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Qo 9,1 est réputé pour être une crux interpretum[1]. C’est pourquoi déjà les rabbins du Qo Rabbah et du Lv Rabbah avaient omis de commenter ce verset[2] et que, encore de nos jours, certains exégètes omettent de le commenter[3], voire de le traduire[4]. Si l’on veut bien comprendre Qo 9,1, il faut pouvoir répondre à des questions d’ordre textuel, grammatical, syntaxique, sémantique et référentiel. Par exemple, faut-il lire l’expression wlbwr du texte massorétique ou faut-il suivre les versions qui proposent un autre verbe ? À la suite de certaines versions, faut-il rattacher le premier mot du v. 2 au v. 1 et lire hbl ou faut-il maintenir le texte massorétique et lire hkl ? Faut-il considérer une partie du v. 1 ou la totalité du v. 1 comme un ajout orthodoxe ou comme une citation ? Faut-il rattacher ce v. 1 à ce qui précède ou à ce qui suit ? Quel sens faut-il donner à l’anthropomorphisme byd h’lhym ? Faut-il y voir là une expression qui vise à réconforter ou à menacer les justes et les sages ? L’amour et la haine font-ils référence à Dieu ou à l’être humain ? Quel sens doit-on donner à ces deux mots ? Comment faut-il interpréter l’expression hkl lpnyhm qui clôt le v. 1 ? Faut-il lui donner un sens temporel ou un sens spatial ? Faut-il retenir les signes disjonctifs des massorètes ou doit-on les contester ? Enfin, faut-il considérer ce verset 1 comme étant le plus sceptique et le plus pessimiste de tout le livre[5], voire le plus agnostique de toute la Bible[6] ou, au contraire, faut-il voir dans ce passage une bonne nouvelle[7] ?

Pour répondre à ces questions et cerner la signification de ce v. 1, j’exposerai les résultats de mon enquête en cinq parties de longueur inégale. Je proposerai d’abord une traduction de ce v. 1 à partir du texte massorétique[8]. Cette traduction sera suivie de quelques notes de critique textuelle, d’une présentation des anciennes versions et d’un état de la recherche en ce qui concerne les corrections proposées par les exégètes[9]. Comme le v. 1 ne peut être compris en dehors de son contexte immédiat, je confronterai par la suite les résultats de l’approche diachronique et des hypothèses des citations et d’un dialogue à une critique structurelle. Je terminerai mon enquête par une critique littéraire du v. 1, c’est-à-dire une analyse philologique, syntaxique et sémantique de chacun de ces mots. Le recours à ces différentes méthodes me permettra de valider et d’infirmer certaines interprétations existantes, mais aussi d’en proposer de nouvelles, qui sont tantôt complémentaires, tantôt en contradiction avec celles déjà défendues par mes prédécesseurs.

1. Traduction

Oui, tout ceci j’ai adonné à mon coeur

et pour examiner tout ceci :

que les justes, les sages et leurs oeuvres sont dans la main de Dieu ;

même l’amour, même la haine, il ne connaît pas l’être humain.

Le tout : devant eux.

2. Critique textuelle

Au v. 1aα, de nombreux manuscrits hébreux ont le mot ’t au lieu de ’l. C’est pourquoi la BHS propose de corriger le texte massorétique et de lire ’t. Il est vrai que l’expression lby est précédée de ’t en 1,13 (avec le verbe ntty) et en 2,10, mais elle est aussi précédée de ‘m en 1,16 et de b en 2,3.15. En outre, le mot lb est aussi précédé de ’l et du verbe ntn en 7,2. La Peshitta (blby) et la Vulgate (in corde meo) ont lu « dans mon coeur », ce qui correspond plutôt à blby. Par contre, la Septante correspond bien au texte massorétique : eis kardian mou, « à mon coeur », la préposition eis traduisant bien le mot ’l en Qo (cf. 1,5b.7[2x] ; 3,20[2x] ; 4,17 ; 6,6 ; 7,2[3x] ; 10,15 et 12,6). Il n’y a donc aucune raison de modifier le texte massorétique, comme le font certains exégètes[10].

Au v. 1aβ, des anciennes versions ont le verbe « voir » au lieu de l’expression wlbwr, « et pour examiner ». Par exemple, la Septante reprend le mot kardia et semble avoir lu wlby r’h, transformant ainsi le début du v. 1 en chiasme : hoti syn pan touto edōka eis kardian mou kai kardia mou syn pan eiden touto, « parce que tout ceci je l’ai donné à mon coeur et mon coeur a vu tout ceci ». La Peshitta suit la Septante : mṭl dyt kl hln yhbt blby wlby z’ yt kl hn’, « parce que j’ai vu tout ceci dans mon coeur et mon coeur a vu tout ceci ». Dans son commentaire, Jérôme propose la même traduction : Omne hoc dedi in corde meo, ut considerarem universa, « Tout ceci je l’ai donné dans mon coeur pour voir toutes choses » ; par contre, il note que Symmaque propose une traduction plus limpide : Omnia haec statui in corde meo, ut ventilarem universa[11], « J’ai mis tout ceci dans mon coeur, afin de passer toutes choses au crible ». Or, cette traduction, comme celle qu’il donne dans la Vulgate, confirme le texte hébreu : Omnia haec tractavi in corde meo ut curiose intellegerem, « j’ai agité toutes ces choses dans mon coeur afin de les comprendre avec soin ». Il n’y a donc pas lieu de corriger le texte hébreu et de lire le verbe r’h[12] ou l’infinitif lr’t [13]. Il est tout aussi inutile de supposer que l’hébreu avait le verbe twr (cf. 1,13 ; 2,3 ; 7,25), comme le croit Fischer[14]. Le texte massorétique correspond à la lectio difficilior, tandis que la version de la Septante, qui est à l’origine des autres leçons, vise à harmoniser un texte non compris à 1,16, lequel a justement l’expression wlby r’h.

Ce v. 1 pose un dernier problème qui provient sans doute du fait que le texte massorétique a trois emplois du mot kl, dont un à la fin du v. 1 (hkl lpnyhm) et deux au début du v. 2 (hkl k’šr lkl). Ainsi, la Septante comprend trois variantes : elle a lu hbl au lieu de hkl, elle rattache ce mot à la fin du v. 1 et elle omet de rendre l’expression k’šr du v. 2 : ta panta pro prosōpou autōn mataiotēs en tois pasin, « tout devant leur face, vanité en eux tous ». Par ailleurs, Symmaque, qui semble dépendre lui aussi de la Septante, remplace le mot mataiotēs par adēla, « incertain » ou « impénétrable », et suppose un suffixe à la troisième personne du singulier : ta panta emprosthen autou adēla, « tout devant lui est incertain ». À l’instar de la Septante et de Symmaque, la Peshitta suppose aussi le mot hbl et un suffixe au singulier (kl dqdmwhy hbl’, « tout ce qui est devant lui est absurde »), mais elle suit le texte massorétique pour le début du v. 2 (kl ’yk dlkl, « tout est pareil pour tous »), adoptant ainsi les deux leçons. Pour sa part, Jérôme, dans la Vulgate, propose une traduction qui ne correspond ni au texte massorétique, ni à la Septante, puisqu’il maintient à la fois le mot hkl et le mot adēla de Symmaque : sed omnia in futuro servantur incerta eo quod universa aeque eveniant iusto et impio, « mais toutes choses sont réservées pour l’avenir, étant ici incertaines, parce que tout arrive également au juste et à l’impie ». À l’instar de la Septante, de nombreux exégètes proposent de lire hbl et de rattacher ce mot à la fin du v. 1[15]. Trois raisons m’incitent à garder le texte massorétique. Premièrement, la lecture qui suppose hbl au lieu de hkl peut provenir d’une confusion graphique entre le b et le k, confusion qui n’est pas unique en Qo (cf. par exemple 8,10). Deuxièmement, le texte massorétique, avec son triple emploi du mot kl, correspond à la lectio difficilior. Troisièmement, plus d’une fois Qo répète dans un même passage le mot hkl (2,10[3x] ; 3,17[2x].19[2x].20[3x]).

