Volume 49, numéro 1, printemps 2024 Mosaïque Sous la direction de Nadine Larivière
Sommaire (12 articles)
Éditorial
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Présentation
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SMQ 49-1 Printemps 2024
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Perspectives sur l’accès et la qualité des services psychosociaux en cancer du sein : une étude qualitative sur l’expérience avant et durant la pandémie de la COVID-19
Justine Fortin, Clarisse Defer, Alain Brunet, Marjorie Montreuil et Marie-France Marin
p. 27–48
RésuméFR :
Contexte L’expérience de recevoir un diagnostic de cancer du sein mène à être confronté à de l’inconnu et à de l’incertitude. Dans certains cas, les patient(e)s développent des symptômes de détresse psychologique après l’annonce du diagnostic, ce qui peut avoir une influence négative durant et à la suite des traitements. Au Québec, il existe plusieurs cliniques de cancer du sein qui semblent offrir une évaluation psychologique à leurs patient(e)s et des services psychosociaux durant les différentes phases de la maladie. À notre connaissance, peu d’études québécoises se sont intéressées à l’accès et à la qualité des services en temps de non-crise. Aussi, la pandémie de la COVID-19 a également mené à des changements dans les cliniques du sein (p. ex. fermeture des cliniques de dépistage, annonce des diagnostics à distance, changements de plan de traitement). Toutefois, aucune étude canadienne ne s’est intéressée de manière qualitative à l’expérience des patient(e)s face aux conséquences que la pandémie a eues sur l’accès et la qualité de ces services.
Objectifs Le premier objectif de la présente étude qualitative est de décrire les perspectives des Québécois(-es) qui ont reçu un diagnostic et/ou un traitement du cancer du sein pendant la pandémie sur l’accès et la qualité des services psychosociaux. De plus, le second objectif est d’identifier les recommandations des patientes qui permettraient de favoriser le bien-être des patient(e)s qui reçoivent des services psychosociaux en oncologie.
Méthode Dans le cadre de ce projet plus large, nous avons mené des entrevues semi-structurées auprès de 18 patientes québécoises (M = 47,05 ans, ÉT = 9,07) ayant reçu un diagnostic et/ou des traitements du cancer du sein avant et pendant la pandémie. Les analyses descriptives effectuées dans MaxQDA ont permis d’établir un guide thématique ainsi que des synthèses narratives.
Résultats Une minorité de participantes (n = 6) se sont vu offrir des services psychosociaux au moment de leur diagnostic. Bien qu’elles n’aient pas toutes utilisé les ressources offertes, elles ont apprécié les avoir à disposition. En revanche, 12 participantes n’ont pas reçu de ressources psychosociales, et plus de la moitié de ces femmes n’en étaient pas satisfaites, car elles vivaient une détresse psychologique intense à la suite du diagnostic, qui s’est poursuivie lors des traitements. De nombreuses femmes (n = 12) ont dû chercher de l’aide par elles-mêmes.
Conclusion Afin d’améliorer l’expérience des patient(e)s à long terme en temps de crise et de non-crise au Québec, les résultats montrent qu’il pourrait être bénéfique d’offrir des services psychosociaux en fonction des besoins des usager(ère)s, plutôt qu’uniquement en fonction de la sévérité des symptômes psychologiques.
EN :
Background The experience of breast cancer diagnosis leads to being confronted with the unknown and uncertainty. In some cases, patients develop symptoms of psychological distress after the diagnosis, which can have a negative influence during and after treatment. In Quebec, there are several breast cancer clinics that appear to offer psychological assessment to patients and psychosocial services during the different phases of the disease. To our knowledge, few Quebec studies have looked at the effectiveness of and access to psychosocial services in times of non-crisis. The COVID-19 pandemic also led to changes in breast clinics (e.g., closure of screening clinics, reception of diagnosis remotely, changes in treatment plans). However, no Canadian study has qualitatively examined patients’ experiences of the impact of the pandemic on access and effectiveness of these services.
