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  • Anouk Bélanger et
  • Jean-François Côté

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  • Anouk Bélanger
    Département de sociologie
    Université du Québec à Montréal
    C. P. 8888, Succursale Centre-ville
    Montréal (Québec), Canada H3C 3P8
    belanger.anouk@uqam.ca

  • Jean-François Côté
    Département de sociologie
    Université du Québec à Montréal
    C. P. 8888, Succursale Centre-ville
    Montréal (Québec), Canada H3C 3P8
    cote.jean-francois@uqam.ca

Le spectacle des villes, thème de ce numéro, peut nous apparaître dans une pluralité d’acceptions, selon le regard que l’on porte aujourd’hui sur le phénomène urbain. Comme telle, la ville est en effet devenue – ou redevenue devrait-on dire – un centre d’intérêt majeur pour la réflexion contemporaine, et ce, entre autres, d’un point de vue éminemment pratique : pour la première fois de l’histoire de l’humanité, en effet, la majorité de la population du monde devient, en ce début de xxie siècle, population urbaine, c’est-à-dire qu’elle se localise dans les villes, ces dernières étant devenues par le fait même de fulgurantes excroissances urbanistiques. Le contexte plus récent de la mondialisation, avec la perte de puissance des États-nations et l’accélération des processus d’intégration économique, fait lui aussi apparaître les villes comme de nouvelles entités où se déterminent non seulement des concentrations de population et d’échanges commerciaux, mais comme des centres de décision où se modèlent des tendances sociales et sociétales pour les générations à venir. C’est sur cet arrière-plan que s’ouvre la présente réflexion sur le spectacle des villes, en tant que tentative de saisir par l’analyse certaines déterminations cruciales par lesquelles le phénomène contemporain des villes s’offre à notre regard. On pourrait dire de manière tout à fait générale que, d’aussi loin que l’on puisse l’envisager, le phénomène de la ville a fait spectacle. Et cela pas parce que le spectacle au sens courant se retrouve dans les villes, mais bien parce que le spectacle est inhérent à la ville du simple fait qu’en elle se produisent les manifestations les plus marquantes de la société ; c’est là que se rassemblent et surtout se concentrent les communautés, c’est là qu’est née la réflexion politique prenant ouvertement pour objet le pouvoir, c’est là aussi qu’ont fleuri les arts et les sciences, et que se sont élaborés les processus de civilisation à travers toute la diversité et l’étendue des cultures. Toujours la ville a frappé l’imagination, et souvent elle est apparue comme un objet de vénération, voire de convoitise ; la fascination qu’elle a exercée depuis ses origines, liée autant à ses formes qu’à la condensation du pouvoir qu’on y retrouve, se poursuit toujours aujourd’hui, alors même que se dessine une définition nouvelle de sa destination. Au même moment, toutefois, et au plus profond de cette définition comme à la surface de ses manifestations contemporaines, s’étale peut-être aussi une vaste désillusion. Plus la ville exacerbe son spectacle, plus elle verse dans le spectaculaire, plus on peut s’interroger en fait sur son devenir, sur sa spécificité. C’est un peu comme si cette diffusion de l’image urbaine accroissait la confusion, ou un peu comme si cet « effet spectacle » camouflait le fait que le pouvoir civique échappe tout à fait à la ville, en étant accaparé notamment par des acteurs économiques corporatifs ; ces derniers jouent la carte de l’élément spectaculaire comme un artifice de la socialité urbaine qu’ils promeuvent sous une forme typiquement visible. Panem et circenses, disait-on à une autre époque et pour d’autres motifs. Plus d’une étude contemporaine a fait le constat de la crise que connaît actuellement la ville. Depuis au moins une quinzaine d’années maintenant, la thématique du spectaculaire urbain a permis de constater comment l’évolution récente des villes post-industrielles était marquée par une volonté de « faire spectacle » qui s’accorde difficilement avec des visées plus générales de correspondance avec l’idée que l’on puisse simplement habiter des villes en leur donnant la possibilité que s’épanouisse en leur sein un « art de vivre ». Des luttes de pouvoir ont ainsi saisi l’organisation des villes …