Volume 38, numéro 2, automne 2006 Michel Foucault : sociologue ? Sous la direction de Marcelo Otero
Sommaire (16 articles)
Norme, conflit, vie / Norm, Conflict, Life
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Michel Foucault et les impasses de l’ordre social
Danilo Martuccelli
p. 17–34
RésuméFR :
L’article propose une lecture critique de la représentation de la vie sociale sous-jacente à l’oeuvre de Foucault. En examinant de près sa version particulière du problème de l’ordre social, notamment dans ses conséquences pour sa conception de la domination et de la critique, nous mettrons en évidence l’ontologie générale sur laquelle repose son travail et les principales difficultés qui lui sont associées. Parce qu’il exprime avec plus de force et de cohérence que bien d’autres auteurs un implicite ontologique pourtant souvent de mise dans la plupart des études sociologiques, la discussion avec son oeuvre se révèle être une occasion privilégiée pour dessiner à rebours les contours — et la nécessité — d’une autre ontologie sociale.
EN :
The paper proposes a critical reading of the representation of social life underlying Foucault’s work. Closely examining his particular version of the problem of social order, especially in its consequences for his conception of domination and criticism, we highlight the general ontology on which his work is based and the main problems associated with it. Because he expresses more forcefully and coherently than many other authors an implicit ontology that is nonetheless often popular in most sociological studies, the discussion of his work proves an ideal opportunity to trace back the outlines — and the necessity — of another social ontology.
ES :
El artículo propone una lectura crítica de la representación de la vida social subyacente a la obra de Foucault. Al examinar de cerca su versión particular del problema del orden social, principalmente en las consecuencias para su concepción de la dominación y de la crítica, pondremos en relieve la ontología general en la cual se basa su trabajo y las principales dificultades que están asociadas. Porque él expresa con más fuerza y coherencia mejor que otros autores, un implícito ontológico a menudo presente en la mayoría de los estudios sociológicos. El debate con su obra se revela ser una ocasión privilegiada para dibujar al revés los contornos — y la necesidad — de otra ontología social.
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La biopolitique n’est pas une politique de la vie
Didier Fassin
p. 35–48
RésuméFR :
Autour de son cours au Collège de France de 1975-1976 et du premier volume de son Histoire de la sexualité, Michel Foucault avança, de manière fugace, mais décisive, une théorie du biopouvoir dont la composante la plus remarquable était la biopolitique. Ce concept, qu’il délaissa lui-même au profit d’autres pistes de recherche, connut néanmoins une fortune considérable dans les sciences sociales. Bien plus pourtant qu’une véritable politique de la vie, que l’étymologie du mot paraissait annoncer, la biopolitique s’est révélée être un gouvernement des populations, des conduites et des pratiques, laissant échapper ce qu’on peut appeler la vie elle-même. Reprenant une double ligne de réflexion à partir de Georges Canguilhem, dont il fut l’élève, et d’Hannah Arendt, dont il ignora l’oeuvre, on se propose dans ce texte de retourner à la substance des politiques de la vie, entre vivant et vécu, entre zoé et bios, et, à partir de travaux empiriques conduits sur les réfugiés en France et sur le sida en Afrique du Sud, d’appréhender certains des enjeux de ces politiques. Il s’agit en particulier de penser la vie du point de vue à la fois des inégalités et des légitimités.
EN :
For his courses at the Collège de France in 1975-1976 and in the first volume of his Histoire de la sexualité, Michel Foucault briefly but decisively advanced a theory of biopower whose outstanding element was biopolicy. This concept, which he himself abandoned for other lines of research, nonetheless enjoyed considerable success in the social sciences. Far more, however, than a veritable policy of life as suggested by the etymology of the word, biopolicy in fact referred to the government of populations, behaviours and practices, leaving out what can be called life itself. Based on a two-fold line of reflection by Georges Canguilhem, whose pupil he was, and by Hannah Arendt, whose work was unknown to him, it is proposed in this text to return to the substance of policies of life, between living and lived, between zoé and bioss, and, based on empirical studies of refugees in France and AIDS in South Africa, to grasp some of the issues of these policies, in particular, thinking of life from the viewpoint of both inequalities and legitimacies.
