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Méthode, mise en garde et rappel

Nous avons voulu, dans une série de deux articles, visiter le concept d’adaptation à l’aune des neurosciences. Ce travail ne constitue pas une critique des neurosciences cognitives en particulier ni des neurosciences en général, mais vise à interroger l’apport des neurosciences, cognitives entre autres, sur le phénomène d’adaptation, mais aussi à interroger l’impact sur la société, la culture et la réflexion en général de leur adaptation dans le contexte des neurosciences, cognitives entre autres.

Le plan dialectique hégélien thèse-antithèse-synthèse adapté à la dissertation n’a pas été choisi dans ce travail, car celui-ci ne vise pas à démontrer que les neurosciences cognitives sont légitimes ou à les remettre en question. Ces deux articles visent à ouvrir le questionnement sur le concept d’adaptation à l’aune des neurosciences. Dans un premier article (Desseilles, 2015), nous avons ainsi d’abord défini les neurosciences afin que le lecteur puisse s’y référer lors de la lecture de ces deux articles. Nous ne pouvons envisager les points de vue philosophique, sociologique ou psychologique qui ne seraient pas en lien avec les neurosciences, car nous souhaitons focaliser notre propos. Un tel travail ne peut, dans son essence, être exhaustif et entraîne certainement une frustration du lecteur qui souhaitera y voir développer d’autres aspects. Loin de vouloir frustrer ce dernier, nous reconnaissons les limites d’une telle approche.

Nous ne reviendrons pas dans cet article sur les arguments développés dans le premier article. Ceux-ci suggèrent que les neurosciences peuvent être perçues comme ambitieuses et toutes puissantes, oscillant entre un danger réductionniste et déshumanisant ou bien cristallisant certains fantasmes de maîtrise. Nous avons aussi suggéré que la société s’adapte aux neurosciences en intégrant certaines méthodologies et certaines découvertes dans des domaines très variés au point que nous nous sommes questionnés sur la neuro-société de demain. Ensuite, nous avons vu que la méthodologie des neurosciences est elle-même fréquemment remise en question et nécessite que chacun en connaisse les limites sans s’en tenir aux seules promesses. Enfin, nous avons suggéré que l’adaptation vue comme une promesse d’un but déterminé et fini peut s’avérer rassurante, mais est surtout improbable. En cela, le concept d’adaptation est parallèle aux cheminements que les neurosciences prennent dans la société lorsque malgré le contenu de la recherche un résultat est réduit et qu’il véhicule ainsi attentes et fantasmes au-delà des intentions du champ de recherche précis.

L’individu, le milieu et les différents niveaux d’adaptation

Selon le Trésor de la langue française[1] : « Le terme adaptation, qui fit son entrée en sciences naturelles dans la seconde moitié du 19e siècle, pour désigner l’appropriation d’un organe ou d’un organisme à l’accomplissement d’une fonction vitale dans des conditions données notamment l’état structuro-fonctionnel de cette adaptation, résultant de ce processus, est un calque de l’anglais adaptation, employé dès 1859 par Charles Darwin dans la première édition de The Origin of species. L’adaptation favorise l’accommodation ou l’acclimatation des organismes à leur environnement. Les adaptations découlent de la sélection naturelle, c’est-à-dire que les individus sont pourvus de caractères héritables qui leur permettent de survivre et de se reproduire. Les adaptations provoquent, ainsi, un ajustement apparent entre un organisme et son milieu. Elles sont souvent complexes et aident les organismes à accomplir des fonctions fondamentales, telles que la capture de la nourriture, l’attraction du partenaire, la reproduction et la défense contre les prédateurs. L’évolution adaptative ne crée pas des organismes parfaits. Elle peut être limitée par des contraintes génétiques, des exigences liées au développement et des compensations écologiques. »

Avant de penser à ce que signifie l’adaptation, il faut se rappeler la signification de « apte ». Apte signifie « habile » et « propre à quelque chose », emprunté au latin aptus. Signifiant : 1) celui qui détient naturellement ou juridiquement une capacité, un droit ; 2) celui qui est propre à quelque chose, qui a des dispositions naturelles pour faire quelque chose ; 3) ceux qui résistent à la sélection naturelle, depuis les traductions de Darwin (Ray, 2005). La notion d’« apte » renvoie à son contraire « inepte » ou « inapte » et à sa signification toute particulière en santé mentale où les inaptes n’ont plus certaines capacités[2].

L’adaptation « être adapté en vue de » nécessite donc de prendre en considération un point de référentiel, à partir duquel se rapporte l’habileté. Être adapté au milieu ou être adapté à l’individu est donc différent. Au niveau de l’individu, nous pouvons distinguer, entre autres, une adaptation psychique, une adaptation biologique et une adaptation sociale. Les neurosciences s’intéressent à ces trois formes d’adaptation.

