Résumés
Résumé
Un vaste corpus critique et littéraire dont les composantes formulent autant de théories de l'échange interculturel existe déjà, mais des limites significatives décelées au sein des concepts qui les composent ont souvent affaibli leur pérennité critique.
En partant de ces théories et d'oeuvres littéraires transnationales issues de la Caraïbe anglophone, cette présentation propose d'explorer comment les métaphores peuvent se lier aux déplacements géographiques de populations et de cultures pour proposer une désignation nouvelle – la tropicalité, métaphore joignant les tropiques et leur traversée aux tropes – des travaux artistiques et critiques interculturels concernés et de leur éthique de l'échange interculturel.
Mots-clés :
- trope,
- tropiques,
- métaphore,
- postcolonialisme,
- littérature
Abstract
A vast body of literature the components of which formulate as many numbers of theories promoting cultural exchange already exists, but significant limitations in their central concepts have affected their impact on critics.
Based on these theories and literary works by Caribbean authors, this presentation explores how metaphor can be related to the geographical displacements of populations and cultures, in order to suggest a new designation – tropicality, a metaphor relating the tropics and their crossing to tropes – of critical and artistic works springing from what they support: ethical cross-cultural exchange.
Keywords:
- trope,
- tropics,
- metaphor,
- postcolonialism,
- literature
Corps de l’article
Introduction
[...] le mouvement est un passage et le passage est une tra-duction ; la tra-duction, encore, désigne le mouvement, superpose le mouvement au mouvement. Ce n'est pas un simple jeu de mot que « tra-duire » soit traduit en allemand par « übersetzen » qui à son tour traduit le grec « meta phorein » ou métaphore
De Man 1978, 17, je traduis
([…] metaphorikos désign[e] encore aujourd'hui, en grec, comme on dit, moderne, ce qui concerne les moyens de transport). […] On n'a donc plus affaire à une métaphore au sens usuel, ni à une simple inversion permutant les places dans une structure tropique usuelle
Derrida 1987, 68-70, mes italiques
De même, on ne peut décomposer chaque culture particulière en éléments premiers, puisque sa limite est non définie et que la relation joue à la fois dans ce rapport interne (de chaque culture à ses composantes) et dans un rapport externe (de cette culture à d'autres qui l'intéressent). La définition du rapport interne [comme celle du rapport externe] est infinie, c'est à dire à son tour non reconnaissable, car les constituantes d'une culture, alors même qu'elles sont repérées, ne peuvent être ramenées à l'indivisibilité d'éléments premiers. Mais une telle définition est opératoire, elle nous permet d'imaginer.
Glissant 1990, 183
Nous savons depuis toujours, qu'il est impossible de se faire une idée de la totalité humaine, car les hommes ont une vie intérieure fermée à celui qui, cependant, saisit les mouvements globaux de groupes humains.
Lévinas 1990, 51
Trope et tropique. Ces deux mots possèdent des étymologies grecques et latines liées. En effet, ils viennent respectivement du latin et du grec tropus, tropos, et tropicus, tropikos, traduisant tous deux une rotation, un mouvement. De plus, si l'on opère des dérivations morphologiques sur ces mots à l'aide de suffixes, ils deviennent, a fortiori, polysémiques : on obtient « tropical » et « tropicalité, » ou même juste « tropique, » qui peut alors être compris à la fois comme un nom – le Tropique du Cancer ou du Capricorne – et comme un adjectif – qualifiant un langage imagé. Par conséquent, la « tropicalité » devient elle-même un trope ou, plus précisément, une métaphore qui désigne le tropique à la fois comme qualité linguistique et comme zone topographique, comme comparant et comparé substituable à lui-même dans ses deux sens. Mais la similitude qui autorise la fusion de ces termes en une métaphore n'est pas, comme on peut déjà l'imaginer, seulement due à l'étymologie ou à la polysémie. De fait, le mot « trope » est lui-même une métaphore en tant que désignation de toute opération linguistique de version, de rotation, par laquelle une chose est « tournée » en autre chose : « trope » est une mise en abyme métaphorique, une métaphore de la métaphore (De Man, 1978, 17). En ce qui concerne les tropiques, ils furent nommés Cancer et Capricorne parce-que le soleil, deux ans avant notre ère, brillait sur ces zones à partir des constellations portant les mêmes noms aux solstices d'été et d'hiver (Britannica, 1995, 796), et parce-que ces constellations furent elles-mêmes nommées Cancer et Capricorne à cause des créatures mythologiques grecques que l'on pensait percevoir en elles (Ibid., 835). En d'autres termes, les tropiques sont des fusions métaphoriques rassemblant des images d'ordre stellaire, mythologique, et topographique. De plus, les tropiques sont une figuration, des lignes imaginaires désignant les limites d'une zone climatique et les frontières métaphoriques de l'un des lieux majeurs de colonisation par l'Occident, comprenant la Caraïbe, l'Afrique tropicale et l'Asie du Sud. Les tropiques ont donc toujours été des tropes et, par conséquent, le mot tropicalité peut être considéré comme une métaphore de métaphores qui place les tropes et les tropiques dans une situation de proximité[1].