Objectives The first objective of this qualitative study is to describe the perspectives of Quebec women who received a breast cancer diagnosis and/or treatment during the pandemic on the access to and effectiveness of psychosocial services. In addition, the second objective is to identify patient recommendations for improving the well-being of patients receiving psychosocial oncology services.
Method As part of this larger project, we conducted semi-structured interviews with 18 Quebec patients (M = 47.05 years, SD = 9.07) diagnosed and/or treated for breast cancer before and during the pandemic. Descriptive analyses performed in MaxQDA allowed us to establish a thematic guide and narrative summaries.
Results A minority of participants (n = 6) were offered psychosocial services at the time of their diagnosis. Although not all of them used the resources offered, they appreciated having them available. In contrast, 12 participants did not receive psychosocial resources, and more than half of these women were unsatisfied as they experienced intense psychological distress following diagnosis, which continued during treatment. Many women (n = 12) had to seek help on their own.
Conclusion In order to improve the long-term experience of patients in times of crisis and non-crisis in Quebec, the results show that it could be beneficial to offer psychosocial services based on the needs of users, rather than solely on the severity of psychological symptoms.
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Burnout, stress traumatique secondaire et détresse psychologique chez les intervenant(e)s et les gestionnaires dans le milieu communautaire au Québec. Portrait de la situation pendant la pandémie de la COVID-19
Alexis H Truong, Isabelle Le Pain, Anthony Malone, Katharine Larose-Hébert, Véronique Gauthier et Dominique Deblois
p. 49–68
RésuméFR :
Objectifs Cet article s’intéresse aux difficultés émotionnelles (DÉ) vécues par les intervenant(e)s et les gestionnaires oeuvrant dans 3 regroupements d’organisations communautaires (santé mentale, itinérance et pour personnes handicapées) durant la pandémie de la COVID-19 au Québec. Plus spécifiquement, nous documentons les manifestions, parfois concomitantes, de burnout (BO), de stress traumatique secondaire (STS) et de détresse psychologique (DP) rapportées par les participant(e)s. Une comparaison est aussi effectuée entre les participant(e)s qui ont rapporté jouer un rôle de gestion ou non.
Méthode Les analyses reposent sur les réponses de près de 300 personnes à un questionnaire en ligne qui comportait 140 items, incluant des échelles sur les risques psychosociaux, la qualité de vie professionnelle et la DP.
Résultats Nos résultats montrent qu’une majorité de participant(e)s souffrent de DÉ, vivant parfois un niveau de BO, de STS moyen ou de DP élevé, ou une combinaison de 2 ou 3 difficultés de façon concomitante. Les chances d’obtenir un résultat plus élevé pour le BO et la DP étaient plus élevées chez les personnes qui avaient un rôle de gestion que celles qui n’en avaient pas.
Conclusion Contrairement à la tendance qui se concentre sur l’amélioration des capacités d’adaptation individuelle au stress, les DÉ vécues par les intervenant(e)s constituent des enjeux collectifs qui requièrent à cet effet des solutions collectives. Deux limites sont la question de la représentativité de l’échantillon, ainsi que la façon dont celui-ci pourrait aussi refléter ou non la réalité des intervenant(e)s travaillant dans le réseau public au Québec ou dans ce champ ailleurs au Canada.
EN :
Objectives This article looks at emotional difficulties experienced by intervention workers and managers from three associations of community organizations (mental health, homelessness and for people with disabilities) in Quebec during the COVID-19 pandemic. More specifically, we document manifestations, sometimes concurrent, of burnout, secondary traumatic stress and psychological distress reported by participants, comparing participants who reported having a management role with those who did not.
Method Analyses were conducted based on responses of almost 300 participants to an online questionnaire comprised of 140 items, including scales pertaining to psychosocial risks, professional life quality and psychological distress.