Adaptation biologique, adaptation psychique et neurosciences

Trois acceptions de l’adaptation des êtres vivants sont dégagées par Ricqlès (2015). Premièrement, l’adaptation recouvre un ensemble de constatations structuro-fonctionnelles propres aux êtres vivants et rendant compte de leur survie dans un environnement donné. Il s’agit en quelque sorte de conditions d’existence statiques. Deuxièmement, l’adaptation représente les transformations physiologiquement bénéfiques que subit un organisme individuel soumis à de nouvelles conditions de vie et qui lui permettent de répondre de façon plus efficace à ces conditions nouvelles. Il s’agit en quelque sorte d’un processus « dynamique », contrairement au précédent, mais phénomène « individuel », conduisant les termes somation et acclimatation à être probablement préférables. Troisièmement, l’adaptation constitue un mécanisme par lequel des transformations entre espèces peuvent intervenir au cours de l’évolution. Il s’agit ici aussi de processus dynamique et c’est à la faveur d’adaptations que les organismes se transforment.

Ricqlès rappelle que les trois acceptions d’adaptation ont tenu une place variable au sein des théories évolutionnistes depuis le début du 19e siècle. La vision suivant Lamarck s’appuie plus sur les deux premières acceptions. La vision suivant Darwin s’appuie plus sur la première et surtout la troisième acception (Ricqlès, 2015).

L’adaptation biologique a été conceptualisée par des théoriciens de la physiologie d’abord sous le terme d’homéostasie puis sous le terme d’allostasie. L’homéostasie a été le modèle dominant de régulation physiologique durant les 100 dernières années (Ganzel et al., 2010) et proposait que les paramètres physiologiques du corps aient un point de consigne idéal sous le contrôle de mécanismes biologiques locaux (Cannon, 1932) permettant un retour à l’équilibre après une perturbation sans la nécessité d’un médiateur central. Cependant, cette notion classique d’un équilibre physiologique pouvant s’adapter aux contraintes environnementales par une mécanique biologique locale ne correspondait pas aux preuves empiriques suggérant que la réponse au stress, elle-même, n’est pas statique et qu’elle évolue tout au long de la vie d’un individu, en fonction de son histoire et de ses expériences (Ganzel et al. 2010). Ainsi, la notion d’allostasie a été proposée afin de tenir compte d’un médiateur central, le cerveau, qui permet d’ajuster de nombreux systèmes physiologiques aux demandes environnementales (Sterling & Eyer, 1988). Dans cette perspective, la charge allostatique vient désigner ce qui dans l’environnement (externe au sujet ou interne au sujet) va nécessiter une adaptation du médiateur central et diriger l’équilibre vers un autre équilibre (c’est-à-dire l’allostasie).

D’un point de vue strictement biologique, et répondant à la première acception de l’adaptation dégagée par Ricqlès, l’adaptation se retrouve déjà au niveau moléculaire et cellulaire. Ainsi, la consommation chronique d’alcool va-t-elle créer une modification de l’homéostasie, donc de la physiologie vers un état d’allostasie dans lequel le corps (et le psychisme) s’adapte à la présence du toxique à tous niveaux, que ce soit moléculaire ou cellulaire. Les mécanismes de tolérance puis de dépendance viennent montrer un nouvel état d’équilibre (allostatique) entre l’individu et son milieu, qui inclut le toxique. L’adaptation sensorielle est également très rapide et permet aux cellules réceptrices de l’information extérieure d’être sensibles rapidement à toute nouvelle information présentant une signification potentiellement importante, pour le pronostic vital par exemple. Ainsi, tous les récepteurs sensoriels s’adaptent et nous ne verrions plus le monde autour de nous si nos muscles oculaires ne bougeaient en permanence, faisant en sorte que les photons, traversant notre cornée pour aller sur notre rétine, atteignent des cellules réceptrices différentes, nous permettant de continuer à percevoir notre environnement. Cette adaptation est également très pratique en ce qui concerne les odeurs dérangeantes que nous rencontrons éventuellement sur notre lieu de travail. En effet, comme les autres récepteurs sensoriels, nous sentirons une nouvelle odeur au début de son apparition puis nous nous y habituerons très rapidement et serons donc adaptés à recevoir une nouvelle information potentiellement signifiante. L’adaptation prend donc un sens tout à fait spécifique au sens de l’évolution et de la capacité à permettre à l’organisme de continuer à percevoir des éléments nouveaux de son environnement.

