Volume 49, numéro 2, automne 2024 Voyage à travers 150 ans de psychiatrie : l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal Sous la direction de Emmanuel Stip, Marc Corbière et Jean-Marie Bioteau
Sommaire (20 articles)
Éditorial
Présentation
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Saint-Jean-de-Dieu : une brève histoire de ce haut lieu de la folie, 1873-1973
Isabelle Perreault
p. 23–43
RésuméFR :
Objectifs Cet article a pour objectif premier de dresser un portrait institutionnel de l’Asile Saint-Jean-de-Dieu au cours de ses cent premières années d’existence, soit de 1873 à 1973. Les objectifs secondaires sont les suivants : 1) les politiques de prévention de la fin du 19e siècle ont eu pour effet d’augmenter la population asilaire au lieu de la diminuer ; 2) les politiques d’hygiène mentale chercheront à « traiter le social » à l’extérieur des murs de l’asile ; 3) c’est l’arrivée de la psychopharmacopée qui permettra d’ouvrir les portes de l’asile et d’en faire un hôpital psychiatrique moderne, renommé peu après Louis-Hippolyte-Lafontaine.
Méthode Le passé est plus silencieux que bruyant et trouver des données qui nous permettent de reconstruire une histoire de Saint-Jean-de-Dieu est un défi. Notre collecte de données comprend toutes les sources primaires que nous avons pu récolter (archives de l’IUSMM, rapports annuels du gouvernement sur les asiles et articles de la revue L’Union médicale du Canada) de même que les sources secondaires produites au fil du temps, soit des ouvrages et articles publiés sur l’histoire de Saint-Jean-de-Dieu. L’analyse qualitative de ces données est basée sur l’induction analytique (Pascale, 2012). Après plusieurs lectures des documents, le contenu est associé à des concepts clés suivant la saturation théorique (Laperrière, 1997) et l’analyse des données s’effectue ainsi selon les concepts clés les plus significatifs. Dans le corpus qui est le nôtre, le concept clé de surpopulation asilaire a été central dans l’élaboration de notre interprétation.
Résultats Cet article met en lumière l’impossible mission première de guérison des troubles mentaux à l’Asile Saint-Jean-de-Dieu. En cette fin du 19e siècle, alors que la paupérisation urbaine est de plus en plus marquée, les théories médicales prônent des politiques d’internement hâtif. Malgré plusieurs lois provinciales qui réitèrent que les malades chroniques ne peuvent être admis que s’ils sont dangereux, scandaleux ou monstrueux, la population admise augmente de plus en plus jusqu’à la fin des années 1940. En parallèle, le ratio patient(e)/psychiatre est au mieux de 300 pour 1. La mise sur pied d’un département de psychiatrie francophone et de stages obligatoires au cours de l’entre-deux-guerres fera en sorte que plus de médecins seront formés pour y travailler. Mais c’est la découverte des neuroleptiques qui permettra à une nouvelle génération de psychiatres d’ouvrir les portes de l’Institution dans les années 1960. L’ère des asiles prend ainsi fin dans la forme qu’on lui connaissait depuis un peu plus de 100 ans.
Conclusion L’asile perdra rapidement son sens premier, celui d’un lieu où l’on trouve refuge, pour être associé progressivement à une mise à l’écart de personnes folles augmentant par là même les préjugés et tabous au sujet des troubles mentaux dont nous sommes toujours, en partie, tributaires.
EN :
Objectives The primary objective of this article is to paint an institutional portrait of the Saint-Jean-de-Dieu Asylum over the first hundred years of its existence, from 1873 to 1973. The secondary objectives are as follows: 1) explore how prevention policies at the end of the 19th century had the effect of increasing the asylum population rather than reducing it; 2) discuss mental health policies that sought to “treat the social” outside the walls of the asylum in an effort to decrease the population; and 3) address the arrival of psychopharmacology that opened the doors of the asylum and turned it into a modern psychiatric hospital, soon renamed Louis-Hippolyte-Lafontaine.
Method Since the past exists in silence, and finding data that will enable us to reconstruct a history of Saint-Jean-de-Dieu is a challenge. Our data collection includes all the primary sources we were able to gather (Institut universitaire en santé mentale de Montréal archives, annual government reports on asylums and articles in the magazine L’Union médicale du Canada) as well as secondary sources produced over time, i.e., books and articles published on the history of Saint-Jean-de-Dieu. The qualitative analysis of this data is based on analytical induction (Pascale, 2012). After several readings of the documents, the content is associated with key concepts according to theoretical saturation (Laperrière, 1997) and the data is analyzed according to the most significant key concepts. In our corpus, the key concept of overcrowding in asylums was central to our interpretation.
Results This article highlights the improbable primary mission of curing mental disorders at the Saint-Jean-de-Dieu asylum. At the end of the 19th century, as urban impoverishment became increasingly marked, medical theories advocated policies of hasty internment. Despite several provincial laws reiterating that the chronically ill could only be admitted if they were “dangerous, scandalous or monstrous,” the population admitted grew steadily until the end of the 1940s. At the same time, the patient/psychiatrist ratio was at best 300 to 1. The creation of a French-speaking psychiatry department and compulsory internships between the World Wars meant that more doctors were trained to work there. But it was the discovery of neuroleptics that enabled a new generation of psychiatrists to open the doors of the institution in the 1960s. The era of the asylum thus came to an end in the form it had taken for just over 100 years.
Conclusion The asylum quickly lost its original meaning, that of a place of refuge, and gradually became associated with the seclusion of the insane, thereby increasing the prejudices and taboos surrounding mental disorders, some of which still affect us today.
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« Affirmons-nous ». La militante soeur Augustine à l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu
Marie-Claude Thifault
p. 45–60
RésuméFR :
L’histoire des hospitalières de Saint-Jean-de-Dieu comme celle des infirmières sont restées dans l’angle mort de l’histoire des femmes. Pourtant, les historiennes des soins infirmiers ont, au cours des 30 dernières années, clairement mis en évidence, à partir d’un travail d’archives et d’approches historiennes renouvelés, les importantes réalisations des hospitalières et des gardes-malades canadiennes-françaises dans l’histoire québécoise, comme les opportunités réelles de réalisation et d’épanouissement qu’ont offertes ces carrières aux femmes. C’est ce que cet article entend rappeler en revenant sur les accomplissements de la militante soeur Augustine.
Objectif Sortir de l’angle mort de l’histoire de l’IUSMM et celle des femmes et de la profession infirmière le parcours militant de soeur Augustine.
Méthode La microhistoire culturelle privilégiée s’élabore autour du « paradigme de l’indice » qui repose sur le repérage et l’interprétation de signes discrets et disséminés tirés des Archives Providences de Montréal.
Résultats Si la Révolution tranquille a marqué les esprits et surtout a été interprétée comme un tournant ayant été un tremplin exceptionnel pour moderniser le Québec, on oublie souvent le prix qu’ont dû payer toutes les femmes fortes du premier demi-siècle qui ont été les ingénieures et les moteurs d’un système de santé global et efficient. Le fait qu’elles aient été religieuses les discrédite de tout savoir scientifique et suffit à oublier que les hospitalières logeaient au sommet de la hiérarchie de leurs institutions et ont démontré leur savoir-faire à titre de premières soignantes au pays.
Conclusion Les réalisations de soeur Augustine et sa détermination à développer des savoirs pour les enseigner à l’intérieur même des murs de Saint-Jean-de-Dieu sont indissociables de l’évolution de l’IUSMM.
EN :
The history of nuns at the Saint-Jean-de-Dieu Hospital, like that of lay nurses, has remained in the blind spot of women’s history. And yet, over the past 30 years, the history of nursing has clearly highlighted the important achievements of French-Canadian religious and nurses in Quebec history, as well as the real opportunities for fulfillment and self-fulfillment that these careers offered women. This is what this article aims to remind us of, by revisiting the achievements of the militant Sister Augustine.