ES :
En torno a su curso en el Colegio de Francia de 1975-1976 y del primer volumen de su Historia de la sexualidad, Michel Foucault avanzó, de manera fugaz, pero decisiva, una teoría del biopoder cuyo componente más notable era lo biopolítico. Este concepto, que él mismo olvidó en favor de otras pistas de investigación, conoció sin embargo un éxito considerable en las ciencias sociales. Más que una verdadera política de la vida, que la etimología de la palabra parecía anunciar, lo biopolítico reveló ser un gobierno de las poblaciones, de las conductas y prácticas, dejando escapar lo que se puede llamar la propia vida. Reanudando una doble línea de reflexión a partir de Georges Canguilhem, del que fue alumno, y de Hannah Arendt, cuya obra ignoró, nos proponemos en este texto devolver a la sustancia política de la vida, entre vivo y vivido, entre Zoé y bios, y, a partir de trabajos empíricos hechos sobre los refugiados en Francia y sobre el SIDA en Sudáfrica, comprender lo que está en juego en estas políticas. Se trata en particular de pensar la vida desde el punto de vista a la vez de las desigualdades y de las legitimidades.
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La sociologie de Michel Foucault : une critique de la raison impure
Marcelo Otero
p. 49–72
RésuméFR :
Si on peut affirmer que l’oeuvre de Foucault est inclassable, on peut certes dire également qu’il existe une sociologie chez Foucault. Mais laquelle ? L’un des apports essentiels de Foucault est celui d’avoir donné au corps une place centrale dans l’analyse des processus de régulation de conduites. L’idée voulant que le pouvoir passe matériellement dans l’épaisseur des corps sans être relayé par les représentations constitue à elle seule un véritable programme de sociologie matérialiste. Mais de quelle matière s’agit-il ? Cet article tente de comprendre quelle est la prise de position épistémologique de Foucault par rapport à la « consistance du social ». Quelle est-elle cette chair du social à partir de laquelle on régule des comportements dangereux, en danger ou dérangeants, mais également à partir de laquelle se constituent des identités et des pratiques alternatives (dans l’inconfort, la souffrance, la résistance, l’appropriation positive, voire la lutte sociale organisée) ? L’analyse des économies solidaires assujettissement/subjectivation et anormalité/anomalie (pratiques divisantes) dans l’oeuvre de Foucault permet de mieux comprendre l’originalité de sa sociologie.
EN :
If Foucault’s work can be described as unclassifiable, it can certainly also be said that there is a sociology in that work. But which ? One of Foucault’s essential contributions is that of having given a central place to the body in the analysis of the processes of behaviour regulation. The idea that power passes materially through the thickness of bodies without being replaced by representations in itself constitutes a veritable program of materialist sociology. But what material are we talking about ? This paper tries to understand Foucault’s epistemological standpoint as regards the concept of social consistency. What is this social flesh on which dangerous, threatened or disturbing behaviours are regulated, but on which are also based identities and alternative practices (in discomfort, suffering, resistence, positive appropriation, even organised social struggle) ? Analysis of the related economies of subjection/subjectification and abnormality/ anamaly (divisive practices) in Foucault’s work give a better understanding of the originality of his sociology.
ES :
Si se puede afirmar que la obra de Foucault es inclasificable, ciertamente se puede decir también que existe una sociología en Foucault. ¿Pero cuál ? Una de las contribuciones esenciales de Foucault es el haber dado al cuerpo un lugar central en el análisis de los procesos de regulación de los comportamientos. La idea que quiere que el poder pase materialmente en el grosor de los cuerpos sin ser retransmitido por las representaciones constituye por sí sola un verdadero programa de sociología materialista. ¿Pero de qué materia se trata ? Este artículo intenta comprender cuál es la posición epistemológica adoptada por Foucault con relación a la “consistencia de lo social”. ¿Cuál es este cuerpo de lo social a partir de la cual se controlan comportamientos peligrosos, en peligro o que molestan, pero también a partir de la cual se constituyen identidades y prácticas alternativas (en el malestar, el sufrimiento, la resistencia, la apropiación positiva, o incluso la lucha social organizada) ? El análisis de las economías solidarias sometimiento/subjectivación y anormalidad/anomalía (prácticas que dividen) en la obra de Foucault permite comprender mejor la originalidad de su sociología.