Results Our results show that many participants experience emotional difficulties, often experiencing mid levels of burnout, secondary traumatic stress and mid or high levels of psychological distress, or sometimes a combination of two or three difficulties concomitantly. The odds were higher for participants with management roles to obtain a higher score for burnout and psychological distress than for those who did not have a management role.
Conclusion Contrary to an observed tendency of focusing on the bettering of individual adaptation skills to stressful situations, emotional difficulties experienced by intervention workers are a collective issue that therefore requires collective solutions. Two limits of this study are the question of the sample’s representativity, as well as the way our results could reflect or not the situation of intervention workers in the public sector in Quebec or elsewhere in Canada.
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Évaluation assistée par IA des psychotraumatismes liés aux lahars dans la commune du Prêcheur aux Antilles françaises
Louis Jehel et Mathieu Guidère
p. 69–98
RésuméFR :
Objectifs Les catastrophes naturelles ont des conséquences importantes sur la santé mentale. Les données recueillies auprès de la population offrent une occasion unique de surveillance après les catastrophes pour aider à identifier les besoins de soutien psychologique. L’objectif de cette étude est : 1) d’identifier les aspects psychopathologiques pour la commune du Prêcheur soumise au risque de lahars (laves volcaniques) ; et 2) de phénotyper les aspects psychopathologiques à partir des données recueillies auprès de la population.
Méthode Nous avons appliqué une méthode de psychophénotypage assistée par l’intelligence artificielle (IA) sur les données de 40 personnes sur une durée de 20 mois, pour extraire les aspects psychopathologiques et psychiatriques liés aux aléas naturels traumatisants (lahars). Ensuite, nous les avons comparées aux résultats de tests psychométriques mesurant l’état global de santé mentale ainsi que l’état de stress posttraumatique.
Résultats La rumination et la négativation figuraient parmi les aspects psychopathologiques les plus importants identifiés. De plus, nous avons noté la présence de la reviviscence et de l’évitement comme dimensions psychiatriques de base au fil du temps. Parmi celles-ci, l’évitement cognitif et l’évitement émotionnel ont été identifiés et semblent avoir émergés après la catastrophe.
Conclusion Nous avons proposé une nouvelle approche de surveillance syndromique pour la santé mentale basée sur les données numériques qui peut soutenir les approches conventionnelles en fournissant des informations supplémentaires utiles dans le contexte d’une catastrophe. D’autres études sont nécessaires pour mieux contrôler les biais, identifier les associations avec des instruments valides et explorer des méthodes de calcul pour un ajustement continu du modèle d’analyse assisté par IA.
EN :
Objectives Natural disasters have a significant impact on mental health. Data collected from the population offer a unique opportunity for post-disaster monitoring to help identify psychological support needs. The aim of this study is: 1) to identify psychopathological aspects for the county of Prêcheur at risk from lahars (volcanic lava), and 2) to phenotype psychopathological aspects from data collected from the population.
Method We applied an artificial intelligence (AI) assisted psycho-phenotyping method to data from 40 people over a 20-month period, to extract psychopathological and psychiatric aspects linked to traumatic natural hazards. These were then compared with the results of psychometric tests measuring overall mental health and post-traumatic stress.
Results Rumination and negativation were among the most important psychopathological aspects identified. In addition, we noted the presence of re-experiencing and avoidance as core psychiatric dimensions over time. Among these, cognitive avoidance and emotional avoidance were found and seem to have emerged after the disaster.
Conclusion We have proposed a new syndromic surveillance approach for mental health based on digital data that can support conventional approaches by providing additional useful information in the context of a disaster. Further studies are needed to better control bias, identify associations with valid instruments, and explore computational methods for continuous adjustment of the AI-analysis model.