Objective To bring Sister Augustine’s activist journey out of the blind spot of IUSMM history.
Method The preferred cultural microhistory is built around the “evidentiary paradigm,” based on the identification and interpretation of discrete and scattered signs drawn from the Archives Providences de Montreal.
Results If the Quiet Revolution has left its mark on people’s minds, and above all has been interpreted as a turning point that constituted an exceptional springboard for the modernization of Quebec, we often forget the price paid by all the strong women of the first half-century who were the engineers and driving forces behind a complete and efficient healthcare system. The fact that they were nuns discredit them from any scientific knowledge and is enough to make us forget that nuns were at the top of the hierarchy of their institutions, and that they demonstrated their know-how as the country’s first caregivers.
Conclusion Despite Sister Augustine’s half-century of fervour, her notable achievements, and her determination to develop and teach knowledge within the walls of Saint-Jean-de-Dieu, her career is inextricably linked to the evolution of the IUSMM.
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Le syndrome de Montréal : la conophobie
Emmanuel Stip
p. 61–71
RésuméFR :
L’objectif de cet article de perspective est d’explorer la création d’un nouveau syndrome propre à la ville canadienne de Montréal : la conophobie. De façon plus académique, le but est de réfléchir au processus qui conduit à la création d’une nouvelle entité clinique et de questionner comment le nom d’une maladie est choisi. C’est ainsi que sont nés les syndromes qui portent désormais le nom d’une ville : le syndrome de Stockholm, le syndrome de Stendhal, le syndrome de la tour de Pise, le syndrome de La Havane, le syndrome de Paris, de Lima ou de Copenhague. La conophobie est un néologisme pour signifier la naissance d’un jeune syndrome en lien avec l’observation croissante d’un mal et d’une souffrance originale envahissant la métropole du Québec : l’angoisse par rapport à un objet clairement identifié qu’on appelle le Cône. De nouveaux cônes de signalisation sont en effet apparus sur les rues, par milliers parsemés dans tous les quartiers pour baliser au départ des travaux sur les voies publiques. Dans le contexte de cette invasion sont apparues les premières anomalies comportementales observables dans la population, les indices d’une souffrance et les sentiments d’impuissance des citoyens. La couverture médiatique en a bientôt fait état. Presque 30 % des cônes orange dans une zone donnée demeuraient sur les rues sans raison apparente, entraînant des entraves et une nuisance esthétique inutiles. Nous avons pu observer quelques vignettes de ce phénomène qu’on ne peut pas baptiser à ce stade de vignettes cliniques, mais qui, à bien des égards, partagent des liens avec les phobies. Des vidéos devenues virales sur les réseaux sociaux ont même montré des individus dans plusieurs endroits enragés face aux travaux routiers, débarquant de leur voiture, saisissant des cônes orange et le projetant sur le terrain à côté de la rue. À notre connaissance, il n’y a pas eu encore d’hospitalisation ou de passage à l’urgence en raison spécifiquement d’un cône. Cette nouvelle sémiologie ou phénoménologie peut conduire le clinicien à être attentif à un éventuel passage de comportement du normal au pathologique. Le curseur qui délimite cette frontière est à étudier. Le syndrome dit de Montréal permet de faire réfléchir au lien entre la santé mentale et l’identité d’une ville. Ce lien mérite d’être amélioré. Les aides et remèdes pour les individus déjà atteints de ce syndrome insidieux pourraient nécessiter des interventions individuelles par des professionnels de la santé ou des interventions plus communautaires, de préventions. La création d’un tel syndrome s’insère dans une approche biopsychosociale qui est familière à l’activité scientifique de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM).
EN :
The objective of this perspective article is to explore the creation of a new syndrome specific to the Canadian city of Montreal: Conophobia. In a more academic way, the aim is to think about the process which leads to the creation of a new clinical entity and to question how the name of a disease is chosen. In the literature, it is illustrated by syndromes with a name of a city: Stockholm syndrome, Stendhal syndrome, Pisa syndrome, Havana syndrome, Paris syndrome, Lima syndrome or Copenhagen syndrome. Conophobia is a neologism reflecting a potential syndrome linked to the growing observation of an original suffering invading the metropolis of Quebec: anxiety in relation to a clearly identified object that we calls the Cone. New traffic cones have in fact appeared on the streets, by the thousands dotted throughout the neighborhoods, to mark the start of work on public roads. In the context of this invasion, the first observable behavioral anomalies appeared in the population, signs of suffering, and feelings of helplessness among citizens. Media coverage appeared. Almost 30% of orange cones in a given area remained on the streets for no apparent reason, causing unnecessary obstruction and aesthetic nuisance. We were able to observe some vignettes of this phenomenon which cannot be called a clinical vignette at this stage but which in many respects shares links with phobias. Videos that went viral on the networks even showed individuals in several places enraged by the road works, getting out of their cars, grabbing orange cones and throwing them onto the ground next to the street. To our knowledge, there have yet been no hospitalizations or visits to the emergency unit specifically due to a cone. This new semiology or phenomenology can lead the clinician to be attentive to a possible shift in behavior from normal to pathological. The cursor which demarcates this border needs to be studied. The so-called Montreal syndrome allows us to think about the link between mental health and the identity of a city. This relation needs to be improved. Aid and therapies for individuals already suffering from this insidious syndrome could call for individual interventions by health professionals or more community-based prevention interventions. The creation of such a syndrome is part of a biopsychosocial approach which is familiar to the scientific activity of the University Institute of Mental Health of Montreal (IUSMM).
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Transfert de connaissances en psychiatrie à travers les 4 éditions de 1980 à 2016 du manuel de psychiatrie du Québec
Pierre Lalonde et Georges-F. Pinard
p. 73–94
RésuméFR :
Objectifs Examiner le transfert de connaissances en psychiatrie, de façon longitudinale, sur plus de 35 ans, à travers les 4 éditions du manuel Psychiatrie clinique édité au Québec, grâce à l’initiative de directeurs de publication affiliés à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (autrefois l’Hôpital Louis-H. Lafontaine). Notre hypothèse est que l’évolution du contenu et de la forme d’un tel manuel reflète une évolution du savoir en psychiatrie avec une vocation naturellement pédagogique de ce qui doit être su et applicable dans la discipline. On s’attend, dans notre examen longitudinal, à repérer l’évolution de ce transfert de connaissances et les contextes de ce changement.
Méthode Nous comparons la forme et le contenu des éditions de 1980, 1988, 1999-2001 et 2016. L’un des directeurs (Lalonde P.) est associé aux 4 éditions. Nous examinons plus spécifiquement le nombre et l’origine disciplinaire des auteurs, l’évolution des thèmes et titres des chapitres.
Résultats Le poids du manuel est passé de 1155 à 4181 g. Il y a une augmentation de 107 % du nombre de pages, 390 % du nombre d’auteurs et de 118 % du nombre de chapitres. Quelques chapitres ont disparu : Névroses, Homosexualité. Plusieurs ont fait leur apparition : Épistémologie, Génétique, Neurobiologie, Imagerie cérébrale, Troubles de l’alimentation, Douleur chronique, etc. L’approche bio-psycho-sociale demeure le cadre de référence depuis le début. Les classifications DSM des maladies ont évolué. Les tendances en traitements psychosociaux sont discernables, ayant passé de 7 à 13 chapitres. L’aspect multidisciplinaire s’est accru. Les sections ayant le plus grossi sont la pédopsychiatrie et la gérontopsychiatrie ainsi que les toxicomanies.