Norme, conflit, vie / Norm, Conflict, Life
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Entre Marx et Foucault : la question de la reproduction
Marianne Kempeneers
p. 73–86
RésuméFR :
Dans La volonté de savoir, Michel Foucault attribue à la démographie un rôle central dans la mise en place de nouvelles techniques de pouvoir, ce qu’il a appelé la biopolitique de la population. Or, cette vision de la démographie comme réponse à la nécessité de modifier les techniques de « pouvoir sur la vie », en même temps que s’étendait l’emprise du capitalisme, a trouvé assez peu d’écho tant chez les démographes que chez les sociologues, y compris ceux d’inspiration marxiste. Sans doute une partie de l’explication est-elle à rechercher du côté des ambivalences de Foucault lui-même face à la thèse marxiste en général et, plus particulièrement, face au problème de la reproduction. Nous invitons ici à réinterroger Foucault sur ces questions et proposons une lecture où celui-ci prend finalement place dans un espace, décisif mais laissé vide, de la théorie marxiste, l’espace de la reproduction.
EN :
In La volonté du savoir, Michel Foucault attributes a leading role to demography in the implanting of new techniques of power, what he called the biopolitics of the population. However, this view of demography as an answer to the need to modify the techniques of ‘power over life’ at the same time as capitalism was gaining hold elicited little response from either demographers or sociologists, including those of a Marxist bent. Part of the explanation can probably be found in the ambivalent views of Foucault himself as regards Marxist theory in general and more particularly as regards the problem of reproduction. We invite the reader to reexamine Foucault on these questions and propose an interpretation in which the latter finally takes a stand in a decisive but hitherto neglected space in Marxist theory — that of reproduction.
ES :
En La voluntad del saber, Michel Foucault asigna a la demografía un papel central en la instauración de nuevas técnicas de poder, lo que llamó la biopolítica de la población. Ahora bien esta visión de la demografía como respuesta a la necesidad de modificar las técnicas “de poder sobre la vida” al mismo tiempo que se extendía la influencia del capitalismo, encontró poco eco tanto en los demógrafos como en los sociólogos, incluidos los de inspiración marxista. Seguramente una parte de la explicación debe buscarse del lado de las ambivalencias del mismo Foucault ante la tesis marxista en general y más concretamente, ante el problema de la reproducción. Invitamos aquí a volver a preguntar a Foucault sobre estas cuestiones y proponemos una lectura donde ésta tenga finalmente lugar en un espacio, decisivo pero dejado vacío, de la teoría marxista, el espacio de la reproducción.
Norme, conflit, vie / Norm, Conflict, Life
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Une sociologie foucaldienne du néolibéralisme est-elle possible ?
Laurent Jeanpierre
p. 87–111
RésuméFR :
La question du néolibéralisme et de ses conditions d’émergence est apparue explicitement dans la pensée de Foucault entre 1977 et 1979, dans ses cours « Sécurité, territoire, population » et surtout « Naissance de la biopolitique ». Cet article propose une lecture détaillée de ces deux ensembles de leçons. Après avoir exposé l’intérêt pour les sciences sociales du concept de « gouvernementalité » et proposé un bref panorama de ses usages, il montre comment Foucault l’applique pour l’étude de l’avènement du néolibéralisme. Celui-ci se caractérise par la mise en place d’une politique de société créant les conditions d’existence d’une forme idéale, parfaitement concurrentielle, de marché et d’être humain, plutôt que par des politiques de régulation par le marché ou bien de correction voire de substitution du marché. Le néolibéralisme est un art de gouverner par la mise en concurrence. Son premier terrain d’application est l’État et l’action publique elle-même. L’originalité d’une sociologie foucaldienne de l’hégémonie contemporaine du néolibéralisme consisterait, dans ce cadre, à s’intéresser spécifiquement à ses technologies sociales, à leur généalogie, leur circulation, leur hybridation et leurs effets, en particulier aux techniques intellectuelles qui autorisent à « façonner les gens » et à gouverner à distance. Développer un tel programme de recherches peut se faire grâce à l’appui de résultats déjà existants, qu’il faut maintenant relier, provenant de l’histoire et la sociologie des sciences et des sciences sociales ainsi que de l’histoire et la sociologie des politiques publiques et des instruments de gouvernement.