En résumé, malgré les variantes des anciennes versions, il convient de garder le texte massorétique.

3. De l’approche diachronique aux hypothèses des citations et d’un dialogue

Depuis plus d’un siècle, de nombreux exégètes sont persuadés que le livre de Qo comporte plus d’une strate rédactionnelle. Par exemple, Rose, qui postule trois étapes rédactionnelles en Qo, est d’avis que seule une partie de 9,1aα (« Oui vraiment, tout cela je l’ai soumis à ma réflexion, mais pour constater ») est de la main du disciple, le reste du v 1 étant de la main du théologien-rédacteur, responsable de la troisième étape rédactionnelle du livre. Quant aux autres versets, ils sont distribués comme suit : tout est de la main du disciple, dont l’intervention remonte au dernier tiers du 4e siècle, sauf le v. 2b.3a (bkl ’šr n‘śh tht hšmš).6a et 6b (bkl ’šr n‘śh tht hšmš) qui est de la main du théologien-rédacteur, dont les interventions datent du dernier tiers du 3e siècle[16]. Tout autre est l’avis de Brandscheidt, qui postule quatre étapes rédactionnelles en Qo. Elle estime que 9,1aα (sans wlbwr ’t kl zh) β.2aα (seulement k’šr lkl mqrh ’d).4-6 font partie du texte primitif, tandis que 9,1aα (seulement wlbwr ’t kl zh).b.2 (sans k’šr lkl mqrh ’d).3 font partie des compléments tardifs, lesquels ne proviennent pas forcément de la main d’un seul auteur et n’ont donc pas été ajoutés au même moment[17]. Kaiser propose lui aussi une autre solution, en trois étapes : 9,1aα provient de la main du rédacteur du premier épilogue (12,8-9.11), 9,3bα est de la main du rédacteur du deuxième épilogue (12,12-14) et 9,3bβ est une glose[18]. Pour sa part, Barucq écarte 9,1b[19], tandis que Gammie élimine tout le v. 1 puisque celui-ci confesserait le dogme traditionnel de la rétribution[20]. Lamparter croit que seul le mot km est une correction dogmatique ultérieure et qu’il faut lire « juste et injuste »[21]. Fischer estime plutôt que 9,1-12 fait partie de la composition originale et que seule l’ouverture du v. 1 (ky ’t kl zh) est un lien éditorial qui permet de faire la transition avec 8,16-17, deux versets provenant de l’éditeur[22]. À l’instar de Fischer, Köhlmoos reconnaît que l’ouverture du v. 1 (ky ’t kl zh) est un ajout qui vise à faire la transition avec 8,16-17 ; par ailleurs, elle identifie les v. 5b-6 comme des ajouts provenant de Z – Z pour « deuxième génération » (Zweite Generation) –, c’est-à-dire la voix qui perpétue le livre de Qo, celle de l’éditeur[23].

Coppens postule qu’il n’y a qu’un seul auteur derrière le livre de Qo, mais il précise que celui-ci a entrepris la rédaction de son livre en quatre étapes distinctes qui correspondent à quatre moments de sa vie. Selon lui, Qo 9,1-3a fait partie des constats de l’écrit fondamental (Qo IIB), tandis que 9,3b-6 fait partie des logia d’inspiration sapientiale qui n’ont que de vagues relations avec le livret sur la vanité universelle[24]. Au contraire, Kwon et Brütsch jugent que 9,1-6 fait partie d’un ensemble qui correspond au travail final de Qo, un membre de la famille des Tobiades, peu avant l’an 160, alors qu’il a environ 75 ans[25].

Ce bilan indique bien que l’identification des ajouts et des strates rédactionnelles et la reconstitution de la biographie de l’auteur se font selon le genre de message que l’on veut bien voir dans ce texte.

L’interprétation de Perry est tout aussi inutilement compliquée, voire arbitraire, puisqu’il imagine que le livre est un dialogue entre, d’une part, Qo le sage et le roi (9,1 [à partir de gm ’hbh]-3) et, d’autre part, son présentateur plus orthodoxe et tolérant (9,1a-b [jusqu’à h’lhym])[26]. Pour sa part, Kim propose une interprétation semblable à celle de Perry, mais avec des résultats différents. En effet, il imagine le livre comme un dialogue de Qo avec lui-même, plus précisément entre deux voix : celle à la fois du sage et du Père et celle du penseur rationnel ; en ce qui concerne 9,1-6, les v. 2-3a sont attribués à la voix du penseur rationnel[27].

D’aucuns jugent plus approprié de voir dans le livre de Qo des citations. Toutefois, le problème que pose cette hypothèse est le même que celui que pose l’hypothèse des ajouts : ce problème est celui de la délimitation des citations. Quelques exégètes identifient le v. 1αβ comme une citation que Qo réfute par la suite[28]. Par exemple, Michel est d’avis que ce v. 1αβ est une citation qui reflète l’opinion selon laquelle les justes et les sages sont dans la main de Dieu après la mort. Pour justifier son interprétation, il cite Sg 3,1-3[29]. Or, précise-t-il, Qo 9,1 [à partir de gm]-10 combat cette thèse émise par des apocalypticiens et des Juifs de son temps (cf., par exemple, Is 26,19 et Dn 12,2). Aarre A. Fischer propose une autre solution[30]. Selon lui, le v. 1aβ est une citation reflétant l’opinion d’un groupe pieux respectueux des lois, qui est convaincu que les pieux sont sous la direction de Dieu d’une manière spéciale ; cette citation est suivie de deux brefs commentaires indépendants sur l’opinion citée (v. 1bα et 1bβ) ; quant aux v. 2-3 et 4-6, ils constituent deux explications qui témoignent d’un certain scepticisme, la première portant sur le v. 1bα (le v. 3b est par ailleurs une glose qui provient du deuxième rédacteur de l’épilogue, c’est-à-dire de 12,12-14) et la seconde sur le v. 1bβ, ce qui donne le schéma suivant :

Citation (v. 1aβ)
A petit commentaire (v. 1bα)
B petit commentaire (v. 1bβ)
A’  v. 2-3 : explication du premier commentaire (v. 1bα)
B’  v. 4-6 : explication du second commentaire (v. 1bβ)