Conclusion De 1980 à 2016, l’ouvrage a reflété l’évolution des connaissances scientifiques, grâce aux contributions de multiples auteurs, cliniciens et chercheurs, sélectionnés pour leur expertise. S’adressant initialement aux médecins de famille, son lectorat s’est élargi aux étudiants en médecine, aux résidents en psychiatrie et aux autres étudiants en sciences de la santé. Plusieurs générations d’apprenants, maintenant devenus cliniciens, médecins, omnipraticiens ou spécialistes, s’y sont référées. Avec le temps, le succès de Psychiatrie clinique : approche bio-psycho-sociale s’est étendu dans la francophonie internationale, permettant de diffuser un savoir clinique encyclopédique en une oeuvre originale québécoise. L’évolution de la psychiatrie se reflète très bien à travers cette analyse des 4 éditions de ce manuel.
EN :
Objectives To examine the transfer of knowledge in psychiatry, longitudinally, over more than 35 years, through the 4 editions of the manual “Psychiatrie clinique” published in Quebec, thanks to the initiative of the publication directors affiliated with the Institut universitaire en santé mentale de Montréal (formerly the Louis-H. Lafontaine Hospital). Our hypothesis is that the evolution of the content and form of such a manual reflects an evolution of knowledge in psychiatry with a naturally educational vocation which of what must be known and applicable in the discipline. We expect, in our longitudinal examination, to identify the evolution of this knowledge transfer and the contexts of this change.
Method We compare the form and content of the editions of 1980, 1988, 1999-2001 and 2016. One of the directors (Lalonde P.) is associated with the 4 editions. We examine more specifically the number and disciplinary origin of the authors, the evolution of the themes and titles of the chapters.
Results The weight of the manual increased from 1155 to 4181 g. There is an increase of 107% in the number of pages, 390% in the number of authors and 118% in the number of chapters. Some chapters have disappeared: Neuroses, Homosexuality. Several have appeared: Epistemology, Genetics, Neurobiology, Brain Imaging, Eating Disorders, Chronic Pain, etc. The bio-psycho-social approach has remained the reference framework since the beginning. DSM classifications of diseases have evolved. Trends in psychosocial treatments are discernible, having increased from 7 to 13 chapters. The multidisciplinary aspect has increased. The sections that have grown the most are child psychiatry and geriatric psychiatry as well as drug addictions.
Conclusion From 1980 to 2016, the work reflected the evolution of scientific knowledge, thanks to the contributions of multiple authors, clinicians, and researchers, selected for their expertise. Initially aimed at family physicians, its readership has expanded to medical students, psychiatry residents and other health sciences students. Several generations of learners, now clinicians, doctors, general practitioners, or specialists, have referred to it. Over time, the success of “Psychiatrie clinique: approche bio-psycho-sociale” has spread throughout the international Francophonie, making it possible to disseminate encyclopedic clinical knowledge in an original Quebec work. The evolution of psychiatry is reflected very well through this analysis of the 4 editions of this manual.
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Cinq stratégies populationnelles ayant contribué à la réduction des taux de suicide chez les adolescents et les jeunes adultes québécois
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Une revue intégrative répertoriant la créativité dans l’utilisation de la santé numérique et de l’intelligence artificielle à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal
Alexandre Hudon et Mélissa Beaudoin
p. 105–125
RésuméFR :
Objectif Fondé en 1873, l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM) possède une histoire captivante qui reflète de manière significative l’évolution de la psychiatrie au fil des ans. Au courant des dernières années, les principaux secteurs de la médecine moderne se sont orientés vers les innovations en santé numériques pour améliorer le développement des soins aux patients. L’objectif principal de cette revue est de répertorier les avancées dans le domaine de la santé numérique élaborées au sein de l’IUSMM et de son centre de recherche affilié au cours des 150 dernières années.
Méthode Une revue intégrative portant sur les innovations en santé numérique au sein de l’IUSMM a été réalisée. Les bases de données Medline, Web of Science, PsycNet (PsycINFO) et Google Scholar ont été consultées depuis leur création jusqu’à décembre 2023.
Résultats La revue de la littérature a initialement identifié 239 articles, dont 108 doublons ont été éliminés lors de l’analyse préliminaire. Parmi les 131 études restantes, 63 articles ont été exclus après examen des titres et résumés, car ils ne répondaient pas aux critères d’inclusion. Après une analyse complète des 68 articles initialement sélectionnés pour évaluation d’éligibilité, un total de 22 articles a été retenu. Cinq catégories d’articles ont été identifiées : la réalité, les applications numériques, les prestations des services et thérapies à distance, l’utilisation de l’intelligence artificielle et finalement l’assistant personnel digital.
Conclusion À l’occasion du 150e anniversaire de l’IUSMM, cette revue intégrative révèle que les innovations en santé numérique sont concentrées principalement dans la dernière décennie, suggérant un potentiel prometteur pour des applications numériques dans le soutien quotidien aux personnes souffrant de troubles mentaux, bien que la transition à la pratique clinique puisse progresser lentement.
EN :
Objective Founded in 1873, the Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM) has a captivating history that significantly reflects the evolution of psychiatry over the years. In recent years, the primary sectors of modern medicine have turned to digital health innovations to enhance patient care development. The main objective of this review is to document advancements in digital health within the IUSMM and its affiliated research center over the past 150 years.
Method An integrative review focusing on digital health innovations at the IUSMM was conducted. The Medline, Web of Science, PsycNet (PsycINFO), and Google Scholar databases were consulted from their inception until December 2023.
Result The literature review initially identified 239 articles, with 108 duplicates removed during the preliminary analysis. Among the remaining 131 studies, 63 articles were excluded based on title and abstract review, as they did not meet inclusion criteria. After a comprehensive analysis of the initially selected 68 articles for eligibility evaluation, a total of 22 articles were retained. Five categories of articles were identified: virtual reality, digital applications, remote services and therapies, the use of artificial intelligence, and digital personal assistants.
Conclusion On the occasion of the 150th anniversary of the IUSMM, this integrative review reveals that digital health innovations are primarily concentrated in the last decade, suggesting promising potential for digital applications in supporting individuals with mental health disorders, although the transition to clinical practice may progress slowly.
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Le bien-être numérique, un enjeu de santé mentale technologique : la place du téléphone intelligent
Yasser Khazaal et Germano Vera Cruz
p. 127–139
RésuméFR :
Objectifs Présenter le concept de bien-être numérique et explorer la place d’outils digitaux au service de ce bien-être.
Méthode L’article se base sur une description du concept de bien-être numérique, des modèles d’intervention actuellement disponibles et des possibilités d’évolution de ces modèles.
Résultats L’utilisation des téléphones intelligents ou « smartphones » est devenue omniprésente dans la société moderne, en particulier chez les adolescents et les jeunes adultes. Avec une connectivité intelligente, interactive, pratique et permanente, les individus sont confrontés à de nouveaux défis et à de nouvelles pressions liées au moment, à l’endroit, à la manière et à l’intensité avec lesquels ils décident de se connecter ou de se déconnecter des services fournis par le téléphone intelligent. L’utilisation problématique des téléphones intelligents a été associée à des troubles de la santé mentale et à des problèmes fonctionnels. Face à cet enjeu d’un usage du numérique au service du bien-être, le concept de bien-être numérique a récemment été introduit. Il s’agit de l’expérience subjective et individuelle d’un équilibre optimal entre les avantages et les inconvénients associés à la technologie numérique. Des outils technologiques orientés sur le contrôle des temps d’usage des écrans sont proposés. Les résultats de ces approches sont mitigés.
Conclusion Pour une efficacité optimale, une meilleure intégration des interfaces dynamiques entre l’humain et la machine pourrait être essentielle.
EN :
Objectives To introduce the concept of digital well-being and explore the place of digital tools in the service of this well-being.
