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Les systèmes sociosanitaires sont en évolution constante. Des transformations plus radicales structurent néanmoins les mouvements de réformes à des phases charnières de changements socioéconomiques. Le contexte actuel de pénurie des ressources publiques, de vieillissement de la population, la montée des troubles chroniques et concomitants ainsi que l’importance des innovations technologiques ont ainsi poussé les systèmes de soins à adopter des changements radicaux au cours des dernières années. Pour plusieurs pays, l’accroissement des dépenses de santé surpasse l’augmentation du produit national brut, et atteint des sommets inégalés, représentant près de 50 % du budget des États. Le dispositif de soins n’étant que l’un des déterminants de la santé (et non le plus important), cette situation impose de hausser la performance des systèmes de soins et la collaboration avec les autres secteurs tels que les milieux de l’éducation, du travail et les municipalités. À cette fin, les plus récentes réformes des systèmes sociosanitaires ont majoritairement visé : a) la consolidation des soins primaires, incluant la révision des pratiques et des modes de paiement des omnipraticiens ainsi que la valorisation de la pratique infirmière avancée ; b) l’implantation de pratiques cliniques qui ont fait l’objet de données probantes (ex. : en santé mentale : suivi intensif (SI), soins partagés ou de collaboration[1]) ; c) l’amélioration de l’intégration du dispositif de soins, incluant la collaboration interprofessionnelle, le travail interdisciplinaire et la continuité des services à la clientèle ; et d) la bonification de l’accès aux services de santé, dont la psychothérapie en santé mentale, et l’utilisation optimale des services. La décentralisation des soins, l’approche populationnelle et la hiérarchisation des services, principes similaires à ce qui est déployé au Québec, ont souvent encadré les restructurations sur le plan international. Une responsabilisation accrue de la population envers sa santé et son bien-être, dont l’accent sur l’autogestion des soins en représente un exemple, et une meilleure reconnaissance des déterminants sociaux de la santé (ex. : soutien social, travail, réhabilitation), favorisant un accroissement de la gamme de services et le rétablissement des clientèles, balisent aussi les changements. Des indicateurs de performance ont également été développés, visant à monitorer et soutenir les réformes. D’une façon globale, la documentation et les expériences de terrains démontrent néanmoins l’inadéquation des indicateurs de performance et des efforts déployés pour soutenir et monitorer le changement. La complexité d’implantation des réformes, le nombre de changements envisagés et la résistance aux changements imposent pourtant le déploiement de mécanismes de soutien aux innovations, lesquels doivent être en nombre important, variés et soutenus, et ce à la hauteur des changements envisagés.
La santé mentale s’inscrit dans ce contexte global de restructuration des systèmes sociosanitaires tant sur le plan international qu’au Québec. Étant donné la prévalence importante des troubles mentaux et les conséquences associées tant sur le plan personnel, familial, qu’économique, ce programme-service avait été priorisé dans la réforme du système sociosanitaire québécois de 2005 (Projet de loi 83 ; (MSSS, 2005b)). En effet, une personne sur quatre sera atteinte au cours de sa vie d’un trouble mental (OMS, 2001). Les troubles mentaux, incluant la dépendance aux substances psychoactives, comptent parmi les plus importantes causes d’absentéisme au travail, dépassant désormais les journées perdues pour des raisons de maladies physiques, et ce dans plusieurs pays (Kirby et Keon, 2006). Les troubles mentaux sont souvent associés aussi à des problèmes de santé physique (Schmitz, Wang, Malla et Lesage, 2007). Les problèmes d’abus ou de dépendance aux substances psychoactives sont aussi très étroitement associés aux troubles mentaux, puisque plus de 50 % des personnes ayant eu un trouble mental au cours de leur vie auront également un problème d’abus ou de dépendance à l’alcool ou aux drogues (Kessler, 2004). Par ailleurs, malgré une récente amélioration, le taux de suicide au Québec est toujours l’un des plus élevés en Amérique du Nord (MSSS, 2008). Outre la prévalence et les coûts élevés des troubles mentaux, il faut également ajouter la grande stigmatisation visant les personnes qui en sont atteintes et leurs proches, un fardeau soutenu et des répercussions majeures sur la santé ainsi qu’un ensemble de facteurs de risque (pauvreté, criminalisation, itinérance, espérance de vie réduite, etc.).