Stefan Fischer divise plutôt 9,1-6 en deux parties (9,1-3.4-6), chacune étant introduite par une citation. Plus précisément, en ce qui concerne la première partie, 9,1aβ est une citation de la sagesse, tandis que 9,1b est une réponse sous forme d’autocitation (cf. 3,8)[31]. Birnbaum et Schwienhorst-Schönberger proposent une interprétation semblable[32] :

Introduction à la citation (1a)
Citation : les justes et les érudits sont avec Dieu (1aβ)
Commentaire critique de Qo : tous ont le même destin (1b-3)
Objection de l’opposant par le biais d’une citation : il y a encore de l’espoir pour
les vivants (4)
Réponse de Qo : l’homme sait qu’il va mourir (5-6)

Sans reprendre ce schéma précis, qui s’apparente aux hypothèses d’un dialogue vues ci-dessus, Asurmendi estime également que les v. 1aβ et 4 sont des citations[33]. D’autres limitent les citations au v. 4b[34]. Pour sa part, Backhaus identifie deux autocitations : la première en 9,1bα, qui apparaît comme une parenthèse visant à renforcer la pensée précédente, et la seconde en 9,2, qui porte sur la mort, c’est-à-dire un thème déjà traité en détail (par exemple, cf. Qo 2 et 3)[35]. Enfin, Hengstenberg est plutôt d’avis que Qo, en 9,1-6, exprime l’opinion du peuple à laquelle il oppose la cause de Dieu au v. 7[36].

En résumé, force est de constater que l’identification d’une citation et la détermination de sa fonction, comme celles des gloses, se font selon le genre de message que l’on veut bien voir dans ce texte.

4. Critique structurelle

La délimitation de la péricope à laquelle appartient le v. 1 ne fait pas l’unanimité parmi les exégètes. D’aucuns rattachent le v. 1 à ce qui précède (8,15-9,1[37]), à ce qui précède et ce qui suit (8,1b-9,12[38] ; 8,8-9,3[39] ; 8,9-9,1[40] ; 8,16-9,6[41] ; 8,16-9,10[42] ; 8,16-9,12[43]) ou seulement à ce qui suit (9,1-6[44] ; 9,1-9[45] ; 9,1-10[46] ; 9,1-12[47]). À mon avis, l’emploi du verbe ntn suivi du mot lb, au v. 1, introduit une nouvelle unité, comme c’est le cas en 8,16. En outre, Qo 9,1-12 constitue une péricope délimitée par la formule indiquant l’ignorance humaine (’yn ywd‘ h’dm au v. 1 et l’ yd‘ h’dm au v. 12) et par la racine qrh qui désigne le destin (mqrh ’d aux v. 2.3 et verbe yqrh au v. 11)[48]. Par ailleurs, cette péricope se subdivise elle-même en trois unités bien distinctes : 9,1-6.7-10.11-12. En effet, au v. 11, le verbe šbty, « je me suis retourné », qui sert plus d’une fois comme formule de transition (4,1.7), introduit une nouvelle observation (verbe r’yty). Quant à l’unité qui va du v. 7 au v. 10, elle est marquée, d’une part, par l’inclusion avec le verbe hlk et le substantif m‘śh aux v. 7.10 et, d’autre part, par le passage à la deuxième personne du singulier au v. 7a. Pour sa part, 9,1-6 est délimité par la reprise du couple ’hbhśn’h, « amour – haine », aux v. 1 et 6. Plus précisément, le v. 1ab sert d’introduction à deux sections : les v. 1c-3 et 4-6. L’expression clé de la première section est « destin unique » (mqrh ’d : v. 2.3), tandis que l’idée maîtresse de la seconde section est la mort (cf. la racine mwt aux v. 4.5[2x] et le verbe ’bd au v. 6)[49]. Ces deux sections sont reliées par l’expression bkl ’šr n‘śh tt hšmš et par le double emploi du verbe yd‘ précédé de la négation ’yn (v. 1.5). En somme, trois idées majeures se dégagent de cette unité : un destin unique attend tous les êtres humains : la mort (v. 2-3) ; la vie est préférable à la mort (v. 4-6) ; les vivants aussi bien que les morts sont fondamentalement des ignorants (v. 1d.5b).

Du point de vue de la microstructure, le début du v. 1 est construit sous la forme d’un chiasme :

A ’t kl zh
B ntty ’l lby
B’ wlbwr
A’ ’t kl zh

Les deux emplois de « tout ceci » en A et A’ annoncent les deux déclarations comprenant chacune un mérisme : celle concernant les justes et les sages et celle relative à l’amour et la haine. Quant à l’expression débutant par hkl, « le tout », elle conclut le v. 1.

Bien entendu, cette critique structurelle ne résout pas toutes les difficultés que pose le v. 1, mais peut-être nous permettra-t-elle de clarifier sa signification.

5. Analyse philologique, syntaxique et sémantique

Ma critique textuelle permet de lire le texte massorétique tel quel, sans lui imposer de correction, tandis que ma critique structurelle permet de comprendre le texte tel qu’il se donne à lire actuellement, sans avoir à imaginer l’intervention d’un ou de plusieurs rédacteurs, une reconstitution biographique de l’auteur ou encore la présence d’une citation ou d’un quelconque dialogue. En outre, ma critique structurelle indique que les v. 1-6 constituent une petite unité de sens. En toute rigueur de méthode, il me faut maintenant faire une analyse philologique, syntaxique et sémantique de ce v. 1. Par souci de clarté, j’analyserai ce v. 1 en trois parties : le chiasme qui ouvre le v. 1, l’affirmation sur les justes et les sages qui sont dans la main de Dieu et le reste du v. 1.

Première partie

Le v. 1 s’ouvre par l’emploi de la particule ky dont la traduction ne fait pas l’unanimité. D’aucuns omettent simplement de la traduire, comme ce fut déjà le cas de Jérôme dans la Vulgate[50]. Certains lui donnent un sens adversatif (mais) ou causal (car), estimant ainsi que le v. 1a se rattache à ce qui précède[51]. Il est vrai que 8,17 et 9,1 traitent d’un thème semblable, à savoir l’ignorance de l’être humain. Toutefois, la délimitation de la péricope, justifiée par la critique structurelle, indique qu’il est préférable de donner à ky un sens emphatique et de reconnaître que les deux emplois de l’expression ’t kl zh ont une fonction kataphorique[52].

Ce début du v. 1, construit sous la forme d’un chiasme, indique que le verbe bwr est en parallèle synonymique ou complémentaire avec l’expression ntty ’l lby. Le verbe ntn suivi du mot lb, « coeur », revient six autres fois en Qo (1,13.17 ; 7,2.21 ; 8,9.16), dont une fois, comme ici, avec ’l (7,2 ; cf. aussi Ne 2,12 ; 7,5). Quant au mot « coeur », il apparaît 42 fois en Qo (ce qui inclut son synonyme lbb en 9,3), dont 17 fois avec le suffixe à la première personne du singulier (1,13.16[2x].17 ; 2,1.3[2x].10[2x]. 15[2x].20 ; 3,17.18 ; 7,25 ; 8,9.16). Au v. 1, l’expression ntty ’l lby signifie littéralement « j’ai donné vers mon coeur ». Dans tous les passages où le mot « coeur » est précédé du verbe ntn, il désigne le siège de l’intelligence et de la volonté (cf. aussi 1,16a ; 2,3a.10b ; etc.). Cette expression, qui évoque une réflexion, n’apparaît que dans des textes tardifs (outre les textes cités ci-dessus, cf. 1 Chr 22,19 ; Dn 10,12). Quant au verbe bwr, il est considéré soit comme un qal infinitif du verbe brr, qui signifie « éprouver », « tester » ou « examiner » (cf. 3,18 et, ci-dessus, la traduction de Symmaque par « passer au crible »[53]), soit comme un dérivé du verbe bwr au sens d’« examiner », de « clarifier » ou de « prouver »[54] ; dans ce dernier cas, le verbe est un hapax biblique, mais qui est bien attesté en arabe et en akkadien. Dans les deux cas, le verbe a fondamentalement la même signification. Ce verbe est précédé ici de la préposition l, « pour », et d’un w coordinativum[55].