Au-delà de cette adaptation en tant qu’acclimatation, les neurosciences fournissent tous les jours de nouvelles explications biologiques à des mécanismes d’adaptation biologique. Cependant, malgré la multiplicité des études réalisées, celles-ci se situent souvent dans deux voies de l’évolution de la conception de la physiologie du système nerveux. La première acception de l’adaptation selon Ricqlès recouvre plus la première voie et la troisième acception recouvre plus la deuxième voie. Jean-Gaël Barbara (2008), lors de la journée d’étude qu’il a coorganisée en 2008, a refait un historique très clair de ces deux voies[3]. Ces deux voies ont coexisté depuis de très nombreuses années et se trouvaient déjà dans l’oeuvre de Herbert Spencer (1864-1867). Entre la réaction ou le réflexe et l’activité spontanée et l’activité du psychisme, l’évolution de la physiologie du système nerveux délimite deux conceptions neuroscientifiques de l’adaptation. Premièrement : « Avec Ivan Sechenov, Claude Bernard, Charles Richet, et Ivan Pavlov, l’étude des réflexes psychiques conduit à la définition du concept de conditionnement comme mécanisme d’apprentissage adaptatif, par renforcement d’une association permanente entre un stimulus conditionné et une réponse physiologique, dont la fonction est l’anticipation. (…) C’est avec l’essor de la cybernétique, après la Seconde Guerre mondiale, et le rôle central de la France dans le rapprochement est-ouest en neurophysiologie, que cette voie de recherche aboutit à définir des mécanismes neuronaux adaptatifs de l’apprentissage comme le renforcement des synapses » (Barbara, 2008), ainsi qu’à la plasticité développementale de nature adaptative. Deuxièmement : « D’une manière opposée, des biologistes, éthologues, psychologues et neurologues caractérisent l’adaptation des organismes par des processus psychiques structurés et innés, relevant de l’histoire des espèces animales, et non plus seulement d’interactions présentes avec le milieu. Dans un esprit spencérien, le neurologue britannique de la seconde moitié du XIXe siècle, John Hughlings Jackson (1835-1911), propose des fonctionnements psychiques hiérarchisés et organisés, c’est-à-dire élaborés au fil des générations, et pouvant subir des dégradations lors de phénomènes pathologiques. Ce modèle laisse une place pour les réflexes et l’automatique, mais décrit surtout l’intégration sensori-motrice et la coordination à un niveau supérieur par les aires préfrontales. (…) Jackson en vient à admettre que l’étude de l’intellect est distincte et parallèle de celle des réflexes » (Barbara, 2008).

Le concept d’adaptation est un véritable enjeu au sein des neurosciences et il est possible de le voir à travers les écrits, les écoles de pensées prenant leurs origines il y a plus de cent ans. En simplifiant à l’extrême, l’adaptation peut être l’adaptation des voies neuronales plastiques ou l’adaptation cognitive des représentations mentales. La temporalité de cette adaptation se situe tant au cours du développement que dans la vie adulte, la vieillesse ou la maladie. Jean-Gaël Barbara montre dans son travail que ces deux voies ont chacune leur histoire et cheminent côte à côte en suscitant parfois des polémiques (Barbara, 2008).

Par exemple, au cours du développement et en lien avec les aspects temporels dans le modèle de la charge allostatique, certains modèles animaux ont montré que, chez l’animal et dans le jeune âge, des taux modérés de stimulation environnementale, d’exercice et de production de cortisol améliorent l’architecture des neurones, entre autres via leur plasticité (par l’arborisation plus nombreuse de leurs dendrites et le nombre plus important de leurs synapses), augmentent la croissance de nouveaux neurones dans l’hippocampe et améliorent le métabolisme du cerveau (Kempermann et al., 1998 ; Sirevaag & Greenough, 1988 ; Ganzel et al., 2010). Chez l’homme, cette adaptation à l’environnement via des modifications cérébrales objectivables est au centre de recherches prometteuses qui s’intéressent aux événements précoces de la vie chez les individus en vue d’expliquer leur vulnérabilité à certaines pathologies. De nombreuses études ont ainsi montré que la privation psychosociale, linguistique et sensorielle avait un effet tant sur la structure que sur la fonction du cerveau avec, par exemple, respectivement une diminution du volume total du cerveau et des modifications dans l’activité électrique du cerveau (Vanderwert et al., 2010). Cette période du début de la vie où l’individu et son cerveau présentent une sensibilité particulière aux stimuli qui pourront avoir des effets de longue durée et éventuellement persistants pousse certains auteurs à proposer la notion de « programmation du début de vie », en lien avec la survenue de troubles neurodéveloppementaux (Bale et al., 2010). Il semble que l’adaptation neurodéveloppementale qui peut s’opérer en début de vie puisse être soit très utile, soit très délétère et qu’un « juste milieu » semble l’idéal, peut-être en suivant la loi de Yerkes-Dodson décrivant de nombreux processus physiologiques comme étant optimaux dans un espace limité entre deux extrêmes.

S’il nous paraît superflu de développer tous les chemins historiques rendant compte de ces deux approches, une notion qui nous semble importante est celle de période critique. « Une période critique se définit comme un moment durant lequel un comportement donné manifeste une sensibilité particulière à des influences environnementales spécifiques qui lui sont indispensables pour se développer normalement » (Purves et al., 2011). Différentes recherches illustrent bien ce concept de période critique, comme celles réalisées par David Hubel et Torsten Wiesel qui démontrent que suturer les paupières d’un chat durant un certain temps et à certains moments précis, peut induire une cécité centrale liée à un dysfonctionnement du développement des voies visuelles qui dépendent en fait d’interactions avec le milieu (Purves et al., 2011). La plasticité développementale visant à l’adaptation du système nerveux à son environnement est ainsi mise en avant, en particulier dans les travaux de Gérard Edelman ou de Jean-Pierre Changeux qui proposent qu’une sélection du développement dans un contexte de connexionnisme puisse exister (Barbara, 2008). Par ailleurs, du côté de la cognition, un clinicien et théoricien comme Jean Piaget (1896-1980) a proposé que la cognition puisse être un phénomène adaptatif. Il décrit deux processus cognitifs cruciaux pour progresser d’un stade à un autre : l’assimilation et l’accommodation. L’assimilation est la manière par laquelle un enfant transforme une nouvelle information afin qu’elle prenne sens avec ses connaissances de base antérieures. L’accommodation survient quand un enfant change sa structure cognitive dans une tentative de comprendre une nouvelle information. Ensemble, ces deux processus permettent l’adaptation, qui est ici définie comme la capacité d’un enfant à s’adapter à son environnement (Piaget & Inhelder, 1972).

