Volume 46, numéro 2, automne 2021 Premiers épisodes psychotiques : défis pratiques de l’intervention précoce Sous la direction de Amal Abdel-Baki et Marc-André Roy Avec la collaboration de Marc Corbière et Nadine Larivière
Sommaire (18 articles)
Éditorial
Présentation
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De Kraepelin à McGorry : vision scientifique et récit expérientiel autour d’un changement de paradigme majeur
Marc-André Roy, David Olivier et Amandine Cambon
p. 23–43
RésuméFR :
Objectifs Jusqu’au début des années 1990 prévalait une vision pessimiste des troubles psychotiques, nourrie par la perspective kraepelinienne. L’intervention précoce a alors introduit un nouveau paradigme, abordant les psychoses comme un phénomène plus malléable, pour lequel le rétablissement est possible, pour peu qu’on utilise une approche appropriée. Ce paradigme n’ayant pas pénétré tous les champs de la psychiatrie, les professionnels commençant en intervention précoce vivent parfois un véritable choc culturel, l’objectif de cet article étant d’en cartographier les contours, afin de faciliter cette transition.
Méthodes Sur la base de leur connaissance de la littérature et leur expérience clinique, les auteurs font ressortir les aspects qui distinguent la pratique de l’intervention précoce de la pratique traditionnelle avec les troubles psychotiques. Ils adoptent une approche expérientielle de ces thématiques, les abordant non seulement à la lumière de la littérature scientifique, mais aussi et surtout à la première personne du singulier.
Résultats Les aspects identifiés, et qui ont fait consensus entre les trois auteurs, ont été regroupés selon 7 thématiques : 1. L’adoption d’une pratique axée sur le rétablissement et le rejet de la vision pessimisme des troubles psychotiques, qui recentrent la pratique sur les objectifs de vie de la personne, ceci s’accompagnant d’un style d’approche différent ; 2. La transdisciplinarité et le métissage des expertises, que ce soit avec les autres membres des équipes, les organismes communautaires et les familles, ce qui nécessite humilité et ouverture ; 3. Les changements quant à l’approche pharmacothérapeutique, caractérisée par une attention accrue aux effets indésirables, l’utilisation de doses moins élevées, une utilisation proactive de la clozapine et l’utilisation fréquente des antipsychotiques injectables à longue action ; 4. La nécessité de tolérer une certaine incertitude diagnostique eu égard aux difficultés à poser un diagnostic précis, et la présence de comorbidités complexes qui viennent brouiller le tableau ; 5. La pression liée à la période critique, caractérisée par des enjeux importants, tel le risque de suicide ou de désinsertion sociale, qui entraînent une pression sur le clinicien ; 6. L’importance des relais dans la trajectoire de soins, notamment entre la psychiatrie de l’adolescence et celle des adultes, puis entre l’intervention précoce vers d’autres services ; 7. La résistance au changement à laquelle fait parfois face l’intervention précoce, son importance n’étant pas toujours reconnue, et son implantation pouvant bousculer les services en place.
Conclusion Les différences entre le mode traditionnel de pratique auprès des personnes composant avec un trouble psychotique et celui de l’intervention précoce sont multiples ; si elles représentent autant de défis, elles sont aussi des sources de stimulation et de satisfaction considérables.
EN :
Objectives Until the early 1990s, a pessimistic view of psychotic disorders, based on the Kraepelinian perspective, prevailed. Early intervention then introduced a new paradigm, approaching psychosis as a more dynamic phenomenon, for which recovery is possible, provided an appropriate approach is used. As this paradigm has not penetrated all fields of psychiatry, professionals starting in early intervention sometimes experience a real culture shock, the objective of this article being to map its contours in order to facilitate this transition.
Methods Based on their knowledge of the literature and their clinical experience, the authors will highlight the aspects that distinguish early intervention practice from traditional practice with psychotic disorders. They adopt an experiential approach to these themes, addressing them not only in light of the scientific literature, but also and especially in the first person of the singular.
Results The aspects identified and agreed upon by the three authors were grouped into seven themes: 1. the adoption of a recovery-oriented practice and the rejection of the pessimistic view of psychotic disorders, which refocuses practice on the person’s life goals; this is accompanied by a different style of approach; 2. Transdisciplinarity and cross-fertilization of expertise with other team members, community organizations and families, which requires humility and openness; 3. Changes in the pharmacotherapeutic approach, characterized by increased attention to adverse effects (e.g., treatment-induced negative symptoms), the use of lower doses, and the proactive use of clozapine and long-acting injectable antipsychotics; 4. The need to tolerate some diagnostic uncertainty given the difficulties in making an accurate diagnosis, and the presence of complex co-morbidities that blur the picture; 5. The high stakes of the critical period, characterized by high stakes, such as the risk of suicide or social disinsertion, which put pressure on the clinician; 6. The importance of relays in the care trajectory, particularly between adolescent and adult psychiatry, and then between early intervention and other services; 7. The resistance to change that early intervention sometimes faces, as its importance is not always recognized, and its implementation can challenge existing services.
Conclusion The differences between the traditional mode of practice with persons with a psychotic disorder and that of early intervention are numerous; while they represent challenges, they are also sources of considerable stimulation and satisfaction.
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Détection et intervention précoce pour la psychose : pourquoi et comment ?
Bastian Bertulies-Esposito, Roxanne Sicotte, Srividya N. Iyer, Cynthia Delfosse, Nicolas Girard, Marie Nolin, Marie Villeneuve, Philippe Conus et Amal Abdel-Baki
p. 45–83
RésuméFR :
Objectifs Cet article vise à résumer les étapes déterminantes du développement du modèle de détection et d’intervention précoce pour la psychose des 30 dernières années, et à recenser les écrits fondamentaux permettant d’identifier ses composantes essentielles et son efficacité.
Méthode Revue narrative de la littérature portant sur le développement international du modèle et contribuant à préconiser cette approche d’intervention chez les jeunes souffrant d’un premier épisode psychotique (PEP). Elle porte également sur diverses lignes directrices internationales et canadiennes révélant le consensus sur les composantes essentielles du modèle des programmes d’intervention pour premiers épisodes psychotiques (PPEP) et sur leur efficacité. Les enjeux et solutions pratiques pour faciliter l’implantation des différentes composantes essentielles seront présentés. L’accent est mis plus particulièrement sur le développement des PPEP dans le contexte québécois.
Résultats Les PPEP, appuyés sur un modèle développé au début des années 1990, sont aujourd’hui disséminés mondialement et déployés à grande échelle dans certains endroits, tels qu’au Royaume-Uni et au Québec. Leur propagation progressive a été favorisée par les efforts déployés pour en déterminer les objectifs principaux et les composantes essentielles pour atteindre ces objectifs, et par plusieurs études démontrant leur efficacité.
Parallèlement au changement de philosophie, vers une vision plus optimiste et nourrissant l’espoir, les PPEP ont mis l’accent sur 2 objectifs interreliés : réduire les délais de traitement (ou la durée de psychose non traitée) et maximiser l’engagement au suivi spécialisé adapté aux besoins spécifiques des jeunes sur le plan développemental et en fonction du stade du trouble psychotique. Une méta-analyse (2018) démontre la supériorité des PPEP comparativement au traitement usuel notamment sur le nombre d’hospitalisations, de rechutes symptomatiques, l’arrêt de traitement, le fonctionnement vocationnel et social. S’appuyant sur ces études et des consensus d’experts, plusieurs juridictions à travers le monde ont développé des lignes directrices afin d’assurer le respect de ces composantes essentielles associées à l’efficacité de l’intervention, tout en considérant la réalité de leur territoire. Parmi ces composantes sont priorisées : un accès rapide et facile, des soins et services adaptés aux jeunes, des interventions de proximité permettant la détection et la référence précoces, une pluralité d’interventions biopsychosociales (pharmacothérapie, psychothérapie cognitivo-comportementale, éducation psychologique, interventions familiales, interventions intégrées pour l’abus de substances, soutien à l’emploi et à l’éducation), une approche de prise de décision partagée et l’approche de case management intensif adaptée aux PEP, dans une équipe interdisciplinaire. L’évaluation continue des services éclaire les décisions cliniques et d’amélioration de la qualité des soins.
Conclusion Le modèle PPEP s’est développé progressivement et la recherche en a démontré l’efficacité. Une dissémination du modèle doit être fidèle aux valeurs fondamentales et aux différentes composantes essentielles pour en assurer l’efficacité et instiller l’espoir d’un rétablissement possible pour ces jeunes et leurs familles.
EN :
Objectives This article aims to synthesize the critical stages in the development of early detection and intervention services (EIS) for psychosis over the past 30 years, and to review key literature on the essential components and effectiveness of these programs.
Method We conducted a narrative review of the literature on the international development of EIS leading to its endorsement as a service delivery model for young people with first-episode psychosis (FEP). We also reviewed various international and Canadian guidelines to identify consensus about the essential components of EIS for psychosis and their effectiveness. Challenges to the implementation of these different essential components are presented, along with practical solutions to addressing them. A particular emphasis is placed on implementing EIS in the Quebec context.