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Perceptions des professionnels face à l’implantation d’autosoins dirigés dans le cadre du Programme québécois pour les troubles mentaux
Quentin Bet, Alexane Gilbert, Juliette Bergeron, Isabelle Fournel, Josée Savard, Guillaume Foldes-Busque et Martin D. Provencher
p. 99–122
RésuméFR :
Objectif Les troubles mentaux fréquents tels que les troubles anxieux et la dépression ont de nombreuses conséquences tant individuelles que sociétales. Différents traitements s’offrent aux personnes ayant ces diagnostics, notamment la médication et la psychothérapie cognitive comportementale. Lorsque la sévérité de ces troubles est légère ou modérée, la psychothérapie est la recommandation de première ligne, étant donné sa plus grande efficacité à long terme comparativement à la pharmacothérapie. Ce n’est pourtant pas ce qui est observé dans la pratique : la médication est en effet beaucoup plus utilisée que la psychothérapie, l’accessibilité de cette dernière étant fortement réduite par de longues listes d’attentes. Une alternative à ces difficultés d’accessibilité est le modèle de soins par étapes, qui inclut les autosoins dirigés. Ces derniers sont des interventions de faible intensité qui permettent le traitement de plus de personnes avec moins de ressources (p. ex. un nombre moins élevé de rencontres avec un professionnel). Le Programme québécois pour les troubles mentaux (PQPTM) est un modèle de soins par étapes récemment implanté au Québec. L’objectif de la présente étude est de recueillir les perceptions de travailleurs sociaux (TS) dans un Centre intégré (universitaire) de santé et de services sociaux (CI[U]SSS) sur l’implantation d’autosoins dirigés dans le cadre du PQPTM.
Méthode Pour ce faire, 3 groupes de discussion d’environ 1 h 30 ont été effectués avec 13 TS. Les données ont été codifiées puis analysées selon une approche qualitative thématique inductivo-déductive, à partir du Consolidated Framework for Implementation Research (CFIR) et des réponses des participants, obtenues lors des groupes de discussion.
Résultats Les barrières et facilitateurs à l’implantation des autosoins dirigés du PQPTM identifiés relèvent de différents construits du CFIR : caractéristiques de l’intervention (p. ex. le monitorage, le type d’autosoin), paramètres internes à l’implantation (p. ex. la formation, les contraintes organisationnelles), caractéristiques des intervenants (p. ex. l’expérience, le temps d’appropriation), caractéristiques des usagers (p. ex. l’âge, la personnalité) et processus (p. ex. l’intégrité du contenu des autosoins, la supervision). Les résultats de cette étude qualitative démontrent que les TS ont des perceptions et opinions variées sur les autosoins dirigés du PQPTM : 64 % des thèmes abordés regroupent des commentaires nuancés alors que 25 % de ces thèmes étaient considérés exclusivement comme des barrières et 11 %, exclusivement comme des facilitateurs.
Conclusion Ces résultats apportent un éclairage sur les facteurs pouvant contribuer au succès de l’implantation des autosoins dirigés du PQPTM au Québec dans le but d’améliorer celle-ci au coeur du CI(U)SSS concerné et dans d’autres milieux québécois. En ce sens, plusieurs recommandations sont émises, entre autres, accentuer la planification en amont des implantations à venir, maintenir un accès durable à la formation et à la supervision, ou encore garantir la disponibilité et l’impression des guides d’autosoins.
EN :
Objective Common mental disorders, such as anxiety and depression, have many individual and societal consequences. Various treatments are available for people with these diagnoses, including medication and cognitive behavioral therapy. When these disorders are mild or moderate, psychotherapy is the recommended first-line treatment, given its greater long-term efficacy than pharmacotherapy. However, this is not what is observed in practice: medication is much more widely used than psychotherapy, the latter’s accessibility being greatly reduced by long waiting lists. An alternative to these accessibility difficulties is the stepped-care model, which includes guided self-help. These are low-intensity interventions that enable more people to be treated with fewer resources (e.g., fewer meetings with a professional). The Programme québécois pour les troubles mentaux (PQPTM; Quebec Program for Mental Disorders) is a stepped-care model recently implemented in some settings in Quebec. The aim of this study is to gather the perceptions of social workers (SWs) in a Centre intégré (universitaire) de santé et de services sociaux (CI[U]SSS; Community mental health center) on the implementation of the PQPTM guided self-help.