Plus récemment, la plasticité synaptique ainsi que la formation de la mémoire ont été liées, entre autres, au facteur neurotrophique dérivé du cerveau (pour les Anglo-Saxons Brain Derived Neurotrophic Factor [BDNF]). Dans une revue récente, Andero, Choi et Ressler (2014) rappellent que le BDNF est classiquement connu pour ses effets sur la survie des neurones et est la neurotrophine la plus abondante dans le système nerveux central lié notamment aux processus de modulation des axones et de croissance des dendrites. Le BDNF est essentiel pour la plasticité synaptique qui est elle-même cruciale pour la mémorisation et l’apprentissage à long terme. Le BDNF est donc un élément crucial des changements de forces de connexions entre deux neurones ou synapses et conditionne donc les altérations fonctionnelles et structurelles qui en découlent, incluant la potentialisation à long terme (la Long-Term Potentiation ou LTP des Anglo-Saxons). Notons que le BDNF n’est qu’une étape de ces processus complexes où intervient toute une série de seconds messagers. L’adaptation cognitive (nécessitant une adaptation fonctionnelle et structurelle du cerveau), l’adaptation sensorielle (entre autres illustrée par la notion de période critique) est ainsi sous-tendue par une machinerie de neurotransmetteurs et de signaux messagers permettant l’inscription de cette adaptation dans le cerveau des sujets qui la vivent. Ces adaptations sont également sujettes à modification par l’environnement au travers de mécanismes épigénétiques à même de modifier par exemple l’expression du BDNF (Cortex-Mendoza et al., 2013 ; Karpova, 2014).

Actuellement, notons que c’est, entre autres, avec le concept de « stress » et de « peur » ou plus largement d’« émotion » que l’adaptation psychique est étudiée en neurosciences, mais toujours en la rapprochant de corrélats physiologiques donc biologiques (d’où le « neuro »). Par exemple, la psychodynamique des attaques de panique pourrait être comprise à la lumière d’une intégration entre la théorie psychanalytique et la compréhension de certains mécanismes régissant le stress et la peur, ayant été mis en lumière par les neurosciences (De Masi, 2004). Avec son syndrome général d’adaptation, Hans Selye décrit les symptômes non spécifiques quelle que soit la nature de l’agression ou du stress sur l’organisme et il propose un modèle en trois temps (Selye, 1962). Premièrement, une réaction d’alarme qui est un temps de préparation et de mobilisation des ressources de l’organisme afin de faire face au stress ; deuxièmement, la phase de résistance où l’utilisation des ressources se poursuit ; troisièmement, la phase d’épuisement où l’on observe l’apparition de différents troubles somatiques. L’étude du stress se concentre, notamment, sur l’activation du système neuroendocrinien et du système nerveux périphérique autonome afin de faire face, de s’adapter à l’imprévu. Les neurosciences du stress et de la régulation des émotions explorent cette voie de manière systématique (Mikolajczak & Desseilles, 2012). Par exemple encore, mais d’un point de vue plus théorique, Antti Revonsuo propose que les rêves puissent conférer un avantage au niveau de la probabilité du succès reproductif en permettant aux individus de gérer les menaces et de se défendre dans un environnement sécurisé (Revonsuo, 2000). Cette hypothèse est invérifiable avec la méthodologie neuroscientifique tant la temporalité de l’évolution se passe sur une très longue période qui dépasse de loin plusieurs générations et s’adresse plus au temps où nos ancêtres vivaient dans un environnement où la vie était courte et pleine de menaces. Une autre hypothèse, testable cette fois, traite de l’impact du sommeil sur la mémoire et en particulier la mémoire émotionnelle. Le traitement de l’information durant le sommeil paradoxal survenant rapidement après une exposition à des informations complexes comprenant des émotions négatives permettrait un meilleur encodage de cette information émotionnelle au détriment de l’information neutre en arrière-plan (Payne et al., 2012). Au-delà d’un « oubli » sélectif de l’information neutre en arrière-plan qui peut être en soi adaptative puisqu’elle ne vient pas charger la mémoire avec un signal non pertinent, le traitement de l’information au niveau cérébral durant le sommeil pourrait ainsi conserver dans la mémoire à long terme les seules informations qui sont émotionnellement saillantes, potentiellement importantes pour le futur de l’individu, et qui permettrait ainsi au sujet de mieux s’adapter (Payne et al., 2012). Cette étude rejoint l’hypothèse plus globale que le sommeil ferait plus que consolider la mémoire en conservant des faits véritables, mais la transformerait en la rendant moins précise, mais plus utile d’un point de vue adaptatif à long terme (Payne & Kensinger, 2010). Ces études montrent comment les émotions peuvent être étudiées dans leur dimension adaptative, que ce soit en lien avec l’éveil ou en lien avec le sommeil, avec des hypothèses distales et invérifiables ou plus proximales et vérifiables.