Methods The article is based on a description of the concept of digital well-being, the intervention models currently available and the possibilities for improvement of these models.
Findings Over the past decade, smartphone use has become almost ubiquitous in modern society. The average person spends several hours a day on their device, especially among teenagers and young adults. With smart, interactive, convenient and always-on connectivity, individuals face new challenges and pressures related to when, where, how and how intensively they choose to connect or disconnect from the services provided by the smartphone. Problematic smartphone use has been linked to mental health disorders and functional problems. The concept of digital well-being has recently been introduced to address this challenge of using digital technologies to promote well-being. This is the subjective and individual experience of an optimal balance between the advantages and disadvantages associated with digital technology. Today’s interventions are mostly based on technological tools focusing on screen-time control. The results of such interventions are mixed.
Conclusion Better integration of dynamic human-machine interfaces may be essential for optimal efficiency of tools aiming to support digital wellbeing.
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L’apport scientifique de Dr Kieron O’Connor pour la caractérisation et le traitement du syndrome de Gilles de la Tourette et des troubles obsessionnels-compulsifs et apparentés
Marc Lavoie, Frederick Aardema et Julie Leclerc
p. 141–171
RésuméFR :
Contexte Le chercheur et psychologue Kieron Philip O’Connor (1950-2019) fut un des pionniers de l’approche cognitive et comportementale à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM). C’est là qu’il démarra une carrière de chercheur clinicien auprès des populations aux prises avec les tics chroniques, le syndrome de Gilles de la Tourette (SGT) ou le trouble obsessionnel-compulsif et apparentés (TOC). À l’époque, à part quelques psychothérapies comportementales, peu d’interventions cognitives étaient disponibles pour traiter les tics chroniques et les troubles obsessionnels-compulsifs. Et surtout, les interventions demeuraient très peu validées sur le plan empirique.
Objectif et questions Notre objectif principal est de présenter les études entourant le modèle cognitif, comportemental et psychophysiologique (CoPs) développé par Kieron O’Connor au cours de sa carrière ainsi que les retombées importantes qui ont marqué le domaine. Ses recherches partent de nombreuses questions qui ne pouvaient être abordées que par une approche multidisciplinaire basée sur les données probantes de la recherche de pointe.
Plan Notre chapitre débute par la présentation du parcours de Kieron O’Connor au Centre de recherche de l’IUSMM. Nous enchaînerons sur le contexte historique entourant le traitement du SGT et du TOC. Nous exposerons ensuite les grands modèles ayant permis l’aboutissement du traitement cognitif comportemental et psychophysiologique pour les tics chroniques ainsi que l’approche centrée sur les inférences pour traiter le TOC. Nous terminerons ensuite sur les multiples thèmes abordés par son équipe au-delà du SGT et du TOC.
Méthode La recherche a été réalisé avec Medline et PsycInfo avec les critères d’inclusion basés sur les articles publiés par Kieron O’Connor rédigés en français ou en anglais tirés d’articles de recherche originaux ou de revues.
Résultats Nous avons recensé 175 articles regroupés en 2 thèmes principaux. Nous pouvons tirer 2 grands constats. Premièrement, les psychothérapies menées selon le modèle CoPs auprès d’adultes ayant le SGT ont montré des améliorations liées à un changement dans les schémas d’activation sensorimotrice qui tendrait à se normaliser après le traitement et permettrait, entre autres, de développer un meilleur contrôle moteur. Deuxièmement, les travaux menés sur le TOC sont centrés sur les inférences inverses. Ce modèle a permis l’élaboration d’une thérapie basée sur les inférences, permettant de travailler sur les doutes erronés, le soi craint et la confusion inférentielle.
Conclusion Les résultats ont retracé les principaux travaux en particulier son oeuvre maîtresse comprenant une thérapie basée sur les inférences pour le TOC et une autre sur la prise en charge cognitive et psychophysiologique pour le SGT. Cela s’imbriquait dans un modèle étayé par une démarche empirique et phénoménologique et s’appliquait à d’autres thèmes apparentés aux obsessions comme les comportements répétitifs centrés sur le corps, les troubles alimentaires, les dysmorphophobies, l’accumulation compulsive, certains délires ainsi que certaines dépendances.
EN :
Background Researcher and psychologist Kieron Philip O’Connor (1950-2019) pioneered the cognitive and behavioural approach at the Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM). It was there that he began a career as a clinical researcher studying Tourette’s syndrome (TS) and obsessive-compulsive and related disorder (OCD). At the time, apart from some behavioural approaches, little cognitive intervention was available to treat chronic tics and obsessive-compulsive disorder. Above all, the interventions remained very poorly validated.
Objective and questions: Our main aim is to present the cognitive, behavioural and psychophysiological model developed during his successful career and the impact of important research that has marked the field. His research is based on many questions that arose at the beginning of its development in the ’90s. Why do many patients not respond to treatments? Why are these patients often misdiagnosed? Are there alternatives to pharmacological treatments? He knew these questions could only be addressed through a multidisciplinary approach combining psychiatry, neurology, clinical psychology and cognitive neuroscience. Thus, he advocated a model incorporating a cognitive, behavioural, and psychophysiological approach based on cutting-edge research evidence.
Outline Our chapter presents Dr. O’Connor’s journey as a researcher and psychologist at the Institut universitaire en santé mentale de Montréal research center. Thus, we expose the historical context surrounding the treatment of TS and OCD. We will then present the main models that have led to the successful cognitive, behavioural and psychophysiological treatment of chronic tics and the inference-based approach to treat OCD. We will then conclude with multiple orientations, approaches and themes addressed by his team.
Method The search was conducted via Medline and PsycInfo with inclusion criteria based on the following criteria: (1) articles published by Kieron O’Connor; (2) written in English or French; (3) original research or journal articles.
Results We identified 175 articles grouped into main themes. There are two main conclusions to be drawn. First, psychotherapies conducted according to the CoPs model with adults with TS have shown improvements related to a change in sensorimotor activation patterns that normalize after treatment and allow, among other things, the development of improved motor control. Second, work on OCD has led to the emergence of a new approach that focuses on obsessions as a product of inverse inference. This model has allowed for the development of inference-based approaches, thus allowing work on erroneous doubts, feared self, and inferential confusion.
Conclusion The results traced the body of work, in particular his masterpiece, including an inference-based approach for OCD and another on cognitive and psychophysiological management of TS. All of this was intertwined into a model supported by an empirical and phenomenological approach that touched on secondary themes such as body-focused repetitive behaviours, body dysmorphic disorder, eating disorders, hoarding, delusions and certain addictions.
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Biobanque Signature : origines et perspectives d’un projet longitudinal évaluant les signatures biologiques, psychologiques et sociales des patients visitant les urgences de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal
Enzo Cipriani, Philippe Kerr, Cécile Le Page, Charles-Édouard Giguère, Sonia Lupien, Stéphane Guay, Robert-Paul Juster et Consortium Signature
p. 173–201
RésuméFR :
Objectifs En 2008, le plan stratégique du National Institute of Mental Health, a donné naissance au projet Research Domain Criteria (RDoC), un cadre de travail visant à établir des domaines fonctionnels majeurs de la psyché humaine allant du normal au pathologique afin, notamment, de développer une nouvelle méthode de classification des troubles de santé mentale. Le Consortium Signature a été créé en 2009, avec pour objectif de développer une banque de données pouvant notamment contribuer au développement du RDoC, par l’identification de profils, ou signatures, d’une population psychiatrique, en collectant des indicateurs biologiques, psychosociaux et cliniques à des moments critiques de la prise en charge et du suivi des patients visitant les structures de soins de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM). Ici, nous présenterons succinctement les données disponibles et quelques caractéristiques sociodémographiques de notre échantillon, notamment en fonction du diagnostic.
