In Memoriam Dr Dominique Bédard, ex-président de la Commission d’étude des hôpitaux psychiatriques (1961-1962)[Notice]

Au début de juillet dernier (2005) mourait Dominique Bédard, ce psychiatre qui fut vraiment un artisan majeur de la psychiatrie nouvelle au Québec. Il y a près de quatre ans, avec Yves Lecomte, directeur de la revue Santé mentale au Québec et professeur à la Télé-Université du Québec, le soussigné a réalisé, à propos des réformes en psychiatrie, deux entrevues enregistrées avec le Dr Bédard dans le but de les intégrer à une série de 16 émissions télévisées pour le canal Savoir sur le thème « Les artisans d’une nouvelle psychiatrie ». À chaque fois, par la suite, il a refusé qu’elles soient diffusées, il n’en était pas satisfait, contrairement à nous. Dans les quelques échanges que j’ai eus historiquement avec lui, il m’est apparu un homme exigeant pour lui-même et résolument engagé pour la cause des malades mentaux, en lutte contre les stigmates, voyant très concrètement l’impact, pour un patient, de toute réforme. Ce nationaliste avoué savait reconnaître chez les anglo-saxons toutes leurs qualités et leurs réussites. Il n’y a qu’à lire le rapport de la Commission d’étude des hôpitaux psychiatrique qu’il présida, pour s’en convaincre. Le soussigné ne connaît pas beaucoup la vie personnelle ou même de clinicien du Dr Bédard. Il va plutôt, dans les lignes qui suivent, tenter de relater l’essentiel de la réforme qu’il a préparée puis mise en place et commenter sur ce qu’il en reste. Au tournant des années 1960, le parti libéral de Jean Lesage enlève le pouvoir au parti des successeurs de Duplessis. Un vent de réforme souffle sur le Québec favorisant la laïcisation des services éducatifs et socio-sanitaires. Il y a les Insolences du Frère Untel (plus tard dévoilé comme étant Jean-Paul Desbiens). En 1961 parait le livre Les fous crient au secours écrit par un ex-patient de l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu, Jean-Charles Pagé, lequel livre décrit les conditions pénibles des patients des hôpitaux psychiatriques. Sa postface écrite par le Dr Camille Laurin conféra une grande crédibilité au contenu du livre, et préfigure l’analyse de la future Commission d’étude des hôpitaux psychiatriques que le gouvernement forme le 9 septembre 1961 suite à la mobilisation publique qui suivit la parution de l’ouvrage. Cette commission se compose de trois psychiatres, ce qui en dit long sur l’état des choses : Dominique Bédard (qui la préside), Denis Lazure et Charles Roberts (personnes qui auraient été suggérées au gouvernement par le Dr Laurin). Quelques jours après leur nomination, les commissaires envoyaient un télégramme au premier ministre du Québec, Jean Lesage, alors en visite à Paris, télégramme dans lequel ils recommandaient l’arrêt immédiat des travaux de construction d’un grand hôpital psychiatrique, le Pavillon Saint-Georges, conçu selon d’anciennes normes, dans un champ éloigné de la ville de Sherbrooke. Rapidement, Monsieur Lesage leur répondit favorablement, ce qui pour eux était une indication de leur crédibilité et de la tâche qu’on attendait d’eux. Ce pavillon est devenu ensuite la faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke. La commission, diligente, remet un rapport étoffé six mois après sa création, soit le 9 mars 1962. Le document analyse d’abord séparément chaque hôpital psychiatrique, puis fait des commentaires généraux et des recommandations. Du côté francophone, on peut, en simplifiant le rapport pour des fins didactiques, dire qu’il existe deux grands hôpitaux psychiatriques, un à Montréal, l’autre à Québec, lieux où on entassait les patients sans vraiment les traiter, faute de psychiatres et de personnel qualifié. Chacun de ces hôpitaux avait environ 6 000 patients et constituait une municipalité, avec ses services (cimetière, magasins, barbier, police), mais comptait au plus une travailleuse sociale. Selon les lois de l’époque, l’hospitalisation y …