Une autre solution à ces deux voies connexionniste et cognitiviste a été proposée par Francisco Varela (1946-2001) dans sa théorie de l’enaction où il décrit un autre modèle d’adaptation dans lequel la cognition est la production permanente du monde qui émerge chez le sujet par la mise en place de connexions neuronales au cours d’un historique qui n’est pas interrompu, certainement en vue de l’adaptation à son environnement (Varela et al., 1991 ; Barbara, 2008). Ainsi, la théorie de l’enaction conçoit l’esprit en mettant l’accent sur la manière dont le corps et l’esprit s’organisent par eux-mêmes et en interaction avec l’environnement (Varela et al., 1991). Cette théorie est une alternative proche de la cognition incarnée et le succès de cette hypothèse sera testé par l’épreuve du temps.

Au-delà de l’adaptation « en vue de », Stephen Jay Gould (1941-2002), qui s’était élevé contre le « panadaptationnisme », souligne qu’il serait exagéré de considérer toute transformation évolutive comme une adaptation ou que toute évolution se réalise nécessairement toujours au travers d’adaptations utiles au sein des populations (Ricqlès, 2015). De plus, puisqu’il semble n’exister qu’un nombre limité de solutions structurales à un problème fonctionnel donné, les homoplasies, ou ressemblances trompeuses entre les organismes adaptés à des modes de vie similaires peuvent induire en erreur l’observateur extérieur qui considère que ces ressemblances signifient des mécanismes adaptatifs similaires alors qu’il peut n’en être rien (par exemple, ressemblance entre le dauphin et le requin). Pour Ricqlès, « une structure peut avoir plusieurs rôles, et c’est sur ce potentiel que semble jouer la sélection naturelle dans le cadre des grandes innovations évolutives » (Ricqlès, 2015). La préadaptation de Lucien Cuénot (1866-1951) puis, ensuite, l’exaptation (sans le « ad » finaliste) proposée par Stephen Jay Gould et Elisabeth Vrba en 1982, rendent compte de l’idée générale d’un « changement majeur des fonctions de structures préexistantes, dans le contexte de nouvelles conditions de milieu » (Barbara, 2008 ; Ricqlès, 2015).

Dans la même perspective, le psychologue cognitiviste, Stanislas Dehaene, fait usage de ce dernier terme afin de décrire comment une aire cérébrale impliquée chez l’animal dans la reconnaissance des formes peut servir à la lecture chez l’homme (Dehaene, 2007). La neuroécologie, discipline-frontière entre les neurosciences et l’écologie, visant à préciser des corrélations entre physiologie, environnement et évolution, par exemple la taille de l’hippocampe variant chez certains oiseaux avant l’hiver au moment où ils cachent leur nourriture, augure d’un retour à Darwin pour le futur (Barbara, 2008, Lucas 2004).

Adaptation sociale et neurosciences

La notion d’adaptation sociale est particulièrement intéressante, car elle rappelle l’importance du milieu de manière plus explicite que les deux autres adaptations. Entre autres, l’adaptation sociale s’observe dans le fait que la réalité sociale se substitue à une réalité objective manquante. En effet, dans ce cas, la réalité sociale est représentée par la tendance de l’opinion collective et peut aller jusqu’à déterminer l’image que le sujet a de lui-même. Ces « réalités sociales » se retrouvent dans les a priori, les préjugés, les opinions, les attitudes que les individus ont à l’égard de groupes auxquels ils pensent appartenir ou desquels ils se sentent mis à l’écart.