EN :
The question of neo-liberalism and the conditions for its emergence appeared explicitly in Foucault’s thought between 1977 and 1979, in his courses entitled Sécurité, Territoire, Population and above all Naissance de la biopolitique. This article proposes a detailed reading of these series of lectures. After exposing the interest for the social sciences of the concept of ‘governmentality’ and proposing a brief overview of its uses, it shows how Foucault applies this to the study of the emergence of neo-liberalism. The latter is characterized by the implanting of a policy of society creating conditions for the existence of an ideal, perfectly competitive form of market and human being, rather than by policies of regulation by the market or through the correction or substitution of the market. Neo-liberalism is an art of governing through competition. Its first area of application is the State and public action itself. The originality of a Foucaldian sociology of the contemporary hegemony of neo-liberalism would consist, within this framework, in focussing specifically on its social technologies, their genealogy, circulation, hybridation and effects, particularly the intellectual techniques which authorize ”shaping people’ and governing at a distance. Developing such a research program is possible through the linking up of already existing data stemming from the history and sociology of the sciences and social sciences as well as from the history and sociology of public policies and instruments of government.
ES :
La cuestión del neoliberalismo y de sus condiciones de emergencia apareció explícitamente en el pensamiento de Foucault entre 1977 y 1979, en sus cursos Seguridad, Territorio, Población y sobre todo Nacimiento de la biopolitica. Este artículo propone una lectura detallada de estos dos conjuntos de lecciones. Después de haber expuesto el interés para las ciencias sociales del concepto de “gubernamentalidad” y haber propuesto un breve panorama de sus usos, muestra cómo Foucault lo aplica para el estudio de la llegada del neoliberalismo. Éste se caracteriza por la instauración de una política de la sociedad que crea las condiciones de existencia de una forma ideal, perfectamente competitiva, de mercado y del ser humano, más bien que por políticas de regulación por el mercado o de corrección o incluso de sustitución del mercado. El neoliberalismo es un arte de controlar por la apertura a la competencia. Su primer terreno de aplicación es el Estado y la acción pública misma. La originalidad de una sociología foucauldiana de la hegemonía contemporánea del neoliberalismo consistiría, en este marco, en interesarse específicamente por sus tecnologías sociales, por su genealogía, su circulación, su hibridación y sus efectos, en particular por las técnicas intelectuales que autorizan “de modelar la gente” y controlar a distancia. Desarrollar tal programa de investigaciones puede hacerse gracias al apoyo de resultados ya existentes, que es necesario conectar ahora, procediendo de la historia y la sociología de las ciencias y ciencias sociales así como de la historia y la sociología de las políticas públicas e instrumentos de Gobierno.
Folie, peur, vérité / Madness, Fear, Truth
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Foucault, Laing et le pouvoir psychiatrique
Nikolas Rose
p. 113–131
RésuméFR :
Dans cet article, je montre la pertinence toujours actuelle d’Histoire de la folie de Michel Foucault et de ses cours sur le pouvoir psychiatrique pour analyser le système psychiatrique d’aujourd’hui. Cette pertinence tient au fait que les analyses de Foucault font moins l’histoire que la généalogie de la psychiatrie ; elles montrent que nos façons de poser l’existence de ce que nous appelons folie se rattachent au même mouvement historique qui a créé la psychiatrie en tant que savoir pouvant désigner et gérer les fous. J’explore la relation ambiguë entre Foucault et « l’antipsychiatrie » des années 1960 et 1970, notamment dans le cas des travaux de R. D. Laing. J’examine aussi dans quelle mesure les cours de Foucault sur les anormaux et le pouvoir psychiatrique nous aident à analyser une psychiatrie qui oeuvre à l’extérieur de l’asile, qui s’appuie sur les neurosciences moléculaires et qui est dominée par la psychopharmacologie. Je soutiens que l’héritage le plus radical de Foucault n’est ni une critique du modèle médical, ni une négation du réel de la folie, ni non plus une dénonciation du pouvoir psychiatrique, mais plutôt l’argument voulant que les sujets de la psychiatrie aient le droit, le pouvoir en fait, de décider des formes de traitements qu’ils reçoivent.
EN :
In this paper, I consider the enduring relevance of Michel Foucault’s book ‘Madness and Civilization’ and his lectures on psychiatry for a critical analysis of the contemporary psychiatric system. I suggest that this derives from the fact that these analyses are not so much a history of psychiatry as a genealogy that demonstrates that the way of problematizing existence that we know as madness were formed in the same historical movement that constituted psychiatry as the knowledge that will identify and govern them. I explore the ambiguous relations between Foucault and the ‘anti-psychiatry’ of the 1960s and 1970s, in particular in relation to the work of R.D. Laing. I explore the extent to which Foucault’s lectures on ‘The Abnormal’ and Psychiatric Power’ can help us address a psychiatry that operates outside the asylum, that is predicated on molecular neuroscience and dominated by psychopharmacology. I suggest that the most radical legacy of these analyses is not a critique of the medical model, a denial of the reality of madness or a denunciation of the power of the psychiatrist but the argument that those who are the subjects of psychiatry should have the right — indeed the power — to determine the forms of treatment that they receive.
