su inserción profesional, el presente artículo se interesa en la transmisión de códigos corporales vehiculados a través de la promoción de una moda vestimentaria.
III. La mode, le travail et des institutions / III. Fashion, Work, and Institutions
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Le travail en atelier comme forme d’organisation du processus de création dans la Mode
Nicoletta Giusti
p. 149–173
RésuméFR :
L’activité d’innovation prend, dans la Mode, la forme d’une répétition obligée et offre l’occasion aux chercheurs d’observer, en détail et en pratique, la génération de l’innovation. La littérature existante, tant dans les cultural studies qu’en sociologie des organisations, se concentre le plus souvent sur le niveau interorganisationnel, selon une hypothèse qui relie la production de l’innovation aux conditions du marché ; la « production » devient alors essentiellement « circulation d’une innovation donnée comme acquise ». Le concept de « créativité diffuse », développé dans les fashion studies, met l’accent sur les dynamiques à la fois intra- et infra-organisationnelles, offrant ainsi une bonne perspective pour l’analyse empirique des activités liées à la génération de l’innovation dans la Mode. Le « travail en atelier » est le cadre idéal-typique que l’auteure propose ici pour comprendre l’organisation du travail d’innovation, avec ses caractéristiques d’activité de création réitérée, collective et négociée. Ce cadre permet de transformer un « voyage d’innovation » complexe, et donc difficile à saisir par des catégories discrètes, en une routine compliquée. Le travail en atelier est fondé sur une coordination obtenue à travers la réalisation d’objets intermédiaires de la conception et l’imposition d’échéances, sur une technologie à lien faible et une autorité de nature personnelle, sur un système planifié d’ouvertures et de fermetures du noyau technique et sur l’administration par corps de métiers.
EN :
In fashion, innovation takes the form of a necessary repetition and provides researchers the opportunity to observe in detail and in practice the creation of innovation. The existing literature, both in cultural studies and in the sociology of organizations, is often focussed at the inter-organizational level, based on a hypothesis linking the production of innovation to market conditions, where “production” becomes essentially the “circulation of a particular innovation as given.” The concept of “diffuse creativity” developed in the fashion studies, has stressed both intra- and infra-organizational dynamics, offering a useful perspective for empirical analysis of activities linked to the development of fashion innovation. “Studio work” is the ideal-typical framework that the author here proposes to help understand the organization of the work of innovation, with its characteristics of reiterated, collective and negotiated activities of creation. This framework allows us to transform a complex (and thus difficult to categorize into discreet categories) “innovation journey” into a complicated routine. The studio work is based on coordination obtained through the creation of mediating conception objects and the imposition of deadlines, using loosely coupled technology and personal authority, on a planned system of openings and closings of a technical core and on craft administration.
ES :
En la moda, la actividad de la innovación toma la forma de una repetición obligada que presenta a los investigadores la oportunidad de observar, en forma detallada y en la práctica, la generación de la innovación. La literatura existente, tanto en los Cultural Studies como en la sociología de las organizaciones, se enfoca con frecuencia en el nivel interorganizativo, según una hipótesis que relaciona la producción de la innovación con las condiciones del mercado, donde la “producción” deviene esencialmente “circulación de una innovación dada por hecho”. El concepto de “creatividad difusa”, desarrollada en los fashion studies, hace énfasis en las dinámicas a la vez intra e infraorganizativas, ofreciendo una buena perspectiva para el análisis empírico de las actividades relacionadas con la generación de la innovación en la Moda. El “trabajo en taller” es el contexto ideal típico que la autora propone aquí para comprender la organización del trabajo de innovación, con sus características de actividad de creación reiterada, colectiva y negociada. Ese contexto permite transformar un “viaje de innovación” complejo, y por ello mismo difícil de comprender a través de categorías discretas, en una rutina complicada. El trabajo en taller está basado en una coordinación lograda a través de la realización de objetos intermediarios de la concepción y la imposición de plazos a una tecnología de relaciones débiles y una autoridad de naturaleza personal, a un sistema planificado de aperturas y cierres de un núcleo técnico y a una administración basada en gremios.