C’est dans ce contexte que le Plan d’action en santé mentale (PASM) –2005-2010 (MSSS, 2005a) a été lancé afin d’améliorer la réponse du système aux besoins des personnes aux prises avec des troubles mentaux, ainsi que l’efficience d’ensemble du dispositif de soins. Contrairement aux orientations politiques précédentes (Politique de santé mentale (MSSS, 1989), Plan d’action de 1998-2002 (MSSS, 1998)), le PASM–2005-2010 innove sur plusieurs axes. Il a d’abord fait des troubles mentaux courants (ex. : dépression, anxiété) une priorité ; les plans précédents ayant mis l’accent sur les troubles mentaux graves (notamment la schizophrénie). Les soins primaires et partagés ou de collaboration (dont le psychiatre répondant) sont ainsi à l’avant-scène des transformations. Des équipes de santé mentale en CSSS-CLSC et des guichets d’accès à leurs services et aux services spécialisés pour les territoires de plus de 50 000 habitants ont ainsi été créés. L’objectif était « que 70 % des usagers en santé mentale soient évalués, traités et suivis par les services de première ligne » (MSSS, 2014) ; la documentation internationale estime qu’environ 90 % de la population peut être traité en première ligne (Walters, Tylee et Goldberg, 2008). D’après l’opération d’inventaire du MSSS 2011-2012, les équipes en santé mentale des CSSS-CLSC en termes d’effectifs professionnels visés selon la population seraient consolidées à 60 % et 50 % pour la clientèle adulte et jeune respectivement, et atteignent environ 45 % à 50 % des volumes de clientèle requis (MSSS, 2014). Le temps d’attente aux services reliés aux guichets d’accès et, d’une façon globale, l’accès adéquat aux médecins de famille et aux psychiatres demeurent les talons d’Achille de la réforme. Les soins partagés ou de collaboration n’ont encore été que très peu déployés dans leur ensemble, bien que 30 % des psychiatres du Québec « étaient éligibles à facturer des actes relatifs à la fonction de médecins spécialistes répondants en psychiatrie » (MSSS, 2014, p. 21). Cette fonction est par ailleurs très majoritairement exercée auprès des équipes de santé mentale en CSSS-CLSC, et très peu de services visent actuellement le soutien après de cabinets de médecins (10 % des actes d’après le MSSS, 2014). Enfin, le PASM–2005-2010 innovait aussi en faisant du rétablissement son principe directeur ; les documents politiques précédents étaient davantage orientés sur le rehaussement du pouvoir d’agir des personnes ou la réhabilitation, lesquels sont inclus dans la conception du rétablissement, mais ont des visées plus restreintes que ce dernier. Le PASM–2005-2010 est venu encourager certaines autres fonctions de liaisons ou de coordination des services, néanmoins peu opérationnalisées dans les établissements de santé, notamment : les fonctions d’agents de liaison, d’intervenants pivots, de professionnels répondants en santé mentale autres que les psychiatres, les ententes de services interétablissements et les projets cliniques.