Méthodes En impliquant plus de 80 chercheurs, cliniciens, personnel et le soutien des services institutionnels de l’IUSMM (laboratoire, services informatiques, juridiques et éthique), cette initiative a permis la mise en place d’une banque de données unique au Canada. Les données composant cette biobanque ont été collectées lors de visites d’usagers à l’urgence psychiatrique à l’IUSMM et durant leur suivi en cliniques externes. Un groupe contrôle a aussi été créé, avec le recrutement local de participants, sans historique psychiatrique autodéclarée dans les 5 dernières années et un profil démographique similaire aux patients. Des données psychologiques (p. ex. symptômes dépressifs) et sociodémographiques (p. ex. statut marital) ont été colligées à partir de questionnaires autorapportés. Des données médicales et administratives (p. ex. diagnostic) ont été collectées auprès des psychiatres traitants et du registre électronique de l’hôpital (OACIS). Finalement, des prélèvements de sang, cheveux et salive ont été effectués, puis analysés afin de mesurer de nombreux biomarqueurs. Ici, nous nous intéresserons aux caractéristiques sociodémographiques de la cohorte.
Résultats Entre 2012 et 2020, la Biobanque Signature a recruté 149 participants contrôles et plus de 2172 patients psychiatriques âgés de 17 à 81 ans, dont 2085 ont accepté de remplir les questionnaires, et 1986 ont fait don d’échantillons biologiques. Grâce à ces données, la Biobanque a contribué à plus d’une quarantaine de projets de recherche, de 16 publications scientifiques de journaux internationaux indexés, a permis la validation de 5 questionnaires psychosociaux auprès d’une population psychiatrique ainsi que la création d’un score composite de genre socioculturel. Les patients ayant accepté de participer présentent dans l’ensemble un profil sociodémographique précaire. Les patients ayant un diagnostic de trouble psychotique semblent néanmoins présenter un profil social plus désavantagé sur le plan financier, professionnel et relationnel.
Conclusion La Biobanque Signature est une biobanque unique en Amérique du Nord étudiant les troubles de santé mentale en collectant des données psychosociales et biologiques connexes en contexte d’urgence psychiatrique. Bien que le recrutement soit terminé, la Biobanque continue de s’enrichir en données biologiques, notamment grâce aux analyses des échantillons et à sa participation à des projets d’étude indépendants.
EN :
Objectives In 2008, the National Institute of Mental Health (NIMH) published its strategic plan to structure future research aims and objectives including the development of a new method of classifying mental health disorders. This strategic plan gave rise to the Research Domain Criteria (RDoC) project, a framework aimed at establishing major functional domains of the human psyche ranging from normal to pathological. The Signature Consortium was created in 2009 to develop a data bank capable of contributing to the development of RDoC by identifying profiles, or Signatures, of a psychiatric population, collecting biological, psychosocial, and clinical indicators at critical moments in the care and follow-up of patients visiting the care structures of the Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM). Here, we will briefly present the available data and outline some socio-demographic characteristics of our sample, in particular according to diagnosis.
Methods By involving over 80 researchers, clinicians, staff, and the support of the IUSMM’s institutional services (laboratory, IT, legal and ethics departments), this initiative has led to the creation of a unique data bank in Canada. Data for this biobank were collected during patients’ visits to the IUSMM’s psychiatric emergency department and during a follow-up in outpatient clinics. A control group was also created, with local recruitment of participants with no self-reported history of psychiatric hospitalization in the last 5 years, and with similar demographics to the psychiatric cohort. Psychological data (e.g., depressive, and psychotic symptoms scales) and socio-demographic data (e.g., marital status) were gathered from self-reported questionnaires. Medical and administrative data (e.g., treatment and diagnosis) were collected from treating psychiatrists and from the hospital’s electronic registry (OACIS). Blood, hair, and saliva samples were also collected and analyzed to measure numerous biomarkers. Socio-demographic characteristics were compared based on primary diagnosis.
Results Between 2012 and 2020, the Signature Biobank recruited 149 control participants and over 2172 psychiatric patients aged 17 to 81, of whom 2085 agreed to complete questionnaires, and 1986 donated biological samples. Thanks to these data, the Biobank has contributed to over forty research projects, 16 scientific publications in indexed international journals, permitted to validate 5 psychosocial questionnaires for psychiatric inpatients, and was used to create a composite sociocultural gender score. Globally, the participants presented a precarious socio-demographic profile. Patients diagnosed with a psychotic disorder seem to present the most disadvantaged profile regarding financial, professional, and relational dimensions.
Conclusion The Signature Biobank is a unique biobank in North America studying mental health disorders by collecting bio-psycho-social data and associated biospecimens in psychiatric emergency setting. Although recruitment and data collection are completed, the Biobank continues to add biological data through sample analysis and participation in independent study projects.
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Développer le flair du psychiatre : des enseignements tirés de deux cas cliniques de syndrome de référence olfactive
Morganne Masse et Emmanuel Stip
p. 203–219
RésuméFR :
L’olfaction est souvent négligée en sémiologie psychiatrique, malgré sa pertinence clinique et son impact sur le fonctionnement social. Le syndrome de référence olfactive (SRO), qui se manifeste par une fausse croyance selon laquelle une personne émet une odeur nauséabonde, entraîne une détresse sévère et altère le fonctionnement social. Cet article cherche à souligner la pertinence de l’olfaction dans la sémiologie psychiatrique, en mettant l’accent sur le SRO. Nous présentons une étude de deux hommes atteints de SRO, suivis en unité de troubles psychotiques, selon les critères CARE. Une revue de littérature effectuée selon les critères PRISMA, examine 53 études issues de PubMed, PsychInfo, Google Scholar et Cairns et complète les présentations cliniques.
Cette analyse permet ainsi une discussion sur les connaissances actuelles du SRO, en réfutant, nuançant et validant les hypothèses en vigueur sur la nosographie et l’étiologie du trouble. Nous proposons d’approfondir le rôle de l’olfaction, en explorant son association avec les émotions, la formation des impressions et la Théorie de l’Esprit. Affiner notre compréhension de l’influence de l’olfaction sur le fonctionnement psychique et social pourra enrichir nos approches diagnostiques et thérapeutiques en psychiatrie du SRO.
EN :
Olfaction is often neglected in psychiatric semiology, despite its clinical relevance and impact on social functioning. The olfactory reference syndrome (ORS), characterized by a false belief that a person emits a foul odor, causes severe distress and disrupts social functioning. This article aims to highlight the importance of olfaction in psychiatric semiology, with a focus on ORS. We present a study of two men with ORS, followed in a psychotic disorder unit, using the CARE criteria. A literature review conducted according to PRISMA guidelines examines 53 studies from PubMed, PsychInfo, Google Scholar, and Cairns. By complementing the clinical presentations, our analysis facilitates a discussion of current knowledge on ORS, refuting, nuancing and validating existing hypotheses regarding its nosography and etiology. We suggest to further explore our understanding of olfaction through its association with emotions, the formation of impressions, and the Theory of Mind. Better grasping how olfaction influences psychological and social functioning could improve diagnostic and therapeutic approaches to ORS in psychiatry.
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L’impact de la consommation du cannabis sur les symptômes psychiatriques : une étude transversale portant sur les troubles mentaux graves
Hind Ziady, Mélissa Beaudoin, Elischa Augustin, Eugénie Samson-Daoust, Kingsada Phraxayavong et Alexandre Dumais
p. 221–245
RésuméFR :
Objectif Le cannabis est la drogue la plus consommée au sein de la population générale, mais sa prévalence d’usage reste plus élevée chez les personnes souffrant de troubles mentaux graves. De plus, les données actuelles démontrent les effets délétères du cannabis sur la symptomatologie de ces maladies. L’étude transversale ci-présente vise donc à évaluer l’impact de la consommation du cannabis sur la symptomatologie psychiatrique des personnes avec un trouble mental grave en contrôlant l’effet des variables confondantes de l’âge, du sexe ainsi que de la consommation concomitante d’alcool ou de stimulants.