Mais pourquoi, en vers de quoi, jouer de la sorte avec la morphologie et les métaphores ? Vers quelle fin, ou plutôt, vers quelle tournure ou conversion, s'oriente cette réflexion ? Il se pourrait, en fait, que la convergence qui vient d'être pointée du doigt ait un impact significatif sur les approches critiques et artistiques des manifestations de l'interculturalité. En effet, si la tropicalité est comprise comme une métaphore qui relie les tropes et la zone géographique des tropiques, alors celle-ci effectue une localisation géographique des tropes, une « t(r)opographie. » Cependant, puisque les tropiques eux-mêmes constituent un trope désignant un lieu majeur de l'entreprise coloniale occidentale, ils indiquent des relations interculturelles entre eux-mêmes et l'Occident, au dehors d'eux-mêmes, au-dessus du tropique du Cancer, et cela efface nécessairement la possibilité d'une t(r)opographie exclusive qui confinerait les tropes à une bande géographique sur la face de la terre. Du même coup, la trace impérialiste que constituent les lignes tropicales établies par l'Occident comme une ceinture globale se verrait transgressée par une interculturalité qui forme la condition sine qua non de leur sens postcolonial[2]. Ainsi, tout trope dont l'existence serait conditionnée par un croisement de l'espace géographique et culturel des tropiques, toute rotation dans la sphère de la signification induisant une traversée des tropiques – en d'autres termes, la tropicalité – seraient nécessairement interculturels, et personne ne pourrait les monopoliser au nom d'une culture soi-disant pure, hermétique et permanente. Deux exemples suffiront à illustrer les implications de ce point.
Premièrement, dans ce sens, la tropicalité préviendrait tout exotisme de mauvais goût de la part d'un public occidental blanc confronté à l'idée des « tropiques[3]. » On entend par exotisme de mauvais goût, par exemple, la représentation préjudicielle des gens de couleur comme curiosités, à cause du primitivisme fantasmé que certains leur accordent, comme par exemple dans l'image de la « danseuse exotique[4]. » Cette image de la danseuse exotique traduit une perception occidentale des gens des tropiques comme êtres primitifs de par leur nudité relative. C'est donc un stéréotype utilisé – plus ou moins consciemment aujourd'hui – par certains occidentaux pour établir les tropiques comme leur Autre non-civilisé. C'est, en d'autres termes, un exemple du sens que le géographe Pierre Gourou donne à la « tropicalité », que Gavin Bowd et Daniel Clayton appellent « tropicalité négative » (Bowd et Clayton, 2006, 209, je traduis) : une tropicalité que David Arnold, toujours d'après Bowd et Clayton, a identifié en tant qu'équivalent tropical de l'orientalisme d'Edward Said : « un système de représentation qui construit l'Orient [ou les tropiques dans le cas de Gourou] comme inférieur à l'Occident » (Ibid., 214, je traduis). Ainsi, de manière assez paradoxale, la tropicalité dite négative est la reconnaissance par l'Occident d'avoir été modifié culturellement par ses relations trans-tropicales, et ce à travers un refus craintif d'admettre l'impact de telles rencontres interculturelles sur lui-même : les cultures des tropiques ont nécessairement eu un impact sur l'Occident pour que celui-ci crée des images comme celle de la danseuse exotique, et la tropicalité négative n'est donc qu'une feuille de vigne qui prétend ne rien partager avec le pagne, ou vice-versa, sauf quand cela lui permet de confirmer la validité universelle d'un trope culturel spécifique. On voit bien l'hypocrisie de ce mode de pensée.
1. Du Sens Négatif à la Controverse : A-position, Mouvement
La tropicalité proposée ici est un contre-discours à la tropicalité que Bowd et Clayton disent négative (2006, 209), puisqu'elle n'essaie pas de nier les relations interculturelles ou de défendre la notion d'une culture hermétique, homogène et permanente, mais célèbre au contraire les traces métaphoriques d'échanges interculturels trouvées ça et là dans le langage et dans les arts. Dans ce sens, la tropicalité permet de déjouer les stéréotypes culturels : en lisant les stéréotypes – qui, par exemple, constituent la tropicalité dite négative – en tant que tropes, c'est à dire en tant que métaphores ou mouvements au sein de la signification, on subvertit le but premier du stéréotype, qui est de fixer l'essence. Un exemple, à première vue trivial, d'une telle subversion, apparaît plus haut à travers les images du pagne et de la feuille de vigne : en effet, que devient le stéréotype exotique du pagne quand on lit, dans la Genèse, que Adam et Ève n'auraient pas, à l'origine, cachés leurs organes génitaux avec une feuille de vigne, mais avec plusieurs d'entre elles cousues ensemble ? Peut-être que le fait que les feuilles de vignes ont d'abord été liées l'une à l'autre, comme un pagne, a été oublié trop tôt. De fait, comment un pagne (transformé en feuille de vigne par l'imaginaire occidental) peut-il être perçu comme exotique, ou comment pourrait-il ne pas être impérialiste ou prosélyte pour les colons et autres missionnaires de naguère et d'aujourd'hui de tenter d'imposer la Genèse comme détentrice de la vérité universelle à travers le fait que des versions du pagne sont partagées par l'humanité entière, avec pour origine commune une feuille de vigne ? Par contraste, la tropicalité suggérerait que ces apparats constituent une preuve de l'existence de pratiques culturelles partagées et diverses à travers les tropiques, des tropes mettant en lumière l'échange interculturel et invalidant des visions essentialistes de la culture.