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Prise de décision créative en situation d’incertitude : le cas de la sélection des mannequins par les maisons de mode
Frédéric Godart et Ashley Mears
p. 175–199
RésuméFR :
Face à l’existence d’une forte incertitude dans les industries dites « de la création », comment les producteurs culturels prennent-ils des décisions ? Nous abordons cette question en étudiant un cas particulier, la sélection des mannequins par les maisons de mode pour leurs défilés dans les villes de New York, Londres, Milan et Paris. Les données utilisées sont à la fois qualitatives (entretiens ethnographiques) et quantitatives (analyse de réseaux sociaux). Alors que les producteurs présentent la sélection des mannequins comme une question de « goût », ou de préférences personnelles, nous montrons que leurs décisions sont en fait définies par des mécanismes de partage de l’information dans des réseaux sociaux, notamment à travers des mécanismes d’« options ». L’analyse de nos données révèle que les processus décisionnels des producteurs culturels sont une question de choix stratégiques fondés sur le statut, même s’ils sont exprimés à travers une rhétorique du goût personnel.
EN :
Given the great uncertainty in “creative” industries, how do cultural producers make decisions ? We approach this question through a study of a particular case, the selection of models by fashion houses for their shows in New York, London, Milan and Paris. The data employed are both qualitative (ethnographic interviews) and quantitative (analysis of social networks). While the producers present the selection of models as a question of “taste,” or personal preferences, we show that their decisions are, in fact, defined by mechanisms of information-sharing in social networks, notably through “optional” mechanisms. Our data analysis reveals that cultural producers’ decisional processes are a question of strategic choices based on status, even if their rhetoric refers to personal taste.
ES :
Frente a la existencia de una fuerte incertidumbre en las industrias llamadas “creativas”, ¿cómo toman las decisiones los productores culturales ? Para responder a esta pregunta estudiamos un caso particular, el de la selección de maniquíes para las casas de moda para sus desfiles en las ciudades de Nueva York, Londres, Milán y París. Los datos utilizados son a la vez cualitativos (entrevistas etnográficas) y cuantitativos (análisis de redes sociales). Mientras que los productores presentan la selección de los maniquíes como una cuestión de “gusto” o de preferencias personales, nosotros mostramos que sus decisiones son, de hecho, definidas por medio de mecanismos de distribución de la información en las redes sociales, principalmente a través de los mecanismos de “opciones”. El análisis de nuestros datos revela que los procesos de decisión de los productores culturales son una cuestión de opciones estratégicas basadas en el estatus, aún si éstos son expresados a través de la retórica del gusto personal.
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Le culte de la minceur et la gestion sociale du risque : le cas de la Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée
Gérald Baril, Marie-Claude Paquette et Marcelle Gendreau
p. 201–222
RésuméFR :
Cet article examine le cas de la Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée. Le groupe de travail mis sur pied par le gouvernement du Québec en 2009 pour élaborer ladite charte était formé, en grande majorité, de représentants des industries de la mode et de l’image du corps. Les auteurs de l’article, inspirés par la sociologie du risque d’Ulrich Beck, centrent leur réflexion sur la motivation des acteurs de l’industrie à participer au processus et à s’engager en tant que signataires de la charte. Dans quelle mesure les acteurs de l’industrie acceptent-ils leur part de responsabilité, quant au risque représenté par la préoccupation excessive à l’égard du poids ? En s’appuyant notamment sur les propos recueillis auprès de membres du groupe de travail pour répondre à cette question, l’article fait ressortir la valeur intrinsèque du processus mené par le groupe, en tant qu’activité réflexive orientée vers l’action.
EN :
This article examines the case of the Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée (Québec Charter for a Healthy and Diversified Body Image). The working group established by the Government of Québec in 2009 to develop this charter primarily consisted of representatives of fashion and body image industries. The authors of the article, inspired by Ulrich Beck’s sociology of risk, devote their attention to what motivates the actors in the industry to participate in the process and commit themselves as signatories to the charter. To what extent do industry actors accept their share of responsibility for the risk represented by excessive preoccupation with weight ? Using the collected comments of members of the working group to answer this question, the article demonstrates the intrinsic worth of the process led by the group, as a reflective activity oriented towards taking action.