Results Based on a model developed in the early 1990s, EIS for psychosis have now been disseminated worldwide and are deployed on a large scale in some regions, such as the United Kingdom and Quebec. The model’s gradual expansion has been facilitated by efforts to identify its main objectives and the components essential to achieve them, and by several studies demonstrating its effectiveness.
Along with an important philosophical shift to optimism and hope, EIS have typically focused on the twin aims of reducing treatment delay (or the duration of untreated psychosis) and enhancing engagement in specialized, phase-specific, developmentally appropriate treatment. A meta-analysis (published in 2018) demonstrated the superiority of EIS for psychosis compared to standard treatment on several outcomes including hospitalizations, relapse of symptoms, treatment discontinuation, and vocational and social functioning. Based on these studies and expert consensus, many jurisdictions around the world have developed guidelines to ensure compliance with essential components that are associated with the effectiveness of EIS, while accounting for their contextual realities. The components that have been prioritized include outreach to enable early identification and referral; rapid access to care and youth-friendly services; a range of biopsychosocial interventions (pharmacotherapy, cognitive behavioral therapy, psychoeducation, family interventions, integrated substance use interventions, employment and educational support); a shared-decision making approach; and the intensive case management approach adapted to FEP, which are all delivered by an interdisciplinary team. There is also increasing acknowledgement of the value of continuous evaluation that informs treatment decision-making and quality improvement.
Conclusion EIS for psychosis have developed gradually and research has demonstrated its effectiveness. Disseminating the model in ways that ensure fidelity to its core values and the implementation of its essential components is needed to ensure effectiveness; and instill hope for recovery and improve the quality of lives of young people with psychosis and their families.
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L’état mental à risque : au-delà de la prévention de la psychose
Jean-François Morin, Jean-Gabriel Daneault, Marie-Odile Krebs, Jai Shah et Alessandra Solida-Tozzi
p. 85–112
RésuméFR :
Objectifs Cet article vise à contextualiser et réviser les interventions auprès des patients avec un état mental à risque de psychose (EMR-P).
Méthode Il s’agit d’une synthèse des écrits portant sur l’EMR-P, plus précisément sur le développement des critères qui le définissent, l’évolution des patients qui en souffrent, les principales interventions étudiées jusqu’à maintenant et les services cliniques développés à ce jour.
Résultats Les critères qui définissent l’EMR-P ont été développés à partir des observations sur le prodrome des troubles psychotiques, pour prévenir ou retarder le début de la psychose. Ces critères permettent d’identifier 3 grands groupes de patients qui demandent de l’aide parce qu’ils sont souffrants et présentent des problèmes de fonctionnement. L’évaluation diagnostique demeure une étape cruciale qui comporte certains défis pour les cliniciens. Une proportion significative des patients avec un EMR-P ne développera pas de trouble psychotique. L’évolution peut toutefois être défavorable même lorsqu’il n’y a pas développement d’un trouble psychotique. Certaines interventions ont heureusement été étudiées pour améliorer l’état clinique des patients EMR-P. Elles se divisent principalement en 2 catégories : les approches psychosociales et la pharmacothérapie. Des initiatives cliniques visant à évaluer et offrir un soutien à ces patients ont vu le jour dans le monde, dont en Suisse, en France et au Canada. Plusieurs facteurs, notamment l’organisation du système de santé, influencent la mise en place et l’intégration de ces services au sein des structures existantes. Sachant qu’une faible proportion des patients EMR-P évoluera vers un trouble psychotique, il serait pertinent d’offrir les interventions dans des lieux non stigmatisants et adaptés pour les jeunes, possiblement distincts des cliniques pour les premiers épisodes psychotiques.
Conclusion Les interventions auprès des patients EMR-P vont bien au-delà de la prévention de la psychose. Elles répondent à des besoins cliniques légitimes. Une réflexion s’impose pour les déployer adéquatement dans les lieux les plus appropriés.
EN :
Objectives This article aims to contextualize and review interventions for patients with a clinical high-risk (CHR) state for psychosis.
Method This review explores the literature on the CHR state and focuses more precisely on the development of its defining criteria, the evolution of CHR patients, the main interventions studied so far, and the clinical services implemented to date.
Results The CHR criteria were developed from observations on the prodrome of psychotic disorders to prevent or delay the onset of psychosis. These criteria help defining three distinct groups of patients who seek help because of significant distress and functional impairments. The diagnostic evaluation remains a critical step that represents a challenge for clinicians. A significant proportion of CHR patients will not develop a psychotic disorder. And the course can be unfavorable even if there is no conversion to a psychotic disorder. In order to improve the clinical conditions of CHR patients, several interventions have been developed and studied. They fall into two main categories: psychosocial approaches and pharmacotherapy. Clinical initiatives to assess and provide support to these patients have emerged around the world, including in Switzerland, in France, and in Canada. The implementation and the integration of these services within existing health care system are influenced by several factors, including the organization of health care structures. Knowing that only a small proportion of CHR patients will progress to a psychotic disorder, it is relevant to offer these interventions in non-stigmatizing and youth-friendly places. These services would possibly be distinct from first-episode psychosis programs.
Conclusion Interventions for CHR patients go well beyond the prevention of psychosis. They meet legitimate clinical needs. We must think about how to deploy them adequately in the most appropriate places.
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Une approche de la psychopharmacologie des premiers épisodes psychotiques axée sur le rétablissement
Laurent Béchard, Olivier Corbeil, Esthel Malenfant, Catherine Lehoux, Emmanuel Stip, Marc-André Roy et Marie-France Demers
p. 113–137
RésuméFR :
Objectifs Les personnes composant avec un premier épisode psychotique (PEP) sont peu représentées dans les essais cliniques menant à l’homologation des médicaments. En conséquence, il existe une relative pénurie de données empiriques pour guider le traitement psychopharmacologique de ces jeunes. Le présent article offre une synthèse de cette littérature, éclairée par l’expérience clinique de traitement des PEP acquise par les auteurs au cours des 25 dernières années.
Méthodes Cette revue sélective de la littérature porte sur le traitement psychopharmacologique des PEP et inclut à la fois les essais randomisés et les études observationnelles. Elle s’organise autour des thèmes suivants concernant les PEP : les taux de réponse et de rémission ; les taux de rechute ; les spécificités relatives à la susceptibilité aux effets indésirables ; les comparaisons entre les diverses molécules et formes pharmaceutiques en regard de l’efficacité, l’innocuité et la prévention de rechute ; les recommandations quant à la durée du traitement ; l’approche dans la résistance au traitement et l’utilisation de la clozapine. Pour chacun de ces thèmes, les données de recherche sont interprétées et complétées par des commentaires inspirés de l’expérience clinique des auteurs, dans une perspective résolument axée sur le rétablissement de la personne.
Résultats La rémission des symptômes est atteinte chez environ 75 % des personnes lors du traitement initial d’un PEP, son maintien étant un très fort prédicteur du rétablissement fonctionnel. Les taux de rechute psychotique pendant les trois années suivant un PEP sont d’environ 60 %, le problème d’adhésion au traitement étant la principale cause de ces rechutes. La population PEP se distingue par une plus grande propension aux effets indésirables, notamment la prise de poids et les réactions extrapyramidales. À l’exception des PEP résistants au traitement, aucune différence claire n’a été démontrée quant à l’efficacité des agents antipsychotiques, mais ils se distinguent quant à leurs effets indésirables et leurs modalités d’administration. À ce titre, l’utilisation des antipsychotiques à action prolongée (APAP) par voie intramusculaire injectable est supérieure aux agents par voie orale pour prévenir les rechutes. Si les lignes directrices recommandent le maintien du traitement pour 18 mois suivant l’atteinte de la rémission, ces recommandations reposent sur des données empiriques encore imprécises, rendant nécessaire le recours à une approche de décision partagée sur cette question. Dans le groupe des personnes n’obtenant pas une réponse satisfaisante après 2 essais d’antipsychotiques, la clozapine est efficace chez jusqu’à 80 % des personnes.
Conclusions La population PEP se distingue par un taux élevé de réponse, des rechutes fréquemment liées à la non-adhésion au traitement et une sensibilité accrue aux effets indésirables. L’ajustement personnalisé du traitement pharmacologique des PEP vise la rémission soutenue de toutes les dimensions des symptômes alliée à une gestion proactive des effets indésirables, y compris à travers une utilisation judicieuse des APAP et de la clozapine.
EN :
Objectives Individuals with first-episode psychosis (FEP) are poorly represented in clinical trials leading to drug approval. As a result, there is a relative paucity of empirical data to guide the psychopharmacological treatment of these youths. This article provides a synthesis of this literature, informed by the authors’ clinical experience in treating FEP over the past 25 years.
Methods This selective review of the literature focuses on the psychopharmacological treatment of FEP and includes both randomized trials and observational studies. It is organized around the following themes for FEP: response and remission rates; relapse rates; specifics regarding susceptibility to adverse events; comparisons of efficacy, safety and relapse prevention among various molecules and dosage forms; recommendations for duration of treatment; approach to treatment resistance; and use of clozapine. For each of these themes, research data are interpreted and supplemented by commentary based on the authors’ clinical experience, with a strong focus on the individual’s recovery.