ES :
En este artículo examino la pertinencia de la Historia de la locura de Michel Foucault y de sus cursos sobre el poder psiquiátrico para un análisis del sistema psiquiátrico contemporáneo. Esta pertinencia siempre actual se debe a que estos análisis son menos una historia de la psiquiatría que una genealogía que demuestra que las maneras de problematizar la existencia que conocemos como locura se formaron al interior del mismo movimiento histórico que constituyó la psiquiatría como saber que los designa y que los controla. Exploro la relación ambigua entre Foucault y “la antipsiquiatría” de los años sesenta y setenta, especialmente en lo que trató en los trabajos de R.D Laing. Además, examino en qué los cursos de Foucault sobre Los anormales y El poder psiquiátrico nos ayudan a abordar una psiquiatría que opera al exterior del asilo, que se basa en la neurociencia molecular y que está dominada por la psicofarmacología. Considero que la herencia más radical de estos análisis no es ni una crítica del modelo médico, ni una negación de lo real de la locura, ni aún una denuncia del poder psiquiátrico, sino más bien el argumento que sugiere que los temas de la psiquiatría puedan tener el derecho — el poder, en efecto — a determinar las formas de tratamientos que reciben.
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Pour une sociologie culturelle foucaldienne... de la peur
Valérie de Courville Nicol
p. 133–150
RésuméFR :
Nous exposons trois dimensions complémentaires d’une sociologie culturelle d’inspiration foucaldienne : l’analyse de la culture comme incarnation subjective ; l’analyse des modes d’objectivation et des processus de subjectivation ; et l’analyse textuelle comme lecture productrice de sens. Nous démontrons comment ces trois dimensions peuvent être mises au service d’une sociologie culturelle de la peur. La sociologie culturelle proposée comprend la culture à travers les jeux de vérité et leurs effets de réalité — effets concrets mais non obligatoires de la création culturelle, dont les effets de pouvoir, de savoir et de subjectivité. Nous suggérons une exploration plus poussée des dimensions émotionnelles et affectives de la culture. En conclusion, nous entamons une réflexion sur l’exercice de la peur dans l’époque contemporaine.
EN :
We present three complementary dimensions of a cultural sociology inspired by the works of Foucault : analysis of culture as a subjective incarnation ; analysis of the methods of objectifying and processes of subjectifying ; and textual analysis as meaningful reading. We show how these three dimensions may be applied in a cultural sociology of fear. The cultural sociology proposed includes culture through the play of truths and their reality effects — concrete but non-obligatory effects of cultural creation, including those of power, knowledge and subjectivity. We propose a more in-depth exploration of the emotional and affective dimentions of culture. In conclusion, we initiate a reflection on the exercise of fear in the present era.
ES :
Exponemos tres dimensiones complementarias de una sociología cultural de inspiración foucauldiana : el análisis de la cultura como encarnación subjetiva ; el análisis de los métodos de objetivación y los procesos de subjectivación ; y el análisis textual como lectura productora de sentido. Demostramos cómo estas tres dimensiones pueden ponerse al servicio de una sociología cultural del miedo. La sociología cultural propuesta incluye la cultura a través de los juegos de verdad y sus efectos de realidad — efectos concretos pero no obligatorios de la creación cultural, incluidos los efectos de poder, de saber y de subjetividad. Sugerimos una exploración más avanzada de las dimensiones emocionales y afectivas de la cultura. En conclusión, iniciamos una reflexión sobre el ejercicio del miedo en la época contemporánea.
