Revue de l’Université de Moncton
Volume 37, numéro 2, 2006 Les variétés de français en Amérique du Nord. Évolution, innovation et description Sous la direction de Robert A. Papen et Gisèle Chevalier
Sommaire (16 articles)
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Éditorial conjoint
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Présentation : les variétés de français en Amérique du Nord
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Les français d'Amérique : état des faits, état de la recherche, perspectives futures
Luc Baronian
p. 9–20
RésuméFR :
Cet article résume d'abord l'état des parl ers des communautés francophones du Canada, de la Louisiane et du nord des États-Unis (nombre de locuteurs ; situation majoritaire, minoritaire ou de bilinguisme ; survol historique de la colonisation). Ensuite, nous présentons chacun des articles de ce volume, par région géographique. Il en ressort une différence entre les études sur le français québécois, surtout basées sur des corpus écrits ou oraux existants, et celles sur les français de la Louisiane et de l'Ouest, centrées autour de la collecte de nouvelles données orales. Également, les auteurs européens s'intéressent surtout à l'axe historique Acadie/Louisiane, tandis que les auteurs canadiens se préoccupent plutôt des axes Québec/Ouest et Québec/Acadie. À notre connaissance, il n'existe pas de travaux sur l'axe historique Québec/Louisiane, le long du Mississippi, en passant par les anciens forts français. En soulignant ces zones moins exploitées de larecherche, nous espérons susciter ainsi l'intérêt des jeunes chercheurs.
EN :
This article first summarises the state of the varieties of French spoken in Canada, the northern United States and Louisiana (number of speakers; majority, minority and bilingual communities; historical summary of colonisation). We then present each article of this volume by geographical region. A difference surfaces between the studies on Quebec French, mainly based on existing written and oral corpora, and the studies on Western and Louisiana French, centered on the gathering of new oral data. Furthermore, European linguists are mainly interested in the links between Acadia and Louisiana, while their Canadian colleagues focus more on the links between Quebec and the West or between Quebec and Acadia. To the best of our knowledge, there has been no research done on the historical links between Quebec and Louisiana, by way of the Mississippi, via the old French forts. By highlighting these less explored areas of research, we hope to arouse the interest of younger scholars.
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L'impact des mots du vocabulaire maritime sur l'environnement linguistique global du français acadien : l'exemple de haler
Karine Gauvin
p. 21–37
RésuméFR :
Les études portant sur le français en Acadie et au Québec ont largement fait état de la présence, dans ces parlers, de mots du vocabulaire maritime ayant connu des extensions de sens. Ces mots se sont intégrés à la langue en formant, de façon tout à fait naturelle avec les autres mots, des réseaux lexicaux originaux par rapport à ceux du français de référence. L'étude du verbe haler en français acadien permet d'illustrer ce phénomène, puisque la présence de cette particularité lexicale a un impact sur l'environnement linguistique global du français acadien. Les extensions sémantiques des mots du vocabulaire maritime entrent en relation avec les mots du français de référence, ce qui a une incidence sur le choix des mots français et leur distribution paradigmatique. Une présentation des divers emplois du verbe d'origine maritime haler 'tirer' précédera une étude de son comportement fonctionnel dans la langue.
EN :
Studies on Acadian and Quebec French have clearly shown that these varieties are characterized by words of maritime origin that have evolved semantically. These words, along with other words, have been integrated in the language to form original lexical networks that differ from those of Standard French. The verb haler in Acadian French is such an example, as its presence has an impact on the global linguistic environment of Acadian French. The semantic extensions of certain words of maritime origin interact with words used in Standard French, which has an effect on their selection and their paradigmatic distribution. An examination of the various meanings of the verb haler ('tirer') will be followed by a study of its functional distribution in the language.