Méthode Des analyses secondaires ont été effectuées sur les données de 72 participants provenant d’une étude antérieure. Leurs consommations de cannabis, d’alcool et de stimulants ont respectivement été mesurées à l’aide du Cannabis Use Problems Identification Test (CUPIT), du Alcohol Use Disorders Identification Test (AUDIT) et de la question sur la fréquence de consommation du Structured Clinical Interview for DSM-5 – Clinician Version pour les troubles liés à l’usage des stimulants (SCID-5-CV-TLUS). En lien avec la symptomatologie psychiatrique, celle-ci a été mesurée à l’aide du modèle à 5 sous-échelles du Positive and Negative Syndrome Scale (PANSS).
Résultats Différents modèles linéaires explicatifs des symptômes du PANSS ont été réalisés à l’aide d’une combinaison de variables indépendantes, soit l’âge, le sexe, le CUPIT, l’AUDIT et la question sur la fréquence de consommation du SCID-5-CV-TLUS. Le modèle explicatif des symptômes d’excitation est statistiquement significatif (F = 4,629, p = 0,001) et il permet de prédire 20,4 % de la variance de ces symptômes (R2ajusté = 0,204). Ici, le CUPIT est la variable qui influence le plus le modèle (ß = 0,381 ; p < 0,001). Le modèle explicatif des symptômes positifs est également statistiquement significatif (F = 3,631, p = 0,006) et il permet de prédire 15,6 % de la variance de ces symptômes (R2ajusté = 0,156). Or, le CUPIT n’influencerait pas de manière statistiquement significative ce modèle (ß = 0,125 ; p = 0,272), mais la question sur la fréquence de consommation du SCID-5-CV-TLUS l’influencerait (ß = 0,399 ; p = 0,001). De plus, la question sur la fréquence de consommation du SCID-5-CV-TLUS influence également le modèle explicatif des symptômes d’excitation (ß = 0,273 ; p = 0,022).
Conclusion Bien que d’autres études, idéalement longitudinales, soient nécessaires pour confirmer l’impact péjoratif du cannabis sur les symptômes d’excitation, l’étude ci-présente réitère l’importance de dépister et de prendre en charge les habitudes de consommation de drogues, particulièrement le cannabis, chez les personnes atteintes de troubles mentaux graves.
EN :
Objective Cannabis is the most commonly used drug in the general population, but its prevalence of use remains higher among people suffering from severe mental disorders. Nevertheless, current cannabis research showed it to be deleterious on psychiatric symptoms, especially among patients with severe mental disorders. This present cross-sectional study aims to evaluate the impact of cannabis consumption on the psychiatric symptomatology of people with a serious mental disorder by controlling for the confounding variables of age, sex and concomitant alcohol or stimulant consumption.
Method Secondary analyses were performed on data from 72 participants from a previous study. Their use of cannabis, alcohol and stimulants was measured using the Cannabis Use Problems Identification Test (CUPIT), the Alcohol Use Disorders Identification Test (AUDIT) and the frequency of use question from the Structured Clinical Interview for DSM-5–Clinician Version for Stimulant Use Disorders (SCID-5-CV-TLUS), respectively. Their psychiatric symptoms were measured using the five subscale model of the Positive and Negative Syndrome Scale (PANSS).
Results Different linear explanatory models of PANSS symptoms were carried out using a combination of independent variables, i.e. age, sex, CUPIT, AUDIT and the question on consumption frequency of the SCID-5–CV-TLUS. The explanatory model of excitement symptoms is statistically significant (F = 4.629, p = 0.001) and it makes it possible to predict 20.4% of the variance of these symptoms (adjusted R2 = 0.204). In this model, CUPIT is the variable that most influences the model (ß = 0.381; p < 0.001). The explanatory model for positive symptoms is also statistically significant (F = 3.631, p = 0.006) and that makes it possible to predict 15.6% of the variance in these symptoms (adjusted R2 = 0.156). However, the CUPIT would not influence this model in a statistically significant way (ß = 0.125; p = 0.272), but the question on the frequency of consumption of the SCID-5-CV-TLUS would influence it (ß = 0.399; p = 0.001). In addition, the question on the frequency of consumption of the SCID-5-CV-TLUS also influences the explanatory model of excitement symptoms (ß = 0.273; p = 0.022).
Conclusion Although further studies, ideally longitudinal, are needed to confirm the deleterious effect of cannabis on excitement symptoms, the present study reiterates the importance of screening and managing consumption habits of drugs, particularly cannabis, in people with serious mental disorders.
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Projet ÉCHINOPS : collaborer avec les forces de l’ordre pour les échappés du système de santé
Luigi De Benedictis, Amélie Bouchard, Gabriel Thériault, William McGuire, Marie-Hélène Goulet et Caroline Larue
p. 247–270
RésuméFR :
Objectifs Au Canada, on estime que 5 à 31 % des interventions policières se font auprès de personnes ayant des troubles de santé mentale. L’objectif de cette revue sur la littérature scientifique est de soulever une myriade d’enjeux dans l’approche de ce type de patients en communauté. Nous illustrons ensuite ce contexte avec une initiative montréalaise : le projet ÉCHINOPS (Équipe communautaire hybride d’interventions novatrices OSBL-Psychiatrie-SPVM).
Méthode Une recherche bibliographique classique large a été effectuée en juin 2022 sur Pubmed, EMBASE, PsycINFO et CINAHL, avec les descripteurs MeSH Police, Law Enforcement, Crisis Intervention, Mental Health Services, Mental Disorders, Mentally Ill Persons, Intersectoral Collaboration, Interprofessional Relations, Interdisciplinary Communication, Patient Care Team, et une quarantaine de mots-clés, pour générer plus de 1100 articles. La recherche a été effectuée sans limite de temps ni de langue. Deux membres de l’équipe de recherche ont lu titres et résumés pour éventuellement retenir une centaine d’articles. Après une recherche en « boule de neige » sur les listes de référence des articles repérés, environ 110 articles ont été retenus. La gestion documentaire a été réalisée à l’aide du logiciel Zotero version 6.0.37. Les documents inclus devaient être écrits en anglais ou en français. Nous avons ensuite organisé nos données en sections pour synthétiser les enjeux : Interactions entre patients et policiers et justice procédurale ; Usage de la force et morbidité ; Transports vers un centre hospitalier ; Judiciarisation ; Consultation et résolution de situations sur scène ; Accès à des soins de santé mentale et hospitalisations ; Expériences et satisfaction des citoyens et bénéficiaires ; Expériences et satisfaction des dispensateurs de soins ; Aspects économiques.
Résultats Depuis les 40 dernières années, la désinstitutionnalisation des services psychiatriques a conduit à une augmentation des contacts entre la clientèle en santé mentale et les forces de l’ordre. Tout en témoignant d’un changement de culture quant au rôle des agents de la paix dans la population générale, des initiatives partout dans le monde mettent en lumière un besoin grandissant de formation supplémentaire sur la maladie mentale et d’interdisciplinarité entre les services policiers et le système de santé. Cette nécessité exige l’élaboration de partenariats et de nouveaux modèles de collaboration dans la communauté.