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Savoir expert, savoirs ordinaires : qui dit vrai ? Vérité et pouvoir chez Foucault
Louise Blais
p. 151–163
RésuméFR :
La prégnance du savoir expert et la standardisation accrue des grilles d’enquête et d’analyse dans le domaine de la santé publique, par exemple, dont celui de la santé mentale, est une pièce centrale dans l’organisation technocratique des sociétés actuelles. Au sortir de la machine à broyer des données sensibles, c’est un portrait « sanitarisé » qui émerge pour plutôt marquer un ensemble de plus en plus étendu de manques, de risques et de problèmes, toujours plus individualisés, voire biologisés. L’oeuvre de Michel Foucault, notamment son analyse du savoir psychiatrique, montre comment ce processus a pour effet d’invalider d’autres savoirs, d’autres sens à donner à des réalités humaines et sociales, et d’aseptiser ce qui fabrique les problèmes, contribuant ainsi à l’affaiblissement du politique. Son oeuvre est riche d’enseignement pour voir le microfonctionnement du pouvoir à travers l’invalidation des savoirs ordinaires ; elle l’est aussi pour voir les conditions d’émergence de savoirs ordinaires, non pas tant comme vérité, mais comme contre-pouvoir au savoir dominant.
EN :
The importance of expert knowledge and increased standardization of polling and analyses techniques in the realm, for example, of public health including that of mental health, is a major factor in the technocratic organization of present-day societies. From treatment of the relevant data emerges a sanitized portrait marking an ever wider set of increasingly individualized, even biologized shortcomings, risks and problems. The work of Michel Foucault, especially his analysis of psychiatric knowledge, shows how this process results in invalidating other fields of knowledge or other meanings attributable to human and social realities, and to obfuscate the real causes of the problems, thus contributing to the weakening of the political sphere. His work is a richly instructive not only for understanding the micro-functioning of power through the invalidation of ordinary knowledge, but also for grasping the conditions for the emergence of ordinary knowledge, not so much as truth but as a counterweight to dominant knowledge.
ES :
La imposición del conocimiento de los expertos y la mayor standardización de los cuestionarios de investigación y de análisis en el ámbito de la Salud Pública, por ejemplo, como el de la salud mental, es una pieza central en la organización tecnócrata de las sociedades actuales. Al sacar de la máquina procesadora datos sensibles, es un retrato “sanitarizado” que surge más bien para señalar un conjunto cada vez más amplio de faltas, riesgos y problemas, cada vez más individualizados, o incluso biologizados. La obra de Michel Foucault, en particular, su análisis del conocimiento psiquiátrico, muestra cómo este proceso tiene como efecto invalidar otros conocimientos, otros sentidos que se le dan a las realidades humanas y sociales, y de eliminar la causa de los problemas, contribuyendo así al debilitamiento de lo político. Su obra es rica de enseñanza para ver el micro funcionamiento del poder a través de la anulación de los conocimientos ordinarios ; lo es también para ver las condiciones de aparición de conocimientos ordinarios, no tanto como verdad, sino como contra poder al conocimiento dominante.
Mouvement, parole, réception / Movement, Speech, Reception
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Prendre la parole : éléments pour une audiographie de Michel Foucault
Philippe Artières
p. 165–173
RésuméFR :
Michel Foucault n’a cessé de s’interroger sur le pouvoir de la parole à travers ses travaux : dans l’histoire des discours qu’il propose, il souligne combien, dans nos sociétés occidentales, l’exercice de la parole est politique. Or, tout au long de ses interventions dans l’actualité au moment du Groupe Information Prison jusqu’à la Pologne, l’intellectuel Foucault a cherché non plus à répondre à la question « Qu’est-ce que parler ? », mais à subvertir l’ordre du discours. L’analyse de deux types de prise de parole chez Foucault — la conférence de presse et l’entretien — met en évidence des pratiques de résistance et indique une série de pistes pour comprendre le sens des engagements foucaldiens. L’auteur montre ainsi comment, très concrètement, Foucault « a cherché à n’avoir plus de visage ».
EN :
Throughout his work Michel Foucault constantly questioned the power of speech : in the history of discourses that he proposes, he notes how political the exercise of speech is in our western societies. Yet in all his interventions in events at the time of the Groupe Information Prison up to Poland, Foucault the intellectual did not try to answer the question « What does speaking mean ? » but rather to subvert the order of the discourse. Analysis of two types of speaking in Foucault’s work — the press conference and the discussion — highlights practices of resistance and indicates a series of approaches to the understanding of Foucault’s commitments. The author thus shows how Foucault, very concretely, « tried to efface himself. »
ES :
Michel Foucault no dejó de preguntarse sobre el poder de la palabra a través de sus trabajos. En la historia de los discursos que propone, destaca cuánto en nuestras sociedades occidentales, el ejercicio de la palabra es político. Ahora bien, a lo largo de sus intervenciones durante el Grupo de Información Prisión hasta la Polonia, la intención del intelectual Foucault no fue la de responder a la pregunta ¿“Qué es hablar ?”, si no subvertir el orden del discurso. El análisis de dos tipos de intervenciones en Foucault — la rueda de prensa y la entrevista — ponen en evidencia prácticas de resistencia e indican una serie de pistas para comprender el sentido de los compromisos foucaultianos. El autor muestra así cómo muy concretamente Foucault “ha pretendido no tener más de una cara”.