Par contraste avec la tropicalité dite « négative, » on pourrait donc suggérer que la tropicalité proposée ici est « positive ». Cependant, comme la tropicalité est en mouvement constant, son essence ne peut être fixée, posée, ou positionnée en tant que positive ou conceptuelle, d'autant plus qu'il est parfois difficile de déterminer le sens de sa rotation, eu égard aux différents faits – parfois des moins louables, comme la colonisation et l'esclavage – qui ont contribué à son développement en tant que richesse culturelle. On ne peut pas poser une opposition binaire entre une tropicalité négative et une éventuelle tropicalité positive. La tropicalité n'est, fort heureusement, jamais positive ou arrêtée, mais peut être versatile et sujette à la controverse, à ce que quelque chose se tourne contre son propre mouvement, même quand bien intentionné. Sans controverse, elle ne pourrait susciter aucun débat ou intérêt, et n'aurait pas besoin d'être discutée ici.
L'autre exemple à traiter illustre aussi une tropicalité que Bowd et Clayton appelleraient négative : l'origine de ce qui est venu à être estampillé « Musique Noire, » que cela soit dans la Caraïbe et/ou aux États-Unis, n'est en fait pas Noir, bien que la plupart des compositeurs du genre le soient. Culturellement parlant, cette musique est tropicale : elle dépend nécessairement, au moins dans une perspective historique, de traversées interculturelles des tropiques entre des personnes et populations noires et blanches, que ce soit à cause de l'héritage de la colonisation et de l'esclavage, ou grâce aux échanges interculturels qui ont eu lieu entre des personnes différentes confrontées les unes aux autres[5]. On ne peut pas prétendre que les personnes de descendance africaine, en tant que groupe, constituent l'unique souche culturelle du jazz ou du reggae, à moins que l'on ne reconnaisse pas – à travers une tropicalité dite « négative » – qu'une confrontation entre elles et d'autres groupes a en partie conditionné l'avènement de ces genres musicaux : leurs auditoires ne devraient pas confondre ce qu'ils entendent et ce qu'on leur montre. En d'autres termes, les genres musicaux communément dits « noirs » et associés à la Caraïbe et/ou aux États-Unis ne sont pas uniquement noirs d'un point de vue culturel, puisque leur existence ne précède pas le contact inter-ethnique : au contraire, elle en découle. Au sein de la tropicalité que l'on présente ici, de tels genres musicaux sont des tropes, ou traces d’interactions traversant les espaces culturels tropicaux comme entités perméables, des représentations des richesses culturelles qui peuvent surgir de telles interactions, en dépit de leur violence ou grâce à leur nature cordiale. Dans ce sens, on pourrait alors penser que la tropicalité n'est qu'un autre nom donné à ce que Homi K. Bhabha définit comme l'« hybridité culturelle » qui résulte de confrontations interculturelles dans des contextes coloniaux et postcoloniaux (Bhabha, 2004, 296). Cependant, même si l'hybridité de Bhabha se veut subversive, dans le sens où elle devient une glorification de l'hybride plutôt que sa condamnation par un Occident se présumant non-hybride – on pensera encore, par exemple, au stéréotype de la danseuse exotique, ou à l'histoire du dégoût du métissage – le mot « tropicalité, » tel que défini ici, est une trouvaille plus heureuse, car s'il constitue, comme l'hybridité de Bhabha, une subversion ou un contre-discours à la tropicalité dite « négative, » il ne désigne pas seulement, et de manière unilatérale, une contestation tiers-mondiste d'un discours impérialiste occidental, mais une prise de conscience de l'impact de la rencontre des cultures sur et par chacune des cultures alors concernées, et ce à travers l'étude d'un phénomène linguistique plus largement répandu – les tropes en général – que celui que l'hybridité désigne sur le plan linguistique, à savoir un mot « porte-manteau » composé d'éléments appartenant à des langages différents (Young, 2001, 348). Le but, ici, n'est pas d'opposer différents discours via les différends qui parfois les animent, mais d'observer les tournures qui, aujourd'hui, les relient. De plus, le mot « tropicalité » échappe à un type de maladresse auquel le terme « hybride » pourrait mener. En effet, le sens étymologique du mot « hybride, » en plus de sa désignation ancienne du résultat bâtard de l'accouplement d'un sanglier et d'une truie, s'est progressivement lié à celui de l'hubris. Le sens étymologique de l'hybridité est donc péjoratif, et malvenu quand lié au traitement de certains faits interculturels : pensez, par exemple, au moment où Robert Young écrit que le raï, un genre musical principalement lié à des populations musulmanes – pour qui les animaux porcins constituent un tabou religieux – « a souvent été décrit comme 'hybride' » (Young, 2003, 79, je traduis). L'intention de Young est, bien-entendu, de glorifier l'hybridité de cette musique, mais l'étymologie du mot travaille aux dépends de l'auteur[6]. La tropicalité, quant à elle, semblerait permettre d'éviter ce type de dissonances dans les qualifications que l'on donne à l'interculturalité.