Methods To this end, three focus groups of approximately 1h30 were conducted with 13 SWs. The data were coded and analyzed using a thematic qualitative inductive-deductive approach, based on the Consolidated Framework for Implementing Research (CFIR) and the participants’ responses obtained during the focus groups.
Results The barriers and facilitators to PQPTM guided self-help implementation identified relate to different CFIR constructs: intervention characteristics (e.g., monitoring, type of self-help), internal implementation parameters (e.g., training, organizational pressures), caregiver characteristics (e.g., experience, appropriation time), user characteristics (e.g., age, personality) and process (e.g., treatment integrity, supervision). The results of this qualitative study show that SWs have varied perceptions and opinions of the PQPTM guided self-help: 64% of the themes discussed were nuanced, while 25% were considered exclusively as barriers and 11% exclusively as facilitators.
Conclusion These results shed light on the factors that can contribute to the successful implementation of the PQPTM guided self-help in Quebec, with a view to improving it at the heart of the specific CI(U)SSS of the current study and in other mental health centers in Quebec. Several recommendations are made in this respect: for example, to increase upstream planning for future implementations, to maintain access to training and supervision, and to guarantee the availability and printing of self-help guides.
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Les expériences en logement des personnes en début de parcours d’utilisation de services psychiatriques : spécificités et enjeux développementaux
Laurence Roy, Amal Abdel Baki, Anne Crocker, Luigi De Benedictis, Éric Latimer, Esther Thibeault, Félix-Antoine Bérubé et Marc-André Roy
p. 123–144
RésuméFR :
Objectifs L’accès à un logement stable, abordable et sécuritaire constitue un déterminant important de la santé et de l’intégration dans la communauté des personnes ayant un trouble mental. Les études sur la satisfaction, la stabilité et les préférences résidentielles des personnes ayant un trouble mental ont surtout porté sur les expériences de celles ayant de longs parcours des services psychiatriques. Les personnes en début de parcours d’utilisation des services psychiatriques, en particulier les jeunes, peuvent présenter des besoins distincts en matière de logement. La présente étude visait à explorer les expériences en logement des nouveaux utilisateurs de services psychiatriques et à identifier les facilitateurs et les obstacles à leur stabilité résidentielle.
Méthodes Le projet AMONT est une étude de cohorte longitudinale à devis mixte portant sur les trajectoires résidentielles au cours des 36 mois suivant un premier contact avec les services de psychiatrie au Québec. Le volet qualitatif consiste en une étude qualitative descriptive. Quatorze personnes en début de parcours d’utilisation des services psychiatriques ont été rencontrées lors d’entrevues individuelles semi-structurées.
Résultats Les résultats de l’analyse thématique révèlent comment l’émergence du trouble mental et les premiers contacts avec les services s’accompagnent de transformations dans la sphère résidentielle et, pour plusieurs, d’instabilité résidentielle. L’instabilité peut survenir en continuité avec des parcours de vie déjà difficiles ou en raison des ruptures occasionnées par le trouble mental émergent. Le soutien social de la part des proches apparaît dans les entrevues comme le principal facteur de protection lié à la stabilité résidentielle. La satisfaction résidentielle est quant à elle associée à des besoins souvent en opposition, le logement répondant ou non à des besoins d’intimité, de sécurité, de socialisation, de protection, de réalisation des activités quotidiennes et d’intégration dans la communauté. Enfin, les enjeux développementaux propres aux jeunes, en début de parcours dans les services psychiatriques, influencent la stabilité et la satisfaction résidentielles. Le logement devient alors également le reflet et le lieu d’expérimentation d’une identité adulte en construction et en consolidation.