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La prise de corps chez M. Foucault, une attention aux mouvements
Jean-François Laé
p. 175–188
RésuméFR :
Dans cet entretien avec Marcelo Otero, qui explore le contexte des relations entre la sociologie et Michel Foucault, Jean-François Laé livre quelques-unes des clefs qui permettent de mieux comprendre les malentendus et une certaine mise à l’écart de celui-ci dans la discipline (en France). Il revient sur l’écart entre l’étude de cas chez l’auteur et en sociologie, sur les mécanismes disciplinaires et les micropouvoirs, sur les oppositions théoriques. Puis il explicite son propre usage des concepts foucaldiens dans ses différents ouvrages — de L’instance de la plainte à L’ogre du jugement, de Fracture sociale à Lettres perdues — ; on y voit un héritage souterrain, l’attirance vers les illégalismes dans le rapport au droit, les vies anonymes et mystérieuses, les écritures murmurantes.
EN :
In this conversation with Marcelo Otero that explores the context of relationships between sociology and Michel Foucault, Jean-François Laé presents some of the keys to a better grasp of the misunderstandings and a certain side-lining of the latter in the discipline (in France). He addresses the gap between the case study in the author’s work and in sociology, the disciplinary mechanisms and micro-powers, and the theoretical contrasts. He then explains his own use of Foucaldian concepts in his various works, from ‘L’instance de la plainte’ to ‘L’ogre du jugement’, from ‘Fracture sociale’ to ‘Lettres perdues’ — revealing an underlying heritage, attraction to illegalities in the relationship to law, anonymous and mysterious lives, murmuring writings.
ES :
En esta entrevista con Marcelo Otero que explora el contexto de las relaciones entre la sociología y Michel Foucault, Jean-François Laé suministra algunas de las claves que permiten comprender mejor los malentendidos y una determinada puesta a distancia de éste en la disciplina (en Francia). Vuelve de nuevo sobre la distancia entre el estudio de caso en el autor y en sociología, sobre los mecanismos disciplinarios y los micropoderes, sobre las oposiciones teóricas. Luego aclara su propio uso de los conceptos Foucauldianos en sus distintas obras — de “La instancia de la denuncia” a “El ogro del juicio”, de “Fractura social” a “Cartas perdidas” — hay una herencia subterránea, la atracción hacia la ilegalidad en la relación al derecho, las vidas anónimas y misteriosas, las escrituras murmurantes.
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Réserve, juxtaposition et adhésion : la place de Michel Foucault dans la sociologie française
Jean-François Bert
p. 189–208
RésuméFR :
En un quart de siècle, l’oeuvre de Michel Foucault ne s’est pas introduite sans difficulté dans les sciences humaines et en sociologie en particulier. Ce qui était auparavant objet d’indifférence ou de mépris pour les sociologues acquiert désormais le statut de l’intéressant. Si Foucault est aujourd’hui utilisé dans les sciences sociales, alors qu’il vient de si loin, si l’on peut dire, c’est qu’il offre certains avantages dans la pratique de la connaissance sociologique et certains de ses concepts — sans échapper aux effets de lecture —, sont littéralement « entrés » dans le quotidien de la discipline pour être utilisés comme de véritables mots d’ordre au point de devenir des lieux communs de la discipline. L’objectif de cet article est d’aborder et d’analyser comment la « philosophie » singulière de Foucault a pu se faire entendre et intégrer finalement la pensée sociologique française, et ce malgré le constat d’une réception limitée et quelquefois hostile de cette discipline — au contraire, par exemple, de l’histoire ou de l’anthropologie.