2. Singularités et Affiliations Théoriques : Tropicalité, Créolité, Relation
Sinon l'hybridité, on pourrait suggérer que la tropicalité se substitue au concept de « créolité » proposé par Patrick Chamoiseau, qu'Édouard Glissant se ré-approprie, dans la Poétique de la Relation, à travers le mot « créolisation » (1997, 89). Glissant choisit la créolisation en tant que processus qui traverse et dépasse la langue (Ibid., 89), tout comme on choisira la tropicalité en tant que translation métaphorique, parce-que l'interculturalité est en mouvement perpétuel et ne peut donc, on le répète, être hypostasiée en tant que concept. Par contraste, la créolité est un signifiant qui vise à totaliser le processus mouvant de créolisation, un concept qui désigne les cultures tropicales des populations des « anciennes » colonies Françaises des océans Atlantique et Indien, la résultante d'échanges interculturels s'y étant déroulés entre des personnes d'origines africaine, européenne, asiatique, et peut-être même américaine au sens pré-colombien (Bernabé, Confiant et Chamoiseau, 1993, 27-9). En tant que concept, la créolité ne peut répondre de sa mutabilité. En tant que totalité, il se pourrait qu'elle néglige – contre la volonté de ceux qui la défendent – la singularité de la « vie intérieure » (Lévinas, 1990, 51) des individus qu'elle désigne en tant que groupe[7]. La créolisation, en tant que processus perpétuel qui génère une infinité diverse de créolités, convient mieux. Elle n'est pas tout à fait la tropicalité, mais consiste en son identité caraïbe au sein d'un champ géographiquement plus large de mouvements métaphoriques qui constituent la tropicalité comme une diversité en perpétuelle reconversion, un écosystème des cultures. Cependant, il existe une créolisation qui opère à travers toutes les cultures du monde et que Glissant célèbre comme « Poétique de la Relation, selon laquelle toute identité s'étend dans un rapport à l'Autre, » et comme la « sphère des variations nées du contact entre les cultures » (1997, 11, 57). Chaque instance de ce « contact entre les cultures » est définie par Glissant comme « écho-monde » (Ibid., 202). Dans le contexte de la Poétique de la Relation de Glissant, la tropicalité consiste donc en une métaphore permettant de désigner les échos-mondes trans-tropicaux dans le langage et les arts. Mais la tropicalité propose d'avantage. En effet, en éclairant la façon dont les tropes peuvent constituer des écho-mondes spécifiques qui relient des cultures à travers les tropiques, la tropicalité montre aussi que l'on peut créer de tels tropes ou échos-mondes. Ainsi, la tropicalité ne révèle pas seulement certains types de Relation : elle permet d'en générer dans la langue et dans les arts. Cela, en plus de sa signification plus heureuse que celle d'autres notions formulées par la critique, constitue sa spécificité et atteste, il me semble, de sa nécessité, malgré la terminologie déjà foisonnante qui la précède dans les études interculturelles et postcoloniales. Elle semble en effet s'ouvrir à un champ d'application critique large et constitue ouvertement un principe de création au sens poétique, sans pour autant fonctionner comme un outil ou une méthode, puisqu'on peut témoigner de la tropicalité, prendre conscience de son mouvement et le défendre ou même, dans une certaine mesure, le générer, mais jamais en posséder l'entière maîtrise.