ES :
Este artículo examina el caso de la Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée (Carta que˘be˘quense por una imagen corporal sana y diversificada). El grupo de trabajo, constituido por el gobierno de Que˘bec en 2009 con el fin de elaborar dicha carta, estaba compuesto en su gran mayoría por representantes de las industrias de la moda y de la imagen del cuerpo. Inspirados en la sociología del riesgo de Ulrich Beck, los autores del artículo centran su reflexión en la motivación de los actores de la industria que los llevó a participar en el proceso y a comprometerse como signatarios de la Carta. ¿En qué medida los actores de la industria aceptan la responsabilidad que les corresponde en cuanto al riesgo que representa la preocupación excesiva frente al peso ? Apoyándose principalmente de los comentarios recogidos entre los miembros del grupo de trabajo para responder a esta pregunta, el artículo subraya el valor intrínseco del proceso adelantado por el grupo, como una actividad de reflexión orientada hacia la acción.
Hors thème / Non thematic
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Emprise des diplômes, jugements de justice et cohésion sociale
François Dubet, Marie Duru-Bellat et Antoine Vérétout
p. 225–259
RésuméFR :
Dans quelle mesure l’éducation scolaire conforte-t-elle la cohésion sociale ? Après avoir défini la cohésion sociale de manière opérationnelle et en mobilisant des comparaisons internationales sur un échantillon de pays économiquement développés, cet article explore en quoi certaines caractéristiques des systèmes scolaires s’avèrent associées aux scores de cohésion sociale. Il apparaît que les relations sont plus fortes entre la cohésion et certaines variables sociales qu’entre celles-ci et les variables scolaires proprement dites et que, parmi ces dernières, c’est surtout l’emprise des diplômes sur la carrière sociale et professionnelle des individus qui s’avère importante. Cet article met en évidence un effet pervers de la croyance dans la méritocratie scolaire qui justifierait les conséquences sociales des hiérarchies scolaires. Ce mécanisme est lui-même inclus dans un ensemble de perceptions de la légitimité des inégalités sociales.
EN :
To what extent does education reinforce social cohesion ? After developing an operational definition of social cohesion and making international comparisons of a sample of developed countries, this article explores how certain characteristics of educational systems prove to be associated with levels of social cohesion. It seems that relations are stronger between cohesion and certain social variables than between the former and educational variables per se and that, among the latter, it is particularly the influence of diplomas on individuals‘ social and professional careers that proves to be significant. This article highlights a perverse effect of belief in the educational meritocracy that justifies the social consequences of academic hierarchies. This mechanism is itself included in the overall perception of the legitimacy of social inequalities.
ES :
¿En qué medida la educación escolar fortalece la cohesión social ? Después de definir la cohesión social de manera operativa y recurriendo a comparaciones internacionales en torno a un muestreo de países económicamente desarrollados, este artículo explora en qué forma ciertas características de los sistemas escolares se ven asociadas a los resultados de la cohesión social. Resulta manifiesto que son más fuertes las relaciones entre la cohesión y ciertas variables sociales, que entre ésta y las variables escolares propiamente dichas y que, entre estas últimas, la influencia de los diplomas sobre la carrera social y profesional de los individuos presenta una mayor importancia. En este artículo se hace evidente un efecto perverso de la creencia en la meritocracia escolar, la que justificaría las consecuencias sociales de las jerarquías escolares. Este mismo mecanismo está incluido en un conjunto de percepciones propias de la legitimidad de las desigualdades sociales.
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De quelques mécanismes et mobiles des abus théoriques en sciences sociales
Matthieu Quidu
p. 261–285
RésuméFR :
Les sciences sociales, dans leur pratique quotidienne et notamment dans leur ambition de produire des théories générales, génèrent parfois des abus théoriques. La présente contribution, à partir de quelques études de cas symptomatiques, tente de formaliser les mécanismes épistémiques conduisant à des généralisations incontrôlées : négligence vis-à-vis de la contingence des objets originels d’étude, mobilisation d’exemples sur mesure, recours à l’analogie, indifférence à la question des échelles d’analyse, réification des thêmata… Il s’agit ensuite de comprendre les motifs à l’origine de tels abus en s’intéressant à des causalités notamment sociales et psychiques. Enfin, nous veillons à intégrer scientifiquement la connaissance philosophique de ces mécanismes et mobiles d’une part en récapitulant des règles méthodologiques basiques et d’autre part en démontrant que celles-ci s’incarnent in situ dans des programmes de recherche authentiques, attentifs aux limites des connaissances produites.