Par ailleurs, plusieurs objectifs soutenus par le PASM–2005-2010 visaient le renforcement d’orientations ciblées dans les orientations politiques précédentes, surtout à l’endroit des usagers ayant des troubles mentaux graves, soit la consolidation du SI, du soutien d’intensité variable (SIV) et de la réadaptation (ex. : soutien aux activités de la vie quotidienne, aux logements autonomes, au travail, aux études). Les services de crise et de prévention du suicide, la réduction de la stigmatisation ainsi que l’aide à l’endroit des proches des utilisateurs de services étaient aussi des cibles du PASM. Pour soutenir le déploiement du SI et du SIV et, plus récemment, des soins de première ligne, spécifiquement les équipes de santé mentale en CSSS-CLSC, un Centre national d’excellence en santé mentale (CNESM) a spécialement été inauguré en 2008. Le CNESM agit comme instance de « coaching » et offre des activités de sensibilisation, d’information, de formation et de consultation, incluant l’évaluation des pratiques, pour le SI, le SIV et les soins de première ligne. D’une façon globale, les services auprès des personnes affectées de troubles mentaux graves identifiés dans le PASM–2005-2010 n’ont malheureusement été que peu consolidés. Le CNESM évalue cependant qu’il resterait environ 5 équipes de SI à déployer (actuellement 45 équipes en poste) et 10 équipes SIV (actuellement 112 équipes : 54 du réseau public, 24 du réseau communautaire et 34 équipes de type SI/SIV développés en milieu rural) ; le potentiel de soutien des équipes SI et SIV est néanmoins à parfaire (MSSS-CNESM, 2014). Enfin, différents travaux ont étudié l’implantation du PASM, et en ont fait ressortir ses forces et limites (CSBE, 2012 ; M. J. Fleury et Acef, 2013 ; M.J. Fleury et Grenier, 2012 ; MSSS, 2012) ; les lecteurs sont invités à consulter ces documents. En bref, les évaluations soutiennent des avancées significatives et des changements de cap qui vont dans le sens des « bonnes pratiques » au niveau des réformes du système sociosanitaire et de la santé mentale. Ces avancées se sont réalisées dans un contexte favorable à la santé mentale. Rappelons sur ce fait les paroles de l’actuel Premier ministre du Québec, alors ministre de la Santé, le Dr Philippe Couillard, qui signait le PASM–2005-2010 et affirmait que « le temps était venu d’accorder à l’organisation et à l’accessibilité des services en santé mentale la même attention qu’historiquement, [le gouvernement avait] accordé aux problèmes de santé physique (extrait du Mot du ministre, MSSS, 2005a) ».
Pour la période 2005-2010, 80 millions de dollars ont été investis en santé mentale, et un certain transfert de fonds à l’avantage des soins primaires s’est opéré. On peut néanmoins se questionner sur l’opérationnalisation de ces fonds, dans un contexte de compression des dépenses publiques et où les allocations ne sont pas protégées en fonction de programme-services dans les organisations de santé. Un certain décalage entre le financement alloué aux troubles mentaux et l’importance des taux de morbidité de ces troubles est aussi à signaler. Les pays perçus comme les plus performants dans le domaine de la santé mentale (ex. : Royaume-Uni, Australie) investiraient un minimum de 10 % environ de leur budget au traitement de ces troubles (OMS, 2005), ce qui est supérieur aux fonds alloués à ce programme tant au Québec (environ 8 %) qu’au Canada[2]. Ces pays investissent aussi davantage dans les interventions psychosociales, comme alternatives ou compléments à la médication (particulièrement la psychothérapie brève de type cognitif-comportemental[3]). D’une façon globale, une efficience plus élevée du système de santé mentale serait associée à une consolidation des soins primaires, des services intégrés et dispensés dans la communauté, au dépistage et à l’intervention précoce des troubles mentaux et à l’accroissement des pratiques basées sur les données probantes, l’ensemble effectué dans une logique d’amélioration continue de la qualité des services, du monitorage des interventions et du transfert des connaissances. De plus, la documentation confirme l’importance d’intervenir auprès des jeunes, étant donné que les troubles mentaux se déclenchent en grande majorité durant l’enfance et l’adolescence, afin d’éviter que ces troubles ne deviennent chroniques à l’âge adulte (Malla, Norman, McLean, Scholten et Townsend, 2003). Elle souligne aussi la pertinence de s’adapter aux besoins déterminés par les personnes elles-mêmes ainsi qu’à ceux de leur famille, afin de maximiser l’intégration sociale et le rétablissement des usagers aux prises avec des troubles mentaux. Les interventions visant l’autonomisation des personnes et leur intégration dans la communauté sont ainsi grandement favorisées. L’intégration des familles dans le traitement des proches et la prise en compte de leur bien-être sont aussi considérées comme des facteurs de succès dans les interventions efficaces (MSSS, 2011). La lutte contre la stigmatisation et la discrimination a par ailleurs été soulignée comme une mesure centrale en vue de l’intégration optimale des personnes dans les communautés, qui encourage leur autonomisation et leur rétablissement (Read, Haslam, Sayce et Davies, 2006). En outre, la documentation met en exergue l’importance des autres programmes-services et secteurs pour une intervention globale et intégrée en santé mentale, étant donné que les troubles mentaux sont trop souvent associés à des troubles concomitants, notamment des problèmes chroniques de dépendance aux substances psychoactives et de santé physique (Drake, Mercer-McFadden, Mueser, McHugo et Bond, 1998). Sont ainsi favorisées des actions concertées sur le plan local, régional, provincial et national : entre programmes-services et entre la pédopsychiatrie, la psychiatrie adulte et la gérontopsychiatrie. Enfin, bien que ces enjeux, pour la plupart, soient au coeur des orientations politiques des dernières années en santé mentale, des investissements plus appréciables en matière de ressources, de mobilisation et d’encadrement, d’outillage et de transfert des connaissances (intégration entre gestion, pratique et recherche) doivent épauler l’implantation des réformes pour une amélioration accrue de la performance du système de santé mentale.