EN :
For a quarter of a century Michel Foucault’s work has been assimilated with difficuty into the human sciences and sociology in particular. What was originally an object of indifference or scorn for sociologists is suddenly proving of interest. If Foucault, after such a lengthy absence, is used nowadays in the social sciences, it is because he offers certain advantages in the practise of sociological knowledge and a certain number of his concepts — notwithstanding the effects of their reading — have literally ‘entered’ into the discipline’s daily usage to be used as veritable watchwords and indeed even becoming commonplace. The aim of this paper is to address and analyse how Foucault’s singular ‘philosophy’ has been able to make itself heard and finally penetrate French sociological thought — in spite of a limited and sometimes hostile reception by that discipline — as opposed, for example, to history or anthropology
ES :
Desde hace un cuarto de siglo, la obra de Michel Foucault se introdujo no con dificultad en las ciencias humanas y en la sociología en particular. Lo que era antes objeto de indiferencia o menosprecio para los sociólogos adquiere de ahora en adelante el estatuto de interesante. Si Foucault se utiliza hoy en las ciencias sociales, aunque venga de lejos, si se puede decir, es porque ofrece algunas ventajas en la práctica del conocimiento sociológico y en algunos de sus conceptos — sin escapar a los efectos de lectura, literalmente “entraron” en el cotidiano de la disciplina para ser utilizados como verdaderas consignas hasta el punto de convertirse en tópicos de la disciplina-. El objetivo de este artículo consiste en abordar y en analizar cómo la “filosofía” singular de Foucault ha podido hacerse oír e integrarse finalmente en el pensamiento sociológico francés, a pesar de la poca y algunas veces hostil acogida de esta disciplina — al contrario, por ejemplo, de la historia o de la antropología-.
Hors thème / Non-Thematic
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Les valeurs scientifiques au travail
Nathalie Heinich et Pierre Verdrager
p. 209–241
RésuméFR :
Cet article a pour objet les valeurs ayant cours aujourd’hui dans le monde de la science européenne, dégagées à partir d’entretiens semi-directifs avec des lauréats d’un grand prix de médecine et de biologie. Centrée sur la question, particulièrement révélatrice, des prix scientifiques et de leurs effets sur la vie professionnelle, relationnelle ou privée, cette enquête visait la socialisation de la vie scientifique, dans la perspective d’une sociologie compréhensive et empirique des valeurs. L’analyse inductive du corpus nous a permis de distinguer deux grands couples d’oppositions : d’une part, entre « valeurs fondamentales » et « valeurs contextuelles » et, d’autre part, entre « valeurs publiques » (susceptibles d’être publiquement revendiquées, en tant que valeurs de références) et « valeurs privées » (qui orientent effectivement l’action mais d’une façon difficilement revendicable en public). L’article présente un répertoire des valeurs contextuelles, sous la forme d’une quinzaine de couples de qualificatifs opposés (du type individuel/collectif), dont le statut axiologique varie selon les contextes.
EN :
This article addresses the values prevailing today in the sphere of European science, identified through semi-directive interviews with the winners of a grand prize in medicine and biology. Focussing on the particularly revealing question of scientific prizes and their effects on professional, relational or private life, this survey addressed the socialization of scientific life from the perspective of a comprehensive and empirical sociology of values. An inductive analysis of the data revealed two main pairs of oppositions — on the one hand, between ‘fundamental values’ and ‘contextual values’ and, on the other, between ‘public values’ (that can be publicly proclaimed, as reference values) and ‘private values’ (which effectively guide the action but can hardly be proclaimed publicly). The article presents a list of contextual values in the form of some fifteen pairs of opposites (e.g. individual/collective) whose axiological status varies according to context.
ES :
Este artículo tiene por objeto los valores que tienen curso hoy en el mundo de la ciencia europea, logrados a partir de entrevistas semidirigidas con laureados de un gran premio de medicina y biología. Centrada en la cuestión, especialmente reveladora, de los premios científicos y de sus efectos sobre la vida profesional, relacional o privada, esta investigación contemplaba la socialización de la vida científica, en la perspectiva de una sociología comprensiva y empírica de los valores. El análisis inductivo del corpus nos permitió distinguir dos grandes pares de oposiciones : por una parte, entre “valores fundamentales” y “valores del contexto” y, por otra parte, entre “valores públicos” (susceptibles de reivindicarse públicamente, como valores de referencia) y “valores privados” (que orientan efectivamente la acción pero de una manera difícilmente reivindicables en público). El artículo presenta un repertorio de los valores del contexto, en forma de una quincena de pares de calificativos opuestos (del tipo individual /colectivo), cuyo estatuto axiológico varía según los contextos.