Conclusion Composée d’infirmier(-ère)s en santé mentale et de psychiatres communautaires, l’équipe du projet ÉCHINOPS travaille en collaboration avec les corps policiers pour jouer un rôle de consultant et pour mettre en oeuvre et consolider des pratiques mixtes d’interventions psychosociales et policières de proximité dans la communauté auprès de personnes ayant des troubles de santé mentale. Le fonctionnement de l’équipe s’inspire des modèles d’équipes d’interventions mixtes dites Co-response ou Street Triage qui ont fait l’objet de plusieurs projets au Canada et dans d’autres pays occidentaux. Une telle équipe d’intervention mixte a pris son envol dans le cadre d’un projet-pilote dans l’est de Montréal depuis janvier 2022.
EN :
Objectives In Canada, it is estimated that 5 to 31% of police interventions involve people with mental health disorders. The objective of this review of the scientific literature is to raise a myriad of issues in the approach to these patients in the community. We then illustrate this context with a Montreal initiative: The ÉCHINOPS Project (Hybrid Community Team for Innovative Interventions NPO-Psychiatry-SPVM).
Method A bibliographic search was carried out in June 2022 on Pubmed, EMBASE, PsycINFO and CINAHL, using MeSH words Police, Law Enforcement, Crisis Intervention, Mental Health Services, Mental Disorders, Mentally Ill Persons, Intersectoral Collaboration, Interprofessional Relations, Interdisciplinary Communication, Patient Care Team and about 40 different key words, leading us to more than 1100 articles, regardless of the time and language of publication. Two members of the research team read the titles and abstracts to retain about 100 articles. Snowball research of bibliographies eventually lead to a sample of about 110 articles. We used the software Zotero version 6.0.37 to manage the sample. They had to be published either in French or English. We then organized our data into sections to summarize the issues: Interactions Between Patients and Police Officers and Procedural Justice; Use of Force and Morbidity; Transport to a Hospital Center; Judicialization; Consultation and Resolution of Situations on Stage; Access to Mental Healthcare and Hospitalizations; Experiences and Satisfaction of Citizens and Beneficiaries; Experiences and Satisfaction of Healthcare Providers; Economic Aspects.
Results Over the last 40 years, the deinstitutionalization of psychiatric services has led to an increase in contacts between mental health patients and law enforcement. While demonstrating a cultural change regarding the role of police officers in the general population, initiatives around the world highlight a need for additional training on mental illness and growing interdisciplinarity between police services and the healthcare system. This need requires the development of partnerships and new models of collaboration in the community.
Conclusion Made up of mental health nurses and community psychiatrists, the ÉCHINOPS Project team works in collaboration with police forces to play a consulting role and to implement and consolidate mixed practices for people with mental health issues. The team’s operation is inspired by the models of mixed intervention teams known as “Co-response” or “Street Triage” which have been the subject of several projects in Canada and other Western countries. A mixed intervention team has taken off as part of a pilot project in Montreal’s East-end since January 2022.
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Les synchronicités historiques de la Chaire Eli Lilly Canada de recherche en schizophrénie
Stéphane Potvin et Emmanuel Stip
p. 271–295
RésuméFR :
Contexte Créée en 2004, la Chaire Eli Lilly Canada de recherche en schizophrénie a été financée par la compagnie Eli Lilly, l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, l’Hôpital Sacré-Coeur et le Centre hospitalier de l’Université de Montréal. L’objectif du présent article est d’effectuer un survol historique des activités scientifiques de la Chaire depuis sa création.
Méthode Afin de procéder à ce compte-rendu historique, nous avons adopté une approche bibliométrique. Nous avons effectué une fouille dans PubMed de tous les articles publiés par l’un et/ou l’autre des titulaires de la Chaire depuis sa création en 2004. Une fois les articles identifiés, nous avons comptabilisé toutes les fois que ces articles ont été cités dans la littérature. Ce décompte a été effectué à l’aide de Google Scholar. Nous avons également fait le décompte des principaux thèmes abordés dans ces articles. Comme grille d’interprétation des travaux scientifiques, nous avons adopté une perspective externaliste.
Résultats Depuis sa création en 2004, la Chaire a publié un total de 295 articles scientifiques, lesquels ont été cités 12 892 fois. Les principaux thèmes abordés dans ces articles sont la cognition, la neuroimagerie et les antipsychotiques, suivis de la toxicomanie, les interventions psychosociales et la résistance au traitement. Les articles les plus influents ont montré la présence d’un syndrome inflammatoire, des difficultés du sommeil dans la schizophrénie, en plus de corroborer l’hypothèse de la saillance aberrante de la psychose, de réfuter l’hypothèse de la latéralisation du langage dans la schizophrénie, et d’établir des liens entre le traitement antipsychotique et la COVID-19.
Discussion D’une perspective externaliste, l’évolution des travaux de la Chaire a été influencée par d’importants facteurs externes à la logique de la découverte scientifique, soit la commercialisation de plusieurs antipsychotiques au cours des années 1990-2000, la relative démocratisation de la neuroimagerie au cours des années 2000-2010, la légalisation du cannabis à des fins récréatives en 2018 au Canada et l’essor de la santé numérique – notamment la réalité virtuelle – au cours de la dernière décennie. En contrepartie, l’intérêt porté à la neurobiologie des comportements violents et la tendance à publier dans des revues francophones sont des tendances ne cadrant pas avec les tendances sociales en cours. L’article se conclut par une réflexion sur la nature du concept de la psychose.
EN :
Background Created in 2004, the Eli Lilly Canada Chair on schizophrenia research was funded by Eli Lilly, the Institut universitaire en santé mentale de Montréal, Hôpital Sacré-Coeur and Centre hospitalier de l’Université de Montréal. The aim of this article is to provide an historical overview of the scientific activities of the Chair since its inception.
Method In order to carry out this historical account, we adopted a bibliometric approach. We carried out a PubMed search of all articles published by any of the Chair holders since its creation in 2004. Once the articles had been identified, we counted all the times they had been cited in the literature. This was done using Google Scholar. We also counted the main themes addressed in these articles. We adopted an externalist perspective for the interpretation of the scientific work.
Results Since its creation in 2004, the Chair has published a total of 295 scientific articles, which have been cited 12,892 times. The main themes addressed in these articles are cognition, neuroimaging and antipsychotics, followed by addiction, psychosocial interventions and treatment resistance. The most influential articles showed the presence of an inflammatory syndrome and sleep difficulties in schizophrenia, in addition to corroborating the aberrant salience hypothesis of psychosis, disproving the lateralization of language hypothesis in schizophrenia, and establishing links between antipsychotic treatment and COVID-19.
Discussion From an externalist perspective, the evolution of the Chair’s work has been influenced by important factors external to the logic of scientific discovery, namely the commercialization of several antipsychotics during the 1990s-2000s, the relative democratization of neuroimaging during the 2000-2010s, the legalization of cannabis use for recreational purposes in 2018 in Canada, and the rise of digital health–notably virtual reality–over the past decade. Conversely, the focus on the neurobiology of violent behavior and the tendency to publish in French-language journals are trends that run counter to current social trends. The article concludes with a reflection on the nature of the concept of psychosis.
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Un regard sur le domaine de la psychothérapie et sur le développement du programme APAP
François Borgeat, Danielle Amado, Carmen Lallier et Joanie Barabé
p. 297–313
RésuméFR :
Objectif Le domaine des psychothérapies est en demande accrue et ses offres s’avèrent très diversifiées. L’objectif du présent article est d’effectuer un survol basé sur des recherches cliniques et sur des résultats de psychothérapeutes avec des formes de psychothérapies établies et pratiquées dans des milieux universitaires et plus récemment à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal.