Deuxième partie

Au v. 1b, le mot ’šr a le sens d’une conjonction introductive[56] et indique que le pronom zh qui précède est kataphorique. Le mot ṣdyq, « juste », apparaît sept autres fois en Qo (3,17 ; 7,15.16.20 ; 8,14[2x] et 9,2), dont deux fois au pluriel (8,14[2x]), tandis que le mot ṣdq, « justice », apparaît trois fois (3,16 ; 5,7 et 7,15). Ce mot signifie davantage que l’équité dans le jugement. Il désigne l’ordre social et cosmique, tel que Dieu l’a établi et créé, et le comportement qui s’y conforme. Il correspond à une idée de plénitude, d’abondance, de prospérité, de vie heureuse et harmonieuse. En résumé, loin d’être une idée abstraite ou une qualité statique, le concept de justice est de nature relationnelle. Par conséquent, le ṣdyq, le « juste », est celui qui respecte les normes qui régulent les relations sociales. C’est pourquoi le juste s’apparente au sage (cf. 7,19-20 et 9,1) et est l’opposé du rāšā‘, le méchant (3,17 ; 7,15 ; 8,13-14 ; 9,2 ; cf. aussi 3,16 où c’est la justice qui est opposée à la méchanceté, et ce, dans un contexte judiciaire). Par ailleurs, un examen des 3 emplois du mot ṣdq en Qo permet de constater que la justice n’est évoquée que pour rappeler qu’elle est bafouée (3,16 ; 5,7 et 7,15). Quant au traitement du ṣdyq, il n’est guère plus heureux (cf. 3,17 ; 7,16.20 ; 8,14[2x] ; 9,2).

Le mot km, « sage », lui, est beaucoup plus fréquent, car il apparaît 21 fois, tantôt au singulier (2,14.16[2x].19 ; 4,13 ; 6,8 ; 7,5.7.19 ; 8,1.5.17 ; 9,15 ; 10,2.12 ; 12,9), tantôt au pluriel (7,4 ; 9,1.11.17 ; 12,11). Toutefois, Qo souligne plus d’une fois les limites de la sagesse (1,16-18 ; 2,14-16 ; 6,8 ; 7,23-24 ; 8,17) et le fait que le sort du sage n’est pas plus enviable que celui de l’insensé (2,14.16 ; 6,8 ; cf. aussi 9,11). Justes et sages forment ici un couple qui représente l’idéal de la sagesse et de la piété.

Le mot ‘abād, « oeuvres », qui se rattache aux justes et aux sages, est un hapax biblique d’origine araméenne[57]. Selon Krüger, l’origine araméenne de ce mot pourrait indiquer que nous avons ici une allusion à un dicton populaire[58]. Cette interprétation est peu vraisemblable, car les aramaïsmes sont plutôt nombreux en Qo[59]. L’emploi de cet aramaïsme n’en reste pas moins surprenant, car Qo utilise habituellement les mots m‘śh ou ‘ml pour désigner l’activité humaine. Faut-il considérer que ce mot est le simple équivalent araméen de m‘śh, « oeuvre »[60] ? Faut-il plutôt y voir un mot qui a un sens semblable à ‘ml (« travail pénible », « fatigue »)[61], ou, au contraire, un mot qui exprime les aspects positifs et honorables d’un « service »[62] ? Faut-il considérer que ce mot fait référence à la fois à l’activité et au résultat de l’activité[63], ou davantage au résultat qu’à l’activité elle-même[64] ? À mon avis, la traduction par « oeuvres » est celle qui semble la plus appropriée, comme c’est le cas de l’aramaïsme m‘bdyhm, « leurs oeuvres », hapax en Jb 34,25 ; en outre, cette traduction est celle qui correspond le mieux au sens premier du mot opera, « oeuvre », choisi par Jérôme aussi bien dans la Vulgate que dans son commentaire, du mot ‘bd, « oeuvre », de la Peshitta et du mot ergasia, « travail », qui n’apparaît qu’ici dans la version grecque de Qo.

Les justes, les sages et leurs oeuvres sont littéralement dans la « main du Dieu ». Le mot yd, « main », apparaît treize fois en Qo, tantôt au pluriel (2,11 ; 4,5 ; 5,5 ; 7,26 et 10,18), tantôt au singulier (2,24 ; 4,1 ; 5,13.14 ; 7,18 ; 9,1.10 ; 11,6). La main est le symbole du pouvoir (Qo 4,1 ; 7,26 ; 9,10 ; 10,18). Être dans la main de Dieu[65], c’est donc être en son pouvoir, en sa dépendance, mais de quel pouvoir s’agit-il ? En outre, Qo parle-t-il d’un pouvoir qui s’exerce ici-bas ou dans la vie après la mort ? Comme il s’agit des justes et des sages, certains exégètes croient qu’être dans la main de Dieu fait référence à la vie après la mort, voire à la protection des âmes des justes dans l’au-delà ; pour justifier cette interprétation, ils citent Sg 3,1-3[66]. Cette interprétation est invraisemblable, d’une part, parce que la distance géographique et l’écart temporel entre Qo et Sg sont trop importants – il est bien connu que le livre de la Sagesse a été composé à Alexandrie au milieu du premier siècle av. J.-C. – et, d’autre part, parce que Michel n’est pas en mesure d’apporter une preuve des soi-disant précurseurs de l’auteur de la Sagesse de Salomon. D’aucuns se contentent de déclarer qu’être dans la main de Dieu est une chose merveilleuse et rassurante, un symbole de protection[67]. Au contraire, sans partager pour autant la même interprétation, d’autres exégètes déclarent que la main de Dieu ne représente ici rien de réconfortant et qu’il n’est aucunement question de vie après la mort[68]. Un examen des autres emplois de cet anthropomorphisme dans la Bible pourrait-il nous permettre d’éclairer le sens de Qo 9,1 ? L’expression yd Yhwh ou yd ’lhym et le mot yd avec des suffixes faisant référence à Yhwh/Dieu apparaissent 186 fois dans la Bible hébraïque. Plus précisément, on trouve l’expression yd yhwh quarante fois et l’expression yd ’lhym sept fois ; en outre, il y a 139 emplois où le mot yd a des suffixes qui se réfèrent à Yhwh/Dieu[69].