Résumons. Avec la tropicalité proposée ici, il ne s'agit pas de dénigrer[8] culturellement tel ou tel groupe ethnique ou de les priver d'une partie de leur culture, mais d’oeuvrer pour la prévention de toute frustration culturelle. La tropicalité peut contrer, de manière efficiente, toute revendication d'une soi-disant unicité culturelle originelle, hermétique et permanente pour des arts en fait tropicaux, composés d’oeuvres incluant l'utilisation et la création de tropes interculturels. La tropicalité indique qu'il est bon et culturellement sain pour un musicien allemand et blanc d'être influencé par James Brown et Bob Marley, pour un poète indien de puiser son inspiration dans la littérature africaine, ou pour un Afro-Caribéen de Trinidad et Tobago comme C.L.R James de jouer au cricket. Ces idées sembleront des plus banales, mais elles ne sont pourtant pas encore devenues des lieux(-)communs[9] aux yeux de nombre de gens, et c'est pourquoi il est utile de les rappeler ici. Bien sûr, on ne peut ignorer, non-plus, que la tropicalité fut d'abord le fruit de la coercition, par exemple, de populations noires qui furent forcées de traverser l'Atlantique et les tropiques en tant qu'esclaves, et auxquels l'Occident imposa sa culture – comme la chrétienté ou les idéaux des Lumières – alors qu'ils tâchaient de préserver, au moins en partie, leur culture Africaine (Gates, 1988, 129-30). La même chose a été faite à nombre de sujets coloniaux de l'Occident – incluant les populations de descendance africaine – par la voie de l'acculturation (James, 2005, 51, 212, 218). En ce qui concerne les maîtres d'esclaves et les colons, ils n'étaient pas moins sujets à la tropicalité pour autant, puisque leurs contacts avec les peuples noirs et les sujets coloniaux pendant de longues périodes ont inévitablement entraîné des relations interculturelles qui les ont changés culturellement, eux aussi. Dans une perspective tropicale, on n'ignore pas ce passé. Au contraire, une capacité à identifier des « échos-mondes » requière la connaissance de relations interculturelles passées en tant que conscience historique. Une telle conscience montrera que toutes les richesses culturelles qui ont jaillit, malgré tout, d'un passé si infâme, ne trouvent pas leurs origines dans l'exclusivité culturelle, mais dans la tropicalité. La tropicalité est donc un dénominateur commun aux cultures qui ont un jour ou l'autre traversé les tropiques et, en tant que point commun, elle constitue un chemin vers l'ouverture d'esprit, l'échange et le respect interculturels. Dans la Caraïbe par exemple, artistes et intellectuels pourraient représenter le mouvement génératif de la tropicalité pour produire des oeuvres critiques et/ou artistiques qui aideraient à lutter contre les préjugés culturels, des oeuvres porteuses d'un message conciliatoire dans des sociétés au racialisme profond (Hintzen, 2004; James, 2005, 65-7).
Bien qu'ils ne définissent par leur art en ces termes, ces artistes existent ou ont existé – on pensera notamment au prix Nobel de littérature Derek Walcott, à Wilson Harris, Fred D'Aguiar, Patrick Chamoiseau, Édouard Glissant ou encore à Bob Marley dans la caraïbe[10] – et leurs efforts pourraient être compris en tant que mouvements tropicaux de critique et de création. De plus, les trajectoires des vies de ces auteurs sont interculturelles, trans-tropicales, et les désignent comme tropicalités à part entière. Il est vrai qu'il puisse paraître troublant, ici, de désigner des voyageurs, artistes et humains, en tant que tropicalités. Cependant, la tropicalité semble justement constituer, si l'oxymore est permis, une métaphore des plus littérales qui soit. En effet, la métaphore est sensée désigner un déplacement du « sens, » mot qui lui-même peut désigner la trajectoire d'un déplacement. Or, un sens ne se déplace pas, du moins pas de manière littérale : ainsi, le sens courant de la métaphore induit une compréhension métaphorique de la signification. Par contre, quand il s'agit de tropicalité, le mouvement métaphorique du sens est couplé à ou conditionné par un mouvement littéral et physique : le déplacement opéré au sein de la signification dépend de déplacements trans-tropicaux comprenant toujours une mesure matérielle. La tropicalité touche donc du doigt un type de métaphore dont le déplacement de signification est aussi un déplacement littéral. Dans un tel contexte, le mouvement induit alors le trope, de-même que les tropiques que les auteurs en question traversent induisent leur tropicalité. Leurs qualités d'auteurs tropicaux à leur tour ont de fortes répercussions sur leurs oeuvres, parmi lesquelles l'ouverture d'un espace langagier au sein duquel ils trouvent une forme d'expression, que ce soit dans des poèmes, des romans, des pièces de théâtre ou des essais critiques.
