Volume 2, numéro 2, novembre 1977
Sommaire (8 articles)
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L’émergence de l’asile québécois au XIXe siècle
André Paradis et Collaborateurs
p. 1–44
RésuméFR :
Cette étude de l'asile québécois est tirée d'un recueil intitulé « Essais pour une préhistoire de la psychiatrie au Canada » (1800-1885) paru dans la collection « Recherches et Théories ». Ces essais regroupent six articles qui donnent un aperçu des différents aspects de la folie au XIXe siècle. Ainsi, les auteurs y expliquent comment la société, par l'intermédiaire de son discours politico-social, percevait et traitait ses fous au début du siècle. Ils expliquent ensuite qu'en raison de l'accroissement du sous-prolétariat canadien et des pressions économiques exercées par ces indigents sur le trésor québécois, il devenait impérieux de créer un asile. S'en suit alors une analyse du fonctionnement de cette institution ainsi que de son discours thérapeutique. De cet ensemble de textes, il est apparu intéressant d'en dégager les principales composantes afin de retracer l'évolution du discours québécois sur la folie en ce XIXe siècle selon trois aspects socio-économico-politiques sous-jacents à cet avènement et le traitement du fou dans ces asiles. Ce texte permettra de mesurer jusqu'à quel point l'asile et le fou sont impliqués dans la société et répondent à ses besoins socio-économico-politiques.
EN :
This team of five philosophers analyses the 18th and 19th century Quebec discourse on the subject of insanity. The 18th century saw the insane excluded from social contact with the state recognizing only their indigence. They were relegated either to the "Loges", designed to expiate their sins since insanity was linked to an abuse of mind and body, or to prison for appropriate punishment, since madness was considered to lead to crime. But economic pressures produced by the growing number in indigents, including the mentally ill, led to the creation of the Beauport asylum in 1845. The authors then describe how the urban insane, marginal to both the French Canadian and English Canadian communities* were placed in private institutions and subjected to a system of profit maximization controlled by bourgeois physicians. This situation increased the distance between proprietors and occupants, and accounts for the lack of original discourse on the subject of insanity. In addition, the reasoning of the alienist physicians was without scientific foundation, taking root rather in the dominant industrial capitalist ideology. As for the content of the discourse, the Beauport physicians borrowed from moral treatment and restraint system notions, giving them a certain Quebec character.
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La sexualité, l’institution psychiatrique et la normalisation du malade mental
André Dupras
p. 45–58
RésuméFR :
Le choix de notre sujet d'étude est motivé par la relation curieuse qui existe entre la sexualité et l'institution. En prenant le geste sexuel comme référence, il ne semble pas exister de relation entre ces deux réalités. La sexualité est défendue et excluse des institutions d'éducation ou de réhabilitation. L'épuration et la sexualité de nos grandes institutions comme l'école, l'hôpital psychiatrique et la prison met en question la pertinence de notre sujet. Pourquoi s'attarder à l'étude des relations entre la sexualité et l'institution si la sexualité demeure à la porte de l'institution, si elle existe en autant qu'elle est hors les murs ? Notre intérêt pour cette question s'est développé à partir de nos interrogations sur l'exclusion de la sexualité de l'institution pédagogique et thérapeutique. Dans cet article, nous nous proposons premièrement de repérer le statut de la sexualité dans les institutions pédagogiques, deuxièmement d'examiner les dispositifs du contrôle de la sexualité et troisièmement d'esquisser une interprétation globale des liens entre la sexualité et l'institution.
EN :
The author sets three objectives: to determine the status of sexuality in pedagogical institutions; to examine the means used to control sexuality; and to trace a global interpretation of the links between sexuality and the institution. The development of the asylum saw the appearance of moral treatment which sought to promote certain social values and to repress those behaviours such as sexual activity which opposed the fundamental bourgeois social virtues. These notions were presented in the guise of an ethical standard and a normative scientific current (eg. sexuality is a symptom to be eliminated; it is a cause of insanity.) Now, while no longer attacked in the institution, sexuality is nonetheless perceived as lacking any inherent value and is worthwhile only in terms of its therapeutic utility* The same phenomenon is observable in the school. To illustrate the second point the author analyses the phenomenon of masturbation. The 18th century saw masturbation cited as the cause of insanity and numerous physical disorders. Viewed as a diversion of the child's natural forms, and as bringing into question the substitutive educational system, masturbation was excluded from the school of the period. At present, masturbation is permitted but there is no recognition of the child's free enjoyment. Instead a system of exercises has been developped which permit the child greater body control. This masturbation has become a therapeutic technique to obtain a normative level of pleasure.Touching on the third point, the author states that society regulates sexual life with a complex normative system in order to incorporate it within an identification with sexual institutions and no longer with judicial sanctions. Applying this analysis to the situation of the mentally ill, the author argues that the latter's sexuality is socially normalized by the definition and utilisation of illegal areas where it's actualization is permitted.
