Recensions et comptes rendusThéologie

Étienne Fouilloux, Yves Congar 1904-1995. Une vie. Paris, Salvator, 2020, 15 × 22,5 cm, 350 p., ISBN 978-2-7067-2013-0[Notice]

  • Louis Roy

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  • Louis Roy, o.p.
    Faculté de théologie, Collège universitaire dominicain, Ottawa

Yves Congar, dominicain, est certes l’un des grands luminaires théologiques du XXe siècle. Il naquit en 1904, la même année que Bernard Lonergan, John Courtney Murray et Karl Rahner, qui furent tous experts au concile Vatican II. Et si l’on ajoute Hans Urs von Balthasar, né en 1905, on peut sans aucun doute parler d’un temps favorable. Comme Fouilloux l’écrit (p. 10), son volume est une biographie (dont le sous-titre est Une vie), et non pas une étude de l’oeuvre de Congar, même si l’on y trouve bien des éclairages sur la pensée de l’éminent dominicain. Fouilloux y déploie cependant des analyses et des connaissances bibliographiques qui suscitent l’admiration, comme il l’avait fait comme éditeur dans un recueil autobiographique de Congar, en l’an 2000, dans Journal d’un théologien (1946-1956), livre où il excella tant dans sa présentation générale que dans ses annotations. Quant à l’immense travail qu’est le livre que nous recensons ici, y contribuèrent les nombreuses conversations qu’il eut avec le maître pendant les vingt dernières années de la vie de ce dernier, de même que son accès aux Archives Congar de la province dominicaine de France. Fouilloux fait remarquer que la vie de Congar est « de l’ordre du roman » (p. 12), avec ses quatre longues périodes d’occupation militaire, de captivité ou d’exil : de 1914 à 1918 à Sedan (en Alsace-Lorraine, région envahie par l’armée allemande), de 1926 à 1939 en Belgique, de 1940 à 1945 lors de son internement en Allemagne, et de 1954 à 1956 à Jérusalem, Rome et Cambridge. En fait, l’ouvrage de notre narrateur comporte un style très souvent romanesque, quoique basé sur ses impressionnantes recherches historiques. Il n’est pourtant pas un « roman à thèse », puisque son auteur ne s’efforce pas de démontrer que Congar aurait raison ou tort : il illustre plutôt abondamment quelles étaient les convictions profondes et dynamisantes de ce dernier. Il le fait excellemment, tout en soulignant les défauts du grand théologien, par exemple son manque de patience, sa non-reconnaissance de ce qu’il devait à certaines personnes, dont Jacques Maritain, son antisémitisme d’avant Vatican II, modéré mais réel. Après une Introduction, qui justifie la méthode du biographe, le 1er chapitre présente les quatre vocations du père Congar : sacerdotale (comme séminariste, avant d’être ordonné prêtre), dominicaine, ecclésiologique et oecuménique. Le 2e chapitre traite de deux « percées » chez Congar dans les années 1930 : la percée ecclésiologique, avec son livre Chrétiens désunis et l’inauguration de la collection « Unam Sanctam », et la percée oecuménique, en dialogue avec des protestants et des orthodoxes – ces deux percées étant étroitement imbriquées. Le 3e chapitre parle de la façon dont Congar vécut « la drôle de guerre » (de 1939 à 1940), puis la défaite de la France et son internement en Allemagne (de 1940 à 1945) – deux périodes qui interrompirent ses labeurs intellectuels mais qui lui permirent de découvrir la classe militaire populaire, fort démoralisée ; ce n’est qu’après deux ans d’emprisonnement, soit en 1942, qu’il put reprendre son travail d’éditeur de sa collection « Unam Sanctam », quoique durant à peine quelques mois. Le 4e chapitre a pour titre « Un second printemps » (de 1945 à 1954) surtout à cause de la notoriété croissante du théologien et des très nombreuses conférences qu’il donne un peu partout, en bonne part sur l’oecuménisme ; c’est durant cette phase qu’il souffre des fortes tensions causées par les nominations de Rome imposées au couvent du Saulchoir (près de Paris) et qu’il publie deux livres très importants, Vraie et fausse réforme …