Un nouveau plan d’action en santé mentale est actuellement en préparation, dont le dépôt a été à plusieurs reprises retardé en raison de l’instabilité politique (précédemment : gouvernement minoritaire, et actuellement : nouveau gouvernement). Au début de l’année 2014, un forum national a néanmoins été tenu, faisant état « des réflexions ministérielles en lien avec l’élaboration d’un prochain PASM » ; ce document visait à recueillir le point de vue de la communauté en santé mentale, afin d’alimenter le prochain PASM–2014-2020, et ne se voulait pas « une première version ou une synthèse » de ce dernier (MSSS, 2014, p. 1). En plus du rétablissement, principe directeur du PASM–2005-2010, les principes directeurs suivants ont été ajoutés au document de consultation pour le Forum, lesquels devraient orienter une organisation effective en santé mentale : les soins de collaboration, la performance et l’amélioration continue. Ce document focalise aussi sur les composantes suivantes, présentées comme des cibles clés de la consolidation du système de santé mentale : a) le plein exercice de la citoyenneté ; b) la détection et l’intervention précoce chez les jeunes, et le déploiement ; c) d’une gamme complète de services en santé mentale, et ; d) de pratiques organisationnelles et cliniques, favorisant spécifiquement la qualité des soins et un travail collaboratif. Dans les dernières années, plusieurs conférences effectuées par la Direction de la santé mentale du MSSS témoignent aussi du fait que le prochain PASM, outre la consolidation des orientations antérieures (ex. : équipe de santé mentale de première ligne en CSSS-CLSC, soins partagés ou de collaboration, SI, SIV) mettra l’emphase sur les services aux jeunes et les activités de réadaptation. Des aspirations en faveur du renforcement des activités de soutien à l’implantation de la réforme ont également été signalées : supervision et soutien clinique (dont le CNESM en est un exemple), indicateurs de performance et monitorage plus appropriés et soutenus des changements. La délocalisation ou le travail interdisciplinaire en réseau à la clinique médicale du médecin de famille est également une avenue clé, ciblée d’une façon générale dans la réforme sociosanitaire, et prenant forme notamment par la mise en place d’équipes médicales élargies, particulièrement dans les groupes de médecine de famille (GMF), et par l’inclusion d’autres professionnels psychosociaux que les infirmières[4]. En santé mentale, ce dispositif représente un intérêt certain étant donné le rôle de premier plan joué par les omnipraticiens auprès de la clientèle aux prises avec des troubles mentaux. Comme toutes autres stratégies ou nouvelles pratiques, ce dispositif de soins comportera néanmoins des enjeux importants d’implantation. Par ailleurs, des restructurations d’établissements sont attendues dans certains territoires et une compression importante des effectifs administratifs a été annoncée par le gouvernement. Ces changements structuraux auront certainement des répercussions sur la mise en oeuvre d’un nouveau PASM, comme ce fut le cas en 2005 où le PASM prenait parallèlement forme au Projet de loi 83. Tout laisse également croire que le gouvernement dirigé par le Dr Couillard et par son ministre de la Santé, le Dr Barrette, poursuivra la priorisation de la consolidation des soins primaires ; reste à voir néanmoins si la santé mentale sera encore une priorité pour cette équipe, comme ce fut le cas lors du lancement du PASM–2005-2010.