Results Symptom remission is achieved in approximately 75% of individuals during the initial treatment of a FEP, its maintenance being a very strong predictor of functional recovery. The rate of psychotic relapse during the three years following a FEP is about 60%, the problem of adherence to treatment being the main cause of these relapses. The FEP population is distinguished by a greater propensity for adverse events, including weight gain and extrapyramidal reactions. With the exception of treatment-resistant FEP, no clear difference has been demonstrated in the efficacy of the various molecules, but they do differ in their adverse events profile and formulations. As such, the use of long-acting injectable antipsychotics (LAIs) is superior to oral agents in preventing relapse. While the guidelines recommend continued treatment for 18 months after remission is achieved, these recommendations are based on empirical data that are still unclear, necessitating the use of a shared-decision approach with the patient and his/her family. In the group of people who do not achieve a satisfactory response after two trials of antipsychotics, clozapine is effective in up to 80% of people.
Conclusions The FEP population is characterized by a high response rate, relapses frequently related to non-adherence to treatment, and increased susceptibility to adverse events. Tailoring pharmacological treatment for FEP aims at sustained remission of all symptom dimensions combined with proactive management of adverse events, including through judicious use of LAIs and clozapine.
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Les approches familiales en intervention précoce : repères pour guider les interventions et soutenir les familles dans les programmes d’intervention pour premiers épisodes psychotiques (PPEP)
Marie-Hélène Morin, Anne-Sophie Bergeron, Mary Anne Levasseur, Srividya N. Iyer et Marc-André Roy
p. 139–159
RésuméFR :
Il existe désormais un large consensus sur l’utilité des approches familiales dans les programmes d’intervention précoce en matière de psychose. L’évolution des connaissances sur les premières psychoses et le développement des interventions familiales ont grandement influencé la perception à l’égard des familles dans le processus de rétablissement.
Objectifs Cet article propose un état des connaissances des pratiques en intervention familiale en posant un regard sur l’implication des familles en intervention précoce. Les connaissances issues du parcours des familles constituent la base historique de l’article, alors que celles plus récentes sur les troubles psychotiques et les interventions familiales servent de fondement à son contenu. Les objectifs sont de : 1) documenter les impacts et les besoins spécifiques des familles lors d’un premier épisode psychotique (PEP) ; 2) rappeler les fondements des approches familiales ; 3) guider l’intervention familiale dans les programmes PEP ; 4) soulever les enjeux liés à l’implication des familles en intervention précoce.
Méthode Les connaissances historiques relatives au développement des approches en intervention familiale en santé mentale ont été documentées à partir des travaux des pionniers du domaine de l’intervention familiale, alors que l’état des pratiques actuelles a fait l’objet d’une recension des écrits (modèles et approches d’interventions, efficacité des interventions, enjeux de l’intervention et de l’implication des familles, etc.). Les résultats issus d’études récentes, menées au Québec et ailleurs, posent un regard sur les modalités d’interventions et la contribution des familles dans les équipes d’intervention précoce. Les enjeux liés à l’établissement de pratiques collaboratives, au partage d’informations et au respect de la confidentialité en santé mentale sont abordés.
Résultats Les connaissances issues de la recension des écrits et des travaux de recherche récents sont mises en relief avec le cadre de référence des Programmes d’interventions pour premiers épisodes psychotiques (Cadre PPEP, 2018) et les mesures du Plan d’action en santé mentale (PASM 2015-2020), de même qu’avec les guides internationaux de bonnes pratiques en intervention précoce. Elles permettent d’identifier les acquis et de dégager les moyens à mettre de l’avant afin de poursuivre le développement des pratiques en intervention familiale au Québec.
Conclusion La reconnaissance du rôle incontournable des familles et de leur implication en intervention précoce comporte des défis. Si les interventions familiales ont démontré leur efficacité, tant pour la personne atteinte que pour sa famille, des actions concrètes doivent être mises en place pour soutenir l’implantation de ces pratiques et assurer leur pérennité dans les équipes pour premiers épisodes psychotiques.
EN :
There is now broad consensus on the usefulness of family approaches in early intervention programs. The evolution of knowledge about early psychosis and the development of family interventions have greatly influenced the perception of families in the recovery process.
Objectives This article proposes a state of knowledge of family intervention practices by looking at family involvement in early intervention. Knowledge from the family journey constitutes the historical basis of the article, while more recent knowledge about psychotic disorders and family intervention form the basis of the article’s content. The objectives are to: 1) document the specific impacts and needs of families during a first episode of psychosis (FEP); 2) review the main approaches in family intervention; 3) guide the application of family interventions in FEP programs and 4) raise issues related to family involvement in early intervention.
Method Historical knowledge on the development of family intervention approaches in mental health was documented from the work of pioneers in the field of family intervention, while the state of current practices has been the subject of a literature review (intervention models and approaches, effectiveness of interventions, issues of intervention and family involvement, etc.). Results from recent studies conducted in Quebec and elsewhere provide an overview of intervention methods and the contribution of families in early intervention teams. Issues related to the establishment of collaborative practices, information sharing and respect for confidentiality in mental health are addressed.
Results Knowledge from the literature review and recent research is highlighted in relation to the First Episode Psychosis Intervention Programs Framework (Cadre PPEP, 2018) and the Mental Health Action Plan measures (PASM 2015-2020), as well as to international best practice guidelines for early intervention. They identify what has been achieved as well as ways to move forward in order to continue developing family intervention practices in Quebec.
Conclusion Recognition of the essential role of families and their involvement in early intervention presents challenges. While family interventions have demonstrated their effectiveness, both for the person with the disorder and for their family, actions must be taken to support the implementation of these practices and ensure their sustainability in early intervention teams.
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La réinsertion professionnelle et le retour aux études chez les personnes en début d’évolution d’un trouble psychotique
William Pothier, Tania Lecomte, Caroline Cellard, Cynthia Delfosse, Stéphane Fortier et Marc Corbière
p. 161–187
RésuméFR :
Introduction La réinsertion socioprofessionnelle est un objectif régulièrement mis de l’avant par les personnes en début d’évolution d’un trouble psychotique. Malgré tout, les taux d’emploi sont faibles chez cette population et des taux de décrochages scolaires élevés subsistent.
Objectifs et méthode. Cette synthèse des écrits scientifiques basée sur les méta-analyses et études récentes vise à faire le point sur les éléments déterminants de la réinsertion professionnelle et du retour aux études pour des personnes en début d’évolution d’un trouble psychotique. Les obstacles et les facilitateurs à la réinsertion socioprofessionnelle, les programmes étudiés, notamment les programmes de soutien à l’emploi et aux études, et les interventions complémentaires aux programmes de soutien sont présentés. De plus, les concepts clés sont illustrés par l’utilisation de vignettes cliniques chez cette clientèle.
Résultats Plusieurs obstacles et déterminants à la réinsertion socioprofessionnelle et scolaire chez cette population, entre autres des facteurs individuels (p. ex. histoire d’emploi, durée d’absence du marché du travail, symptômes négatifs et cognitifs, motivation) et environnementaux (p. ex. disponibilité des programmes de soutien à l’emploi, compétences du conseiller spécialisé, prestation d’aide sociale, attitude de l’employeur), sont présentés. Le programme de soutien à l’emploi accumulant le plus de données probantes est l’Individual Placement and Support (IPS) ; ce programme est fréquemment utilisé au Québec. L’IPS met notamment l’accent sur la recherche d’un emploi compétitif, le placement rapide sur le marché du travail et la collaboration entre le conseiller spécialisé, le client et l’employeur. Le programme de soutien aux études de Mowbray, ainsi que l’IPS adapté aux études, permettent de répondre plus spécifiquement aux besoins des personnes en début d’évolution d’un trouble psychotique qui visent le retour aux études. Deux exemples cliniques de programmes offerts au Québec sont décrits dans le présent article. Malgré des résultats intéressants de ce type de programme de soutien, la réinsertion socioprofessionnelle et le maintien de l’activité (travail ou études) demeurent difficiles chez les personnes en début d’évolution d’un trouble psychotique. Pour pallier ces difficultés, il est proposé dans la littérature scientifique de personnaliser les interventions offertes chez les personnes aux prises avec un trouble psychotique, étant donné la grande hétérogénéité liée à cette condition. La combinaison d’interventions spécifiques visant des enjeux individuels préexistants chez chacune des personnes (p. ex. remédiation cognitive, thérapie cognitive-comportementale, entraînement des habiletés sociales) apparaît être une solution efficace pour optimiser la réponse thérapeutique dans les programmes de soutien à l’emploi ou aux études.
Conclusion. Cet article met en lumière les enjeux reliés à la réinsertion socioprofessionnelle chez les personnes en début d’évolution d’un trouble psychotique, afin de guider les intervenants dans le domaine et d’offrir des pistes de solutions.
EN :
Introduction Socio-professional reintegration is an objective that is regularly sought-after by people in the early stages of a psychotic disorder. Despite this, employment rates are low for this population and high school dropout rates remind at a high level.