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La mutation achevée du connecteur ça fait que dans le français acadien des Îles-de-la-Madeleine
Anika Falkert
p. 39–53
RésuméFR :
L'objectif de cette étude est d'examiner le statut de ça fait que dans le parler acadien des Îles-de-la-Madeleine tout en tenant compte des caractéristiques dis-tributionnelles de ce jonctif ambigu. Parmi toutes les locutions figurant dans la catégorie des coordonnants ça fait que occupe un rôle primordial dans les parlers acadiens et québécois. Relevé par Grevisse dans le français familier au sens de donc, ainsi, alors, le connecteur semble avoir partiellement perdu la notion de conséquence dans les variétés nord-américaines. Comme le montrent les études de Roy (1979), de Léard (1986) et de Wiesmath (2000), ça fait que, parfois réduit à ça fait ou fait que, est employé de plus en plus souvent comme particule discursive. Or, cette désémantisation graduelle est associée àune modification de la valeur du connecteur, dont le rôle pragmatique grandit. À partir de quelques exemples tirés d'un corpus oral du parler madelinot, nous nous focalisons sur le comportement syntaxique ainsi que sur les fonctions pragmatiques du connecteur ça fait pour déterminer, entre autres, les types d'opérations syntaxiques possibles et la combinaison de ça fait que avec d'autres particules du discours.
EN :
The purpose of this study is to examine the status of the connective ça fait que in the French spoken in the Magdalen Islands, by taking into account the dis-tributional characteristics of this ambiguous junctor. Among all the locutions that figure in the category of conjunctions, the expression ça fait que plays an important role in both Acadian and Quebec French. According to Grevisse, its meaning in Popular French in France is close to donc, ainsi and alors, whereas recent research indicates that the connective seems to have partially lost the notion of consequence in North American French varieties. Previous studies by Roy (1979), Léard (1986) and Wiesmath (2000) show that ça fait que (which may be reduced to ça fait or fait que) tends to be used more and more as a discourse marker. This gradual loss of semantic value goes along with a modification of the pragmatic status of the connective. Our analysis, based on a number of examples found in our corpus of spoken French in the Magdalen Islands, focuses on syn-tactic behaviour and pragmatic functions in order to reveal the types of possible operations and various combinations of the marker with other discourse particles.
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La variation régionale en français franco-américain : les formes verbales à la troisième personne du pluriel
Cynthia A. Fox
p. 55–71
RésuméFR :
Cet article présente les résultats d'une étude des formes verbales à la troisième personne du pluriel dans le français parlé à Gardner, Massachusetts. Nous com mençons par un survol historique de cette communauté franco-américaine. Nous passons ensuite à une description de notre méthodologie. Enfin, la quantification des données nous permet de dégager des tendances générales quant à la distribu tion de ces formes.
EN :
This article presents the results of a study of third person plural verb forms in the French spoken in Gardner, Massachusetts. We begin with a historical overview of the Franco-American community. We then describe our methodology. Finally, we discuss the general trends in the data with respect to the distribution of these forms.
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La trajectoire de l'emploi du futur chez une cohorte de Montréalais francophones entre 1971 et 1995
Hélene Blondeau
p. 73–98
RésuméFR :
S'appuyant sur des données diachroniques documentant la variation en ce qui concerne la référence temporelle au futur en français, cet article fait la lumière sur la contribution du suivi de cohorte à la compréhension du changement linguistique. La recherche en temps réel présente une étude de cas de 12 locuteurs suivis au cours d'une période de 24 ans (1971 à 1995). Les résultats indiquent une augmentation de l'usage du futur synthétique, une tendance contraire à celle du changement communautaire en cours qui suggère plutôt un déclin de la forme synthétique. Cependant, l'analyse des contraintes linguistiques sur la variation indique que la polarité, que l'on considérait précédemment le facteur principal influençant la variation, continue d'exercer une influence incontestable sur la distribution des formes. L'article conclut à la complémentarité des approches méthodologiques en temps apparent et en temps réel dans l'étude de la variation et du changement linguistique.
EN :
Based on diachronic data documenting the variation related to future temporal reference in French, this study sheds light on the contribution of panel study in the understanding of language change. This real-time study provides a follow-up of 12 speakers of Montreal French over a period of 24 years (1971 to 1995). The results show an increase in the use of the synthetic future, a tendency contrary to the one characterizing the community change in progress that rather suggests a decline of the synthetic forms. Still, the analysis of the linguistic constraints on variation shows that polarity, previously considered to be the main factor, continues to exert a powerful influence on the distribution of forms. The article concludes that the methodological approaches in apparent- and real-time should complement one another for the study of language variation and change.