Présentation des articles de ce numéro spécial
Dans ce contexte de turbulence politique et où certainement des prises de position seront bientôt effectuées en faveur de la publication d’un nouveau PASM, ce numéro spécial de la revue Santé mentale au Québec vise à tracer un certain bilan de la réforme en cours en santé mentale et à en tirer des pistes de réflexion et des recommandations afin d’améliorer ce dispositif de soins, et ce, en continuité avec les travaux antérieurs effectués sur l’évaluation du PASM–2005-2010 (MSSS, 2012 ; CSBE, 2012 ; Fleury et Grenier, 2012 ; Fleury et Acef, 2013) et les récentes orientations émises par le Forum national sur le PASM–2014-2020 (MSSS, 2014). Ce numéro thématique est ainsi constitué de 13 articles ; certains présentent des contenus plus académiques, d’autres expriment davantage des témoignages ou des prises de position. L’ensemble s’adresse à un large public : recherche, communauté étudiante, prise de décision et intervention clinique. Les cinq premiers articles donnent une vue d’ensemble de la réforme. Les quatre articles qui suivent traitent de questions plus spécifiques. Deux articles s’intéressent ensuite à des perspectives internationales de reconfigurations du système de santé mentale, semblables au Québec, et qui pourraient être des sources d’inspiration. Enfin, les deux derniers articles apportent soit des informations sur l’accès aux services de santé mentale des personnes âgées, soit un témoignage d’expérience reliée à la participation des usagers.
Plus spécifiquement, l’article de la Dre Fleury présente : La réforme des soins primaires de santé mentale au Québec et le rôle des omnipraticiens. Les réformes sociosanitaires et de la santé mentale sont d’abord introduites. L’article résume par la suite les résultats d’une enquête et d’entrevues en profondeur effectuées auprès d’omnipraticiens de plusieurs régions de la province ainsi qu’exploite les données sur les actes médicaux des médecins du Québec. L’article conclut sur l’importance d’optimiser le déploiement de réseaux intégrés de soins et de bonnes pratiques en santé mentale. L’article du Dr Delorme et de M. Gilbert, s’intitulant : Que serait une oeuvre sans son cadre ?, explore les formes d’encadrement pouvant soutenir la réforme en santé mentale, et à quel point ces formes ont été exploitées ou devraient l’être. Les formes d’encadrement identifiées sont de type : prescriptif, formatif, de soutien clinique, évaluatif, d’accréditation, de recherche (incluant la création des instituts universitaires) et d’accompagnement géré par l’usager. L’article vise à soutenir la réflexion sur les moyens d’encadrement à optimiser afin de favoriser le déploiement du prochain PASM, actuellement en rédaction au MSSS. L’article des Drs Thiebaut, Ferland et Fleury, Politiques et plans d’action en santé mentale dans l’OCDE : leçons pour le Québec ?, analyse 21 politiques de santé mentale de différents pays et provinces canadiennes. Les politiques varient en termes de différenciation, d’intégration et de gouvernance, et cinq types de configurations sont identifiés. La politique québécoise actuelle est associée à une configuration technocratique structurelle, qui, d’après les auteurs, pourrait être bonifiée aux niveaux fonctionnels et professionnels et sur les aspects de la santé publique. L’article Réflexions et recommandations des Instituts universitaires en santé mentale du Québec sur le document de consultation du Forum national sur le plan d’action en santé mentale 2014-2020 se veut un mémoire déposé en vue de la bonification du futur PASM. Le Dr Luyet, Mmes Fortier et Fortin, la Dre Israël, Mme McVey et les Drs Racine, Villeneuve et Trudel, tous acteurs clés des instituts universitaires de santé mentale ou du centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, résument et apportent des critiques éclairantes sur ce document d’orientation et des pistes d’amélioration à entreprendre pour optimiser l’offre de services de santé mentale. Enfin, le cinquième article de cette catégorie offrant une vue d’ensemble de la réforme, intitulé La santé mentale jeunesse ; un domaine à la croisée des chemins, est rédigé par les Dres Rousseau et Nadeau et Mmes Pontbriand, Jonhson-Lafleur, Measham et Broadhurst. L’article aborde des questionnements en croisant les savoirs provenant de la documentation et ceux qui émergent après l’implantation du PASM. Si l’importance grandissante de la santé mentale des jeunes fait consensus, les auteurs signalent que de multiples questionnements émergent quant à la spécificité de ce domaine, qui ne peut être conçu comme une extension des services pour les adultes. Plusieurs recommandations pour améliorer les services aux jeunes sont identifiées.
