Débat : Faut-il supprimer les voix?

Faut-il supprimer les voix ? Réponse des auteures[Notice]

  • Myreille St-Onge et
  • Hélène Provencher

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  • Myreille St-Onge, Ph.D.
    École de service social, Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale (CIRRIS) et Centre de recherche Université Laval Robert-Giffard, Université Laval

  • Hélène Provencher, Ph.D.
    Faculté des sciences infirmières et Centre de recherche Université Laval Robert-Giffard, Université Laval

Roger Boisvert Jr soulève une des difficultés les plus importantes que rencontrent les personnes entendant des voix, c’est-à-dire l’invalidation de leur expérience et le risque que cette invalidation accentue leur détresse. Car c’est là que le bât blesse ! Ne devons-nous pas contribuer à diminuer le risque qu’une personne expérimente de la détresse par rapport à ses voix en l’aidant à comprendre ce phénomène dès qu’elle consulte les services médicaux et sociaux ? Hanssen et al. (2005) ont démontré dans une vaste étude prospective réalisée auprès de la population générale aux Pays-Bas (Netherlands Mental Health Survey and Incidence Study) que parmi les personnes qu’ils ont identifiées comme des entendeurs de voix au début de l’étude, le risque de construire un délire autour de ces voix pour celles éprouvant de la détresse face à ces voix est cinq fois plus élevé que pour les personnes n’éprouvant pas de détresse. La présence d’une détresse associée aux voix représente donc un facteur important dans l’apparition du délire, qui est lié à un risque accru de l’établissement d’un diagnostic de schizophrénie tel que démontré par l’équipe de Chadwick (2003). Dans cette optique, il faut bien distinguer entre l’aide immédiate requise parfois sous forme de médication neuroleptique et/ou psychotrope et l’aide que l’on doit offrir à ces personnes de façon continue pour renforcer chez elles le sentiment de contrôle et d’acceptation de l’expérience d’entendre des voix (Lakeman, 2001). Il ne faut pas oublier que la médication neuroleptique ne fait « taire » les voix que pour une minorité de personnes ; on s’entend en général pour affirmer qu’elle contribue à réduire l’anxiété face aux voix et non à les éliminer (Fowler et al., 1999). La majorité des psychiatres ayant participé à ce débat ont emprunté la voie de la compréhension, voire de l’humilité, de l’admission d’une certaine faillite à percevoir dans ce « symptôme » une « voie indéniable vers l’inconscient de l’individu », porteuse de sens et de croissance (Caroline Giroux, ce numéro). Le défi ultime des thérapeutes étant selon Pierre Migneault (dans ce numéro) « d’accueillir et d’écouter les entendeurs de voix [avec en écho nos propres voix étouffées] ». Caroline Giroux pose une question fondamentale par rapport à notre volonté de faire disparaître les voix pour soulager le malaise qu’elles provoquent. Ce malaise est d’autant plus fort qu’il est partagé par une culture percevant dans ce phénomène le symptôme « royal » de la schizophrénie. Les croyances et les représentations sociales partagées par une culture influencent indéniablement la façon dont les gens entendant des voix vont chercher de l’aide mais aussi la façon avec laquelle ils réagissent sur le plan émotionnel face à ces voix et sur le degré de contrôle qu’ils ont face à cette expérience (Lakeman, 2001). C’est dans cet esprit que nous avons fait l’analogie (qui par définition est boiteuse) entre la psychose et les actes terroristes. Cet exemple, que nous savons peu nuancée voulait surtout faire ressortir que des actes terroristes, que nous ne jugeons pas l’oeuvre de personnes psychotiques, sont cautionnés par un groupe social qui survalorise ce genre d’actions basées sur un système de croyances de récompenses allant même au-delà de la mort (par exemple la promesse que des femmes vierges attendent les kamikazes dans l’au-delà). Il s’agit ici d’un délire « terroriste » et non d’un état psychotique ; le délire pouvant se construire par rapport à n’importe quel phénomène. Nous sommes très sensibles à l’image négative et fausse véhiculée à l’égard des personnes psychotiques qui seraient violentes et ne voulons en aucun cas y contribuer. Avec Favrod et Pomini, nous croyons …

Parties annexes