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La transcription phonétique du dictionnaire Franqus
Denis Dumas
p. 99–110
RésuméFR :
La transcription phonétique du dictionnaire Franqus obéit à deux principes : réalisme, d'abord, pour garantir sa représentativité et sa légitimité sociale ; économie, ensuite, pour assurer sa cohérence interne et contrer la redondance inutile. Seront ainsi notés tous les phénomènes distinctifs (p. ex. les voyelles longues historiques /E:, A/) à l'exclusion des variations automatiques comme l'affrication des dentales. Également tous les faits qui, sans être distinctifs, sont invariables, comme les semi-voyelles prévocaliques intramorphémiques (p. ex. pied, puis, fouine, etc., mots toujours monosyllabiques). La morphologie intervient de son côté, entre autres dans le traitement de schwa (en fonction de certains suffixes, comme -ment) et dans le comportement de certains préfixes (dis-, préfixes à finale ... o-). Une attention particulière est donnée aux schwas « paradoxaux » (qui devraient ou pourraient s'effacer mais ne le font pas) et à l'adaptation locale des anglicismes. Bref, la transcription intègre l'ensemble des faits de structure phonologiques, morphologiques et lexicaux au sens strict propres à cette variété de la langue.
EN :
The phonetic transcription in the Franqus dictionary will obey two principles: first realism, to warrant its own representativity and social legitimacy; second, economy, to assure its consistency and to avoid unnecessary redundancy. Will be included all distinctive traits (e.g. the historical long vowels /E:, A/), and will be excluded all automatic variations such as dental assibilation. Also included are traits that, while nondistinctive, are invariable, such as intramorphemic prevo-calic glides (e.g. the always monosyllabic words pied, puis, fouine, etc.). Mor-phology will be implied, particularly in the realization of schwa (according to suffixes such as -ment) or in the behaviour of certain prefixes (dis-, ... o- final prefixes). Special attention will be given to "paradoxical" schwas (which should or could be deleted but never are) as well as to the local adaptation of anglicisms. In sum, the transcriptions will integrate overall structural facts pertaining to the phonology, morphology and lexicon specific to this language variety.
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Similarités morphosyntaxiques des parlers français de l'Ouest canadien
Sandrine Hallion Bres
p. 111–131
RésuméFR :
Les études sur la morphosyntaxe des variétés de français parlées à l'ouest de l'Ontario ne sont pas légion. De plus, l'hétérogénéité des méthodes de cueillette et d'analyse des données linguistiques ne facilite pas la tâche de celui ou celle qui veut proposer une synthèse valide sur ce point. À la lumière des travaux qui sont à ce jour disponibles, nous tenterons toutefois d'exposer les aspects morphosyntaxiques les plus saillants de trois français de l'Ouest canadien : le franco-manitobain, le français mitchif et le franco-albertain. Il sera alors possible d'apporter des éléments de réponses aux questions suivantes : les français de l'Ouest présentent-ils des traits linguistiques originaux qui les caractérisent et les isolent de leur plus proche voisin de l'Est, le franco-ontarien ? Peut-on mettre à jour des similarités morphosyntaxiques entre ces français qui permettent de les assimiler à une seule et même variété ? En définitive, nous poursuivrons la piste de recherche ouverte par Robert Papen lors du Symposium sur les parlers français de l'Ouest tenu en mai 2004 à Saint-Boniface (Manitoba).
EN :
Only very few studies have been published on the morphology and syntax of the French spoken in Western Canada. Moreover, due to the lack of consistency in the methods used for gathering and/or analyzing the linguistic data, it is quite a daunting task to try and offer a valid synthesis on this matter. Taking into ac-count the studies published so far, we will attempt to highlight the most striking morphosyntactic aspects of three varieties of French spoken in Western Canada, namely: Franco-Manitoban, Michif French and Franco-Albertan. It will then be possible to bring at least some answers to the following questions: do Western French dialects present distinctive linguistic traits that are specifically theirs and distinguish them from Franco-Ontarian, their closest eastern neighbour? Can we find morphosyntactic similarities between these varieties of French that would allow us to classify them as belonging to a single variety? Fundamentally, we attempt to follow new directions for research as proposed by Robert Papen at the Symposium sur les parlers français de l'Ouest held in May 2004 in Saint-Boniface (Manitoba).