Objectives and method This literature synthesis based on recent meta-analyses and studies aims at presenting the determinants of vocational and school integration for people in the early stages of a psychotic disorder. This will be followed by the presentation of the most studied supported employment and education programs, as well as by complementary interventions to support existing programs. In addition, key concepts are illustrated through clinical vignettes for this clientele.
Results. Several barriers to socio-professional reintegration in this population could help explain the lower success rates when compared to the general population, including individual factors (e.g., past employment history, length of absence from the labour market, negative and cognitive symptoms, motivation) and environmental factors (e.g., availability of supported employment or education programs, competence of the employment specialist, social assistance benefits, employer attitude). The program that shows the most accumulated evidence is called Individual Placement and Support (IPS) and is frequently used in Quebec. IPS focuses on competitive job search, rapid placement in the labour market and collaboration between an employment specialist, the client, and the employer. Mowbray’s supported education programs, as well as IPS adapted for education, help respond more specifically to the needs of people in the early stages of a psychotic disorder, who often wish to return to school. This article describes two clinical examples of programs offered in Quebec. Despite the interesting results provided by supported programs, socio-professional reintegration and maintaining employment remain difficult for people who are in the early stages of a psychotic disorder. Considering this, several researchers suggest that interventions for people with psychotic disorders should be more individualized, given the great heterogeneity associated with this condition. Combining interventions that are specific to each candidate’s pre-existing individual deficits (e.g., cognitive remediation, cognitive-behavioural therapy, social skills training) appears to be an effective solution for optimizing the therapeutic response in supported employment or education programs.
Conclusion This article highlights the issues related to the professional or academic reintegration of people in the early stages of a psychotic disorder, in order to guide practitioners in the field and to offer possible solutions to the current limitations of these programs in Quebec, including access to certain interventions.
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Comment aider les jeunes atteints de psychose à éviter l’itinérance ?
Julie Marguerite Deschênes, Laurence Roy, Nicolas Girard et Amal Abdel-Baki
p. 189–216
RésuméFR :
Objectifs Issu de l’expérience clinique et de la littérature, cet article cherche à stimuler une réflexion chez les acteurs impliqués concernant l’organisation des services et les interventions à privilégier auprès des jeunes vivant un premier épisode de psychose et une situation d’instabilité résidentielle ou d’itinérance. L’objectif de l’article est de faire un survol de la littérature sur la situation de ces jeunes et de leurs besoins, des défis auxquels ils font face dans leur trajectoire de soins et de différentes interventions à considérer auprès d’eux pour prévenir l’itinérance ou en sortir.
Méthode Cette revue de littérature présente une synthèse narrative des articles issus de revues de littérature ou d’études primaires publiées en français ou en anglais entre 1995 et mars 2021 en se concentrant plus spécifiquement sur les services et les pratiques d’intervention mises en oeuvre au Québec dans les dernières années. Certaines interventions faites à différents moments dans le parcours d’un jeune peuvent modifier sa trajectoire et prévenir une situation d’itinérance ou en limiter la durée et les conséquences. Tout au long de l’article, une vignette clinique illustrera ces interventions survenant à différents moments clés dans la vie d’un jeune.
Résultats Le risque d’instabilité résidentielle et d’itinérance chez les jeunes vivant avec une psychose débutante est plus important que dans la population générale. Cette situation peut contribuer au déclenchement ou à l’aggravation de la psychose notamment en raison du stress associé aux conditions de vie difficiles et aux possibilités accrues d’expériences de victimisation. Cette précarité peut aussi être la conséquence de la psychose et de ses conditions associées. Toutefois, peu d’études portent spécifiquement sur les jeunes vivant à la fois un premier épisode de psychose et une situation d’itinérance ou d’instabilité résidentielle. L’instabilité associée au contexte d’itinérance complexifie leur trajectoire de soins en santé mentale, retarde leur accès aux services appropriés et interfère avec leur engagement dans le suivi. Les interventions visant la prévention de l’itinérance incluent l’accompagnement dans la transition à la vie adulte et le repérage des situations d’instabilité résidentielle. Au niveau de l’organisation des soins, les centres de services intégrés en santé mentale pour les jeunes et le développement de partenariats, le travail en réseau et l’intersectorialité permettent de pallier certains défis. Les modèles d’interventions intensives de proximité et les interventions visant la stabilité résidentielle avec accompagnement sont favorables pour les jeunes en situation d’itinérance.
Conclusion Les défis auxquels sont confrontés les jeunes vivant avec une psychose débutante en situation d’itinérance impliquent des enjeux pour l’accès, la continuité et la qualité des services de santé mentale. Des interventions intégrées tant pour prévenir l’itinérance que pour les aider à en sortir peuvent être mises en oeuvre pour endiguer cette problématique.
EN :
Objectives Based on clinical experience and literature, this article aims to stimulate reflection among the actors involved concerning the organization of services and the interventions to be favored with young people living both a first episode of psychosis and a situation of residential instability or homelessness. The objective of this article is to provide an overview of the literature on the situation of these young people and their needs, the challenges they face in their pathway within the healthcare system and the various interventions to consider with them both to prevent or exit homelessness.
Method This literature review presents a narrative synthesis of articles from literature reviews or primary studies published in French or English between 1995 and March 2021, with a focus on the services and intervention practices implemented in Quebec in recent years. Certain interventions can be made at different periods of time in a young person’s journey to change their trajectory and prevent homelessness or limit its duration and consequences. Throughout this article, a case study will illustrate these interventions occurring at different times in the life of a young person.
Results The risk of residential instability and homelessness in young people living with emerging psychosis is higher than in the general population. This situation can contribute to the onset or worsening of psychosis due to the stress associated with difficult living conditions and the increased possibilities of victimization experiences. This great precariousness can also be the consequence of psychosis and its associated conditions. However, very few studies focus specifically on young people experiencing both a first episode of psychosis and a situation of homelessness or residential instability. The instability associated with homelessness complicates their pathway to mental health care, delays their access to the appropriate services and interferes with their engagement in follow-up. Interventions aimed at preventing homelessness include support in the transition to adulthood and identifying situations of residential instability. Regarding the organization of care, integrated mental health service centers for young people and the development of partnerships, networking and intersectorality make it possible to overcome certain challenges. Intensive outreach interventions models as well as interventions aiming residential stability are favorable to young people who are already experiencing homelessness.
Conclusion Residential instability and homelessness imply several challenges faced by young people living with emerging psychosis concerning the access, the continuity and the quality of mental health services. Integrated interventions both to prevent or exit homelessness can be implemented to stem this problem.
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Les interventions psychosociales destinées aux personnes composant avec un premier épisode psychotique : une revue narrative et critique
Elisabeth Thibaudeau, Delphine Raucher-Chéné, Laurent Lecardeur, Caroline Cellard, Martin Lepage et Tania Lecomte
p. 217–247
RésuméFR :
Objectifs Les guides de soins pour le traitement des troubles psychotiques recommandent plusieurs interventions basées sur les données probantes. Celles-ci ciblent différents domaines, incluant notamment l’autogestion des symptômes cliniques, les relations sociales, familiales et amoureuses ainsi que le fonctionnement cognitif. Toutefois, ces guides généraux ne soulignent pas les données probantes spécifiques aux personnes composant avec un premier épisode psychotique (PEP). L’objectif de cette revue narrative et critique est de présenter les données soutenant les interventions validées auprès des personnes composant avec un PEP, en considérant particulièrement les interventions validées en langue française.
Méthode Suivant les guides cliniques internationaux et nationaux, une revue narrative et critique des écrits scientifiques réalisée chez les personnes composant avec un PEP et portant sur 2 interventions recommandées pour les troubles psychotiques, la thérapie cognitive-comportementale pour la psychose (TCCp) et la remédiation cognitive (RC), a été effectuée. Par ailleurs, l’engagement via des modalités d’administration adaptées au profil des participants étant central dans ce type d’intervention, nous avons exploré 2 modalités prometteuses dans le PEP, le format groupal et l’utilisation des technologies numériques.
Résultats L’utilisation de la TCCp auprès des personnes composant avec un PEP est appuyée par plusieurs études, notamment une québécoise. Les bénéfices apportés par la RC semblent moindres pour les PEPs, comparativement aux stades ultérieurs des troubles psychotiques (p. ex. schizophrénie). Néanmoins, ces études présentent des limites et les personnes composant avec un PEP semblent pouvoir bénéficier de certains acquis spécifiques. Concernant les interventions groupales ainsi que les technologies numériques, la plupart des interventions actuellement disponibles nécessitent d’être validées de façon plus systématique, et répliquées par d’autres groupes de chercheurs afin d’obtenir un soutien empirique plus probant.
Conclusion Cette revue narrative et critique souligne la validité empirique de la TCCp et de la RC chez les personnes composant avec un PEP. La modalité groupale, dispensée dans plusieurs interventions dédiées à cette population, présage des résultats encourageants, alors que les interventions utilisant les technologiques numériques, ayant montré leur acceptabilité et faisabilité, restent à valider en termes d’efficacité. En plus de contribuer au rétablissement symptomatique, les interventions psychosociales soutiennent le rétablissement fonctionnel et personnel des personnes composant avec un PEP. Malgré tout, des limites sont notées sur le plan de l’accessibilité à ces interventions. Alors que différentes interventions ne sont actuellement pas disponibles en français, certaines interventions probantes et disponibles ne sont pas appliquées de façon systématisée. Ces limites suggèrent l’importance de développer une science de la mise en oeuvre des interventions afin de favoriser le transfert des données issues de la recherche vers les milieux cliniques ainsi qu’une organisation des soins favorisant l’accès à des professionnels de la santé dédiés à ces approches.