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Deuxième colloque sur la santé mentale
Monique Robitaille
p. 59–66
RésuméFR :
L'auteure résume les délibérations du deuxième congrès sur la santé mentale communautaire dont le patient chronique et les problèmes de traitement étaient les thèmes de la première partie du colloque. Diverses définitions de la chronicité furent proposées, et le problème de l'asile et des moyens pour surmonter un certain immobilisme inhérent au traitement des patients chroniques furent aussi abordés. Dans la deuxième partie du colloque, sous le thème de la prévention, les discussions furent centrées autour de certains participants défendant l'accent mis seulement sur le traitement des malades mentaux alors que d'autres préféraient se concentrer sur la qualité de vie.
EN :
The author summarizes the second congress on community mental health. The chronic patient?and the problems on his treatment were the subjects of discussion in the first segment of the congress* Diverse definitions of chronicity were proposed and the problem of the asylum and the means to overcoming a certain immobilisation inherent in the treatment of chronic patients were also considered. In the second section, under the theme of prevention, discussion polarized with some participants advocating an emphasis solely on the treatment of the mentally ill while others preferred a concentration on the quality of life.
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Prévention et chronicité en psychiatrie communautaire
Marcel Lemieux
p. 67–74
RésuméFR :
Déjà, en 1861, Windell Holmes faisait remarquer que la médecine est aussi sensible aux influences politiques, religieuses, philosophiques que le baromètre l'est à la pression atmosphérique. La médecine, ou mieux son exercice, de même que la santé sont aujourd'hui des sujets importants du discours politique tant pour l'établissement de programmes de soins, préventifs ou curatifs, que pour les décisions budgétaires qui les accompagnent. Dans ce processus, la base scientifique qui sous-tend de telles décisions n'a pas toujours la rigueur qu'elle se devrait d'avoir. En conséquence, des programmes de santé et de bien-être sont établis sans qu'aient été mesurées les conséquences iatrogéniques qu'ils peuvent causer. Le processus politico-social est tel que, lorsqu'un programme a acquis un certain momentum et a obtenu une bénédiction politique, il est quasi impossible d'en changer le cours même si des évidences démontrent que son coût, ou mieux ses effets malencontreux, dépassent de beaucoup ses éléments bénéfiques. Quand une politique soulève des questions idéologiques, elle a tendance à passer rapidement à un stage de validation sociale et d'acquérir sa vie propre, divorcée de tout examen empirique ou de réfutation scientifique. C'est à la lumière de ces quelques considérations que je voudrait poser le problème du malade psychiatrique en 1977.
EN :
The author poses the problem of the chronic mental patient in 1977 in light of the commu-nity approach. During the 1950's the discovery of penicillin, the phenothiazines and the anti-depressants; the notion of institutional dementia as well as the rapid growth of physical health costs, formed the basis for a needed reform which took the guise of community psychiatry. The latter created many hopes (eg. the possible elimination of the asylum, the potential for preventive effects). In fact community mental health programs did produce a decrease in the hospitalized psychiatric population, a higher quality of hospital services, a change in the laws relating to the mentally ill, and an improvement in treatment, personnel competence as well as a stability in real health costs. But the 1970's brought disillusionment. The rate of psychotic disorder remains unchanged, the cost-benefit of the program is less than had been anticipated and, in addition, the community approach has transplanted the asylum to the city thus creating a new immigrant — the psychotic individual. Citing this failure, the author argues for a psychiatry focussed on research into the makeup of the internal psychotic dynamic and its treatment.
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Le malade chronique au Centre de santé mentale communautaire
Marie-France Thibaudeau
p. 75–83
RésuméFR :
Dès son ouverture en septembre 1972, le Centre de santé mentale communautaire de Montréal, situé dans une zone urbaine défavorisée et carencée en services psychiatriques, s'est intéressé aux problèmes rattachés au traitement des malades mentaux chroniques. Il a rapatrié les malades de son secteur traités jusque-là par un hôpital psychiatrique à vocation plus asilaire en périphérie de la ville. Il a alors été décidé d'évaluer l'impact du Centre sur la portion de cette clientèle montrant des signes marqués de chronicisation. Dans le premier numéro de cette revue (St-Jean, 1976), un rapport préliminaire présentait les résultats de 12 mois de traitement de ces clients au Centre. L'étude de ces sujets a été continuée pour une durée de 27 mois (Gascon et coll., 1977). Nous avons donc maintenant une vue plus globale de l'impact de ces services. Cet article contient un résumé du programme du Centre et de l'étude évaluative et une discussion sur certaines questions qui découlent des résultats et qui semblent présenter un intérêt particulier pour les travailleurs en santé mentale.