EN :
The social sciences, in their daily practices, especially because of their desire to produce general theories, sometimes commit theoretical abuses. The present contribution, stemming from several symptomatic case studies, attempts to formalize the epistemological mechanisms leading to wild generalizations : negligence vis-à-vis the contingency of the original objects under examination ; use of made-to-measure examples ; recourse to analogies, indifference to the question of levels of analysis ; and reification of theses. This study explores the underlying rationale behind such abuses through an investigation of causalities, in particular social and mental ones. Finally, we intend to scientifically integrate philosophical knowledge of these mechanisms and motives, on one hand, through reiterating basic methodological rules and, on the other through demonstrating that they are embodied in situ in genuine research programs that acknowledge the limits of their findings.
ES :
En su práctica cotidiana y particularmente en su afán de producir teorías generales, algunas veces las ciencias sociales generan abusos teóricos. A partir de algunos estudios de casos sintomáticos, la presente contribución intenta formalizar los mecanismos epistémicos que conducen a generalizaciones incontroladas : negligencia respecto a la contingencia de los objetos originales de estudio, utilización de ejemplos hechos a la medida, recurso a la analogía, indiferenciada en cuanto a la cuestión de las escalas de análisis, reificación de los themata… Se trata entonces de comprender los motivos que originan tales abusos, para lo cual daremos una atención particular a las causalidades particularmente sociales y psíquicas. Finalmente, velaremos por integrar científicamente el conocimiento filosófico de estos mecanismos y móviles, por una parte recapitulando las reglas metodológicas básicas y, por otra, demostrando que éstas se encarnan in situ en programas de investigación auténticos, atentos a los límites de los conocimientos producidos.
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Les pratiques de subjectivation des femmes : une analyse par le révélateur du rapport à l’argent dans le couple
Laurence Bachmann
p. 287–304
RésuméFR :
Cet article traite de la question de l’appropriation de l’idéal démocratique d’autonomie et d’égalité par les femmes, à travers leur rapport à l’argent dans le couple. Il porte sur la manière dont les femmes donnent du sens à l’argent dans un contexte idéal d’émancipation, mais aussi d’inégalités objectives entre les sexes. Le rapport à l’argent sert ainsi de révélateur d’une identité, d’une autonomie réclamée ou de sa place dans la division sexuelle du travail. Notre étude montre que pour les femmes qui ont les conditions pour penser leur émancipation, l’idéal démocratique s’impose comme un souci de soi. Leurs exigences éthiques, révélées dans leur rapport à l’argent, se réfèrent implicitement aux rapports de domination entre les sexes dont certains aspects ne sont plus tolérés. En tant que nouvelle norme sociale, ces exigences les incitent à passer du statut d’objet au statut de sujet à travers un travail de subjectivation, en lien avec l’idéal démocratique. En montrant qu’aujourd’hui les femmes travaillent leur émancipation sur un mode individuel et non collectif, et sans mobiliser la critique des rapports sociaux de sexe, cette recherche qualitative renouvelle la question de l’héritage du féminisme des années 1970.
EN :
This article deals with the issue of women’s appropriation of the democratic ideal of autonomy and equality, through studying the association of women in relationships to money. It considers the meaning women give to money in an ideal context of emancipation, as well as in one with objective inequalities between the sexes. Thus, the association with money serves as an indicator of identity, of the autonomy they claim or of their place in the gender division of work. Our study shows that for women in conditions where they are able to think about emancipation, the democratic ideal becomes a way to express a care of the self. Their ethical requirements, revealed through their association with money, implicitly reflect the domination of one gender by the other, some aspects of which are no longer tolerated. As a new social norm, these needs encourage them to move beyond the status of an object to that of a subject through subjectification work, in conjunction with the democratic ideal. In showing that today women strive for emancipation on an individual and not a collective level, without drawing upon a gender critique of social relationships, this qualitative research reintroduces the question of the feminist legacy of the 1970s.