Conclusion Les résultats soulignent l’importance d’adopter une logique de prévention de l’itinérance chez les personnes vivant un premier épisode de trouble mental, en particulier les jeunes présentant des parcours d’adversité précoce. Plusieurs approches existantes pourraient être adoptées et consolidées dans une telle logique : concertation intersectorielle entre les acteurs impliqués dans les trajectoires des personnes ayant un trouble mental émergent, approches familiales en intervention précoce, soutien par les pairs, repérage des multiples formes d’instabilité résidentielle. L’adaptation des pratiques aux enjeux développementaux propres aux jeunes adultes semble un élément clé de la prévention de l’itinérance chez cette population.
EN :
Objectives Access to stable, safe, and affordable housing is an important determinant of health and community integration among people living with mental illness. Previous studies on housing stability, housing satisfaction and residential preferences among people living with mental illness have primarily been conducted among those with extensive service use experiences. First-time mental health service users, and youth in particular, are likely to present with distinct housing needs. The current study aimed to explore the housing experiences of new mental health service users, as well as the perceived obstacles and facilitators to their residential stability.
Methods Projet AMONT is a longitudinal mixed-methods cohort study on the residential trajectories of service users in the 36 months after their initial contact with psychiatric services. The qualitative component consisted in a qualitative descriptive study. Semi-structured individual interviews were conducted with fourteen individuals at the beginning of their service use trajectory.
Findings The thematic analysis uncovered how the emergence of mental illness and initial contacts with psychiatric services are associated with transformations in the area of housing and, for many, with housing instability. This instability might occur in continuity with adverse early life trajectories, or through the disruption caused by the emergence of mental illness. Informal social support emerged as the main protective factor against housing instability. Housing satisfaction was associated with multiple and sometimes conflicting needs regarding privacy, safety, social interactions, response to basic needs, performance of activities of daily living, and community integration. The specific developmental issues of youth at the beginning of their service use trajectories influence housing stability and satisfaction. Their housing then becomes a reflection of and laboratory for identity exploration and consolidation.
Conclusion The findings highlight the importance of adopting a homelessness prevention lens among people living with a first episode of mental illness, particularly youth with adverse early life trajectories. Many existing approaches could be implemented or strengthened: cross-sector partnerships with all actors present in the trajectories of people with emerging mental illness; family approaches in early intervention, peer support, and screening for unstable housing situations. Adapting practices to the specific developmental characteristics of youth seem to be a key for homelessness prevention for this population.
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Addiction aux substances psychoactives chez les médecins résidents au Maroc : étude transversale multicentrique
Sara Echater, Mohammed Hasnaoui et Mohammed Barrimi
p. 145–162
RésuméFR :
Introduction L’usage des substances psychoactives chez les médecins résidents est un problème sous-estimé, mal connu et grave en raison de ses conséquences négatives sur la santé des médecins ainsi que pour la santé et la sécurité des patients dont ils ont la charge.
Objectif L’objectif de ce travail est d’étudier la prévalence et les facteurs associés à la consommation des substances psychoactives (SPA) chez les médecins résidents au niveau des différents centres hospitaliers universitaires du Maroc.
Méthode Nous avons réalisé une étude transversale multicentrique descriptive et analytique portant sur les médecins résidents des 7 centres hospitaliers universitaires du Maroc. Les médecins résidents ont été sollicités à participer de manière volontaire en remplissant un autoquestionnaire anonyme sur Google Forms, lequel leur a été envoyé par courriel.