Du point de vue syntaxique, la main est 41 fois sujet, 67 fois objet et a 47 fois un sens adverbial[70]. Quant à savoir si l’anthropomorphisme de la main de Yhwh/Dieu a un sens positif (protection divine) ou négatif (punition divine), Norin affirme que l’on rencontre les deux sens aussi bien dans les textes du Proche-Orient ancien que dans la Bible. Dans la Bible hébraïque, 116 emplois sont positifs (ces emplois concernent 22 fois la création, mais aussi de nombreux autres domaines tels que l’exode, la conquête, Sion, etc.) et 52 sont négatifs, évoquant notamment diverses formes de punition divine[71]. Malheureusement, Norin ne mentionne pas les textes de Qo, sans doute parce que celui-ci n’utilise jamais l’expression yd ’lhym/yhwh. En effet, Qo utilise plutôt l’expression yd h’lhym, et ce, à deux reprises. Le premier emploi se trouve en 2,24, dans une expression unique dans la Bible : myd h’lhym[72]. Dans ce passage, l’anthropomorphisme vise à indiquer que les plaisirs les plus simples sont des dons de Dieu (cf. aussi 2,26 ; 3,13 ; 5,18-19 ; 8,15 ; 9,9). En 9,1, l’expression byd h’lhym est également unique dans la Bible. En effet, à l’exception des nombreux passages où la formule byd est mise en relation avec des individus (Gn 27,17 ; 39,6 ; Ex 9,35 ; 34,29 ; etc.), dans le reste de la Bible, la formule byd n’est mise en relation avec Yhwh que huit fois (Ex 16,3 ; 2 S 24,14 ; 1 Chr 21,13 ; 2 Chr 29,25 ; Ps 75,9 ; Pr 21,1 ; Is 62,3 ; Jr 51,7). Mis à part 2 Chr 29,25 où byd a le sens de « par l’intermédiaire », dans ces passages, la main de Yhwh représente simplement son pouvoir, car en elle repose une coupe (Ps 75,9 ; Jr 51,7), une couronne de splendeur (Is 62,3), des canaux d’eau (Pr 21,1). Par ailleurs, la formule byd yhwh peut faire référence aussi bien à la mort (Ex 16,3) qu’à la compassion (2 S 24,14 ; 1 Chr 21,13 ; cf. aussi Si 2,18)[73]. En somme, force est de constater que seul le contexte immédiat peut nous aider à cerner ce mystérieux pouvoir divin dont dépendent totalement les justes, les sages et leurs oeuvres. Il convient donc d’interroger la suite du v. 1 afin de savoir si elle nous permettra d’être plus précis.

Troisième partie

Littéralement, la suite du v. 1 se lit comme suit : « même l’amour même la haine ne pas connaissant l’être humain ». Le mot gm, qui précède les mot ’hbh et śn’h, peut être rendu par « même » (2,23b ; 4,8a.b.11 ; 6,3.5 ; 8,17 ; 9,11[3x] ; 10,3 ; 11,2) ou par « aussi » (1,17 ; 2,7.8.14.15[2x].19.21.23c.24.26 ; etc.). La question principale ici est de savoir si les mots ’hbh, « amour », et śn’h, « haine », renvoient à Dieu ou à l’être humain. Cette question a très tôt divisé les anciens commentateurs juifs. Par exemple, certains ont défendu la première interprétation[74] et d’autres la seconde[75]. Les plus récents commentateurs ne partagent toujours pas la même interprétation et certains refusent de se prononcer[76]. À l’instar de la Vulgate, de nombreux exégètes estiment qu’il s’agit des dispositions de Dieu à l’égard des êtres humains[77], l’amour et la haine pouvant représenter la grâce divine et la colère du jugement divin[78], l’épreuve ou la récompense et la punition[79], la bénédiction et la malédiction[80], la prospérité ou l’adversité[81], l’acceptation ou la préférence et le rejet[82], la faveur et le mécontentement[83], etc. Autrement dit, l’être humain (h’dm) peut agir avec justice et sagesse, mais contrairement à ce qui est défendu dans la tradition de sagesse, il ne sait pas (’yn ywd‘) s’il est aimé ou détesté de Dieu, celui-ci agissant de manière arbitraire ou incompréhensible[84]. Cette interprétation est intéressante, mais elle n’est pas forcément la plus convaincante.

Pour sa part, Douglas est d’avis que Qo, aux v. 1-3, cherche à réfuter les apocalypticiens. Selon lui, cette réfutation est notamment exprimée au v. 1 où il affirme que l’humanité, n’ayant accès à aucune révélation spéciale et faisant face à un futur incertain (hkl lpnyhm), ne sait pas si elle est l’objet de l’amour ou de la haine de Dieu[85]. Cette interprétation est encore moins convaincante que la précédente, et ce, pour deux raisons. Premièrement, outre le fait que Douglas présume que l’amour et la haine concernent l’attitude de Dieu, il suppose que l’expression hkl lpnyhm signifie que le futur est incertain. Or, je montrerai ci-dessous qu’une telle interprétation est injustifiée. Deuxièmement, Douglas ne cite aucun texte apocalyptique qui pourrait être visé par Qo. C’est pourquoi il est abusif de dire que le livre de Qo appartient à un genre anti-apocalyptique.

Certains auteurs sont plutôt d’avis que l’amour et la haine sont des sentiments humains. Pour justifier cette interprétation, d’aucuns rattachent l’expression gm ’hbh gm śn’h à ce qui précède, la suite formant une proposition autonome (’yn ywd‘ h’dm hkl lpnyhm). Selon ce découpage du texte, l’amour et la haine des justes et des sages, qui sont des émotions typiquement humaines, sont aussi dans la main de Dieu[86]. Autrement dit, ce ne sont donc pas seulement les activités corporelles (‘bdyhm) qui sont dans la main de Dieu, mais aussi les activités spirituelles (amour et haine), c’est-à-dire la totalité des activités humaines[87]. Selon cette interprétation, la proposition ’yn ywd‘ h’dm hkl lpnyhm forme une seule phrase qui peut être comprise de deux façons différentes : « l’être humain ne sait pas ce qui va arriver », « et personne n’a la moindre idée de ce qui nous attend »[88] ou « l’homme ne sait absolument rien (de ce qui se trouve) devant lui »[89]. Selon les deux premières traductions, l’expression lpnyhm a un sens temporel et Qo fait référence au futur que l’être humain ignore totalement. Par contre, selon la troisième traduction, lpnyhm a un sens spatial et Qo fait référence à l’oeuvre divine que l’être humain a sous les yeux, mais qu’il est incapable de déchiffrer.