ES :
Este artículo trata acerca de la cuestión de la apropiación del ideal democrático de autonomía e igualdad de las mujeres, a través de su relación con el dinero en la pareja. El artículo se centra en la manera como las mujeres dan sentido al dinero en un contexto de ideal de emancipación, pero igualmente de desigualdades objetivas entre los sexos. La relación con el dinero revela una identidad, una autonomía reclamada o un lugar en la división sexual del trabajo. Nuestro estudio muestra que para aquellas mujeres en condiciones de pensar en su emancipación, el ideal democrático se impone como una preocupación de sí. Sus exigencias éticas, reveladas en su relación con el dinero, se refieren implícitamente a las relaciones de dominación entre los sexos, algunos de cuyos aspectos ya no son tolerados. Como nueva norma social, estas exigencias las incitan a pasar del estatus de objeto al estatus de sujeto, por medio de un trabajo de subjetivación, relacionado con el ideal democrático. Al mostrar que actualmente las mujeres trabajan por su emancipación a partir de un modo individual y no colectivo, y sin movilizar la crítica de las relaciones sociales de sexo, esta investigación cualitativa renueva la cuestión de la herencia del feminismo de los años 1970.
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Quand les discours s’entrecroisent : « Sauvons le Montmartre bruxellois ! »
Laurie Hanquinet
p. 305–326
RésuméFR :
En 2003, la dernière cité d’artistes bruxelloise, les Ateliers Mommen, était menacée par des promoteurs immobiliers. Cette affaire reçut une grande attention de la presse qui soutint véritablement les occupants. Comment expliquer un tel appui à des victimes de spéculation, comme il y en a d’autres ? Et pourquoi, malgré de nombreux arguments communs, les médias ne diffusèrent-ils pas les revendications des artistes autour de leurs droits ? L’article démontre, par l’analyse des discours de la presse et des artistes, que la sauvegarde des ateliers dépendit de leur pouvoir évocateur, renvoyant au mythe de l’artiste bohème. Les médias choisirent un « monde de justifications » basé sur « l’inspiration », qu’ils opposèrent au « monde marchand » des promoteurs (Boltanski et Thévenot, 1991). Cette grille de lecture ne laissa pas de place aux justifications civiques propres à la menace immobilière (déstructuration du tissu urbain) et aux droits des artistes (conditions de travail adaptées).
EN :
In 2003, the last remaining neighbourhood of artists in Brussels, the Ateliers Mommen, was threatened by property developers. The press covered this extensively and were very supportive of the occupants. How can we explain this support when there are many such victims of property speculation ? And why, despite numerous reiterated arguments, did the media not publicize the artists’ demands for their rights ? Through analysis of the discourse of both the press and the artists, this article shows that the protection of studios depends on their evocative power, reminiscent of the myth of the Bohemian artist. This interpretative framework allows little space for civic justifications to counter the threat to property (destruction of the urban fabric) or the rights of artists (adapted working conditions). In this article, Boltanski’s and Thévenot’s model is presented as helpful in identifying the latent values and beliefs in the discourse and explaining certain tensions arising between them. Nevertheless, it is not useful in taking into account the social dynamics at play in the context. Eliciting this shortcoming allows us to deepen our reflection on the relations between art, artists and society.
ES :
En 2003, el último barrio bruselense de artistas, los Ateliers Mommen, se encontraba amenazado por promotores inmobiliarios. Este asunto recibió una gran atención mediática, que apoyaba verdaderamente a los ocupantes. ¿Cómo explicar este apoyo a víctimas de la especulación, habiendo otras ? Y, ¿por qué, a pesar de los numerosos argumentos comunes, los medios no difunden las reivindicaciones de los artistas alrededor de sus derechos ? A través del análisis del discurso de la prensa y de los artistas, este artículo demuestra que la salvaguardia de los talleres dependió de su poder evocador, asociado al mito del artista bohemio. Esta lectura de la situación deja poco espacio a las justificaciones cívicas propias de la amenaza inmobiliaria (desestructuración del tejido urbano) y a los derechos de los artistas (condiciones de trabajo adaptadas). En este artículo se presenta el modelo de Boltanski y Thévenot como un modelo adecuado para identificar los valores y las creencias latentes en los discursos, y explicar ciertas tensiones que nacen entre éstos. Sin embargo, este discurso es incapaz de tener en cuenta las dinámicas sociales en las cuales se insertan las justificaciones. La puesta en evidencia de este límite permite ir más allá en la reflexión acerca de las relaciones entre arte, artistas y sociedad.