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  • Yolande Cohen et
  • Solange Lefebvre

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  • Yolande Cohen
    Département d’histoire
    Université du Québec à Montréal
    C. P. 8888, succursale Centre-ville
    Montréal (Québec), Canada H3C 3P8
    cohen.yolande@uqam.ca

  • Solange Lefebvre
    Faculté de théologie
    Université de Montréal
    C.P. 6128, succursale Centre-ville
    Montréal (Québec), Canada H3C 3J7
    solange.lefebvre@umontreal.ca

La résurgence du religieux comme phénomène essentiel de la vie politique en ce début de troisième millénaire suscite débats, interrogations et révisions souvent déchirantes. La perplexité semble être de mise devant le faisceau de « nouvelles » interprétations qui contredisent souvent ce qui était pourtant apparu comme un ensemble de certitudes au cours du vingtième siècle pour la plupart des analystes occidentaux en sciences sociales. La croyance, généralisée depuis Comte, Durkheim, et Weber, en la vertu modernisatrice de la séparation du politique et du religieux (Églises et États, expressions de la religiosité progressivement reléguées à l’espace public, sécularisation de la société et ainsi de suite), a conduit au rejet du religieux dans la tradition et dans l’espace privé ou informel. Dès lors, les manifestations d’affirmation nationale et religieuse, d’abord timides et reléguées au tiers-monde lors des mouvements de décolonisation d’après la Seconde Guerre, puis beaucoup plus bruyantes ces dernières années et au coeur même des métropoles occidentales, ont d’abord été caractérisées comme un retour du religieux dans la vie politique, exprimant un recul de la modernité et de son corollaire, la laïcité. Une chose est sûre aujourd’hui : la question du rapport entre religion et politique ne peut plus être éludée et doit être abordée avec les plus grandes précautions, tant méthodologiques qu’épistémologiques. Résurgences théologiques et nouvelles affirmations pluralistes rendent centrale la réactualisation de ce questionnement et plus que jamais caduque l’équivalence entre le sécularisme areligieux et la modernité. Mouvante et complexe, la relation entre le religieux et le politique est difficile à théoriser. La division entre les deux sphères semble toujours temporaire, et la collusion entre les deux se reforme continuellement, de différentes manières. La nature occidentale de la question elle-même saute aux yeux, concernant certes surtout l’Europe et l’Amérique du Nord mais se répercutant, sous l’effet de l’intensification des échanges globaux, dans la totalité des aires géopolitiques. Politique et religion sont des concepts occidentaux et le « et » lui-même marque un rapport distinctif typiquement occidental, par suite d’une différenciation progressive entre la religion et la politique, qui origine de la singulière combinaison entre la culture grecque antique et ses affluents, le christianisme et l’État romain. Cette différenciation s’est manifestée tour à tour notamment par une rivalité, une critique réciproque, un désir de domination de l’une sur l’autre et par le sens des limites des prétentions de l’une et de l’autre à procurer seule la justice, la paix et le bonheur. La modernité s’est fondée sur l’achèvement de cette différenciation dans une rationalisation du pouvoir politique et sur la reconnaissance du pluralisme des religions, tout en tenant compte des dynamiques culturelles et religieuses à l’oeuvre dans la société civile. En même temps, les majorités religieuses ont conservé une influence privilégiée, étant parfois constituées en religion d’État ou mandatées pour des services de nature publique, bénéficiant de certains privilèges, par exemple fiscaux ou institutionnels, notamment dans les domaines social et scolaire, définissant des rapports complexes entre groupes confessionnels majoritaires et minoritaires. Par ailleurs, il se trouve, dans toutes les sociétés, des formes de sacralisation ou de divinisation du pouvoir, en même temps que la possibilité paradoxale de leur critique. Bref, une tension traverse la modernité, entre la visée de séparation entre le politique et le religieux, et la gestion effective de divers compromis et imbrications. Le contexte contemporain est le théâtre d’interactions et de déplacements entre ces aspects généraux : 1) affrontements entre les zones qui connaissent une différenciation politique et les autres où subsiste une quasi-fusion entre État et religion ; 2) dynamiques internes à l’Occident, où les religions conservent des pouvoirs d’influence extrêmement variables et des rôles …

Parties annexes