De la même manière, lorsqu’un groupe se constitue, il tend à s’y former une homogénéité des points de vue, des valeurs, des opinions et des attitudes. Un exemple au niveau des neurosciences peut être trouvé dans le travail réalisé par l’équipe d’Elizabeth Phelps (Kubota et al., 2012). Son équipe a observé dans la littérature neuroscientifique qu’il y avait un réseau de régions cérébrales qui était activé lorsque les sujets devaient traiter une information ayant trait à la « race ». Ce réseau recouvre des circuits impliqués dans la prise de décision et la régulation des émotions, dont les amygdales, la région fusiforme spécialisée dans le traitement des visages, le cortex cingulaire antérieur et le cortex préfrontal dorsolatéral[4]. Auparavant, une de leurs études a été de mesurer un réflexe de clignement des yeux que les personnes ont lorsqu’elles entendent un son très fort par exemple. Ce réflexe étant augmenté lorsque les personnes sont anxieuses ou lorsque quelque chose de négatif est présent, ils ont utilisé dans cette étude ce réflexe afin d’avoir un marqueur biologique préférentiel, et ce, de manière implicite (sans que le sujet doive dire explicitement sa préférence). Ils ont trouvé que les préférences implicites étaient liées à une augmentation du réflexe de clignement, et que les deux (marqueur biologique et réflexe de clignement) étaient corrélés avec le degré d’activation de l’amygdale. Étant donné que l’amygdale est impliquée dans la perception, le traitement et la régulation des émotions, ils suggèrent que l’amygdale pourrait être liée à une appréciation automatique que nous faisons lorsque nous voyons des personnes d’un autre groupe racial. L’activité dans la région des visages se comprend puisque ces études montrent toutes des visages… Par ailleurs, ils proposent que le conflit qui peut survenir chez les personnes qui évaluent de manière non intentionnelle, mais qui pourtant ne souhaitent pas être préjudiciables à leur prochain, ce conflit donc pourrait être détecté en partie grâce au recrutement du cortex cingulaire antérieur. D’autre part, l’activité dans le cortex préfrontal dorsolatéral pourrait permettre de réguler la réponse émotionnelle qui entre en contradiction avec des objectifs ou des croyances égalitaires (Phelps et al., 2000). Cet exemple montre comment l’adaptation sociale peut être étudiée avec les neurosciences. D’autres auteurs se sont intéressés à cette adaptation sociale au cours du développement de l’individu et particulièrement à une période clé de son développement qui est l’adolescence (Guyer et al., 2012 ; Silk et al., 2013 ; Somerville, 2013). Les adolescents répondraient avec une sensibilité et une intensité émotionnelle importantes à l’évaluation sociale et continueraient à acquérir des capacités de représentation des pensées et des sentiments des autres. Cette sensibilité sociale chez l’adolescent serait la résultante d’une interaction entre des facteurs tels que le développement du cerveau, l’expérience et des facteurs socioculturels. De même que la circuiterie cérébrale prête quelques dispositions à la sensibilité sociale, le cerveau serait également façonné par cette expérience unique de l’adolescence. Expérience qui aurait pour but une meilleure adaptation à la vie adulte comprenant, entre autres, des compétences sociales matures. De ce point de vue, cette période serait un autre exemple de période critique durant laquelle les interactions biopsychosociales permettent d’acquérir des compétences qui favoriseront l’adaptation à une autonomie de plus en plus grande, signe de la vie adulte. Outre ces aspects neurobiologiques, cette adaptation sociale prend aussi ses racines dans les expériences de psychologie qui étudient les associations implicites en mesurant les temps de réaction pour choisir des paires de concepts comme « blanc/noir » et « mauvais/bon ». De manière non étonnante, les préférences vont pour les individus de son groupe social et les temps de réaction se raccourcissent donc lorsqu’il s’agit d’associer « bon » avec l’attribut de son groupe social. C’est particulièrement problématique lorsque, dans un cadre judiciaire, la diversité des jurés ne prend pas en compte ces phénomènes de préférence sociales. Cette étude est également cohérente avec la théorie de la dissonance cognitive proposée par Festinger (1957) et ses collaborateurs et qui montre que les individus ont tendance à modifier leur jugement de manière à obtenir un ensemble de jugements cohérents en payant le moindre coût psychique. Entre l’adaptation d’un individu qui se rend apte à un groupe et l’intégration par le groupe qui admet un individu, un équilibre savant doit se faire qui est un équilibre qui se trouve simplifié lorsqu’un partage commun de certaines valeurs préexiste et lorsque les valeurs du groupe ne rentrent pas en conflit avec les valeurs de l’individu. Les opinions et les attitudes dépendent des différents groupes qui constituent le champ social d’un individu (Merton, 1968). L’adaptation d’une personne à un groupe dépendrait donc de la structure de son champ social et donc de ses différentes appartenances. Les neurosciences montrent les corrélats cérébraux des préférences implicites et invitent à se demander dans quelle mesure nos choix et nos décisions sont influencés par ces mécanismes d’adaptation sociale.

Adaptation, neurosciences et psychopathologie

Même si les contraintes de l’écriture d’un article font en sorte que la place est limitée, il semble pertinent d’envisager, ne serait-ce que brièvement, l’éclairage de l’adaptation par les neurosciences dans le contexte de la psychopathologie.

Dans le contexte des « théories de l’attachement », qui peut être vu comme une adaptation à la séparation, Freud a proposé une théorie principalement intrapsychique, garantie de satisfaction de ses besoins vitaux (Geyskens, 2003). Cette théorisation est dans la lignée de la deuxième voie décrite ci-dessus, la voie de l’activité psychique spontanée. Bowlby intègre au modèle psychodynamique freudien les modèles éthologiques, cybernétiques, cognitifs et évolutionnistes, et conceptualise l’attachement comme dimension originaire, irréductible de la nature humaine (Geyskens, 2003 ; Guédeney & Guédeney, 2009). Cette théorisation est dans la lignée de la première voie et de la troisième voie décrites ci-dessus, soit l’adaptation comme réaction à l’environnement et l’adaptation comme entre-deux voie telle l’enaction proposée par Varella. Dans la lignée de cette troisième voie, et en alternative aux deux théories précédentes de Freud et Bowlby, se trouve la proposition théorique de Hermann qui propose deux pulsions originaires, s’accrocher et chercher, et une formation réactionnelle, la tendance à se détacher de l’objet originaire (Geyskens, 2003).