Diverses raisons m’incitent à rejeter ces interprétations. La première, c’est qu’elles occultent le fait que les massorètes ont placé deux accents disjonctifs, plus précisément un atna sous le mot h’lhym et un zaqef qaṭon sur le mot h’dm. Bien entendu, les accents disjonctifs et conjonctifs placés par les massorètes témoignent de leur propre interprétation du texte et nul n’est tenu de les respecter aveuglément. Toutefois, malgré leurs variantes, la Septante, Symmaque, la Peshitta et la Vulgate supposent que la proposition ’yn ywd‘ h’dm se rattache à ce qui précède et non à ce qui suit. Un examen du style de Qo confirme que l’option retenue par les massorètes et les anciens traducteurs est la bonne. D’une part, lorsque le mot gm est suivi d’un verbe, comme c’est le cas selon les accents disjonctifs placés par les massorètes, il introduit normalement une nouvelle proposition (cf. 2,7.23b.24 ; 3,11.13 ; 4,8ab.16 ; 5,16.18 ; 7,14.18b.21a ; 9,3.6.13 ; 10,3.20 ; 12,5). En outre, à cinq autres reprises, comme en 9,1, le verbe qui suit est précédé d’une négation (avec ’yn en 4,8a ; avec l’ en 4,8b.16 et avec ’l en 7,18b et 10,20). D’autre part, en Qo, la formule hkl, « le tout », apparaît presque toujours au début d’une nouvelle proposition (1,2.14 ; 2,11.16.17 ; 3,11.19.20[3x] ; 6,6 ; 7,15 ; 9,2 ; 12,8.13). Qui plus est, lorsque la formule hkl est accompagnée d’un verbe, celui-ci vient après et non avant (2,16 ; 3,11.20[3x] ; 6,6 ; 7,15 ; 12,13). Enfin, dans les deux seuls passages où la formule hkl suit le verbe, elle est précédée de la particule ’t qui est absente en 9,1(cf. 10,19 ; 11,5). En somme, tout indique que la formule hkl introduit ici la dernière proposition du v. 1 et que gm ’hbh gm śn’h’yn ywd‘ h’dm forme une seule phrase.

Le maintien du texte massorétique ne nous force pas pour autant à supposer que l’amour et la haine désignent les dispositions de Dieu à l’égard des êtres humains ou que l’amour et la haine peuvent faire référence à la fois à Dieu et aux êtres humains[90]. En effet, il y a de bonnes raisons de croire que l’amour et la haine renvoient ici aux êtres humains et qu’ils définissent plus précisément leurs oeuvres. Premièrement, c’est ce qu’indique la reprise de l’expression gm ’hbtm gm śn’tm au v. 6a, qui forme une inclusion avec le v. 1. Deuxièmement, le seul autre emploi de cette paire antithétique en Qo se trouve en 3,8 et évoque clairement l’amour et la haine des êtres humains. En outre, les deux emplois de l’antithèse ’hbh – śn’h et les sept emplois de l’antithèse ’hb śn’ en Pr font toujours référence à l’amour et à la haine des humains (Pr 10,12 ; 15,17 ; 1,22 ; 8,36 ; 9,8 ; 12,1 ; 13,24 ; 14,20 ; 27,6). Troisièmement, les deux seuls autres emplois de la racine śn’ dans le livre font référence à la haine de Qohélet (2,17.18). Quatrièmement, tous les emplois du mot ’hbh et du verbe ’hb en Qo renvoient à l’amour des êtres humains (3,8 ; 5,9[2x] ; 9,6.9). Cinquièmement, les sages n’évoquent jamais l’amour ou la haine de Dieu. En effet, en Jb comme en Pr, jamais les substantifs ’hbh et śn’h n’ont Dieu pour sujet (pour le mot ’hbh, cf. Pr 5,19 ; 10,12 ; 15,17 ; 17,9 ; 27,5 ; pour le mot śn’h, cf. Pr 10,12.18 ; 15,17 et 26,26). Quant aux 28 emplois du verbe ’hb chez les sages (27 fois en Pr et une seule fois en Jb), seuls deux d’entre eux évoquent l’amour non pas de Dieu mais de Yhwh (Pr 3,12 et 15,9). Enfin, sur 29 emplois du verbe śn’ chez les sages (26 en Pr et 3 en Jb), un seul a Yhwh pour sujet (Pr 6,16). Force est de constater, par conséquent, que l’amour et la haine de Dieu à l’égard des humains préoccupent très peu les sages et n’intéressent pas du tout Qo.

L’amour et la haine concernent donc les émotions ou les sentiments humains[91], mais pas seulement. L’amour et la haine sont aussi des attitudes qui génèrent la vie ou la mort (Pr 4,6 ; 8,36 ; 15,10.27 ; 18,21 ; 28,16), ainsi que certaines oeuvres ou actions, tantôt positives et constructives (Pr 11,15 ; 12,1 ; 13,24 ; 22,11), tantôt négatives et destructrices (Pr 5,12 ; 9,8 ; 17,19 ; 20,13 ; 21,17 ; 26,24. 28). En outre, derrière cette antithèse qui rappelle 3,8, c’est l’ensemble des sentiments humains, voire des activités humaines qui est visé (cf. ‘bdyhm). Ainsi, 9,1 n’est pas sans lien avec 3,11, qui interprète 3,1-9 en montrant que l’enjeu est épistémologique : en effet, la liste de 3,2-8 n’indique pas des opportunités à saisir, mais des situations contradictoires qui s’annulent, et face auxquelles l’être humain doit avouer son ignorance (l’ ymṣ’ h’dm), puisque c’est Dieu qui fait toute chose (hkl, « le tout ») convenable en son temps (ce qui inclut le temps pour aimer et celui pour haïr) et que c’est lui seul qui en a une parfaite connaissance. Que tout soit fait au temps de Dieu et non à celui de l’être humain signifie que rien n’échappe à Dieu, que c’est lui qui est responsable de tout ce qui arrive[92] – autrement dit, que tout dépend de lui, que tout est dans sa main –, alors que l’être humain ne peut déchiffrer ni l’oeuvre divine, ni le temps, ni même les conditions de son existence, comme le souligne également la suite de la proposition en 9,1 : ’yn ywd‘ h’dm. Le verbe yd‘, qui apparaît 36 fois en Qo, est à cinq autres reprises précédé de la négation ’yn (4,17 ; 8,7 ; 9,5b ; 11,5a.6) et à neuf reprises de la négation l’ (4,13 ; 6,5 ; 8,5a ; 9,11.12 ; 10,14.15 ; 11,2.5b) ; en outre, ce verbe yd‘ est aussi précédé de l’interrogation my, « qui ? », et dans tous les cas la question présuppose une réponse négative (2,19 ; 3,21 ; 6,12 et 8,1). Ainsi, c’est l’ensemble de l’humanité[93], et non seulement les justes et les sages, qui ne connaît pas les conditions de son existence et les conséquences de ses actions (‘bdyhm). En somme, bien que les morts se distinguent des vivants parce que leurs amours et leurs haines ont déjà péri (9,6), ils ont en commun avec les vivants le fait d’être totalement des ignorants (’yn + yd‘) : les morts ne savent rien (9,5 ; cf. 9,10), tandis que les vivants ignorent totalement (cf. l’antithèse amour – haine qui est une expression de la totalité) les conditions de leur existence (9,1 ; cf. 9,11-12).

En ce qui concerne l’expression qui clôt le v. 1, hkl lpnyhm, son interprétation ne fait pas davantage l’unanimité chez les exégètes. D’aucuns traduisent hkl, qui est en position emphatique, par « les deux », puisque le mot est censé faire référence à l’amour et à la haine[94]. Toutefois, comme le mot kl, « tout », revient 90 fois – ce nombre élevé n’a d’équivalent dans aucun autre livre biblique – et que le mot kl est précédé de l’article 17 autres fois en Qo (1,2.14 ; 2,11.16. 17 ; 3,11.19. 20[3x] ; 6,6 ; 7,15 ; 9,2 ; 10,19 ; 11,5 ; 12,8.13), il est préférable de le rendre par « tout », voire « le tout », ce mot pouvant faire référence à la totalité évoquée par le mérisme « amour – haine » (cf. l’emploi de hkl en 3,11, lequel renvoie au double emploi de kl en 3,1 et aux sept distiques de 3,2-8 qui symbolisent la totalité des activités divines).

