Le plan d’intervention individualisé (PII) constitue la pierre angulaire des interventions du programme de réadaptation psychosociale en milieu hospitalier. Par le large éventail des domaines de fonctionnement qu’il recouvre, le PII traduit un objectif central du programme, c’est-à-dire favoriser la concertation avec le client. Il s’agit moins d’une liste de problèmes représentant les limites et déficits de l’individu qui sont définis en relation à des critères diagnostiques, mais plutôt d’un effort de représentation systématique des obstacles à l’atteinte d’un potentiel. Ainsi, le PII représente le produit de la collaboration équipe — client quant à l’identification des problématiques qui sont venues interrompre par l’hospitalisation la poursuite normale des objectifs et intérêts propres de l’individu. En devenant la formulation de l’engagement du client et de l’équipe à la poursuite d’objectifs partagés (« contrat de collaboration »), le PII représente aussi la première illustration du processus d’apprentissage social qui régit l’ensemble du programme de réadaptation. Élaboré par l’équipe interdisciplinaire et le patient, le PII est finalisé par le psychologue et géré par un « intervenant pivot » (généralement infirmier) appelé coordonnateur de traitement. Cette personne coordonne l’ensemble des activités d’évaluation et d’intervention associées au PII. Elle effectue elle-même des activités d’évaluation et d’intervention liées à son affiliation professionnelle et à son expertise. Les PIIs sont conçus à partir d’une « banque » structurée de catégories de problèmes (elle comporte 27 titres de problèmes regroupées en cinq domaines de fonctionnement) que nous appelons structure de conceptualisation. Cette structure de conceptualisation se caractérise par sa nature essentiellement pragmatique. C’est-à-dire qu’elle n’est pas théorique, mais reflète l’état des connaissances empiriques en matière de facteurs de maintien (étiologie) des problèmes et d’efficacité des interventions disponibles. Les problèmes y sont regroupés non pas en fonction des seules manifestations pathologiques (délire, difficultés cognitives) ou problèmes de fonctionnement (occupation, logement), mais également en fonction des hypothèses étiologiques vraisemblables (biologique ; cognitif, environnemental) et des interventions validées disponibles (pharmacothérapie, thérapie cognitivo-comportementale, gestion des contingences). Chaque titre de problème inscrit dans le PII représente donc la traduction formelle d’une hypothèse. Et conformément au modèle d’analyse fonctionnelle du comportement (Hanley et al., 2003), ces hypothèses sont validées de façon hypothético-déductive à mesure que les résultats des interventions (sur une base mensuelle) viennent confirmer ou infirmer les choix étiologiques et d’intervention implicites au titres de problèmes sélectionnés. La mise en oeuvre de cette analyse fonctionnelle est directement pertinente au problème récurrent de la généralisation des acquis thérapeutiques (Silverstein, 2000). C’est-à-dire qu’en s’attachant à la spécification de la nature et des facteurs de maintien des problèmes, on favorise la sélection pertinente des apprentissages critiques et la pérennité du changement. En outre, il nous est apparu que ce processus de conceptualisation représente un outil appliqué de formation du personnel. Appliquer l’analyse fonctionnelle permet au personnel de se distancer du seul jugement clinique (Lueger et Petzel, 1979), et d’apprendre à se poser des questions et à dialoguer avec le client et les autres membres de l’équipe d’une façon structurée. Les programmes de gestion du comportement (PGC) tiennent un rôle stratégique dans la définition et l’organisation concertée du plan de traitement. Précisément, les PGCs sont des programmes de gestion des contingences ciblés visant à augmenter ou à réduire la probabilité de la fréquence d’apparition d’un comportement spécifique. Leur structure tripartite comporte : a) un comportement cible, b) un contexte thérapeutique appelé antécédents planifiés ; c) des conséquences planifiées. Dans le contexte de l’implantation graduelle du programme, les PGCs que nous avons mis en place en priorité visent les comportements socialement inacceptables (qui relèvent du domaine socio-environnemental de la structure de conceptualisation). Dans un tel …
Parties annexes
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