Dans le contexte des « thérapies cognitivo-comportementales », trois vagues sont décrites. La première vague ou vague comportementaliste conçoit l’adaptation comme réaction à l’environnement et réflexe neuronal. La deuxième vague ou vague cognitive, conçoit l’adaptation comme un processus cognitif et est donc plus dans la lignée de la deuxième voie décrite ci-dessus, la voie de l’activité psychique spontanée. La troisième vague vient proposer autre chose et regroupe différentes approches, comme la thérapie d’acceptation et d’engagement de Steven C. Hayes visant à restaurer une flexibilité psychique chez les individus (Hayes et al., 2003), mais également la méditation en pleine conscience utilisée dans la gestion du stress ou contre les rechutes dépressives, et aussi la thérapie comportementale dialectique proposée par Marsha Linehan proposant, entre autres, un assouplissement des rigidités psychiques entre un changement et une validation de la souffrance et des difficultés (Linehan, 1993). Cette troisième voie propose donc une entre-deux voie au point de vue thérapeutique et renvoie à l’entre-deux voies proposée par la théorie de l’enaction de Francisco Varella. L’ « acceptation » est ainsi proche de l’adaptation et permet pour l’individu de se détacher de contenus psychiques obsédants, quel qu’en soit le thème. Ce concept est ainsi très proche de celui de « résilience » qui explique notamment comment des difficultés de vie importantes n’empêchent pas certaines personnes de pouvoir se reconstruire et se dépasser par la suite (Block & Block, 1980). Ces concepts d’acceptation et de résilience sont sous-tendus par la restructuration cognitive, sorte de réadaptation psychique permettant de corriger le focus attentionnel ainsi que l’évaluation intellectuelle et émotionnelle d’une situation afin d’en modifier la réponse comportementale qui se situera dans la dialectique inhibition (évitement) ou action (approche) en vue de s’adapter aux défis qui se présentent au sujet. Cet apprentissage à l’adaptation, nécessitant un haut degré de symbolisation et de mentalisation, explicite et pas seulement implicite, n’est probablement pas sans lien avec la proportion importante de régions associatives dont notre cerveau est doté, et également avec le fameux ratio poids du cerveau : poids du corps (qui avec 1 : 50 présente une différence de taille de 300 fois avec le cerveau de la souris) et l’observation du cerveau comme collection hétérogène de systèmes hautement interconnectés, mais fonctionnellement distincts (Purves et al., 2011) qui permettent d’intégrer les sensations et stimuli de modalités diverses afin de s’adapter au monde environnant et à nos buts et valeurs. Des mécanismes neurobiologiques permettant de mieux comprendre la résistance au stress social ont été proposés et auraient comme corrélats des régions impliquées dans la régulation des émotions (Cooper et al., 2015). Ceci étant, l’adaptation en lien avec la psychopathologie est souvent vue comme un problème individuel, en lien avec le stress et une certaine vulnérabilité. Le rôle du cerveau et des structures impliquées dans la mémoire et les émotions, comme l’hippocampe, l’amygdale ou le cortex préfrontal a été particulièrement étudié dans ce contexte (McEwen, 2007) et il est décrit qu’à côté de la charge allostatique, c’est à dire de l’accumulation des événements de la vie quotidienne qui produisent un certain stress chronique, à court terme, les hormones associées au stress protègent le corps et promeuvent l’adaptation, ce qui est dénommé allostasie (McEwen, 2007). Les expériences précoces affectent la structure et le fonctionnement des régions cérébrales impliquées. Les relations sociales également. Dans ce contexte, si une manière de considérer ces changements était de les comprendre en termes d’ « acclimatation » à un environnement stressant, source de vulnérabilité, une autre manière de considérer ces changements est de les comprendre en termes d’ « adaptation » à un environnement ou à un groupe, dans une perspective qui se voudrait alors évolutionniste, éthologique et phénoménologique. Une personne ayant une dépression s’adapterait par exemple à une place et un rôle dans une société où il serait plus adapté de ne pas lutter pour une autre place ou un autre rôle[5]. Toutes les relations interindividuelles impliquent une attente, une perception et un engagement qui sont variables en quantité et en qualité. Un rapport de complémentarité ou de symétrie peut en découler. Dans les deux cas, il existe une adaptation de l’un à l’autre, un rapport de dominance – non dominance qui rappelle quelque part la notion de mâle alpha – mâle bêta  qui sera observée chez certains animaux. Notons cependant que chez les humains, le rapport serait avant tout interindividuel et pourrait varier en fonction des différentes relations. Toujours pour les personnes souffrant de dépression, celle-ci est tantôt considérée comme un mécanisme d’adaptation au regard des théories évolutionnistes – qui permettrait par exemple de communiquer sa détresse, de ne pas s’engager dans une cause dangereuse, de ne pas mettre en péril son intégrité physique ou de ne pas s’engager dans une rupture importante de sa manière de vivre si l’alternative n’apporte pas plus de satisfaction (Nesse, 2000) – tantôt comme une construction désubjectivante paradigmatique d’une création nosologique par laquelle la société s’adapte à de nouvelles conceptions du symptôme, approché comme déficitaire et non comme le reflet d’un conflit psychique que l’individu a à accepter et à assumer (Vanier, 2010). En cela, la construction nosographique empêche l’adaptation de l’individu à son symptôme, puisque cette approche déficitaire s’accompagne de prescrits visant à diminuer la dépression tout en précisant son objet comme un manque, que la médecine pourrait éventuellement combler. Par ailleurs, cette construction nosographique permet l’adaptation de l’individu à l’approche déficitaire en le faisant entrer dans une société de prescription et de consommation médicales. Entre l’adaptation à l’environnement, l’adaptation à la société et l’adaptation à ses symptômes, l’individu se voit ainsi déchiré dans un paradoxe du « toujours plus de dépression » malgré la présence de « toujours plus de traitement » et de personnes suffisamment compétentes pour la détecter.

