Recensions et comptes rendusThéologie

Simon Pierre Arnold, Dieu est nu : hymne à la divine fragilité. Montréal, Novalis – Paris, Éditions jésuites Lessius, 2019, 13,4 × 19,1 cm, 277 p., ISBN 978-2-89688-732-3 / 978-2-87299-383-3[Notice]

  • Anne-Marie Chapleau

…plus d’informations

  • Anne-Marie Chapleau
    Institut de formation théologique et pastorale, Chicoutimi

« La théologie n’est pas un discours sur Dieu mais une réponse à Dieu » disait le grand Claude Geffré. Simon-Pierre Arnold, qui place résolument l’être humain au centre de sa réflexion théologique, serait sans doute d’accord avec lui. Péruvien d’adoption depuis plus de quarante-cinq ans, Simon-Pierre Arnold est un théologien et moine bénédictin d’origine belge. Le livre dont il est question ici, paru en 2019, prolonge la réflexion amorcée dans son ouvrage précédent, Dieu derrière la porte. Il en reprend certaines idées phares pour les creuser davantage. Le résultat résiste à toute classification ; c’est à la fois une réflexion hautement personnelle et libre où le « je » de l’auteur se permet plusieurs intrusions, un petit essai de théologie, un ouvrage de spiritualité, mais aussi un livre engagé qui vise la conversion et l’engagement, personnels et communautaires. L’auteur, quant à lui, préfère qualifier « d’hymne » le texte qu’il a commis. Et c’est en effet un hommage au Dieu fragile qui s’y donne à lire ; mais le meilleur hommage qu’on puisse rendre au Dieu nu, pourrait-on conclure à la lecture du livre, est de vouloir s’y ajuster en consentant à être tout aussi « nus » que lui, afin que la « communauté chrétienne » devienne elle-même « éloge de la fragilité ». C’est là l’aboutissement que l’auteur souhaite à son trajet, comme il le fait valoir dans son neuvième et dernier chapitre : « La communauté est donc l’hymne éternel à la fragilité, l’école de la kénose, du don jusqu’à l’extrême en germe, son laboratoire. N’en cherchons pas d’autres ! » (p. 266). La prise de conscience que « Dieu est nu » constitue donc le point de départ de la réflexion qu’il déploie. Cette affirmation, devenue le titre de l’ouvrage, porte en fait une revendication. Selon le frère Arnold, la crise profonde que traversent le christianisme et l’Église exige de faire du constat que Dieu est dépouillé le fondement de toute réflexion théologique et de toute tentative de renouvellement. Tout doit donc être évalué, mesuré à l’aune de la kénose divine. C’est à cette tâche exigeante que s’attelle l’auteur au fil de son ouvrage : mesurer les conséquences théologiques, spirituelles et ecclésiales de cette attestation qu’il pose en prémisse. Il reconnaît inscrire son projet dans le courant de la théologie apophatique ou négative, mais aussi au point de rencontre de divers courants théologiques contemporains. Il cherche à développer une théologie ouverte aux sciences, à la critique des maîtres du soupçon, à la pensée des théologiennes féministes et écoféministes (p. 43), à la mystique, à diverses voies spirituelles dont la théologie andine. Il se situe aussi comme l’héritier des chrétiens François Varillon et Maurice Zundel et du juif Martin Buber (p. 41-42), tout en recourant aussi à de nombreux autres penseurs, historiens, scientifiques, théologiens, mystiques ou philosophes aux affiliations les plus diverses pour enrichir sa réflexion. Il garde toujours dans sa mire le monde actuel, avec ses paradoxes. Il appuie en outre constamment sa réflexion sur les textes bibliques qu’il aborde parfois à rebrousse-poil des interprétations traditionnelles. Le corps de l’ouvrage est encadré par un préliminaire et une conclusion. Dans le premier, l’auteur annonce les piliers de la réflexion à venir : Dieu compris comme Trinité, Jésus, et l’humanité face à eux, à contempler dans la perspective de la kénose. Il laisse entrevoir quelques chemins, bibliques et autres, qu’empruntera sa réflexion et dévoile déjà son option personnelle : s’en tenir à Jésus seul (p. 18). Dans la seconde, il précise justement cette option en quatre pages où il témoigne de sa manière personnelle de croire. …

Parties annexes