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Un aspect peu connu de la francophonie canadienne de l'Ouest: le français hexagonal
Robert A. Papen et Anne-Sophie Marchand
p. 133–147
RésuméFR :
L'un des aspects les moins connus de l'histoire de la francophonie de l'Ouest canadien est sa complexité, due en grande partie au fait qu'elle découle de trois souches distinctes: premièrement les Mitchifs, descendants des premiers coureurs des bois, suivis un siècle plus tard des colons venant soit directement du Bas-Canada soit des états américains où les Canadiens s'étaient déjà établis (les états de la Nouvelle-Angleterre et certains états du Midwest), troisièmement, la présence relativement importante, dans certaines communautés rurales, de colons francophones venus de France, de Belgique et de Suisse. Ces colons sont arrivés dans l'Ouest à partir des années 1880 et ont continué de s'y installer jusqu'aux années 1930. Ces agriculteurs, éleveurs ou simples ouvriers, ont fondé plusieurs communautés où ils étaient fortement majoritaires; ailleurs, ils se sont installés dans des communautés francophones en nombre suffisant pour représenter une influence certaine et durable sur le vernaculaire local. Dans cette étude, nous nous arrêterons brièvement à l'histoire de quelques-uns de ces villages et passerons en revue les études linguistiques peu nombreuses qui se sont intéressées à ce phénomène unique au Canada.
EN :
One of the little known aspects of the history of "la francophonie" in Western Canada is its inherent complexity, due largely to the fact that it is based on three distinct sources: first, the Mitchifs, descendants of the early "coureurs des bois", followed nearly a century later by colonists coming either directly from Lower Canada or from the American states where the French-Canadians had already settled (the New England states and the Midwest), and third, the relatively important presence, in a number of rural communities, of colonists from France, Belgium and Switzerland. These French-speaking colonists began arriving in the West from the 1880s on and continued doing so until the 1930s. These immigrants were mostly farmers, stockbreeders or blue collar workers and they founded a number of communities where they constituted an important majority or they settled in already established French-speaking villages in sufficient num-bers to exert a noticeable and durable influence on the local vernacular speech. In this study, we briefly review the history of a number of these communities and describe the few linguistic descriptions that have been made of this unique phenomenon in Canada.
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Les parlers français oubliés d'Amérique : le franco-minnesotain et le franco-dakotain
Robert A. Papen
p. 149–171
RésuméFR :
Depuis Valdman (1979) on connaît assez bien les divers parlers français des États-Unis, mais il reste deux variétés qui n'ont jamais été décrites : le français de plusieurs communautés « canadiennes » des comtés de Polk et de Red Lake dans le nord-ouest du Minnesota et le français mitchif du village de Belcourt et de ses environs au Dakota du Nord. L'objectif de cet article est premièrement de tracer rapidement l'histoire des premiers habitants de ces deux ensembles de communautés et deuxièmement de décrire les caractéristiques fondamentales des variétés de français parlées dans ces villages, les comparant soit aux verna-culaires cousins des provinces de l'Ouest canadien, soit au parler des Mitchif s du Canada.
EN :
Ever since Valdman (1979) the varieties of French spoken in the United-States are relatively well known; nevertheless, there remain two varieties that have never been described: the French spoken in a number of small communities in Polk and Red Lake counties in north-western Minnesota and the Mitchif French spoken at Belcourt and surrounding areas in North Dakota. In this article, the aim is to rapidly sketch the history of the first colonists and residents of these two communities and secondly to describe the basic linguistic features of the French spoken there, comparing them either to their close cousins, the Western Canadian French vernacular varieties, or to Canadian Michif French.