S’ensuivent quatre articles sur des thèmes plus spécialisés. D’abord, les Drs Grenier et Fleury discutent des acteurs clés que sont les organismes communautaires en santé mentale, dont le CSBE dans son rapport 2012 sur la performance des services de santé mentale a recommandé la consolidation de leurs financements, du moins à la hauteur des objectifs ciblés dans le PASM–2005-2010 (10 % du financement du programme-service). L’article trace l’historique et le rôle des organismes communautaires en santé mentale et l’impact du PASM–2005-2010 sur leurs services. Les Dres Ricard et Page et Mme Laflamme nous parlent quant à eux de La pratique infirmière avancée : un choix qui s’impose pour la qualité des soins et services en santé mentale. L’article porte un regard critique sur la pratique infirmière en santé mentale au Québec et les conditions essentielles à son évolution. Il vise à décrire les tendances actuelles de l’évolution des rôles et de la modernisation de la pratique et de ses retombées sur la qualité des services. Il propose aussi des stratégies visant l’optimisation de ce rôle dans l’offre de services en santé mentale. L’article intitulé Le rôle des familles au sein du système de santé mentale au Québec de l’équipe du Dr Bonin (coauteurs : G. Chicoine, H. Fradet, C. Larue, H. Racine, M.-C. Jacques et D. StCyr-Tribble) trace un rappel historique des différents rôles occupés par les familles : d’agent causal, prestataire de soins, à partenaire du réseau. Un modèle est articulé identifiant les familles en tant que client, accompagnateur et partenaire. L’article conclut sur des recommandations tenant compte des aspirations des familles, tirées d’un rapport de recherche québécois et de la Commission de la santé mentale du Canada. Le dernier article de cette série, Participation publique et participation citoyenne des personnes utilisatrices de services en lien avec le Plan d’action en santé mentale 2005-2010 : leur rôle de porte-parole, propose un regard rétrospectif sur cette participation en lien avec le PASM. Basé sur des écrits gouvernementaux et sur des recherches en cours, l’article discute de l’évolution de la fonction de porte-parole, s’exprimant à la première personne du singulier, puis à la première personne du pluriel. La notion de participation publique aurait ainsi pavé la voie à celle de participation citoyenne. Les auteurs, le Dr Pelletier, Mrs D’Auteuil et Ducasse et la Dre Rodriguez del Barrio, concluent que les conditions et modalités de participation pourraient cependant être mieux définies.
Les articles sur les systèmes de santé mentale au niveau international s’intéressent d’une part à l’Australie et d’autre part à la Belgique. L’article des Drs Kisely et Lesage, Services de santé mentale de l’Australie, résume, depuis 1992, les quatre stratégies en santé mentale, qui se sont succédé afin de promouvoir la santé mentale et d’augmenter la qualité des services et la cohérence du système de santé mentale dans le pays. Les différents axes de la réforme sont présentés incluant l’ambitieux programme d’accès équitable à la psychothérapie, fondé sur un paiement à l’acte des psychologues à la suite d’une référence des médecins de famille. Les forces et les limites des vagues de réformes australiennes sont aussi mises en exergue, permettant une réflexion pour le Québec. L’article de Bernard Jacob, Donatien Macquet et Stéphanie Natalis, Une réforme globale des soins en santé mentale basée sur une approche communautaire : l’expérience belge, trace l’évolution de ces dernières années des soins de santé mentale en Belgique, et montre les avancées de ce système vers la mise en place de soins dans la communauté. Au coeur de cette réforme, des équipes mobiles ont été créées, complétant le dispositif communautaire déjà existant. La réforme est structurée en réseaux de soins, organisés autour des besoins des usagers et de leur entourage. L’article décrit la réforme belge et son état d’avancement en soulignant les forces et les difficultés de cette restructuration majeure du dispositif de soins, et dont les grandes orientations et les buts poursuivis coïncident avec ceux du Québec.
