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Par ce titre annonçant la transition du sens de pneuma comme condition du Christ ressuscité dans les formulaires pré-pauliniens jusqu’à sa désignation ultérieure de l’Esprit Saint, John S. Adimula suscite d’emblée la curiosité et l’intérêt. Cet intérêt ne sera pas déçu par l’étude rigoureuse de l’auteur. Malgré quelques expressions gauches ou naïves, elle est rédigée dans un style anglais clair et accessible, est structurée logiquement tant dans son ensemble qu’à l’intérieur des chapitres, et offre une présentation graphique impeccable faisant ressortir titres et sous-titres, parallélismes et antithèses, le tout agrémenté de nombreux et utiles tableaux facilitant la lecture et la compréhension.

Le lecteur dont la curiosité porte surtout sur la transition vers pneuma comme désignation de l’Esprit Saint, risque d’être à première vue étonné que la deuxième partie de cet ouvrage en deux parties, celle qui porte spécifiquement sur la mutation du sens de pneuma, ne comporte qu’un seul chapitre de 28 pages sur 162 de texte. Il était toutefois essentiel d’étudier d’abord en profondeur le sens de pneuma dans les trois expressions primitives de la foi pascale où pneuma figure en opposition à sarx. La première partie du livre, après une introduction sur la méthode utilisée et une présentation des paramètres du sujet, comporte donc trois chapitres qui étudient tour à tour 1 Tm 3,16, 1 P 3,18-22 et Rm 1,3-4 pour y déterminer le sens de pneuma. En fait c’est le sous-titre qui éclaire le mieux la visée de l’ouvrage : « Une dialectique chair-esprit à la racine d’une pneumatologie néo-testamentaire ». C’est à cette “racine” que L’A porte surtout, avec brio, son attention.

La méthode historico-critique est appliquée de façon exemplaire : critique textuelle, délimitation judicieuse, attention particulière aux contextes qui inspire des perspectives nouvelles. L’A fait preuve d’érudition dans son domaine de recherche, comme en témoigne l’impressionnante bibliographie de 27 pages. On pouvait se demander ce qu’il pourrait apporter de neuf aux positions bien connues de Michel Gourgues et autres sur le fait que 1 Tm 3,16, 1 P 3,18.22 et Rm 1,3-4 soient des formulaires pré-pauliniens et sur le sens de pneuma dans ces passages en tant que nouvelle condition d’existence du Ressuscité. Si l’auteur partage ces conclusions, c’est après l’examen sérieux d’autres options interprétatives. Il réussit à innover par le caractère abondant, exhaustif des nombreuses sources non seulement citées mais réellement consultées et discutées, par sa façon de les comprendre, de les comparer, de les commenter ou de les utiliser pour asseoir ses conclusions. Signalons la richesse des réflexions en notes de bas de pages. Les références tant vétérotestamentaires que néotestamentaires témoignent aussi de la grande culture biblique de l’auteur.

Ce dernier prend bien soin d’expliquer, à partir d’autres textes bibliques pertinents, le sens des mots grecs des passages étudiés. Mais était-t-il nécessaire de toujours énumérer, précédé de « it is composed of », les particularités (genre, nombre, cas des noms, etc.) des mots des formulaires analysés, préalablement bien cités en grec ? Cela devient lassant, en plus d’être inutile pour ceux qui connaissent le grec et davantage encore pour ceux qui l’ignorent. Par ailleurs, il est parfois déroutant que l’auteur discute du sens de mots grecs appartenant à des phrases du contexte des versets étudiés, celles-là non citées en grec.

Adimula amorce la deuxième partie de l’ouvrage par une fort intéressante réévaluation de Rm 1,4. L’auteur veut démontrer que Rm 1,4, à travers l’ajout par Paul de hagiôsynès qualifiant le pneuma de la formule ancienne, sert de transition entre pneuma désignant la condition nouvelle « spirituelle » du Christ ressuscité dans les formulaires primitifs – ce qu’il a bien établi dans la première partie du livre – et pneuma qualifiant ultérieurement l’Esprit Saint comme « an individual agent distinct from the Father and the Son » (p. 2), tel qu’on le rencontre en 2 Co 13,13. Il y parvient en examinant différents usages ailleurs chez Paul de termes de la famille de hagios, de même qu’en 1 P, en lien avec un Esprit sanctificateur distinct du Christ ou simplement en référence à Dieu comme dans l’Ancien Testament. Ces usages laissent soupçonner que Paul a pu insuffler sa connaissance de l’Esprit Saint dans le formulaire primitif de Rm 1,4. La première moitié du chapitre 4 est remarquable. Son analyse mènera l’A à cette conclusion assez catégorique tout à la fin du livre, alors que souvent ses affirmations restent prudentes : « This suggests that the formula in Rom 1 :4 could be understood as “according to the Spirit who sanctifies”. » (p. 162)

Par ailleurs, si le lien établi entre Rm 1,4 et 1 Co 15,45 peut se justifier, à cause de l’opposition psychikos-pneumatikos et du pneuma zôopoioun de 1 Co 15,45, on peut s’interroger sur la pertinence d’y consacrer une si longue exégèse (12 pages sur les 28 du quatrième chapitre) même si elle est bien menée et fort intéressante. Surtout que cette deuxième partie de l’ouvrage vise à établir la transition vers pneuma pour désigner l’Esprit Saint et que l’auteur argumente avec raison qu’en 1 Co 15,45, c’est le Christ ressuscité et non l’Esprit Saint qui est le pneuma zôopoioun, celui par qui la condition spirituelle ou divine à laquelle le Christ a accédé (ou ré-accédé ?) par la Résurrection est transmissible aux croyants.

Signalons enfin ces véritables cadeaux au lecteur que sont les utiles résumés de l’argumentation et des conclusions en fin de sections ou de chapitres et souvent au début du développement suivant. Cet atout a cependant l’inconvénient d’entraîner de très nombreuses répétitions.

Cette recherche sérieuse, d’une lecture accessible et agréable, est une intéressante contribution à l’étude de la genèse d’une pneumatologie néotestamentaire. On ne peut qu’encourager John Adimula à prolonger le travail par un examen exégétique aussi rigoureux de toutes les occurrences de pneuma appliqué à l’Esprit Saint dans le Nouveau Testament. Cela lui permettrait de mettre en lumière toutes les harmoniques de l’action de l’Esprit dont il a si bien montré le rôle sanctificateur dans son développement sur hagiôsynès en Rm 1,4.