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Évolution différente de deux traits de contact interdialectal en français louisianais : les cas de quoi et j'avons
Kevin J. Rottet
p. 173–192
RésuméFR :
Le français louisianais contemporain est une koinè, fruit d'un contact interdialectal prolongé au cours des 18e et 19e siècles. Dans cet article, nous nous proposons d'examiner deux variables illustrant des parcours différents : les interrogatifs qui et quoi avec référence [-humain], et le type J'AVONS (p. ex. j'avons, je parlons). Les interrogatifs qui et quoi sont encore largement attestés en Louisiane, bien que dans des régions différentes. Nous reprendrons l'hypothèse de Byers (1988), qui a attribué quoi aux Acadiens et qui aux Créoles du 18e siècle. Le type J'AVONS, inconnu aujourd'hui, est attesté dans une douzaine de textes de la fin du 19e et du début du 20e siècles, habituellement avec une interprétation au singulier. Nous proposons d'interpréter ce fait comme une réanalyse de J'AVONS, précipitée par le contact dialectal. Le type J ' AVONS finira par disparaître complètement, contribuant à la situation de nivellement des paradigmes qui caractérise la plupart des parlers louisianais d'aujourd'hui.
EN :
Contemporary Louisiana French is a koine, the product of contact between sev-eral 18th- and 19th-century varieties of French. We will explore two variables with different outcomes in the context of dialect contact: qui vs. quoi 'what', and the J'AVONS pattern (e.g. j'avons, je parlons). The interrogatives qui and quoi are both still widely attested in Louisiana French, though in different locales. We explore Byers' (1988) hypothesis that their distribution can be attributed to settlement patterns of Acadians (quoi) and 18th-century Creoles (qui). The J'AVONS pattern, though totally unattested today, is found in a dozen late 19th- and early 20th-century sources. Strikingly, though, most of these Louisiana attestations are not 1pl. but 1 sg. We argue that this can be understood as a reanalysis of J ' AVONS, precipitated by contact with non-J'AVONS dialects, prior to elimination of the form altogether, and contributing to the largely leveled verb paradigm one finds in Louisiana French today.
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Étude diachronique du /ɔ/ devant R et L en français cadien dans le parler de quatre générations de femmes cadiennes
Sylvie Dubois et Carole Salmon
p. 193–206
RésuméFR :
Dans cet article, nous examinons la variation phonétique du son hl devant R et L en français cadien dans le parler de femmes nées entre 1890 et 1949 et originaires de quatre paroisses dans le sud de la Louisiane. Construit à partir de deux bases de données, notre échantillon comporte 29 locutrices cadiennes réparties sur quatre générations. Nous discuterons des sources latines de la variation phonétique, de l'évolution diachronique de la variable en France jusqu'au 20e siècle, et de son emploi en Acadie, au Canada. Nous présenterons ensuite l'usage intergénérationnel des deux variantes [O] et [o] par les locutrices cadiennes. Les aînées et les cadettes semblent instaurer un changement linguistique comparé aux générations précédentes, qui font un usage variable mais stable des deux variantes. Puisque l'hypothèse d'un changement linguistique en cours ne nous satisfait point, nous examinons la variation stylistique dans deux entrevues différentes.
EN :
In this paper, we examine the phonetic variation of the sound hl preceding R and L in Cajun French, in the speech of women born between 1890 and 1949, from four parishes in South Louisiana. Originally built from two different databases, our sample is comprised of 29 Cajun French speakers representing four generations. We discuss the Latin origin of the phonetic variation and the diachronic evolution of the variable in France up to the 20th century as well as its usage in Acadia, Canada. We present the intergenerational usage of the variants [O] and [o] by Cajun French women. The seniors and the middle-aged women seem to have initiated a linguistic change whereas the preceding generations show a variable but stable use of both variants over time. Having doubts about the hy-pothesis of an ongoing linguistic change, we examine the stylistic variation in two different sets of interviews.
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L'usage des pratiques bilingues dans la communauté cadienne
Sylvie Dubois, Sibylle Noetzel et Carole Salmon
p. 207–219
RésuméFR :
Notre objectif dans cet article est de découvrir les pratiques bilingues qui caractérisent les échanges naturels en français cadien (FC) et en anglais cadien (AC) et de déterminer leur rôle sociolinguistique dans cette communauté. Les données pour cette étude proviennent du corpus de français/anglais cadien représentant 131 locuteurs. L'échantillon utilisé pour notre étude est composé de 30 entrevues de la paroisse d'Avoyelles, d'une durée d'environ 90 minutes pour le FC et de 45 minutes pour l'AC. En nous inspirant de la méthodologie de Poplack (1993), nous distinguons trois types de mélange de langues : l'emprunt d'unités lexicales, l'alternance de code et ce que nous avons appelé l'« alternance de discours », c'est-à-dire la combinaison de plusieurs phrases créant un long monologue discursif. Nous montrerons qu'il existe une divergence frappante dans l'usage des pratiques bilingues entre le FC et l'AC et que le facteur sexe influence fortement leur production en FC.
