Résumés
Résumé
Prolixe : qui est trop long et verbeux (de prolixus « allongé », pro « en avant », liquidus « liquide »).
Prolifique, fertile, fécond, abondant (de proles « descendance » et -fique).
Byron était généreux avec ses mots. Il traduisait sa vie (plutôt qu’en faire la transcription) par des lettres, des journaux intimes et des vers; il enrobait ses vers de préfaces et de notes écrites en prose; il écrivait des critiques et des lettres aux éditeurs; il ne pouvait ni ne voulait-il terminer ses longs poèmes, disant qu’il y ajouterait peut-être quelque chose plus tard; il lui arrivait d’écrire sur un seul événement dans plus d’une demi-douzaine de lettres adressées à diverses personnes; il notait une idée dans son journal et l’étirait pour en faire une pièce de théâtre; son épouse, peu admiratrice, le traitait de monarque des mots; ceux qui le connaissaient se souviennent de l’infinie variété de ses conversations « sans réserves ». Il trouvait plaisir dans les mots et aimait les étirer dans toutes les directions : interrompant le flux de la narration dans Childe Harold’s Pilgrimage pour y insérer des méditations, faisant de longues digressions dans Don Juan, jouant sur les mots des autres, gonflant ses écrits de citations. Et pourtant, ses longs poèmes et sa prose abondante coulent à flots dans une profusion du langage. Il faut aussi se rappeler que Byron était un écrivain populaire. Les lecteurs de l’époque devaient donc apprécier son caractère prolixe, fécond. En 1909, A. C. Bradley faisait valoir que les poètes de l’époque de Wordsworth n’avaient pas le talent d’écrire de longs poèmes, et qu’ils ne faisaient qu’enfiler des paroles sur une ficelle de vers tout au plus ordinaires. À la manière de son époque, Bradley supposait que le goût des gens s’était amélioré avec le temps et que les Victoriens qui avaient succédé à Byron pouvaient apprécier la bonne poésie, contrairement à Byron et ses contemporains. Selon moi, l’écriture copieuse de Byron était délibérée, une sorte de principe de créativité. Un peu avant Bradley, J. A. Symonds affirmait qu’il nous fallait, pour juger de la grandeur d’un poète, une vaste quantité de mots et de poèmes de sa plume. Est-ce pourquoi Byron écrivait tant? Ou croyait-il, comme Burke, qu’une « idée claire, c’est . . . une autre façon de nommer une petite idée1 »? Associait-il au sublime une plénitude de mots? L’abondance de mots n’est pas toujours synonyme de longs poèmes, pas plus qu’il y a un seul point de vue critique sur le bien ou mal-fondé du non-minimalisme. Mais dans sa pratique de la profusion, Byron semble avoir absorbé quelques-unes des attitudes des poètes qui le précédaient immédiatement et anticipé sur celles des poètes de la fin du vingtième siècle.