3. Subvertir l'Entropie : Tournures Tropiques
Mais plus que l'épistémologie, ou la liste a priori infinie des formes sous lesquelles la tropicalité peut se manifester, il est important d'explorer le problème de l'éthique et des limites potentielles de la tropicalité (Lévinas, 1990, 33). En effet, la tropicalité se veut inclusive, mais elle semble n'englober que les échanges interculturels qui impliquent un croisement des tropiques, et il se pourrait alors que certains phénomènes interculturels ne puissent être traités à l'aide de cette notion. Afin d'éviter ce cloisonnement, serait-il possible, de manière scientifique ou poétique, d'élargir le champ d'application de la tropicalité ? Pourrait-on formuler une version de la tropicalité qui désignerait la création de tropes langagiers et interculturels à travers diverses latitudes et longitudes qui ne se limiteraient pas à un croisement des tropiques ? Peut-on élargir le sens de la tropicalité comme métaphore de la création de tropes impliquant tout déplacement géographique couplé à un déplacement ou une substitution dans le domaine du langage, de la signification, et donc des arts et cultures ? Il semblerait que oui. En effet, on a vu que les tropiques sont des tropes, et que ces tropes sont dotés d'une mutabilité à la fois métaphorique et physique : ils ont été nommés Capricorne et Cancer parce-que le soleil se situait respectivement dans les constellations portant les mêmes noms quand il brillait sur eux, il y a plus de deux millénaires, et ces noms eux-mêmes appartiennent aux textes de la mythologie Grecque – des textes provenant d'une zone autre que celle des tropiques-mêmes. De plus, l'axe de rotation de la terre a changé, et le soleil ne se situe plus dans les constellations du Cancer et du Capricorne quand il brille sur les tropiques aux moments des solstices : les tropiques, comme les tropes, sont à la fois en translation permanente et constamment traversés par d'autres mouvements tropiques ou métaphoriques (Britannica, 796, 835). Les tropiques sont toujours-déjà ailleurs, en déplacement constant. Dans ce sens, chaque échange métaphorique – et donc, de proche en proche, langagier et culturel – impliquant un mouvement physique sur la surface de la terre pourrait relever de la tropicalité. Ainsi, si l'on confirme cette hypothèse, on pourrait aboutir à l'utilisation des latitudes, longitudes, ou même des frontières nationales parallèles et transversales aux axes des pôles et de l'équateur comme grille de lecture de leurs propres transgressions, pour arriver à une tropicalité globale différenciée, hétérogène et inclusive, plutôt que totalisatrice, homogène, et universaliste, hermétique à toute célébration de la diversité (Bernabé, Confiant et Chamoiseau, 28, 31, 54).
Mais le problème a-t-il vraiment été résolu ou a-t-il, sur le mode de la métaphore une fois de plus, été déplacé ? Car si la tropicalité se généralise comme forme d'échange culturel sur l'espace fini qu'est la terre, alors en théorie, le jour viendra où tous les échanges auront eu lieu et induiront une uniformité culturelle globale : on atteindra la mort de la diversité, l'entropie culturelle que Lévi-Strauss (2001, 66) craignait tant. Mais, fort heureusement, Lévi-Strauss et Édouard Glissant se sont efforcés de proposer des remèdes permettant de pallier cette menace d'entropie culturelle. Dans Race et Histoire, Lévi-Strauss soutient que quand la diversité interculturelle s'amenuise, la diversité intra-culturelle s'accentue, par exemple à travers les inégalités sociales. D'autre part, il indique que la diversité et l'échange avec l'autre ne se perdent pas pour autant, et se créent à travers les coalitions transnationales, qu'elles soient fruits de bonne volonté ou de coercition. L'échange interculturel se crée à travers l'élargissement des relations internationales de tous types, et ne s'épuise pas grâce aux nouvelles formes culturelles naissant des revendications sociales divergentes au sein des divers groupes culturels associés. En somme, les mouvements de repli identitaire, dans une certaine mesure, garantissent le maintien de la diversité et, par conséquent, la perpétuation des possibilités de partage de contenus culturels divers perpétuellement renouvelés entre les sociétés. Ainsi, comme l'indique Lévi-Strauss, « la civilisation mondiale ne saurait être autre chose que la coalition, à l'échelle mondiale, de cultures préservant chacune son originalité » (1952, 61) – à condition que cette originalité soit renouvelable, dotée de mutabilité génératrice d'individualités. À cela s'ajoute ce que Glissant appelle « l'opacité » dans la Poétique de la Relation, ou bien « la subsistance dans une singularité non réductible » (1997, 190, je traduis), « la chose qui nous rapprocherait pour toujours en maintenant, de manière permanente, notre caractère distinctif » (Ibid., 194, je traduis) en tant qu'individus. Plus que le besoin des cultures de préserver leur originalité, les individus ont droit à l'opacité, à l'inaliénable caractéristique de la personne, dont la nature et l'expression ne peuvent être perdues dans l'Altérité : l'opacité est ce que Lévinas appelle le visage (1990, 42).