Le Dr Préville, Mme Gontijo-Guerra, les Dres Mechakra-Tahiri et Vasiliadis, Mme Lamoureux-Lamarche et le Dr Berbiche complètent ce numéro thématique par la présentation des propriétés psychométriques d’une mesure du statut socioéconomique des personnes âgées et par la documentation de l’effet du statut socioéconomique sur l’association entre le besoin ressenti d’améliorer sa santé mentale et l’utilisation des services de médecine générale par les personnes âgées en tenant compte de l’effet de l’âge et du genre. Pour cette étude, 2811 personnes âgées de 65 ans ont été sondées. L’étude conclut que le statut socioéconomique n’influence pas l’accès aux services de médecine générale chez les personnes âgées. Notre dernier article, intitulé Pour nous, être citoyen à part entière, ça veut dire…, rédigé par le Dr Pelletier et Mmes Fortin et Bordeleau, rapporte un témoignage d’usagers. Il est le fruit d’un dialogue tenu entre la direction générale d’un Institut universitaire en santé mentale et d’un groupe de personnes utilisatrices de services qui prennent part au Projet citoyen au centre de recherche de ce même Institut. Cette étude de cas illustre une façon de trianguler des données issues d’une recherche participative et au sein de laquelle des personnes utilisatrices de services de santé mentale ont été des partenaires de recherche à part entière.
Enfin, espérons que ce numéro thématique de la revue Santé mentale au Québec favorisera le transfert des connaissances et la réflexion autour de l’édition d’un nouveau PASM. Par ailleurs, les transformations d’un système de santé sont certes orientées en fonction des politiques publiques, et le gouvernement joue un rôle moteur dans le soutien et le monitorage des transformations, mais ce sont bien les usagers, les proches, les intervenants et les gestionnaires du terrain (et les chercheurs !) qui sont « l’huile » qui fera tourner « la grande machine » du système de santé, et feront des transformations un succès vers la poursuite de l’optimisation du dispositif de soins et d’une meilleure santé globale de la population. Dans ce contexte de transformation, la mobilisation de l’ensemble du réseau est nécessaire pour la poursuite des efforts, et tous doivent intégrer la recherche de l’innovation et de l’amélioration continue des pratiques. Nous espérons ainsi que cette édition contribue à cet effort collectif d’amélioration de l’efficience de notre système, et que vous saurez prendre intérêt et plaisir à la lecture de ce numéro !
Parties annexes
Notes
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[1]
Pour une définition des soins partagés ou de collaboration, se référer à l’article de la Dre Fleury.
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[2]
Pour le Québec, le montant varie selon qu’on y inclut (6,08 %) ou non (7,87 %) les activités de soutien (ex. : entretien du parc immobilier, chauffage), et ce pour l’année financière 2012-2013. D’une façon globale, la comptabilisation du financement alloué à un programme-service peut varier sensiblement d’un État à l’autre (inclusion ou non par exemple des activités de santé publique, des services généraux, de la répartition de la dette publique, etc.). Des comparaisons telles que nous le faisons ici doivent ainsi être effectuées avec réserve, étant donné que ne sont pas nécessairement précisés les éléments d’inclusion et d’exclusion introduits dans les statistiques des dépenses des programmes-services des autres pays.
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[3]
L’étude de l’amélioration de l’accès à la psychothérapie (et ses différents modes organisationnels) est une recommandation du Commissaire à la santé et au bien-être (CSBE), et fait l’objet actuellement de travaux à l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) à la demande du MSSS et en vue de sa recommandation ou non au Québec.
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[4]
L’étude de l’amélioration de l’accès à la psychothérapie (et ses différents modes organisationnels) est une recommandation du Commissaire à la santé et au bien-être (CSBE), et fait l’objet actuellement de travaux à l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) à la demande du MSSS et en vue de sa recommandation ou non au Québec.
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