Résumés
Résumé
En dépit du constat bien établi que la plupart des langues du monde vivent des situations de contact de langues et malgré tous les apports des nombreuses recherches sur le développement psychosocial de l’individu bilingue/multilingue, les communautés minoritaires vivant une situation de contact de langues continuent à jouer à l’autruche en mettant en place des programmes éducatifs « unilinguistes » qui ne tiennent pas compte des différentes caractéristiques bilingues des jeunes. Dans cet article, après avoir présenté la situation des Acadiens dans le sud-est du Nouveau-Brunswick, et discuté des différentes dimensions du développement bilingue de l’individu, nous présenterons les facteurs déterminants du développement harmonieux et positif de la bilingualité/multilingualité et du multiculturalisme : le contexte socioculturel, ainsi que l’âge d’acquisition. Ensuite, à partir d’exemples concrets d’actes pédagogiques relevés dans les écoles francophones de Moncton, nous montrerons pourquoi l’approche bilinguiste et non unilinguiste est nécessaire pour l’enseignement du français en Acadie.
Abstract
Despite the fact that most of the languages in the world live in contact with other languages and the strong body of research on the (positive) psychosocial development of bilingual/multilingual individuals, minority communities that are in contact with other languages continue to implement “unilinguistic” education programs that fail to take into account the various bilingual and multilingual characteristics of their students. After describing the linguistic situation of Acadians in south-eastern New Brunswick and discussing different dimensions of the individual’s bilingual/multilingual development, we will present factors that influence the harmonious and positive development of bilingualism/multilingualism and multiculturalism: the socio-cultural context and the age of acquisition. Using concrete examples of teaching methods drawn from Moncton’s francophone schools, we will then show why a bilinguistic/multilinguistic approach, and not a unilinguistic one, is necessary when teaching French in Acadie.
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Parties annexes
Notes
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Voir Guiraud (1965) et Walter (1988).
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Malherbe (1983) donne l’exemple : « I imagine you are satisfied with this information » (les mots en italiques sont empruntés au français), qui peut se dire aussi : « I guess you are happy with this news » (les mots en italiques sont d’origine anglaise).
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Pour alléger le texte, nous utiliserons le terme bilingue pour signifier autant bilingue que le plurilingue. De même pour le bi-multiculturalisme.
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En réalité, le chiac se démarque par son caractère changeant, mais il n’en demeure pas moins qu’on est à même d’identifier un noyau qui, lui, présente une stabilité.
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[5]
« [E]st appelée bilingualité, l’état psychologique de l’individu qui a accès à plus d’un code; …le degré d’accès varie selon un certain nombre de dimensions d’ordre psychologique, cognitif, psycholinguistique, sociopsychologique, sociologique, sociolinguistique, socioculturel et finalement linguistique ». (Hamers, 1983 ).
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C’est aussi Lambert qui a proposé de rechercher les racines de la bilingualité dans les aspects socio-psychologiques du comportement langagier, dans le rôle que jouent le statut relatif des langues en question et la perception de ce statut par l’individu. En fonction de ces deux données, il a distingué deux types de bilingualité : la bilingualité additive et soustractive. En bilingualité additive, les langues et les cultures apportent des éléments positifs complémentaires au développement; au contraire, en bilingualité soustractive, les langues sont concurrentes. Il y a alors soustraction de la compétence dans les deux langues, la langue la plus prestigieuse (majoritaire) s’apprenant au dépend de la moins prestigieuse (minoritaire).
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Deci et Ryan (2002) distinguent trois types de motivations en relation avec le continuum d’autodétermination dans le comportement, le style de régulation, la perception du lieu de causalité et le processus de régulation : l’amotivation (absence totale de motivation, se sent incompétent), la motivation extrinsèque (motivée par des conséquences extérieures à soi, punitions récompenses et sans valorisation) et la motivation intrinsèque (la personne agit en fonction de ses propres motivations, son plaisir).
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[8]
Certaines études sur les aphasiques polyglottes (Critchley, 1974) ont montré l’importance de la relation affective entre le patient et une des langues comme facteur déterminant des symptômes aphasiques.
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Leur projet de recherche s’intitule Re-Searching multiple literacies in heritage languages contexts: Finding that third space. Ce groupe de recherche s’intéresse à l’enseignement de toutes les langues minoritaires au Québec dont le japonais, le chinois, le coréen, l’arménien, l’arabe…
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Voir aussi Kasparian (2003) et Kasparian (à paraître) sur l’enseignement de l’arménien dans la diaspora arménienne.
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Note de la rédaction. : Les écoles du N.-B. sont gérées par cinq districts scolaires francophones et neuf districts anglophones. Ils relèvent du Ministère de l’éducation et fonctionnent selon le principe de la dualité linguistique. Le District scolaire 1 administre 15 écoles francophones réparties sur un vaste territoire dans le sud de la province. Il est principalement question ici des écoles primaires situées dans les villes de Moncton et de Dieppe.
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[12]
En 1998, la direction de l’école s’objectait à ce qu’on présente publiquement une pièce de Shakespeare qu’on avait montée dans le cadre du cours d’anglais de 12e année. Les professeurs d’anglais ont finalement eu gain de cause. En fait, les élèves qui ont interprété les rôles principaux étaient parmi les moins vulnérables en français.
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Par exemple, dans l’Acadie Nouvelle du 3 décembre 2005 (p. 9), Antonine Maillet défendait l’importance d’un bon français non seulement en dévalorisant le parler des jeunes mais en l’associant à une identité moins intéressante, moins intelligente: « Quand on choisit de mal parler, on se rend plus laid, on se rend moins intéressant, on se rend moins intelligent, on ne se donne pas d’avantage ».
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[14]
Faits véridiques puisés dans le vécu de mes enfants et leurs amis dans les écoles francophones de Moncton, 1999-2006.
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