EN :
The author discusses some findings of a study done at the Centre de Santé Mentale which sought to comparatively evaluate the impact on the chronic mental patient, of a community and a psychiatric hospital approach. After explaining the guiding philosophy of the Centre as well as its interventive programs, the author briefly describes the research methodology before undertaking a move thorough discussion of certain results. She notes (initially) that the Katz Social adaptation score of the Centre's chronic patients increased during the 22 months study to equal that of the hospital patients. Nonetheless, the Centre patients exhibited a more marked socialization, a higher satisfaction level with freetime activities, and, at the same time, had more of these activities than the hospital patients. The author raises the questions of possible further progress of the Centre patient and whether the observed changes result from Centre services. ,The ensuing discussion qS symptoms points to a greater symptom level in Centre subjects as well as a higher "sick" self-perception. In addition, a divergence is evident between the key informant's symptom perception and that of the Centre patient, a divergence which underlines the problem of the environment's perception of the mentally ill and the possibilities of their réintégration. Finally the author proposes a program accentuating the Centre approach, particularly those aspects which mobilise and utilise community resources.
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Attitudes en général devant les malades et les ex-malades mentaux
Lyne Langlois
p. 84–91
RésuméFR :
Les attitudes sont vues par les membres de la société comme des structures mentales qui contiennent, à divers degrés, des éléments affectifs et cognitifs qui influencent le comportement. On peut postuler que ces composantes affectives ont leurs racines dans les perceptions de l'environnement, perceptions ambiguës ou sans fondement. Bien que les réactions d'un individu à ces éléments affectifs peuvent être changées par une socialisation ou une resocialisation, ces réactions sont fondamentalement basées sur les réflexes et plus difficiles à changer que les éléments cognitifs relevant du comportement. Les attitudes peuvent être modifiées en rendant positives les expériences affectives négatives. Mais on ne doit pas oublier qu'il est difficile d'absorber la réalité des attitudes sociales.
EN :
After demonstrating the failure of the 18th century mental health pionne era in their attempt to change public prejudice toward the mentally ill, the author enumerates various common public attitudes such as the rejection of the mentally ill. The author then goes on to underline that,' despite current negative attitudes of the population, it is nevertheless possible to change these attitudes. The two principal methods she advances to achieve this end are concentration on the positive affective elements in attitudes toward the mentally ill and research into the negative positions.
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Thérapie du Sentiment
Micheline Piotte, André Duchesne et Collaborateurs
p. 92–102
RésuméFR :
Cet article présente une nouvelle forme de thérapie. Il soulève dès le départ la question : Pourquoi une nouvelle thérapie ? Il est tentant de dire : Nous l'avons l'affaire. Nous pouvons guérir. Nous n'affirmons rien de tel. Nous savons que la Thérapie du Sentiment (Feeling Therapy) nous aide et aide nos patients. La Thérapie du Sentiment n'est pas seulement une nouvelle thérapie. La Thérapie du Sentiment, c'est surtout une façon de vivre. Nous vivons en prenant soin les uns des autres ; nous prenons le même soin de nos patients. Selon nous, la thérapie n'est pas un moment dur ou intense à vivre, ni une activité ayant une fin. Etre en thérapie signifie se donner avec d'autres êtres humains un contact qui apporte un mieux-être. Vouloir mettre fin à ce contact n'a donc aucun sens. À la question : Pourquoi une nouvelle thérapie ?, nous répondons : Parce que nous en avions besoin.
EN :
The authors present a new form of therapy which succeeds» they say, because it is a way of life. After explaining the origins of this therapy» bom from the therapists* need to be themselves» they present the psychopathological theory of disorder» rooted in the child's reception of inappropriate responses to his expression of feeling. They then explain the five-stage cycle of feeling: The Actual feeling-level; the sensation of defenses; the sensation of the defense-creating events; the patient acting in a new manner; the patient living at a new feeling-level. Next presented is the therapeutic community based on affective ties» as well as the concepts of co-therapy (patients help each other) and the "break thru" dream» in which process is emphasized.
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Thérapie néo-reichienne
Paule Lebrun
p. 103–109
RésuméFR :
La bioénergie développée par Alexander Lowen, (présentée dans le précédent numéro de cette revue, 1977) est sans doute la plus connue et la plus structurée des techniques thérapeutiques inspirées des travaux de Wilhem Reich. Il existe cependant un autre courant qui utilise les principaux concepts reichiens mais avec une technologie et dans un esprit différent de la bioénergie classique. Il s'agit du néo-reichien, un mélange d'hypothèses gestaltistes et d'intuitions reichiennes concernant le corps.
EN :
The author describes the basic concepts of this corporal approach and distinguishes it from the bioenergetic method. Thus he presents some of Reich's intuitions such as the energizing grid (the body seen as an energy transformer), the notion of the somatic unconscious (the limitation of respiration and motility is a part of the repressive process), polarity respiration, and the work on the seven segments of the muscular armour (ocular, oral, throat, back and upper chest, chest and diaphragm, abdomen, pelvis). Next, the author explains the differences between neo-reichian and bioenergetic therapies. These are found to reside in the conception of therapy (one is analytic and the other more centered on process) and in a philosophical distinction (pleasure in living versus the diagnostic evaluation of the problem).