Méthode Les méthodes de recherche et d’évaluations cliniques ont changé au cours de plusieurs années. Les psychothérapeutes ont varié leurs approches selon les milieux et plusieurs ont participé à de nombreuses recherches et publications. Les recherches au fil des années sont discutées ce qui inclut le développement de stratégies récentes dont le programme informatisé APAP ainsi appelé pour Augmentation de la Psychothérapie par Amorçage Préconscient. Cette méthode vise à faciliter le changement cognitif et propose une stratégie d’écoute préconsciente répétitive.
Résultats Les recherches s’étendent sur plusieurs années, car les psychothérapeutes étaient aussi des cliniciens et leurs contributions variaient. Par exemple, certains premiers travaux avec des patients volontaires montraient l’intérêt des écoutes préconscientes répétitives. Puis, par la suite, dans le contexte de l’IUSMM, une recherche à double insu a été réalisée et a montré l’efficacité de ce nous avons appelé l’amorçage préconscient pour faciliter le changement cognitif.
Conclusion La recherche sur la psychothérapie demeure difficile et s’étale sur de longues périodes, par exemple la recherche mentionnée plus haut s’est étendue sur plus d’une année. Les recherches à double insu s’avèrent peu nombreuses, car les placebos crédibles sont rares. Notre recherche était favorisée par l’écoute préconsciente échappant à la conscience, et il nous était possible de comparer les effets de stimuli porteurs de messages préconscients visant les besoins des patients à divers contenus variés ou neutres, par exemple des nombres aléatoires.
EN :
Objective The field of psychotherapy is growing and is offering more and more types of treatments. The objective of this paper is to go through many clinical researches and experiences from psychotherapists with several psychotherapies in universities in Montreal and Lausanne, especially in the Institute for Mental Diseases in Montreal (IUSMM).
Method Research and clinical evaluations have varied over many years. Many studies and results have been evaluated and discussed over those years. Clinical developments like APAP have been developed and evaluated in various milieus and applications. Various strategies have been proposed like APAP that can be added to many orientations of psychotherapies. APAP is called for Augmentation de la Psychothérapie par Amorçage Préconscient in French or “Psychotherapy Augmentation through Preconscious Priming” in English.
Results Many various researches focusing psychotherapies were developed over long periods because psychotherapists were also clinicians and teachers. For example, we were able de proceed with clinical evaluations and many volunteer patients. We were able to demonstrate that preconscious listening was useful to facilitate cognitive change.
Conclusion Research on psychotherapy remains difficult and require usually long periods. For example, the research APAP described here took much more than one year. Research remains also difficult because double blind procedures in research on psychotherapy are rare. We were lucky because preconscious listening was out of conscious listening creating a sort of placebo that was to be compared to the listening of personalized preconscious stimuli.
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Bernadette au fil du temps : une perspective évolutive des soins psychiatriques de l’internement aux alternatives à l’hospitalisation
Marie-Ève Simard, Marie-Hélène Goulet, Émilie Hudson, Valérie Coulombe et Stéphanie Lainesse
p. 315–319
RésuméFR :
En 1909, Bernadette, âgée de 21 ans, est hospitalisée à la suite de l’évaluation du curé de la paroisse, car elle présente une « folie » postpartum. Elle est alors internée à Saint-Jean-de-Dieu, séparée de son poupon et de son mari qui lui enverra des dizaines de missives, se requérant de l’état de santé de sa femme et du moment où elle pourra enfin revenir à la maison. Retour qui n’arrivera malheureusement jamais.
Cet article portera un regard sur les pratiques en psychiatrie et santé mentale d’hier à aujourd’hui – et sur le chemin qu’il reste à parcourir – en ciblant la perspective des alternatives à l’hospitalisation. Quelle aurait pu être la trajectoire de soins de Bernadette aujourd’hui ? Quelle pourrait être la trajectoire de soins de Bernadette dans 50 ans ?
Aujourd’hui, l’expertise de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM) ne réside plus uniquement entre ses murs, mais va à la rencontre des personnes dans leur milieu de vie. Bernadette aurait ainsi pu recevoir ses traitements à la maison, soutenue par une équipe traitante et son mari, partie prenante de cette équipe.
Les pratiques actuelles d’alternatives à l’hospitalisation seront documentées, puis mises en relation avec le savoir expérientiel d’une femme ayant vécu une hospitalisation involontaire plus d’un siècle après Bernadette. Ce portrait sur 3 époques permettra de voir le chemin parcouru, mais aussi celui qu’il reste à tracer.
EN :
In 1909, 21-year-old Bernadette was hospitalized after the parish priest deemed her to be suffering from “puerperal insanity.” She was committed to Saint-Jean-de-Dieu, separated from her newborn and husband, who would send dozens of letters inquiring about her health and longing for the day she could return home. Sadly, that return never happened.
This article explores the evolution of psychiatric and mental health practices from the past to the present – and the progress still to be made – by focusing on alternatives to hospitalization. How might Bernadette’s care have been managed today? And what could her care pathway look like 50 years from now?
Today, the expertise of the Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM) extends beyond its walls, reaching people in their own environments. Bernadette could have received treatment at home, supported by a care team with her husband playing an active role.
This article documents current alternatives to hospitalization and links them to the lived experience of a woman who underwent involuntary hospitalization over a century after Bernadette. By examining three distinct eras, we can see not only how far we’ve come but also the challenges that remain.
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Émile Nelligan (1879-1941) notre contemporain : entre liberté et contrainte
Vincenzo Di Nicola
p. 321–332
RésuméFR :
Introduction Cet essai revient sur le cas d’Émile Nelligan, le poète le plus célèbre du Québec et le patient le plus célèbre de l’Institut. Écrire une étude de cas clinique doit être pertinent pour le public cible d’une revue médicale scientifique. Cela permet de transmettre des informations cliniques importantes pour l’optimisation de la prise en charge médicale des patients. Mais que faire avec un poète ? Et quel style adopter pour ne pas le trahir – ni en tant que poète, ni en tant que patient ?
Méthode Le style est libre. Il faut d’abord lire le poète et ensuite consulter les différentes archives et les auteurs qui l’ont déjà étudié. Nous retraçons le parcours de Nelligan, prodige poétique, jusqu’à son internement dans un asile de Montréal, tout cela avant ses 20 ans.
Présentation du cas Un aperçu des faits marquants de la vie familiale de Nelligan, de son éducation, de sa poésie et du début de sa démence précoce. Ensuite, de façon narrative, nous choisissons des dyades : psychiatrie/antipsychiatrie, liberté/contrainte, folie/créativité, déterminants développementaux/sociaux de la santé, et « deux solitudes » de la société québécoise.
Implications Nelligan était déchiré entre les dualités des deux solitudes, la liberté et les contraintes ; la lumière et l’obscurité. Et nous proposons de le lire comme notre contemporain pour la psychiatrie, pour la littérature et pour l’identité québécoise.
EN :
Introduction This essay reviews the case of Émile Nelligan, Quebec’s most celebrated poet and the Institute’s most famous patient. Writing a clinical case study should be relevant for readers of a scientific medical journal. This allows the transfer of important clinical knowledge for optimal medical care of patients. Yet, how do we approach a poet? What method can we adopt to avoid betraying him—neither as a poet nor as a patient?
Method The approach is open. We must start by reading the poet and consult the different archives and authors who have already studied him. We trace the journey from Nelligan as a poetic prodigy to being interned in a Montreal asylum, all before he turned 20.
Case Presentation An overview of the salient facts of Nelligan’s family life, education, poetry, and the onset of his dementia praecox. Arguments are reviewed for Nelligan as a case study of the tension between psychiatry/antipsychiatry, freedom/constraint, madness/creativity, developmental/social determinants of health, as well as the “two solitudes” of Quebec society.
Implications A reading of Nelligan torn between the dualities of the two solitudes, liberty and constraint; light and darkness; and what it means to read him as our contemporary for psychiatry, for literature and for Quebec identity.
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Épilogue