Le mouvement de la tropicalité ne saurait donc être voué à l'inertie tant que l'on parvient à concilier « la fidélité à soi et l'ouverture aux autres » (in Lévi-Strauss, 1952, 95). Or, dans une certaine mesure, c'est ce que la tropicalité fait : c'est son secret. Comme Frantz Fanon le montre, de manière poétique, dans les Damnés de la Terre, le triomphe culturel d'une communauté s'effectue, parfois, à travers l'abandon du secret, l'immersion dans la sphère publique, de ses intellectuels, vers la sécrétion, c'est à dire la production, de sa propre lumière, sa raison (2002, 50). En d'autres termes, le repli identitaire comme secret est en fait ce qui sécrète la diversité culturelle permettant de perpétuer l'interculturalité. Le secret de la tropicalité (son double jeu d'introversion/secret et d’extraversion/sécrétion) peut être perçu, par exemple, dans l'usage que le poète Jamaïcain Edward K. Brathwaite fait du mot calypso. Ce mot sert à désigner l'identité intrinsèquement tropicale de l'archipel Caraïbe dans sa poésie (1973, 48-50) et, en tant que l'un de ses poèmes, est souvent repris de la même façon dans les poèmes de Fred D'Aguiar (1993, 29 ; 2009, 8 ; 2013, 48). Dans le poème « Calypso » (Brathwaite, 1973, 48-50), le calypso comme trope de l'identité culturelle et musicale de la Caraïbe est dansé par des gens qui essaient de retenir l'un des leurs sur leur île, mais qui finit tout de même par migrer vers l'Occident pour trouver un emploi. En d'autres termes, ces gens sont comme la nymphe Calypso de l'Odyssée, puisqu'ils essaient de retenir leur Ulysse noir sur leur île, jusqu'à être forcés de le laisser partir, comme dans le récit d'Homère. En d'autres termes, le repli sur un trope identitaire de la Caraïbe – la danse du calypso – induit une ouverture à un autre endroit du monde, de par l'intertexte européen contenu dans ce mot. Une tentative de repli sur un référent de l'identité culturelle régionale induit la découverte de la multiplicité de ses références géographiques et textuelles qui ouvrent, de manière tropicale, le référent au monde : dans « Calypso, » on quitte le littéral en quittant le littoral (Derrida, 1978, 66). Ainsi, il n'y aurait pas, pour le dire dans une tournure Relative, voire Saussurienne, de Calypso sans Phéacien[11], d'ombre sans lumière, de voile sans dévoilement, de secret sans sécrétion, de métaphore sans re-trait (Ibid., 66), ou de dé-territorialisation sans re-territorialisation (Deleuze et Guattari, 1987, 6), et c'est ce secret du repli comme ouverture au monde qui concilie l'ici et l'ailleurs en ce que nous appellerons désormais singulièrement[12] une tropicalité, sans que l'ici et l'ailleurs soient fondus en une totalité indifférenciée et indifférente.
Parties annexes
Notes
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[1]
Je dois d'ailleurs beaucoup, pour cette approche, à l'article de Jacques Derrida, intitulé « Le Retrait de la Métaphore, » où l'auteur dérive le nom « trope » en divers adjectifs, comme tropique (Derrida, 1978, 67) ou tropical (69, 71, 79), sans expliquer ouvertement les implications de la polysémie potentielle tout juste présentée.
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[2]
En effet, si l'on définit le postcolonial comme ce qui est postérieur à, mais conditionné par, l'ère coloniale, alors on pourra dire que les richesses culturelles nées du postcolonial sont pleinement incluses dans la tropicalité. Aussi, dans les rapports de dé-territorialisation et de re-territorialisation que la tropicalité implique ici, on pourra imaginer la nature rhizomatique de la tropicalité, alors constituée par l'intersection de plateaux culturels (Deleuze et Guattari, 1987, 6).
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[3]
On notera d'ailleurs que dans cette perspective, il n'est pas étonnant de découvrir que l'exotisme de mauvais goût a à plusieurs reprises été combattu à l'aide du mot « tropique », qui était le titre du magazine dirigé par Aimé Césaire, alors chef de file du mouvement de la Négritude, qui figurait dans le titre du célèbre récit autobiographique de Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, et qui donna son nom au mouvement musical et cinématographique avant-gardiste du tropicalisme brésilien des années soixante, sous l’égide de Hélio Oiticica (Suàrez, 2014, 295).
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En anglais, exotic dancer désigne une strip-teaseuse.
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Par exemple, le documentaire Standing in the Shadows of Motown (Justman, 2002) illustre ce point en montrant que des musiciens de studio à la fois noirs et blancs ont collaboré pour composer une partie significative des succès musicaux d'une maison de disques souvent donnée comme représentante de la musique dite « noire. » Un exemple plus ancien serait celui des gospels et Negro spirituals : bien que ces chansons furent des moyens d'auto-affirmation pour la communauté Afro-Américaine, leur création était partiellement conditionnée par la chrétienté – à laquelle elle avait été convertie par des colons, maîtres d'esclaves et autres missionnaires européens – et par les gammes pentatoniques, qui proviennent aussi bien d'Afrique que d'Asie. Le Gospel n'est pas une forme culturelle exclusivement « noire » ou « africaine » quand on étudie ses constituants.