EN :
Objective Treatment guidelines for the treatment of psychotic disorders suggest evidence-based interventions. These interventions target several domains such as self-management of clinical symptoms, social, familial and love relationships as well as cognitive functioning. However, these general guidelines do not provide specific evidence for people with a first-episode psychosis (FEP). The objective of this narrative and critical review is to present evidence supporting the interventions suggested by the treatment guidelines that were validated in people with a FEP, particularly those interventions validated in French.
Method Based on the international and national treatment guidelines, a narrative and critical review of the scientific literature conducted in people with FEP and focusing on two recommended interventions for psychotic disorders, cognitive-behavioral therapy for psychosis (CBTp) and cognitive remediation (CR), was performed. Administration modalities adapted to the participant’s profile are important to consider in this type of intervention. We thus explored two promising modalities in people with FEP, the group format and the use of digital technologies.
Results Several studies support the use of CBTp in people with FEP, including one Quebec study. The effects of CR are less promising in people with FEP compared to those with a chronic evolution of their psychotic illness (e.g. schizophrenia). However, some limitations of the included studies are identified and the specific improvements in people with FEP are presented. Regarding the group format and the digital technologies, most interventions currently available need to be systematically validated, and the results need to be replicated by other groups of researchers to obtain evidence-based results.
Conclusion This narrative and critical review of the literature highlights the evidence available for CBTp and CR in people with FEP. The group format used in several interventions with this population reveals encouraging results, while interventions using digital technologies have shown their acceptability and feasibility, but the efficacy remains to be assessed. In addition to contributing to symptomatic recovery, psychosocial interventions also support functional and personal recovery in people with FEP. Nonetheless, some limitations are observed regarding the accessibility of such interventions. While some interventions are currently not available in French, other available evidence-based interventions are not currently systematically used in clinical settings. These limitations call for the importance of developing an implementation science for these interventions to improve the transfer of results from research to clinical settings as well as a service organization model that promote or facilitate access to such interventions.
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Mens sana in corpore sano : l’intérêt de l’activité physique auprès des jeunes ayant eu un premier épisode psychotique
Ahmed Jérôme Romain, Paquito Bernard, Florence Piché, Laurence Kern, Clairélaine Ouellet-Plamondon, Amal Abdel-Baki et Marc-André Roy
p. 249–276
RésuméFR :
Objectifs Au cours des dernières années, les enjeux reliés à la santé physique ont pris une place importante dans le suivi des jeunes ayant vécu un premier épisode psychotique (PEP). En effet, comparativement à la population générale, les personnes avec un diagnostic de trouble psychotique ont une espérance de vie diminuée de 15 ans, les problèmes de santé physique expliquant 60 à 70 % de cette diminution. Ainsi, l’activité physique est considérée comme une nouvelle stratégie dans le processus de rétablissement des jeunes. L’objectif du présent article est de couvrir les différents enjeux de santé physique des PEP et les impacts de l’activité physique.
Méthodes Revue narrative traitant des enjeux de santé physique, du rôle des antipsychotiques, de la nécessité de surveillance des paramètres métaboliques ainsi que de l’amélioration des habitudes de vie (p. ex. tabagisme, sédentarité, inactivité physique, mauvaise alimentation) des jeunes PEP. L’impact de l’activité physique sur la santé physique et mentale et la cessation tabagique ainsi que l’intérêt de la thérapie d’aventure dans le processus de réadaptation seront abordés. Enfin, nous proposerons des stratégies motivationnelles et des outils, visant à promouvoir l’activité physique. Dans les différentes sections, nous étayerons nos arguments avec les plus hauts niveaux de preuve disponibles (p. ex. méta-analyses, revues systématiques, essais randomisés contrôlés, études de cohorte, N sur 1) et mettrons en exergue des implications pour la pratique clinique. Pour les sujets pour lesquels les données portant sur les PEP sont rares ou inexistantes, nous référerons à la littérature portant sur des stades plus tardifs de la maladie.
Résultats Les problèmes de santé métabolique peuvent être présents avant même le début du traitement par antipsychotiques et progressent rapidement par la suite. Les différentes habitudes de vie, souvent inadéquates, contribuent au développement de ces problèmes. Dans un contexte d’intervention précoce, plusieurs types d’activité physique ont montré des bénéfices sur la santé physique, les symptômes psychotiques, le fonctionnement et plus globalement dans le processus de rétablissement. Néanmoins, sa pratique spontanée et régulière demeure limitée, principalement en raison de problèmes de motivation. Les approches d’activité physique doivent être adaptées à la population et plusieurs facteurs considérés, tels que le type d’activité physique, son contexte, l’intensité, la fréquence, les paramètres motivationnels ou encore le soutien/supervision de la part des professionnels de santé.
Conclusion Au plan physique tout comme au plan psychiatrique, les années suivant le début du traitement pour un PEP constituent une période critique et l’activité physique est une intervention qui gagne à être intégrée dans l’éventail des services offerts dans les cliniques PEP, vu les impacts positifs sur différentes dimensions du rétablissement.
EN :
Objectives In recent years, issues related to physical health took on a major role in the care of youth who experienced a first episode psychosis (FEP). Compared to the general population, people with a psychotic disorder have a reduced life expectancy of 15 years, with physical health problems accounting for 60 to 70% of that part. With the increased awareness about these issues, physical activity is considered as a new prevention and intervention strategy in the recovery process for youth with a FEP. The objective of the present article is to summarize the different physical health issues in FEP and the impacts of physical activity.
Methods Narrative review addressing physical health issues, the role of antipsychotics, the need for metabolic monitoring, and for improvement of lifestyle habits (e.g., smoking, sedentary lifestyle, physical inactivity, poor diet) in youth with a FEP. The impact of physical activity on physical and mental health, on smoking cessation as well as the interest of adventure therapy in the recovery process will be discussed. Finally, we will propose motivational strategies and tools to promote physical activity. In the different sections, we will support our arguments with the highest levels of evidence available (e.g., meta-analyses, systematic reviews, randomized controlled trials, cohort studies, N-of-1) and highlight implications for clinical practice.
Results Metabolic health problems progress rapidly after the initiation of antipsychotic treatment, and inadequate lifestyle habits contribute to the development of these problems. In an early intervention context, several types of physical activity have shown benefits on physical health, psychotic symptoms, functioning and more generally in the recovery process. Nevertheless, few patients spontaneously engaged in regular physical activity because of low motivation. Physical activity interventions should be adapted to the FEP population and several factors taken into consideration such as the type of physical activity, its context, intensity, frequency, motivational parameters, and support/supervision from health professionals.
Conclusion From a physical and a psychiatric perspective, the years following treatment initiation for FEP are critical. Considering its positive impacts on different dimensions of recovery physical activity interventions should be integrated into the range of services offered in early intervention services.
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Premier épisode psychotique et trouble de l’usage de substance concomitants : revue narrative des meilleures pratiques et pistes d’approches adaptées pour l’évaluation et le suivi
Clairélaine Ouellet-Plamondon, Amal Abdel-Baki et Didier Jutras-Aswad
p. 277–306
RésuméFR :
Objectifs Environ la moitié des jeunes adultes atteints de psychose débutante présentent aussi des troubles de l’usage de substance (TUS). Les impacts de la persistance des TUS sont importants et affectent négativement le pronostic symptomatique et fonctionnel, de même que la prise en charge des jeunes après un premier épisode psychotique (PEP). Cet article vise à identifier et à synthétiser les approches thérapeutiques les mieux démontrées comme utiles pour le traitement des jeunes adultes atteints de trouble concomitant (PEP et TUS) et de présenter des pistes d’approches pratiques et adaptées pour l’évaluation et le suivi des personnes avec PEP et TUS concomitants.
Méthode Revue narrative de la littérature portant sur le traitement des jeunes adultes présentant un trouble concomitant (PEP et TUS).
Résultats Plusieurs recherches démontrent l’utilité des programmes pour PEP (PPEP) dans la prise en charge des TUS avec une diminution d’environ 50 % des TUS au cours de la première année de suivi. Diverses interventions thérapeutiques ont été étudiées, mais aucune n’a démontré de supériorité substantielle à long terme par rapport au traitement standard offert dans les PPEP. Les études présentent par ailleurs plusieurs limites méthodologiques. À ce jour, les guides de pratique suggèrent d’offrir un traitement adapté et intégré de la psychose et des TUS et recommandent l’utilisation de diverses approches comme le suivi par intervenant pivot (case management), l’évaluation détaillée et la rétroaction quant aux TUS, à la psychose et à leur interinfluence, la réduction des méfaits, l’entretien motivationnel, la thérapie cognitivo-comportementale et la pharmacothérapie. Il est proposé ici d’ajuster le traitement de façon proactive pour tenir compte de la sévérité des troubles, de leurs impacts sur les différentes dimensions de l’évolution de la psychose, du stade développemental du jeune et de son stade de changement face à un TUS.