Résultats Le questionnaire a été rempli par 310 médecins résidents, soit 11,07 % de la population totale des médecins résidents au Maroc. Parmi les participants, 16,1 % (n = 50) ont déclaré consommer une ou plusieurs substances psychoactives, dont 11,1 % (n = 37) du tabac, 10 % (n = 31) de l’alcool et 6,1 % (n = 19) du cannabis. Les consommations d’ectasy et de cocaïne ont été observées chez 0,7 % (n = 2) pour chaque substance. En outre, 11,9 % (n = 37) des médecins résidents ont des troubles psychiatriques, et 3,2 % (n = 10) ont déjà fait au moins une tentative de suicide. La consommation de substances psychoactives chez les médecins résidents était statistiquement significativement associée au sexe masculin (4,59 [2,20-9,57] ; p = 0,000), ainsi qu’à la spécialité chirurgicale (0,48 [0,26-0,88] ; p = 0,017).
Conclusion Au terme de ce travail, nous avons constaté que la consommation des substances psychoactives est fréquente chez les médecins résidents d’où la nécessité des mesures de prévention et de soutien adaptées pour ces derniers.
EN :
Introduction Substance use among resident physicians is an underestimated, poorly understood, and serious problem because of its negative consequences for the health of physicians and also for the health and safety of the patients in their care.
Objective To estimate the prevalence and identify factors associated with addictive behaviors among resident physicians at different university hospitals in Morocco.
Method We conducted a multicenter cross-sectional descriptive and analytical study involving resident doctors from the 7 university hospital centers in Morocco. Resident doctors were invited to participate voluntarily in the study by completing an anonymous self-questionnaire created on Google Forms and sent via email.
Results The questionnaire was completed by 310 resident physicians, representing 11.07% of the total population of resident physicians in Morocco. Among the participants, 16.1% (n=50) reported consuming one or more psychoactive substances, including 11.1% (n=37) for tobacco, 10% (n=31) for alcohol, and 6.1% (n=19) for cannabis. The consumption of ecstasy and cocaine was observed in 0.7% (n=2) for each substance. Additionally, 11.9% (n=37) of resident physicians had psychiatric disorders, and 3.2% (n=10) had attempted suicide at least once. The consumption of psychoactive substances among resident physicians was statistically significantly associated with the male gender (4.59 [2.20-9.57]; p=0.000), as well as with surgical specialty (0.48 [0.26-0.88]; p=0.017).
Conclusion At the end of this work, we found that the use of psychoactive substances is frequent among resident doctors, which explains the need for preventive measures and appropriate management.
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Nouvel outil pédagogique de simulation 3D d’hallucinations auditives, cocréé avec des entendeur(-se)s de voix : étude pilote auprès des résident(e)s en psychiatrie
Kevin Zemmour, Laurie Pelletier, Sandrine Rousseau, Serge Tracy, Catherine Lejeune, Alain Berry, Sofian Audry, Kevin Whittingstall, Sylvain Grignon et Philippe-Aubert Gauthier
p. 163–193
RésuméFR :
Objectif La relation thérapeutique est un des piliers du traitement de la schizophrénie. Cependant, certains facteurs personnels du côté des psychiatres peuvent entraver celle-ci, notamment le fait de ne jamais avoir eu l’expérience d’hallucinations auditives. De tels facteurs peuvent conduire à une diminution de l’empathie et donc à une altération négative de la relation thérapeutique. Des études antérieures ont montré que les simulateurs d’hallucinations auditives avaient un impact positif sur les professionnel(-le)s de la santé mentale. Pourtant, à notre connaissance, aucun test de ce type n’a été conduit sur la population de résident(e)s en psychiatrie. Pour répondre à cette lacune, une équipe de recherche fut mis en place : comprenant des entendeur(-se)s de voix, des psychiatres, des chercheurs en génie acoustique, des chercheurs en recherche qualitative et des acteur(-trice)s - auteur(-trice)s. Cette équipe a cocréé le premier simulateur de voix en trois dimensions (simulateur 3DV) en utilisant la technologie sonore de reproduction binaurale. L’objectif de cette étude pilote est d’évaluer la réaction des résident(e)s en psychiatrie à ce simulateur 3DV.