Et bien que le présent développement de l'idée de tropicalité est en partie dû à une certaine lecture de L’Atlantique Noir de Paul Gilroy (1993), c'est ici qu'on s'éloignera de la notion du principe culturel d'un Atlantique Noir, car celui-ci pourrait être doublement problématique dans notre perspective. Si pris à la lettre, Gilroy voudrait que l'Atlantique Noir « excède le discours sur la race » (Ibid., 2, je traduis), tandis que, paradoxalement, la formule « Atlantique Noir » qu'il propose suggère simultanément et malheureusement qu'il est possible d'associer originalité culturelle et essence ethnique (Ibid., 3). Or, comme l'explique l'épigraphe que j'ai tirée de la Poétique de la Relation d’Édouard Glissant (1990, 183), les formes culturelles ne peuvent avoir ou constituer des origines monolithiques. Dans le contexte d'un « Atlantique Noir, » la formation de la culture implique toujours la diversité ethnique, et prévient ainsi l'attribution d'un phénotype noir à un espace interculturel plus large. Dans ce sens, l'expression « Atlantique Noir » contredirait ce qu'elle est sensée désigner d'un point de vue culturel. Cependant, l'« Atlantique Noir » ne se veut peut-être qu'indicateur de syncrétisme interculturel observable au sein de la diaspora transatlantique noire. Mais dans ce cas, l'Atlantique Noir s'adresserait exclusivement à la tropicalité des populations noires confrontées à d'autres cultures, sans inclure d'étude de la tropicalité qu'elle implique pour d'autres peuples transatlantiques, comme les immigrants Irlandais par exemple. Ainsi, et malgré les intentions louables de Gilroy, l'Atlantique Noir réinscrirait de manière implicite ce à quoi il s'oppose, à savoir un binarisme classique, ou une partition, entre « noir » et « blanc, » qui devrait toujours au moins être mise en question dans une perspective interculturelle et tropicale. L’Atlantique Noir, comparé à la tropicalité, est donc relativement limité, d'autant plus quand on sait que, visant les croisements culturels des tropiques dans leur globalité, la tropicalité s'offre à un champ d'application allant au-delà du cadre des tropes et trajets transatlantiques.
En ce qui concerne les tropes, le même type de remarque peut être fait au sujet de l'étude que Henry Gates (1988) effectue dans le Signifyin' Monkey des tropes ethniquement codés de la pratique du Signifyin' utilisé par les Afro-Américains pour subvertir l'hégémonie blanche. Le Signifyin' est une tropicalité intégrée à la diversité tropicale, mais il ne vise que de manière exclusive les façons dont les relations inter-raciales et trans-tropicales ont conditionné les modifications métaphoriques du discours Afro-Américain, sans s'intéresser à la possibilité subséquente d'une transformation du discours d'autres populations au contact des populations Afro-américaines. Le binarisme noir-blanc, comme dans L'Atlantique Noir, n'est pas supplanté, mais encore une fois suggéré, et ce à travers une distinction entre un discours blanc à tendance a priori littérale et un parler noir plus métaphorique (Gates, 1988, 48).
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L'hybridité comme révision subversive et tropologique du discours hégémonique colonial est aussi reproduite sous le nom de tropicalisation dans les travaux de Srinivas Aramavudan (1999), et ré-utilisée, critiquée, voire annoncée par de nombreux chercheurs sous cet autre nom (Ha, 2001; Aparicio, 1994; Potkay, 2001). Cependant, et comme l'hybridité de Bhabha, la tropicalisation est présentée unilatéralement par Aramavudan en tant que discours initié par les sujets coloniaux dans un but unique de subversion plutôt que comme une conséquence nécessaire et simultanée du contact interculturel pour l'ensemble de ses acteurs, utilisée à des fins bien plus diverses et toutes aussi poétiques que politiques, formant le réseau métaphorique que nous appelons ici tropicalité.
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Le Luso-topicalisme présente les mêmes problèmes lorsqu'il est conçu comme la créolité stable des populations des anciennes colonies portugaises lusophones, et constitue malgré lui un repli identitaire sur un langage unique et une zone spécifique s'opposant à l'expression tropologique consciente de sa tropicalité postcoloniale (McNee, 2012). Cette impasse de l'essentialisme introduit dans des perspectives interculturelles s'est aussi retrouvée dans les notions de négritude (Glissant, 1990, 103) et de pan-africanisme (Young, 2001, 237, 245).
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Le mot « dénigrer » est fort à propos ici, puisqu'il semble présenter l'imbrication malheureuse du racisme, au cours de l'histoire, au sein-même de certains langages européens.
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L'expression « lieux(-)communs » fait ici référence à la relation que Glissant trace à travers la Poétique de la Relation (1997) entre le « lieu-commun » comme banalité et le « lieu commun » comme « carrefour » des cultures.
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On comprendra bien que, plus qu'applicable aux seuls textes francophones migrants, la tropicalité comme métaphoricité interculturelle est observable dans tout langage. De plus, qu'est-ce qu'un texte migrant sinon un texte traduit, traduisible, tropicalisé, et/ou écrit par un auteur tropical, au carrefour des langues et des cultures ?
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[11]
L'étymologie grecque du mot « calypso » désigne la dissimulation, tandis que l'étymologie du nom « Phéacien » renvoie à la lumière, au gris, et au peuple de l'île qui succède à celle de Calypso sur le trajet d'Ulysse dans l'Odyssée.
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La manière, la tournure, et donc la singularité, est un « autre » sens étymologique de « trope ».
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