Souvent, en réponse à des commentaires critiques adressés à un ouvrage, l’auteur estime qu’il a mal été compris. Il peut alors reprendre sa propre démonstration et faire peu de cas des arguments du critique. Cette stratégie, qui évite la confrontation des points de vue, ne m’est pas permise ici. Car, tout en précisant qu’il part d’un point de vue différent de celui à partir duquel j’ai procédé dans Critique de l’américanité, les positions que m’impute Roberto Miguelez sont généralement correctes. Je ne peux plaider l’incompréhension. Il me reste donc à démontrer, en reconstruisant la critique que propose Miguelez de mon ouvrage, que ma démarche est finalement plus éclairante pour la compréhension de l’identité québécoise (historique comme contemporaine) que celle qu’il propose d’y substituer. Une telle posture m’oblige, par ailleurs, à insister davantage sur les fondements théoriques de mon interprétation de l’identité québécoise que sur le déploiement de cette identité proprement dit. Je soulignerai toutefois que le texte de Roberto Miguelez est quelque peu insidieux. Je veux dire par là que s’il se présente, à première vue, comme une lecture sympathique de l’ouvrage — ce qu’il reste assurément en bonne partie —, l’argument se développe dans une sorte de crescendo qui se termine finalement par un rejet sévère de la prémisse à partir de laquelle j’ai effectué la critique de la pensée québécoise de l’américanité. Je vais reprendre ici cette critique en crescendo que propose Miguelez, non pas, comme je l’ai souligné plus haut, pour corriger l’interprétation fautive que ferait Miguelez de ma propre analyse, mais pour faire ressortir les positions théoriques divergentes à la base de nos deux lectures. J’essaierai de démontrer en quoi l’histoire intellectuelle du politique que je propose dans Critique de l’américanité rend mieux compte de l’histoire effective du Québec que la thèse structurelle de la domination qu’il aurait voulu me voir adopter. On peut reprendre la critique de Miguelez à partir des trois éléments suivants : 1) la structure d’une société duelle ; 2) le refus de la disjonction « système » et « monde vécu » ; 3) le caractère « nominaliste » de ma démarche. Argumentation en crescendo ai-je dit car, si le premier élément souligne simplement un lieu différent à partir duquel l’américanité peut se lire — le Québec pour ma part, l’Amérique latine pour la sienne —, ce lieu devient dans un deuxième moment un différent théorique sur le rapport entre les réalités matérielle et idéelle du monde dans la modernité, pour terminer finalement sur le rejet d’une analyse jugée « nominaliste ». Je reprends, en précisant, ces trois commentaires. Dans un premier moment, on l’aura compris, il ne s’agit pas d’une réfutation des thèses présentes dans Critique de l’américanité. Miguelez propose plutôt un lieu différent à partir duquel lire la pensée de l’américanité, soit non pas la singularité de l’expérience québécoise, mais le schéma historique global de la formation des Amériques, dans le cadre, plus général encore, du colonialisme européen. S’il se place ici du point de vue des « sociétés neuves », ce n’est pas pour en retirer des lois générales, comme nous en faisait le reproche Gérard Bouchard dans Critique de l’américanité, mais bien pour souligner la différenciation des processus historiques et l’absence dans notre travail de la dimension comparative. C’est pourquoi d’ailleurs ce rappel de l’absence de la dimension comparative semble, dans un premier temps, plutôt appuyer l’idée que nous défendons d’une singularité historique de l’expérience québécoise en Amérique. En effet, Miguelez rappelle comment le processus de colonisation des Amériques ne fut pas une colonisation comptoir, comme en Afrique par exemple, où …
Parties annexes
Bibliographie
- Côté, Jean-François (2001), « L’identification américaine au Québec : de processus en résultats », dans Daniel Cuccioletta (dir.), L’américanité et les Amériques, Québec, Éditions de l’iqrc, p. 6-25.
- Habermas, Jürgen (1987), Théorie de l’agir communicationnel, tome, 2, Paris, Fayard.
- Létourneau, Jocelyn (1996), Les années sans guide, Montréal, Boréal.
- Rosanvallon, Pierre (2000), La démocratie inachevée, Paris, Gallimard.