Benzodiazépines : santé mentale et santé sociale[Notice]

  • Kieron P. O’Connor,
  • Lynda Bélanger et
  • Yves Lecomte

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  • Kieron P. O’Connor
    Ph.D.., M.Phil., Centre de recherche Fernand-Seguin

  • Lynda Bélanger
    Ph.D., École de psychologie, Université Laval

  • en collaboration avec
    Yves Lecomte
    Ph.D., TELUQ

Les benzodiazépines (BZD) sont apparues en pharmacothérapie au début des années soixante déclenchant une véritable révolution dans le domaine des agents anxiolytiques. Elles apparaissent dès lors comme des drogues miraculeuses puisqu’elles procurent un soulagement notable et rapide des symptômes d’anxiété. Aussi, elles peuvent induire le sommeil à des doses peu élevées tout en étant sécuritaires comparativement aux barbituriques et elles sont exemptes des effets secondaires de ces dernières. Les benzodiazépines ont toutefois rapidement perdu leur réputation de « drogues miracles » à la suite du développement de la tolérance, de la dépendance (se traduisant par une difficulté à en cesser l’utilisation), de l’incidence d’effets secondaires sur certaines fonctions cognitives, de l’incidence d’abus, tant dans un contexte d’utilisation médicale contrôlée que dans un contexte non médical. Malgré ces constats, les benzodiazépines représentent encore la famille de psychotropes la plus prescrite dans les pays industrialisés. On estime qu’entre 10 et 20 % de la population consomme des psychotropes sur une période de plus de 12 mois, les benzodiazépines représenteraient 80 % de cette consommation (Laurier et al., 1990). Le principal prescripteur de BZD est le médecin de famille (omnipraticien), et les problèmes les plus fréquents pour lesquels les benzodiazépines sont prescrites sont le trouble d’anxiété généralisée ou une plainte subjective de nervosité, d’anxiété ou de stress et d’insomnie, le trouble panique, certains troubles phobiques, certaines plaintes psychosomatiques telles la migraine de tension et la dermatite. Elles sont aussi prescrites comme relaxants musculaires dans le traitement de divers troubles (Klein et al., 1994). La prescription augmente avec l’âge et les benzodiazépines sont plus souvent prescrites à des femmes. Du nombre total d’utilisateurs, on estime que de 15 à 30 % d’entre eux en feraient un usage chronique (Livingston, 1994 ; Simon et al., 1996). Il est de plus en plus reconnu que le débat sur l’utilisation chronique des benzodiazépines représente un défi multidisciplinaire. Que ce soit aux niveaux psychosocial, psychologique, pharmacodynamique, clinico-épidémiologique ou politique, plusieurs aspects de la vie de la personne doivent être considérés dans l’évaluation des risques et bénéfices de leur utilisation de même que dans la gestion clinique de certains troubles. Il demeure par ailleurs, encore difficile de mesurer l’impact social de l’usage ou du sevrage des benzodiazépines. Au cours des dernières années au Québec, plusieurs chercheurs se sont penchés sur la question de l’utilisation des benzodiazépines. Le but de ce numéro est de faire une mise à jour de la recherche sur l’utilisation prolongée des benzodiazépines. Les articles du présent numéro reflètent à la fois la qualité et la diversité de la recherche qui s’effectue actuellement au Québec. Les collaborateurs soulignent l’importance d’adopter une approche multidisciplinaire qui tient compte de l’ensemble des compétences professionnelles des différents domaines. Ils abordent, chacun à leur manière, les enjeux majeurs du débat sur l’utilisation des benzodiazépines allant de leur utilité, leur efficacité et leur rapidité d’action versus les risques associés à une utilisation prolongée tels que la dépendance et la perte de capacité d’adaptation de l’individu en passant par les différentes dimensions de la santé à considérer dans la gestion de leur usage. Un tel chemin sinueux est jalonné d’une variété de facteurs démographiques, psychosociaux et liés à la santé qui sont sous-jacents au recours aux benzodiazépines : événements de vie, personnalité, famille, soutien social, estime de soi, occupation professionnelle, avis professionnel et habitudes de prescription. Comme l’ont démontré plusieurs études, tous ces facteurs jouent un rôle dans la prédiction de l’usage à long terme et du développement de la dépendance. Une autre problématique à considérer est l’importance d’adopter une approche intégrant des interventions pharmacologiques et psychologiques dans le cadre du sevrage. Les …

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