Par exemple, encore, l’adaptation d’une personne souffrant d’une schizophrénie pourrait être plus une adaptation à son monde psychique (interne) qu’au monde intersubjectif (externe). La saillance des informations internes et externes, subjectives et sociales, rentrant alors en compétition et résultant en une adaptation qui se trouve être un équilibre symptomatique que la médecine veut soigner. D’un point de vue neuroscientifique, les expériences sur la plasticité et les périodes critiques (Purves et al., 2001), les différences de plasticité du système nerveux en fonction de l’âge, constituent une des bases neurobiologiques de la sensibilité beaucoup plus élevée des comportements humains aux modifications qui surviennent lors des premiers stades du développement, mais également après, que ces modifications soient normales ou pathologiques. Cela a évidemment des implications en santé mentale, mais également pour l’éducation et l’organisation sociale.

Conclusion

Lorsque l’on envisage l’adaptation sous la loupe des neurosciences, nous voyons que plusieurs champs se déploient. Premièrement, le champ de la « résolution spatiale ou du territoire », infiniment petit (avec l’adaptation sensorielle et moléculaire) ou infiniment grand (avec l’adaptation groupale et environnementale). Deuxièmement, le champ de l’ « imaginaire » et des fantasmes, par lequel les neurosciences vont être l’écran sur lequel le grand public peut projeter ses attentes et ses craintes, mais également sur lequel certains scientifiques pourront utiliser les neurosciences, par exemple comme objet à étudier à l’infini dans une approche méticuleuse qui peut devenir une vocation durant une vie, ou également comme écran de projection d’un savoir qui peut être tour à tour transmis, gardé et utilisé de manière plus ou moins personnelle. Les neurosciences devenant alors un nouveau média de communication sur de nombreux thèmes qui autrefois étaient repris dans d’autres champs des sciences humaines. Les excès et les dérives ne sont limités que par l’augmentation des connaissances et des limitations sur les méthodes qui par ailleurs évoluent constamment. Il faut bien entendu raison garder et nous pouvons nous demander quelle neuro-société nous souhaitons construire. Troisièmement, le champ de la « liberté », mettant en tension deux voies parallèles et complémentaires, mais souvent opposées, se répercutant dans des discours parfois rejetant d’une voie envers l’autre, à savoir la voie réflexe et neuronale et la voie spontanée et psychique. La liberté se situe aussi au niveau de l’exploration de voies complémentaires permettant d’intégrer les différentes notions préexistantes en un modèle plus global. Le champ de la liberté se lie également au champ de la « temporalité » par exemple dans son opposition relative au déterminisme. La contrainte vers un but déterminé laissant d’autant moins de place à la liberté qu’elle se situe dans une fenêtre temporelle courte. L’histoire de la conceptualisation de l’adaptation montre les méandres conceptuels et moraux que prend la pensée des théoriciens qui se sont penchés sur ce thème. Quatrièmement, le champ du « corps », corps biologique, pétri de psychisme et s’inscrivant dans une société. Tant de niveaux où l’adaptation peut être révélée par les neurosciences qui illustrent alors des mécanismes intra-individuels et interindividuels permettant de mieux comprendre l’humain, dans son esprit et dans son corps, en essayant de résoudre cette dialectique dans une intégration sociale. Les observations neuroscientifiques restent l’illustration de mécanismes par des méthodologies permettant souvent d’obtenir des illustrations et des images qui rendent compte d’un objet semblant plus objectif. Il ne faut pas que l’image fasse perdre de vue qu’il s’agit avant tout de la mise à jour de mécanismes dont les fonctions restent hypothétiques. Il ne s’agit pas de la révélation de causes. Les avatars cliniques en santé mentale peuvent eux aussi être lus à l’aune des neurosciences, corpus à même de fournir des explications mécanistiques qui pourront peut-être améliorer la prévention, le diagnostic et la personnalisation de la prise en charge thérapeutique des troubles psychiques.