EN :
The goal of this article is to uncover the regular patterns of language mixing that characterize natural exchanges in Cajun French (CF) and Cajun English (CE) and to determine their sociolinguistic role in this community. The data for this study are taken from the Cajun French/Cajun English corpus representing 131 Cajun French speakers. The subsample used for our study is made up of 30 interviews from Avoyelles parish that last approximately 90 minutes in CF and 45 minutes in CE. Adapting Poplack's (1993) methodology, we distinguish three patterns of language mixture: borrowing of lexical utterances, code-switching and what we have called "discourse-switching", that is the combination of several sentences creating a long monolingual stretch of discourse. We will show that there exists a strikingly divergent rate of language mixing between CF and CE and that gender strongly influences the production of bilingual practices in CF.
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Le français louisianais hors de l'Acadiana
Michael D. Picone
p. 221–231
RésuméFR :
De manière générale, les entretiens effectués dans la périphérie de l'Acadiana semblent renforcer la notion qu'un nivellement linguistique a eu lieu dans la région. Pourtant, concernant la variation entre les pronoms interrogatifs inanimés qui et quoi, les données provenant de la paroisse des Natchitoches pourraient suggérer également que le français dit « cadien » correspond en fait à un français populaire dont l'aire linguistique, dès l'origine, dépassait les limites de l'étendue géographique traditionnellement associée à la population acadienne, mettant ainsi en cause, du moins en partie, la notion de nivellement. Par ailleurs, certaines données provenant de la Grande-Île et des Plaquemines suggèrent que le français de prestige associé à l'apogée de la société plantocratique laisse encore des traces.
EN :
Generally speaking, interviews conducted at the periphery of Acadiana seem to reinforce the notion that linguistic leveling has taken place in the region. Never-theless, concerning variation between the inanimate interrogative pronouns qui and quoi, data from Natchitoches Parish might also suggest that so-called "Cajun" French corresponds, in fact, to a form of popular French whose dialect area, from the beginning, extended beyond the geographic limits traditionally associ-ated with the Acadian population, thus putting into question, at least partially, the notion of leveling. Also of interest, data from Grand Isle and Plaquemines Parish suggest that certain features of Plantation Society French, the former prestige dialect, remain in evidence.
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Les parlers acadiens : un continuum discontinu
Ingrid Neumann-Holzschuh et Raphaële Wiesmath
p. 233–249
RésuméFR :
Nous partons de l'hypothèse que les variétés du français acadien, éloignées les unes des autres en Amérique du Nord depuis longtemps, constitueraient un continuum interlinguistique par l'espace structurel qui les sépare. En plus, toutes les variétés de l'acadien font preuve d'un haut degré de variabilité interne. À partir d'une analyse des restructurations dans quelques sous-systèmes grammaticaux (les propositions conditionnelles, les formes verbales non finies) et de quelques discontinuités par rapport à la présence ou l'absence de certains traits caractéristiques de l'acadien, nous tirons la conclusion que l'espace variationnel acadien se présente comme un exemple complexe de continuités et de discontinuités auquel le modèle scalaire ne peut être appliqué que partiellement.
EN :
We adopt the hypothesis that the varieties of Acadian French, geographically distant from one another in North America for quite some time, constitute an interlinguistic continuum based on the structural space which separates them. Furthermore, all varieties of Acadian French show a high degree of internal variability. Based on an analysis of the restructuring of a number of grammatical sub-systems (conditional clauses, non-finite verb forms) and of a number of discontinuities concerning the presence or absence of certain features typical of Acadian French, we conclude that the variational space of Acadian French is a complex example of continuities and discontinuities to which the scalar model can only partially be applied.