Il faut maintenant déterminer à quel mot renvoie le suffixe pluriel yhm dans l’expression lpnyhm. D’aucuns estiment que le suffixe fait référence à Dieu. C’est par exemple le cas de Strobel qui traduit comme suit : Tous sont à sa merci sans exception[95]. Cette interprétation est peu crédible, car elle ne prend pas en considération le fait que le suffixe est au pluriel. Pour sa part, Laras estime que le suffixe pluriel renvoie au mot pluriel ’lhym et que cette expression confirme le sens déterministe du verset (tout dépend de la volonté de Dieu) ou suggère que seul Dieu peut juger de l’amour et de la haine entre les hommes, puisque lui seul peut comprendre au-delà des apparences[96]. Cette interprétation n’est pas plus crédible que la précédente, car jamais en Qo le mot ’lhym n’est considéré comme un pluriel. Pour résoudre ce problème, Rose est d’avis que le texte originel comprenait un suffixe au singulier qui faisait référence à Dieu et que l’expression avait un sens semblable à celui de Qo 2,26 ou de Mal 3,16, à savoir qu’elle évoque le jugement de Dieu ; par conséquent, il conclut que l’expression hkl lpnyw signifie « « tout [est/sera] soumis à son évaluation/jugement »[97]. Bien entendu, cette interprétation n’est pas plus convaincante que celle qui vise à expliquer les raisons ayant conduit à l’actuelle forme du texte hébreu. À mon avis, le suffixe pluriel yhm dans l’expression lpnyhm peut désigner soit les justes et les sages, soit l’être humain[98]. La seconde interprétation est d’autant plus vraisemblable que l’emploi d’un suffixe pluriel faisant référence à ’dm comme un singulier collectif se trouve déjà en 3,12 et 7,29.

Enfin, il faut déterminer si l’expression lpnyhm a un sens spatial ou temporel. Certains lui donnent un sens spatial. Par exemple, Fox traduit la finale du v. 1 comme suit : tout ce que l’on voit est absurde[99]. Lauha donne également à cette expression un sens spatial et, citant Gn 13,9 et 24,51, il juge que l’expression fait plutôt référence à ce qui est disponible : tout ce qui est à sa disposition est vain[100]. Ces deux interprétations supposent la correction du texte massorétique, laquelle est injustifiée. Par ailleurs, Michel donne également un sens spatial à l’expression lpnyhm, et ce, tout en maintenant le texte massorétique ; il est d’avis que « tout est devant eux » signifie « tout peut leur arriver », ce qui donne la traduction suivante : l’être humain ne sait rien du tout de ce qui lui est réservé. Pour justifier son interprétation, il cite la traduction de la Septante, donne de nombreuses références bibliques (Gn 13,9 ; 24,51 ; 34,10 ; 2 Chr 14,6) et indique que les expressions lkl, lṣdyq, etc., en 9,2, justifient cette interprétation[101]. On rappellera que la Septante ne correspond pas au texte massorétique et on notera que la traduction de Michel ne respecte ni les signes disjonctifs des massorètes, ni le découpage du texte de la Septante.

Faut-il alors donner un sens temporel à l’expression lpnyhm ? Tel était l’avis de Jérôme, dans la Vulgate citée ci-dessus, qui donne à cette expression un sens temporel lié au futur. De nombreux exégètes adoptent cette interprétation et jugent que l’expression hkl lpnyhm signifie que personne ne sait ce qui va arriver demain. Plus précisément, d’aucuns en déduisent que l’être humain ignore s’il aimera ou haïra[102] ou s’il sera aimé ou haï des autres[103], tandis que d’autres concluent que l’être humain ne sait pas s’il sera aimé ou haï de Dieu[104]. Certains sont d’avis qu’il s’agit de l’avenir après la mort[105], tandis que d’autres estiment qu’il n’est question que de l’avenir ici-bas[106].

À mon avis, l’expression lpnym a bien un sens temporel, mais qui fait référence au passé et non à l’avenir. En effet, dans la Bible, lorsque l’expression lpnym a un sens temporel, elle fait toujours référence à un passé plus ou moins lointain (par exemple, un passé récent en Jb 42,11 et un passé lointain au Ps 102,26). Toutefois, comme le signale Brin, la plupart des emplois de lpnym évoquent un passé lointain, d’autres termes étant utilisés pour désigner un passé plus récent[107]. Qu’en est-il dans le livre de Qo ? L’expression lpny apparaît quinze fois en Qo. Lorsque le suffixe fait référence à Dieu, elle a un sens spatial et signifie « à ses yeux / aux yeux de » (2,26ab ; 7,26) et « en sa présence / en présence de » (3,14 ; 5,1 ; 8,12.13). L’expression lpny a aussi un sens spatial lorsqu’elle fait référence au « messager » (5,5) et au « souverain » (10,5), dans les deux cas au sens de « en présence du ». De telles significations sont inappropriées pour 9,1. Par contre, dans cinq autres passages, lpny a un sens temporel et évoque un passé lointain (1,10.16 ; 2,7.9 ; 4,16[108]). En outre, dans quatre de ces cinq passages, lpny est précédé du mot kl, comme en 9,1. Si l’on prend en considération ce fait stylistique et le vocabulaire à connotation temporelle du contexte immédiat – cf. les mots suivants : mqrh, « destin » (9,2.3), qui évoque le caractère inéluctable de la mort à venir, ryw, « après cela » (9,3), l‘wlm, « pour toujours » (9,6) –, le sens temporel semble plus vraisemblable. Autrement dit, l’expression « le tout : devant eux » signifie que tout précède les êtres humains. Reconnaissant que lpnyhm, en 9,1, fait référence au passé, Schellenberg se contente de s’interroger : Qohélet veut-il ici souligner que l’être humain est entre les mains de Dieu, mais qu’il ne peut pas finalement savoir ce que cela signifie puisqu’il ne comprend pas pleinement son propre passé (avec les émotions correspondantes)[109] ? Plus affirmatifs, d’autres exégètes sont d’avis que « tout est devant eux » signifie que tout ce qui arrive (cf. le mérisme amour – haine) est établi depuis longtemps et échappe au contrôle de l’être humain[110]. Autrement dit, tout est prédestiné[111] : de la vie à la mort, en passant par tous les détails de l’existence, tout est déterminé[112]. Par ailleurs, Zimmer précise que c’est surtout le temps qui semble déterminer l’être humain et, tout en reconnaissant que celui-ci ne peut changer le temps ordonné par Dieu, il souligne aussi le fait que l’être humain a une responsabilité morale, car il est libre de saisir ou de ne pas saisir les occasions qui lui sont offertes par Dieu[113]. Cette interprétation nuancée de Zimmer est confirmée par maints autres passages du livre. En effet, Dieu gouverne souverainement la vie des êtres humains (byd h’lhym) et ceux-ci doivent reconnaître, d’une part, leur ignorance (’yn ywd‘ h’dm) quant à l’ensemble de son oeuvre – laquelle est l’équivalent de l’oeuvre qui se fait sous le soleil (8,17) – et, d’autre part, leur impuissance quant à leur destin (cf., par exemple, 3,1-15 ; 5,18 ; 6,1-2.10 ; 7,13-14 ; 9,2-3.11-12 ; 11,5). Toutefois, cette ignorance et cette impuissance ne les empêchent aucunement d’être responsables et libres de choisir, comme l’indiquent notamment les emplois répétés des formes impératives ou jussives dans les passages où Qo s’adresse à son destinataire (cf. 4,17 ; 5,1[3x].3[2x]. 5[2x].6 ; 7,9.10.13.14.16.17.21 ; 8,2.3 ; 9,7.8.9.10 ; 10,4.20 ; 11,1.2.6.9.10 ; 12,1.12). En définitive, tout en étant libre et responsable, l’être humain est livré au pouvoir du créateur qui fait « le tout » (hkl : 3,11 ; 11,5), lequel précède l’être humain (9,1). Autrement dit, Dieu est à l’origine de tout ce qui arrive dans la vie des êtres humains (creatio continua), ce qui est désirable (amour et bonheur : 9,1 et 7,14) comme ce qui est indésirable (haine et malheur : 9,1 et 7,14).