Conclusion Les données sur les meilleures pratiques dans le traitement des troubles concomitants PEP-TUS sont relativement limitées. Certaines approches semblent avoir le potentiel d’améliorer l’évolution clinique des jeunes vivant avec de telles conditions, surtout si elles sont adaptées à cette population. Par ailleurs, des travaux de recherche et des innovations dans la prise en charge des troubles concomitants doivent se poursuivre afin d’avoir davantage de données probantes et d’offrir des soins mieux adaptés aux jeunes adultes atteints de psychose avec TUS.
EN :
Objectives About half of young adults with early psychosis also have substance use disorders (SUD). For young adults with first episode psychosis (FEP), the persistence of SUD negatively impacts the symptomatic and functional outcome as well as the management of the problems. This article aims to identify and synthetize the best therapeutic approaches for the treatment of young adults with concurrent disorders (FEP and SUD) and to present avenues for practical and adapted approaches for the assessment and follow-up of people with concurrent FEP and SUD.
Method Narrative literature review on the treatment of young adults with concurrent disorder (FEP and SUD).
Results Several studies demonstrate the usefulness of early intervention for psychosis services (EIS) in the management of SUD with approximately 50% decrease in SUD during the first year of follow-up. A variety of therapeutic interventions have been studied, but none have demonstrated substantial long-term superiority over the standard treatment offered in EIS. The studies also have several methodological limitations. To date, clinical guidelines suggest offering an adapted and integrated treatment for psychosis and SUD and recommend the use of various approaches such as case management, comprehensive assessment and feedback on SUD and psychosis as well as their interplay, harm reduction interventions, motivational interviewing, cognitive behavioural therapy, and pharmacotherapy. It is proposed here to proactively adjust the treatment to consider the severity of the disorders, their impact on the various dimensions of psychosis outcomes, the developmental stage of the young person and his or her stage of change with respect to substance use.
Conclusion Data on best practice in the treatment of concurrent PEP-SUD disorders are relatively limited. Some approaches appear to have the potential to improve the clinical course of young people living with such conditions, especially if they are adapted to this population. Furthermore, research and innovations in the management of concurrent disorders must continue to offer better adapted care to young adults with early psychosis and SUD.
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Détecter et traiter les troubles comorbides aux premiers épisodes psychotiques : un levier pour le rétablissement
Olivier Corbeil, Félix-Antoine Bérubé, Laurence Artaud et Marc-André Roy
p. 307–330
RésuméFR :
Objectifs Des comorbidités plus méconnues que les troubles d’utilisation de substance peuvent survenir chez les personnes vivant un premier épisode psychotique (PEP). Le présent article révise l’importance de ces comorbidités par une synthèse de la littérature, éclairée de l’expérience clinique des auteurs.
Méthodes Cinq principaux groupes de comorbidités sont abordés : les troubles anxieux et obsessionnels-compulsifs, la dépression, le trouble de personnalité limite, le trouble lié aux jeux de hasard et d’argent et le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité. Pour chacun de ces troubles, les données, quant à leur fréquence, leur impact sur le devenir des personnes atteintes, leur détection et leur traitement seront abordées et interprétées à la lumière de l’expérience clinique des auteurs.
Résultats Ces comorbidités ont été relativement négligées par les recherches, encore plus dans le contexte spécifique des PEP. Les données qui sont disponibles suggèrent néanmoins qu’elles sont très fréquentes dans cette population. Par exemple, on estime que la prévalence du trouble d’anxiété sociale pourrait atteindre 50 % et celle du trouble obsessionnel-compulsif 13,6 %. Les manifestations de ces troubles comorbides sont parfois difficiles à dissocier de celles de la maladie ; plusieurs manifestations des psychoses pouvant être rencontrées dans ces troubles comorbides et vice versa. Par exemple, le retrait social parfois rencontré dans les troubles anxieux ou la dépression peut être confondu avec des symptômes négatifs ; les troubles de comportement résultant des croyances délirantes ou de désorganisation du comportement survenant dans la psychose peuvent mener à un diagnostic erroné de trouble de personnalité ; les symptômes psychotiques survenant dans un trouble de personnalité partagent les caractéristiques de ceux survenant dans les troubles psychotiques ; les difficultés cognitives associées à un trouble déficitaire de l’attention peuvent donner le change pour celles liées directement au trouble psychotique. Dans certains cas, le traitement antipsychotique peut contribuer à l’émergence de manifestations de ces troubles comorbides, par exemple, des troubles obsessionnels-compulsifs survenant sous clozapine, ou le trouble lié aux jeux de hasard et d’argent survenant lors d’un traitement avec un agoniste dopaminergique. Si les traitements de ces comorbidités ont été peu évalués dans le cadre des PEP, les données disponibles et l’expérience clinique suggèrent que les traitements utilisés dans d’autres populations, une fois adaptés au contexte des PEP, peuvent s’avérer efficaces.
Conclusion Globalement, il y a peu de littérature portant sur ces troubles comorbides aux PEP. Pourtant, les données disponibles suggèrent qu’ils sont fréquents, que leur détection et leur traitement peuvent soutenir le rétablissement des personnes composant avec un PEP. Ainsi, il est essentiel de les prendre en compte dans une perspective de pratique d’intervention précoce axée sur le rétablissement.
EN :
Objectives Comorbidities that are less well known than substance use disorders may occur in individuals experiencing a first-episode psychosis (FEP). This article reviews the importance of these comorbidities through a synthesis of the literature, informed by the authors’ clinical experience.
Methods Five main groups of comorbidities are discussed: anxiety and obsessive-compulsive disorders, depression, borderline personality disorder, gambling disorder and attention deficit disorder. For each of these disorders, data on their frequency, their impact on the outcome of affected individuals, their detection and treatment will be discussed and interpreted in light of the authors’ clinical experience.
Results These comorbidities have been relatively neglected by research, even more so in the specific context of FEP. Nevertheless, the data that are available suggest that they are very common in this population. For example, it is estimated that the prevalence of social anxiety disorder may be as high as 50% and obsessive-compulsive disorder 13.6%. The manifestations of these comorbid disorders are sometimes difficult to dissociate from those of the illness; several manifestations of the psychoses can be encountered in these comorbid disorders and vice versa. For example, the social withdrawal sometimes encountered in anxiety disorders or depression may be confused with negative symptoms; behavioural disturbances resulting from delusional beliefs or behavioural disorganization occurring in psychosis may lead to a misdiagnosis of a personality disorder; psychotic symptoms occurring in a personality disorder share characteristics with those occurring in psychotic disorders; cognitive difficulties associated with an attention deficit disorder may give the impression of being directly related to the psychotic disorder. In some cases, antipsychotic treatment may contribute to the emergence of manifestations of these comorbid disorders, for example, obsessive-compulsive disorder occurring on clozapine, or gambling disorder occurring during treatment with a dopamine agonist. While treatments for these comorbidities have been poorly evaluated in the FEP setting, available data and clinical experience suggest that treatments used in other populations, when adapted to the FEP setting, may be effective.
Conclusion Overall, there is little literature addressing these comorbid disorders in FEP. Yet, the available evidence suggests that they are common, and that their detection and treatment can support recovery in individuals coping with FEP. Thus, it is essential to consider them from a recovery-oriented early intervention practice perspective.
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Comment les services d’intervention précoce pour la psychose peuvent-ils mieux servir les migrants, les minorités ethniques et les populations autochtones ?
Salomé M. Xavier, G. Eric Jarvis, Clairélaine Ouellet-Plamondon, Geneviève Gagné, Amal Abdel-Baki et Srividya N. Iyer
p. 331–364
RésuméFR :
Objectifs Synthétiser les connaissances cliniques et épidémiologiques disponibles concernant les soins de santé mentale des populations migrantes, des minorités ethniques et des populations autochtones, dans le contexte de psychose débutante.
Méthodes Revue de littérature narrative portant sur la psychose débutante dans ces populations et les enjeux liés à la prestation de services d’intervention précoce.
Résultats Le statut de migrant est depuis longtemps considéré comme un facteur de risque important de psychose dans de nombreux contextes géographiques. Ce risque accru chez les migrants semble persister au-delà de la première génération et s’est avéré plus élevé dans toutes les populations migrantes, mais surtout pour les minorités ethniques noires et les individus migrant de pays en développement économique vers des pays développés. Des données récentes suggèrent que ce risque plus élevé est dû, du moins en partie, à l’exposition cumulative des migrants et des minorités à des adversités sociales, telles que la discrimination raciale, la marginalisation et le désavantage socioéconomique. Le racisme systémique affectant ces populations peut être source de biais diagnostique, accentuer les disparités de traitement et contribuer à la causalité de la psychose. Certains groupes de migrants et de minorités ethniques ont des délais d’accès aux soins plus longs, sont plus souvent hospitalisés involontairement, se désengagent prématurément et sont moins satisfaits du traitement. Tenir compte du contexte socioculturel est essentiel à la prestation de soins de qualité, en particulier dans une société diversifiée. En outre, la reconnaissance des relations de pouvoir qui découlent du contexte sociétal et qui façonnent les institutions et les modèles de soins est une étape clé vers la compétence et la sécurité structurelles dans les soins de santé mentale. Plusieurs stratégies ont été proposées pour rendre les services et systèmes de soins de santé mentale plus compétents sur le plan culturel et structurel : notamment le recours à des interprètes et à des médiateurs culturels, des évaluations adaptées et des services d’interventions culturelles spécialisées. Cependant, ces stratégies n’ont pas encore été adoptées à grande échelle dans le programme d’intervention précoce pour la psychose.
