La toxicomanie est la source d’un intérêt indéniable dans les milieux cliniques et scientifiques, notamment par sa grande prévalence qui la place avec les troubles anxio-dépressifs parmi les troubles de santé mentale les plus fréquents (Pearson, Janz et al., 2013). La comorbidité fréquente des troubles addictifs avec les autres troubles psychiatriques est aussi maintenant bien connue (Rush, Urbanoski et al., 2008) et les substrats biologiques et psychosociaux de ces troubles sont de mieux en mieux étayés (Samaha et Potvin, 2014). Parallèlement à l’émergence de ces connaissances ont été développées des approches adaptées pour répondre plus adéquatement aux besoins multiples des patients souffrant à la fois de trouble psychiatrique et de toxicomanie. Des programmes de traitement dits « intégrés » ont vu le jour afin de traiter au sein d’une seule et même équipe les problématiques addictives et psychiatriques des patients comorbides. La situation québécoise quant au traitement des patients souffrant de comorbidité toxicomanie-santé mentale est particulière et pose plusieurs défis en ce qui concerne l’organisation des soins, la structure et la culture des services en réadaptation pour la dépendance de même que la place timide qu’occupe la psychiatrie dans l’offre de services à cette population vulnérable. On peut assister à un réinvestissement du traitement de cette comorbidité de la part de la discipline psychiatrique dans les dernières années, comme en témoignent le développement de certains programmes intégrés au sein même des départements de psychiatrie et l’ajout de modalités pour traiter « l’autre problématique » dans les services de traitement de la toxicomanie et des troubles de santé mentale (Dubreucq, Chanut et al., 2012). L’intérêt grandissant pour la toxicomanie a mis au jour la grande complexité de cette problématique, qui s’avère un défi de taille tant pour les cliniciens qui traitent les patients dans les milieux thérapeutiques que pour les chercheurs qui tentent de mieux cerner le phénomène et développer des traitements appropriés. Cette complexité émane de plusieurs facteurs : l’explosion du savoir entourant les neurosciences de la toxicomanie et des techniques offertes pour faire avancer ces connaissances ; l’ensemble des inégalités et enjeux sociaux qui agissent comme facteurs de vulnérabilité et conséquences de la toxicomanie ; l’ampleur des problèmes médicaux qui se surajoutent à une comorbidité déjà lourde, notamment sur les plans infectieux et cognitifs ; l’organisation des soins qui encore à ce jour peine à assumer toutes les ramifications des besoins multiples de cette population vulnérable. Dans ce contexte, nous proposons ici un numéro thématique spécial sur la toxicomanie pour la revue Santé mentale au Québec, avec comme angle principal celui de la complexité sociale, légale, psychologique et biologique de cette problématique. Des auteurs de différents horizons et ayant des perspectives diverses rendent ainsi compte des multiples ramifications entourant la toxicomanie et des troubles concomitants, de même que certains phénomènes émergents. Le DSM-5 a donné naissance à une nouvelle définition des troubles en lien avec l’utilisation d’une substance. En plus de la disparition des diagnostics d’abus et de dépendance au profit du trouble lié à l’utilisation d’une substance (TLU), le craving s’est ajouté aux critères de cette nouvelle entité diagnostique. Dans une revue narrative de la littérature, Drs Morisette et Jutras-Aswad offrent une description clinique, épidémiologique et neurobiologique du craving, soulignant par le fait même ses implications dans l’évolution et la prise en charge de la toxicomanie. Les auteurs soulignent également les domaines où la recherche pourrait contribuer à une meilleure compréhension de ce symptôme au centre même du diagnostic et des traitements pour le TLU. L’article signé par Bastien Quirion propose d’explorer les enjeux éthiques et cliniques associés à la prise en charge …
Parties annexes
Bibliographie
- Dubreucq, S., F. Chanut et al. (2012). [Integrated treatment of cooccurring mental and substance use disorders in urban populations : the situation in Montreal]. Santé mentale au Québec,37(1), 31-46.
- Pearson, C., T. Janz et al. (2013). Mental and substance use disorders in Canada. S. Canada, Ministry of Industry.
- Rush, B., K. Urbanoski et al. (2008). Prevalence of co-occurring substance use and other mental disorders in the Canadian population. Can J Psychiatry,53(12), 800-809.
- Samaha, A. N. et S. Potvin (2014). Drugs of abuse and psychiatric disorders : neurobiological and clinical aspects. Prog Neuropsychopharmacol Biol Psychiatry, 52, 1-3.