Méthodes Dans cette étude exploratoire et descriptive, des résident(e)s en psychiatrie (n = 12) ont été inclu(e)s et ont été invité(e)s à écouter le simulateur 3DV pendant 15 minutes. L’empathie a été évaluée avant et après la simulation 3DV par le Jefferson Scale of Physician Empathy (JSPE ©), une échelle pour évaluer l’empathie chez les professionnel(le)s de santé. À la suite de la simulation, les participant(e)s furent invité(e)s à répondre un court entretien semi-dirigé qui se limitait à une question ouverte et générale sur leurs vécus et expériences, et à quelques questions additionnelles.
Résultats Les participant(e)s (83,3 %) ont trouvé que le simulateur 3DV était intéressant et utile. Ces dernier(e)s ont perçu la simulation comme une aide pour mieux comprendre l’expérience des patient(e)s et mieux s’identifier à leur vécu. Notre étude n’a pas trouvé de différence statistiquement significative dans le score total du JSPE© avant et après la simulation (p = 0,797).
Conclusion Cet article répond au besoin d’améliorer l’empathie des résident(e)s en psychiatrie envers les personnes qui souffrent d’hallucinations auditives. Une des originalités de ce projet pilote est la façon dont le simulateur a été conçu. À notre connaissance, il s’agit du premier simulateur de voix créé par une équipe multidisciplinaire et inclusive qui implique des entendeur(-euse)s de voix dans l’ensemble du processus de recherche. Les résultats de cette étude pilote présentés dans cet article soulignent la nécessité d’améliorer continuellement les interventions pédagogiques pour soutenir le développement de l’empathie des résident(e)s en psychiatrie. Ceux-ci suggèrent également que le simulateur 3DV a été bien accueilli par les résident(e)s, ce qui encourage la réalisation d’études à de plus grandes échelles.
EN :
Objective Therapeutic relationship is a cornerstone in the treatment of schizophrenia. However, certain personal factors on the part of psychiatrists can hinder it, notably the lack of experience with auditory hallucinations. Such factors can lead to a decrease in empathy and, consequently, a negative alteration in the therapeutic relationship. Previous studies have shown that auditory hallucination simulators have a positive impact on mental health professionals. Yet, to our knowledge, no such test has been conducted on the psychiatry resident population. To address this gap, a research team was formed, including voice hearers, psychiatrists, acoustical engineering researchers, qualitative research experts, and actor-authors. This team collaboratively created the first three-dimensional voice simulator (3DV simulator) using binaural sound reproduction technology. The objective of this pilot study is to evaluate the reaction of psychiatry residents to this 3DV simulator.
Methods In this exploratory and descriptive study, psychiatry residents (n=12) were included and invited to listen to the 3DV simulator for 15 minutes. Empathy was assessed before and after the 3DV simulation using the Jefferson Scale of Physician Empathy (JSPE©), a scale to evaluate empathy in healthcare professionals. Following the simulation, participants were invited to participate in a brief semi-structured interview consisting of an open-ended and general question about their experiences, along with additional questions.
Results Participants (83.3%) found the 3DV simulator interesting and useful. They perceived the simulation as an aid to better understand the patients’ experience and to better identify with their lived realities. Our study did not find a statistically significant difference in the total JSPE© score before and after the simulation (p = 0.797).
Conclusion This article addresses the need to enhance the empathy of psychiatry residents towards individuals suffering from auditory hallucinations. One uniqueness of this pilot project is how the simulator was designed collaboratively by a multidisciplinary and inclusive team involving voice hearers throughout the research process. The results of this pilot study presented in this article underscore the necessity of continually improving educational interventions to support the development of empathy among psychiatry residents. They also suggest that the 3DV simulator was well-received by the residents, encouraging the conduct of larger-scale studies.
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Itinérance et santé mentale en région : mon expérience de psychiatre-dépanneur