Conclusion Les services d’intervention précoce pour la psychose devraient intégrer des interventions inclusives, structurellement compétentes et éclairées par le contexte, afin de promouvoir l’engagement et des soins centrés sur la personne. Des efforts doivent être faits pour appliquer les connaissances de la psychiatrie sociale et culturelle et adapter ses outils au domaine de l’intervention précoce dans la psychose. Les considérations socioculturelles, jusqu’à présent appliquées de manière inconsistante dans la recherche sur la psychose et la conception des services au Québec, sont particulièrement pertinentes pour la province étant donné son contexte linguistique distinct, sa diversité culturelle croissante et son effort continu pour systématiser la prestation des services d’intervention précoce à large échelle.
EN :
Objectives To synthesize the available epidemiological and clinical evidence relevant to the mental health care of migrant, ethnic minority and Indigenous populations in the context of early psychosis.
Methods This study provides a narrative review of the literature on psychosis in these populations, including issues related to the provision of early intervention services for psychosis.
Results Migrant status has long been reported as a significant risk factor for psychosis in many geographic contexts. This increased risk among migrants seems to persist beyond the first generation and has been found to be higher in all migrant populations, but especially for black ethnic minorities and individuals migrating from economically developing countries to developed ones. Recent evidence suggests that this higher risk is at least in part due to migrants’ and minorities’ cumulative exposure to social adversities, such as racial discrimination, marginalization and socio-economic disadvantage. Systemic racism affects migrant and minority populations by creating bias in diagnostic practices and aggravating treatment disparities in addition to contributing to causation of psychosis. Furthermore, migrant and ethnic minority groups are known to seek mental healthcare after longer delays, to be more frequently forcibly hospitalized, to disengage from treatment prematurely and to be less satisfied with their treatment. The consideration of social and cultural context and factors is essential to the provision of good healthcare, especially in a culturally diverse society. Furthermore, acknowledging power relationships that stem from the societal context and shape institutions and models of care is a key step towards structural competence and safety in mental healthcare. Several strategies have been proposed to make mental healthcare services and systems more culturally and structurally competent. These include the use of interpreters and cultural brokers, tailored assessments and specialised cultural interventions. However, these strategies have yet to be adopted broadly in early intervention for psychosis.
Conclusion Given its emphasis on meaningful engagement and person-centered care, early intervention should integrate inclusive, structurally competent and context-informed interventions as a priority. Efforts must be made to apply knowledge from and adapt the tools of social and cultural psychiatry to the field of early intervention in psychosis. Sociocultural considerations, hitherto inconsistently applied in psychosis research and service design in Quebec, are especially relevant to the province given its distinct linguistic context, its increasing cultural diversity, and its ongoing effort to systematize and expand the delivery of early intervention services.
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L’union fait la force : initier un mouvement francophone national et international pour l’implantation de l’intervention précoce
Bastian Bertulies-Esposito, Amal Abdel-Baki, Philippe Conus et Marie-Odile Krebs
p. 365–389
RésuméFR :
Objectif Décrire l’implantation de l’intervention précoce pour la psychose dans 3 pays francophones ainsi que les défis rencontrés et les facteurs favorisant l’implantation.
Méthode Synthèse narrative portant sur l’implantation de l’intervention précoce pour la psychose en francophonie à partir d’une revue de la littérature scientifique et de la littérature grise
Résultats Comparativement à d’autres pays (Australie, Royaume-Uni, etc.), le déploiement des programmes d’intervention précoce en francophonie s’est fait plus tardivement et fait face à différents défis rendant son implantation à large échelle encore très hétérogène. Bien qu’une grande partie de la population ait accès à des services d’intervention précoce (SIP) au Québec (Canada), le respect de certaines composantes essentielles du modèle pose encore des défis. Toutefois, divers facilitateurs, notamment l’implication gouvernementale par la publication d’un Cadre de référence provincial normalisant les pratiques, des investissements gouvernementaux et un soutien clinique offert pour le développement et l’amélioration continue des programmes par le Centre national d’excellence en santé mentale et l’Association québécoise des programmes pour premiers épisodes psychotiques (AQPPEP) qui offre du mentorat, de la formation continue via une communauté de pratique ont été identifiés.
En France, quoique l’implantation soit plus hétérogène, plusieurs centres proposent déjà des SIP, et un intérêt croissant pour cette approche se manifeste par plusieurs équipes, permettant d’espérer le déploiement d’un réseau sur l’ensemble du territoire. Le « Réseau transition » organise depuis 2007 des rencontres scientifiques, des formations spécialisées, la validation d’outils et travaille à éditer un référentiel adapté au système français.
Dans la Suisse francophone, si des programmes ont été implantés relativement tôt (dès 2000 à Genève et dès 2004 à Lausanne), ils sont restés liés à des initiatives individuelles et des choix locaux. Ceci est dû en grande partie à l’autonomie complète de chacun des 26 cantons quant à l’organisation du système de santé et à l’absence de politique nationale de santé mentale. Un groupement suisse francophone a cependant été mis sur pied en 2020 qui va soutenir l’implantation de 5 programmes dans les 5 cantons concernés.
Plusieurs spécificités de l’organisation des soins en santé mentale de chaque pays, dont la relative autonomie des « secteurs » et la scission entre pédopsychiatrie et psychiatrie adulte de même que l’absence d’une culture de l’évaluation des soins et du suivi des recommandations, peuvent avoir un impact sur l’implantation.
Conclusion Outre la poursuite des efforts nationaux, une branche francophone de l’International Early Psychosis Association (IEPA) fondée par des leaders suisse, français et québécois pour unir les forces francophones à plus grande échelle a pour objectifs de promouvoir le réseautage, d’échanger sur les pratiques, de partager des outils et l’expertise via l’organisation d’une conférence internationale francophone annuelle visant à améliorer le partage des connaissances sur les pratiques développées ailleurs en intervention précoce en psychose.
EN :
Objective To describe the implementation of early intervention for psychosis in 3 French-speaking countries, the challenges encountered and potential facilitators for successful implementation.
Methods Narrative synthesis of the scientific and grey literature on early intervention for psychosis programs implementation in the French-speaking world.
Results Compared to other countries (Australia, United Kingdom, etc.), early intervention program implementation in the French-speaking world has been delayed and faces various challenges, making its widespread implementation still very heterogeneous. Although a large proportion of the population has access to early intervention services (EIS) in Quebec (Canada), adherence with certain essential components of the model still poses challenges. However, various facilitators, including government involvement through the publication of a provincial framework standardizing practices, dedicated funding, and clinical support for program implementation and continuous improvement through the National Centre of Excellence in Mental Health (a provincial organization) and a provincial community of practice, the Association québécoise des programmes pour premiers épisodes psychotiques (AQPPEP), which offers mentoring and continuing education, have been identified.
In France, although the implementation has been more heterogenous, several centers already offer EIS, and there is growing interest in this model, as expressed by several teams, giving hope for the implementation of a network of EIS throughout the country. Since 2007, the “Réseau transition” has been organizing scientific meetings, specialized training, validation of tools and is working on publishing a reference tool adapted to the French system to standardize EIS.
In French-speaking Switzerland, although programs were implemented relatively early (in 2000 in Geneva, and in 2004 in Lausanne), they remained associated to individual initiatives and local choices. This is largely due to the complete autonomy of each of the 26 cantons in the organization of the healthcare system and the absence of a national mental health policy. However, a French-speaking Swiss group has been set up in 2020, to support the implementation of 5 programs in 5 cantons.
Several specificities of the organization of mental health care in each country may have an impact on implementation. These include the relative autonomy of different catchment areas, and the separation of child and adolescent psychiatry from adult services. Furthermore, it seems that poor involvement in quality assurance activities and the lack of monitoring of adherence to expert recommendations on essential components of the EIS model may impact program implementation.
Conclusion In addition to continuing national efforts, a francophone branch of the International Early Psychosis Association (IEPA) founded by Swiss, French and Quebec leaders to join forces on a larger scale seeks to promote networking as well as tool and expertise sharing through an annual international francophone conference focused on early intervention in first-episode psychosis.
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Intervention précoce pour les premiers épisodes psychotiques d’hier à demain : comment relever les défis liés à son déploiement pour en maximiser les bénéfices ?
