Ce livre est l’adaptation et la mise à jour d’une thèse brillamment soutenue en 2011. Il actualise une des propositions portées par la lettre aux Philippiens, celle de « soutenir le progrès des autres lecteurs (figurés ici par le groupe de Philippes) vers un entendre accordé à l’énonciation » (p. 293). Puisque la sémiotique demeure largement méconnue, même dans les cercles savants, Anne Pénicaud prend soin de présenter en introduction les fondements théoriques et méthodologiques de cette approche. Cet exposé, bien que relativement bref, a valeur ce traité. Il réjouira les initiés qui attendaient une telle synthèse. Il condense en moins de cent pages vingt années de recherche minutieuse et patiente, constamment validée par l’enseignement et la lecture en groupe. L’auteure, qui a mené ses recherches au CADIR de Lyon qu’elle a aussi dirigé pendant plusieurs années, montre bien comme ses travaux s’appuient sur les fondements posés par ses prédécesseurs durant trente ans. Le souci pédagogique manifesté ici traverse tout l’ouvrage de la chercheuse. Elle propose, dès les premières pages, des itinéraires de lecture et des conseils pour s’y retrouver, puis de nombreux renvois au cadre conceptuel présenté en introduction, des notes explicatives fréquentes, des récapitulations des parcours, des conclusions pour chaque section d’analyse, un glossaire, etc. Un détail a cependant été négligé : les mots grecs ne sont pas translittérés, ce qui complique la tâche des personnes qui ne savent pas lire le grec. Par ailleurs, malgré les nombreux efforts déployés pour les aider à se familiariser avec la sémiotique, les lecteurs novices risquent de trouver cet ouvrage un peu difficile, voire hermétique. Les débutants seront avisés, comme le recommande la chercheuse, de s’en tenir dans un premier temps à l’analyse figurative. La sémiotique, comme approche synchronique, concentre toute son attention sur le texte, sans égard pour la réalité extérieure qu’il semble convoquer ni pour les circonstances de sa rédaction. La sémiotique loge en effet côté du « croire » plutôt que d’une quête de savoirs. Le croire, insiste Anne Pénicaud au début de l’introduction, « fraie la voie d’une lecture dans la parole » (p. 22). La sémiotique vise à accueillir les propositions de sens que donne à voir la forme du texte ; elles sont promesse de dons qui excèdent la lecture. Chaque analyse relance cette promesse vers d’autres lecteurs. Cette sémiotique est dite « énonciative » parce que, comme elle est lecture « dans la parole », elle s’emploie à discerner dans l’énoncé – le texte à lire – les traces de la parole qui l’a produit. En d’autres mots, elle s’intéresse à l’énonciation dont la place, dans le texte est « virtuelle » et « comparable au point defuite d’un tableau » (p. 26). Cette instance logique, toujours insaisissable, travaille également à retourner vers elle le lecteur qui sait entendre. Quarante-et-un versets seulement de la lettre aux Philippiens sont soumis à l’analyse. Le texte abordé est découpé en quatre parties, les seconde et troisième étant à leur tour divisées en deux sections. Les six segments obtenus font chacun l’objet d’un chapitre. Pour chaque segment de texte, la lecture progresse en suivant les mêmes étapes : « analyse figurative », « analyse énonciative » et « retour réflexif sur la façon dont ce parcours ouvre l’oreille des lecteurs à la parole du texte » (p. 13). Il serait hasardeux de tenter de décrire avec précision ces étapes. Il suffira de dire que l’« analyse figurative », s’intéresse au texte en tant qu’« énoncé » – « ce » qui est dit. L’énoncé provient de l’énonciation qui tisse des figures – Acteurs, Espaces et Temps, …
Anne Pénicaud, La lecture, chemin d’alliance. Des Philippiens d’hier à ceux d’aujourd’hui (Lectio divina, 272). Paris, Cerf, 2018, 13,5 × 20,9 cm, 645 p., ISBN 978-2-204-12944-2[Notice]
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Anne-Marie Chapleau
Institut de formation théologique et pastorale, Chicoutimi