Conclusion

Qo 9,1 est un verset qui pose des difficultés des points de vue textuel, structurel, grammatical, syntaxique, sémantique et référentiel. Du point de vue textuel, j’ai montré que le texte massorétique ne nécessite aucune correction, même si les anciennes versions témoignent de diverses traductions. Du point de vue structurel, j’ai relevé quelques indices qui montrent que 9,1-6 forme une petite unité de sens intégrée dans une grande section qui va du v. 1 au v. 12, laquelle section est elle-même subdivisée en trois unités : 9,1-6.7-10.11-12. J’ai également montré qu’il est inutile de supposer l’intervention d’un ou de plusieurs rédacteurs ou d’imaginer une reconstitution biographique de l’auteur. Il est tout aussi inutile de postuler la présence d’une citation ou d’une forme quelconque de dialogue.

Du point de vue grammatical, syntaxique, sémantique et référentiel, j’ai rappelé les diverses interprétations proposées par les exégètes et j’ai pris soin de justifier mes interprétations en prenant en considération le contexte immédiat du v. 1 (9,1-6), l’ensemble du livre de Qo, puis le contexte biblique général. Ainsi, j’ai d’abord indiqué pourquoi le mot ky a un sens emphatique et pourquoi les deux emplois de l’expression ’t kl zh ont une fonction kataphorique. Puis, comme l’indique la construction chiastique du début du v. 1, j’ai montré que l’expression ntty ’l lby et le verbe bwr visaient le même objectif : indiquer que ce que Qo va présenter a fait l’objet d’un examen méticuleux.

J’ai ensuite rappelé que les justes et les sages incarnent les deux grandes figures positives de la sagesse, et ce, malgré les limites de la justice et de la sagesse maintes fois rappelées par Qo. Quant au mot ‘bdyhm, qui se rattache aux justes et aux sages, j’ai signalé qu’il s’agit d’un hapax biblique d’origine araméenne et que la traduction par « leurs oeuvres » était la plus adéquate. Puis, j’ai passé en revue les différentes interprétations de l’expression « dans la main de Dieu » et j’ai pris soin d’examiner ses différentes occurrences dans le reste du Premier Testament. Cette étude m’a permis de conclure qu’être dans la main de Dieu signifie être en son pouvoir, sous sa totale dépendance et donc impuissant.

En ce qui concerne la suite du v. 1, j’ai également présenté un état de la recherche et j’ai évoqué les différentes raisons qui permettent de dire que l’amour et la haine font référence non pas à l’attitude de Dieu à l’égard des êtres humains, mais bien aux émotions des êtres humains et qu’ils définissent plus précisément leurs oeuvres. En outre, j’ai pris soin de montrer que l’amour et la haine sont plus que des émotions ; ce sont des attitudes qui génèrent la vie et la mort ainsi que des oeuvres tantôt positives et constructives, tantôt négatives et destructrices. En outre, j’ai signalé que derrière cette antithèse qui rappelle 3,8, c’est l’ensemble des sentiments humains, voire des activités humaines, qui est visé (cf. ‘bdyhm). Ainsi, 9,1 n’est pas sans lien avec 3,11 qui interprète 3,1-9 en insistant sur le fait que Dieu fait toute chose – hkl, littéralement « le tout », comme en 9,1, ce qui inclut le temps pour aimer et celui pour haïr (3,8) – convenable en son temps et non à celui des êtres humains et que c’est lui seul qui en a une parfaite connaissance. Que « le tout » soit fait au temps de Dieu et non à celui de l’être humain signifie que rien ne lui échappe, que c’est lui qui est responsable de tout ce qui arrive – autrement dit, que tout dépend de lui, que tout est dans sa main –, alors que l’être humain ne peut déchiffrer ni l’oeuvre divine, ni le temps, ni même les conditions de son existence, comme le souligne la suite de la proposition de 9,1 : ’yn ywd‘ h’dm. En 9,1 comme en 3,11, c’est l’ensemble de l’humanité (h’dm) qui ne connaît pas les conditions de son existence et les conséquences de ses actions. En somme, bien que les morts se distinguent des vivants, parce que leurs amours et leurs haines ont déjà péri (9,6), ils ont en commun avec les vivants le fait d’être totalement des ignorants (’yn + yd‘) : les morts ne savent rien (9,5 ; cf. 9,10), tandis que les vivants ignorent totalement (cf. l’antithèse amour – haine qui est une expression de la totalité) les conditions de leur existence (9,1 ; cf. 9,11-12).

Enfin, j’ai montré que l’expression hkl lpnyhm, qui doit être lue comme une proposition indépendante – la proposition ’yn ywd‘ h’dm se rattachant à ce qui précède (gm ’hbh gm śn’h) –, évoque la même idée que l’expression byd h’lhym, à savoir que l’être humain dépend totalement de Dieu et que tout ce qui arrive (cf. le mérisme amour – haine) est établi depuis longtemps et échappe au contrôle de l’être humain. En résumé, en 9,1, Qo considère Dieu dans sa toute-puissance, tandis qu’il définit l’être humain dans sa petitesse, ses limites, son ignorance et son impuissance. Bien entendu, j’ai pris soin de rappeler que si Qo reconnaît la souveraineté de Dieu sur sa création et sur tout ce qui y arrive à chaque moment, cela ne l’empêche pas de reconnaître également le fait que l’être humain a la liberté de faire des choix, même s’il ignore la manière dont Dieu agit dans le monde. Cette tension non résolue entre déterminisme divin et liberté humaine est évidente lorsque l’on compare, par exemple, les passages où la joie est présentée comme un don (2,24-26 ; 3,13 ; 5,19 ; 8,15 et 9,9) et les passages où elle est présentée comme une injonction (9,7-9 ; 11,9-12,1).