Comptes rendus

Samira Belyazid (dir.) (2008). Littérature francophone contemporaine: Essais sur le dialogue et les frontières. Lewinston : The Edwin Mellen Press, 215 pages[Notice]

  • Jacqueline Couti

…plus d’informations

  • Jacqueline Couti
    University of Kentucky (Lexington)

Dirigé par Samira Belyazid, Littérature francophone contemporaine : Essais sur le dialogue et les frontières est né du 16e colloque international de l’association des professeurs des littératures acadienne et québécoise de l’Atlantique (A.P.L.A.Q.A). Ce symposium, intitulé Au-delà des frontières, s’est déroulé à l’Université de Moncton, les 13 et 14 octobre 2006. Samira Belyazid (2008) présente cet ouvrage comme la mise en forme d’un « lieu de parole où les auteurs examinent la nature, le fonctionnement et les formes du dialogue littéraire au-delà des frontières linguistiques, culturelles, identitaires et sémio-narratives » (p. 1). Il comprend onze essais divisés en trois chapitres qui étudient la thématique des frontières dans leur rapport avec l’identité et l’altérité —notions souvent prises au sens large. Au premier abord, l’aspect éclectique de l’ouvrage peut déconcerter ; la cohésion entre l’ensemble des articles se révèle peu à peu au fil de la lecture à un public de spécialistes. À travers une étude de l’intertextualité, conçue comme une mise en relation faisant dialoguer les genres et les formes littéraires de plusieurs espaces francophones, ces actes de colloque explorent une identité nationale qui se découvre souvent transnationale. L’appréhension de la transnationalité ouvre à de nouvelles perspectives reliant de façon inattendue les Amériques, l’Océan Indien, l’Afrique et la France. Cette mise en relation vise à questionner de façon novatrice les rapports coloniaux et postcoloniaux entre « la métropole » (la France) et ses anciennes colonies. Aussi l’accent est-il mis dans l’ensemble des articles sur la résistance des frontières à leur abolition. Ce qui suggère que l’absence de limite est tout aussi problématique que leur existence. Il en résulte que l’identité requiert des limitations non simplement pour se définir mais aussi pour se contenir et ne point se perdre ni se dissoudre. L’approche pluridisciplinaire de Littérature francophone contemporaine : Essais sur le dialogue et les frontières qui se fait parfois interdisciplinaire valorise l’étude d’auteurs souvent méconnus tout en rappelant l’ampleur et la complexité de la littérature francophone. Le premier chapitre, « Dialogue et techniques sémio-narratives », regroupe les textes de Sophie Beaulé, Lucienne J. Serrano, Françoise Cévaër et Marina Salles. Chacun de ces essais redéfinit les frontières de l’intertextualité, leurs implications dans la polyphonie des voix narratives ; ainsi les auteurs examinent aussi bien le mélange des formes littéraires que la résistance de ces dernières à toute appropriation. Dans « Ingestion, déjection…transaction: jeux de frontière entre le canonique et la paralittérature » Sophie Beaulé explore les frontières entre la « littérature à l’estomac » (ou la paralittérature) et les canons littéraires pour exposer une porosité entre ces deux modes tenus pour distincts. Dans ce dessein, elle utilise des métaphores de la dévoration pour souligner que la haute littérature vampirise le champ paralittéraire. Beaulé soutient que la paralittérature joue un rôle évident dans la culture médiatique bien que ce dernier soit ignoré dans la régénération des canons littéraires ou de la haute littérature. De fait, celle-ci par son vampirisme avouerait sa carence. Dans « La migration des voix dans Aube tranquille de Jean-Claude Fignolé », Lucienne J. Seranno examine une mise en relation intrigante entre la Bretagne, Haïti autrefois Saint-Domingue, et l’Afrique, entre le passé et le présent, entre le maître et l’esclave. L’association de tous ces éléments fait ressurgir une mémoire oubliée et de fait présente la société haïtienne contemporaine comme le fruit de la haine engendrée par la justification de l’esclavage. La confrontation à travers plusieurs siècles entre deux figures antithétiques récurrentes, la blanche Sonya et la noire Saintmilia, illustre cette mémoire conflictuelle. Leur rencontre quasi impossible incarne la volonté vaine d’établir un dialogue de réconciliation par-delà des frontières …