Ashok Malla, Marc-André Roy, Amal Abdel-Baki, Philippe Conus et Patrick McGorry
p. 391–415
RésuméFR :
Objectifs L’émergence de l’intervention précoce pour les premiers épisodes psychotiques (PEP), dans les années 90, représente une avancée majeure en santé mentale. On a démontré qu’en offrant des interventions intensives adaptées aux besoins spécifiques des jeunes dès le début du PEP, il devenait possible de durablement améliorer leur évolution ultérieure. Ce modèle d’intervention précoce pour la psychose (IPP) s’accompagne d’une révision en profondeur des conceptions des troubles psychotiques et d’un changement majeur de philosophie de soins. L’objectif du présent article est d’offrir une perspective historique du développement de l’IPP, d’aborder les défis liés à son implantation et d’offrir des pistes de solutions.
Méthodes Consensus d’experts identifiant les défis les plus saillants dans l’implantation de l’IPP et proposant des solutions les plus applicables possible, selon leur appréciation de la littérature pour y remédier.
Résultats Pour optimiser l’implantation et l’efficience des PPEP, 7 pistes ont été identifiées : 1) Mieux cibler les populations plus difficiles à rejoindre et systématiser l’intégration à un PPEP de tous les patients consultant pour un PEP ; 2) La réduction de la durée de la psychose non traitée doit être un objectif majeur des PPEP, nécessitant notamment des efforts de détection précoce par la sensibilisation du public, la formation des professionnels de 1re ligne et l’amélioration des processus et délais d’accès au traitement ; 3) Les mesures visant à maintenir l’engagement des patients au suivi doivent être appliquées systématiquement ; 4) La participation des familles devra être soutenue plus activement par les équipes tout au long du suivi, notamment par la mise en place de stratégies pour favoriser son acceptation par les patients ; 5) Des recherches futures permettront de mieux comprendre comment moduler la durée et l’intensité du suivi PPEP en fonction des profils des patients, afin notamment de maintenir à plus long terme les résultats atteints durant le PPEP ; 6) Les modalités de prise en charge des états mentaux à risque demeurent à clarifier, tant en termes des approches à leur offrir que de la structure de soins qui serait la plus appropriée pour les accueillir ; 7) Il faut poursuivre l’implantation des PPEP, notamment au sein de la francophonie, qui en est à des stades très différents d’un pays à l’autre et à l’intérieur même de chaque pays.
Conclusion Les PPEP améliorent le devenir des jeunes aux prises avec un PEP tant sur le plan du rétablissement, de la mortalité que du suicide. Les solutions suggérées aux défis survenant dans le processus de leur déploiement à grande échelle doivent être opérationnalisées afin que ces soins soient accessibles au plus grand nombre en temps opportun, pour maximiser leur impact au niveau populationnel.
EN :
Objectives The emergence of early intervention for first episode psychosis (FEP) in the 1990s represents a major advance in mental health. It was demonstrated that by providing intensive interventions tailored to the specific needs of youth at the onset of FEP, it became possible to sustainably improve their subsequent course. This model of early intervention for psychosis (EIP) is accompanied by a major revision of conceptions of psychotic disorders and a major change in philosophy of care. The purpose of this article is to provide a historical perspective on the development of EIP, to discuss the challenges associated with its implementation, and to offer possible solutions.
Methods Experts consensus identifying the most salient challenges in implementing Early intervention for psychosis, and proposing the most feasible solutions, based on their assessment of the literature to address them.
Results To optimize the implementation and efficiency of EIP programs, 7 avenues were identified: 1) Better targeting of hard-to-reach populations and systematizing the admission of all FEP patients in EIP programs. 2) Reducing the duration of untreated psychosis should be a major goal of EIP programs, requiring early detection efforts through public awareness, training of front-line professionals, and improving treatment access processes and delays. 3) Measures to maintain patient engagement in a follow-up should be implemented systematically. 4) Family involvement should be more actively supported by teams throughout follow-up, including strategies to promote patient acceptance of their involvement. 5) Future research will provide a better understanding of how to modulate the duration and intensity of EIP follow-up according to patient profiles, in particular in order to maintain the results achieved during PPEP over the longer term. 6) The modalities for managing at-risk mental states remain to be clarified, both in terms of the approaches to be offered to them and the health care structure that would be most appropriate to accommodate them. 7) The implementation of EIP programs must be continued, particularly in the French-speaking world, which is at very different stages from one country to another and even within each country.
Conclusion EIP improve the outcomes of youth with FEP in terms of recovery, mortality and suicide. Solutions to challenges encountered in their widespread implementation must be operationalized to ensure that this care is accessible to the greatest number of people in a timely manner to maximize its impact at the population level.
Mosaïque
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Outils pédagogiques pour améliorer la relation thérapeutique des psychiatres et résidents en psychiatrie envers les patients souffrant de psychose : revue systématique
Laurie Pelletier, Sylvain Grignon et Kevin Zemmour
p. 417–438
RésuméFR :
Objectif Cette revue systématique recense les écrits sur les outils pédagogiques ciblant spécifiquement 2 des compétences clés requises par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada pour devenir psychiatre : la relation thérapeutique et l’empathie, dans le cadre de la psychose.
Méthode Cette recension a été effectuée dans les bases de données Medline via Ovid, PsycInfo (EBSCO) et Scopus en utilisant des combinaisons de termes associés aux outils thérapeutiques, à l’empathie, aux résidents en psychiatrie, aux psychiatres et à la psychose. Deux évaluateurs indépendants ont ensuite examiné 1169 titres et résumés, puis ont conservé 5 articles.
Résultats Tous les articles analysés explorent les habilités de communication, en particulier le Communication Skills Training et 3 des articles portent sur l’une de ses adaptations en psychiatrie : le ComPsych. Il se centre sur l’annonce du diagnostic et du pronostic de la schizophrénie via 5 domaines de compétences, soit l’agenda de la rencontre, l’identification, le questionnaire, l’organisation de l’information et la communication empathique. Ces études utilisent les jeux de rôles, des patients simulés standardisés, des vidéos et de la rétroaction. Une amélioration de la confiance concernant le pronostic est notée quoique l’amélioration obtenue soit inconstante selon les modalités utilisées. Un quatrième article a utilisé le modèle TEMPO (Training to enhance psychiatrist communication with patients with psychosis) qui ressemble au modèle ComPsych, mais inclut, entre autres, l’utilisation de patients réels. TEMPO se base également sur la mesure du Self Repair, un outil déterminant la façon dont une personne s’efforce de parler de manière compréhensible et acceptable pour l’auditeur lors d’une conversation en général et lors de rencontres psychiatriques. Dans l’étude, une amélioration de la relation thérapeutique (effet modéré) autant de la part des psychiatres que des patients est observée. Le dernier article propose un protocole d’étude randomisée contrôlée le SDM-Plus (Shared decision making Plus) une formation sur l’interaction entre les médecins et les patients avec une emphase sur la prise de décision partagée et explicite. Un module concerne les médecins, l’autre les patients.
Conclusion Bien que de nombreux manuels pédagogiques et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada insistent sur le rôle et l’importance d’établir une relation thérapeutique positive, cette revue systématique de la littérature montre qu’il n’existe qu’un nombre limité d’études sur ce sujet, et que celles-ci sont de faible puissance. Il est donc nécessaire de poursuivre la recherche sur ce sujet et de développer de nouveaux outils pédagogiques. Nous faisons ici quelques recommandations.
EN :
Objectives This systematic review identifies the literature on educational tools specifically targeting 2 of the keys competencies that a psychiatrist must acquire according to the Royal College of Physicians and Surgeons of Canada: the therapeutic relationship and empathy, in the context of psychosis.
Method This review was carried out in the Medline databases via Ovid, PsycInfo (EBSCO) and Scopus using combinations of terms associated with therapeutic tools, empathy, residents in psychiatry, psychiatrists and psychosis. Two independent reviewers reviewed 1169 titles and abstracts, and retained 5 articles.
Results All of the articles analyzed explore communication skills, in particular communication skills training, and 3 of the articles focus on one of its adaptations in psychiatry: ComPsych. It focuses on the announcement of the diagnosis and prognosis of schizophrenia through 5 areas of expertise: the meeting agenda, identification, questionnaire, organization of information and empathetic communication. These studies use role plays, standardized simulated patients, videos and feedback. An improvement in confidence regarding the prognosis is noted although the improvement obtained is inconsistent depending on the modalities used. A fourth article used the TEMPO model (Training to enhance psychiatrist communication with patients with psychosis) which resembles the ComPsych model, but includes, among other things, the use of real patients. TEMPO is also based on the Self-Repair measurement, a tool that determines how well a person strives to speak in a way that is understandable and acceptable to the listener in a conversation in general and in a psychiatric encounter. In the study, an improvement in the therapeutic relationship (moderate effect) by both psychiatrists and patients was observed. The last article provides a randomized controlled trial protocol for Shared decision making Plus (SDM-Plus) training in physician-patient interaction with an emphasis on shared and explicit decision-making. One module is for doctors, the other for patients.
Conclusion Although many educational manuals and the Royal College of Physicians and Surgeons of Canada stress the role and importance of establishing a positive therapeutic relationship, this systematic review of the literature shows that there are only a limited number of studies on this subject, and they have low statistical power. It is therefore necessary to continue research on this field and to develop new educational tools. Here we make some recommendations.