Recherches sémiotiques
Semiotic Inquiry
Volume 31, numéro 1-2-3, 2011 Cinéma & Technologie Cinema & Technology
Sommaire (13 articles)
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Cinéma et technologie : présentation / Cinema and Technology: Presentation
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Recadrages : pour une pragmatique historique du dispositif cinématographique
Frank Kessler
p. 15–32
RésuméFR :
Le présent article propose une ré-interprétation du concept de “dispositif” dans une perspective de pragmatique historique. Partant du constat d’un retour sur la scène théorique de cette notion depuis une quinzaine d’années, l’auteur discute d’abord les difficultés de traduction et de transposition du terme dans des langues autres que le Français, pour ensuite se pencher sur la manière dont la notion est conceptualisée chez, d’un côté, Michel Foucault, puis chez Jean-Louis Baudry. Il propose par la suite de concevoir la notion de dispositif comme un outil heuristique permettant de comprendre les médias en tenant compte des usages qu’on en fait et de leur historicité.
EN :
The present article suggests a re-interpretation of the concept “dispositif” (often translated into English as “apparatus”) in the perspective of a historical pragmatics. After evoking the difficulties of translation and their consequences, the author discusses the ways in which Michel Foucault and Jean-Louis Baudry have each conceptualised the dispositif. He then proposes to use the concept as a heuristic tool for the analysis of media, as it allows to focus on the uses of media technologies, rather than on media specificity, and to take into account their historicity.
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What Is Left of the Cinematic Apparatus, or Why We Should Retain (and Return to) It
Thomas Elsaesser
p. 33–44
RésuméEN :
In this essay I shall briefly summarize what it was about the original formulation of the cinematic apparatus that seemed crucial; what were subsequently perceived to be its shortcomings; how in my own media-archaeological approach I have tried to extend as well as to relativize/historicise the model of the apparatus/dispositif; and finally, what avenues I see for invigorating the theoretical challenges apparatus theory still poses, now in the context of viewing situations that either pastiche and inflate the original paradigm or completely bypass or ignore it.
FR :
Dans cet article, je rappelle brièvement ce qui, à propos de la formulation d’origine du dispositif cinématographique, nous paraissait si crucial. Je me tourne ensuite vers ce qui fut perçu comme ses défauts. Troisièmement, j'évoque comment, dans mon approche ‘média-archéologique’ j’ai cherché à relativiser et à historiciser la notion de dispositif. En dernier lieu, enfin, j’expose les avenues qui permettront de relever les défis théoriques que la théorie du dispositif posent aujourd’hui encore face à des situations de spectature qui tantôt pastichent, tantôt caricaturent le paradigme initial, ou encore le contournent et l’ignorent.
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The Inevitability of Teleology: From le Dispositif to Apparatus Theory to Dispositifs Plural
Jane M. Gaines
p. 45–58
RésuméEN :
The article asks how problems of historical method are implied in the question “What Is Left of Apparatus Theory [...] ?”, the topic of the round table for which this paper was first delivered at the IMPACT conference. It goes on to recap the problems with traditional historical approaches : the “from…to” overview, the linear narrative, and the teleological expectation, to name a few. Then, it suggests, following Reinhard Koselleck, that teleologies (like the teleology to end all teleologies – the death of cinema) are unavoidable if one is functioning as a historian-positioned-in-time. Finally, it asks how we are to lay out Baudry and Foucault and trace the “adventures” of the apparatus and apparatus theory when the discourse theory that underwrote their projects critiques the project of “discovering” past events since in the end we are constituting the technology we discover, the same technology that we have said constitutes us.
FR :
L’auteure, ayant participé à une table ronde intitulée “Que reste-t-il de la théorie du dispositif?”, lors du colloque Impact, s’interroge sur les problèmes historiographiques que soulève cette question. Elle y résume les problèmes liés aux approches traditionnelles de l’histoire : la vue d’ensemble “de/depuis ... à/jusqu’à”; le récit linéaire; la perspective téléologique; etc. Ensuite, s’inspirant de Reinhard Kosselleck, elle suggère que les téléologies (comme celle de mettre fin à toutes les téléoglogies – la mort du cinéma) sont inévitables pour quiconque occupe la position d’un historien-situé-dans-le-temps. Elle s’interroge enfin sur la façon d’exposer les travaux de Baudry et de Foucault, et sur comment retracer les “aventures” du dispositif et de sa théorisation alors que la théorie du discours ayant souscrit à leurs projets critique toute “découverte” d’événements passés, puisqu’en définitive elle avance que nous en sommes toujours à constituer la technologie que nous découvrons alors même que nous croyons qu’elle nous constitue.
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Pulling Apart the Apparatus
Will Straw
p. 59–73
RésuméEN :
This article responds to a series of questions posed by Francesco Casetti to “Impact” conference panelists dealing with the fate of apparatus theory in film studies. I argue that the unravelling of apparatus theory has been a long, complex process, unfolding over four decades. A well-known feature of this unravelling within English-language film studies has been the assertion that spectators/subjects are not formal products of the functioning of an apparatus, but rather embodied individuals characterized by multiple forms of identity. This assertion has helped to detach the study of film spectatorship from theories of the apparatus, rendering the former more empirical and sociological. At the same time, difficulties in translation have resulted in a confusion, in English-language film scholarship, between the French terms appareil and dispositif, both of which have found themselves translated as “apparatus”. Drawing on the writings of Agamben and Vouilloux, I show how a key problem in apparatus theory is the extent to which the forces shaping spectator identity are themselves part of an apparatus or might be seen as external to the latter and as historical variables with which an apparatus interacts.
FR :
Cet article répond à une série de questions posées par Francesco Casetti aux membres d’une table ronde réunis, lors du colloque “Impact”, pour traiter du sort de la théorie du dispositif dans les études cinématographiques. J’y soutiens que l’abandon de la théorie du dispositif se présente comme un processus long et complexe, lequel s’est échelonné sur plus de quatre décennies. Un aspect notoire de ce processus, dans les études cinématographiques anglophones, fut l’affirmation que les spectateurs/sujets ne sont pas des “produits” formels du fonctionnement d’un dispositif, mais bien des individus incarnés et caractérisés par des formes multiples d’identité. Ce constat a contribué à dissocier l’étude de la spectature du film des théories du dispositif, la rendant davantage empirique et sociologique. En même temps, certaines difficultés de traduction ont engendré une véritable confusion dans le études cinématographiques de langue anglaise, dès lors que les termes français “appareil” et “dispositif” ont été tous les deux traduits par “apparatus”. M’appuyant sur les écrits d’Agamben et de Vouilloux, je montre comment un problème-clé dans la théorie du dispositif tient à la façon dont les forces qui façonnent l’identité des spectateurs soit participent elles-mêmes d’un dispositif, soit paraissent lui être externes comme autant de variables avec lesquelles un dispositif interagit.
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Retrograde Technicity and the Cinematic Avant-Garde: Towards a New Dispositif of Production
Gabriele Jutz
p. 75–94
RésuméEN :
Taking as a point of departure the 1970s concept of the ‘dispositif’, this article seeks to redefine it in the context of experimental cinematic practices which reject the usual tools of filmmaking, or, more precisely, replace them by ‘retrograde’ technical means (such as handmade techniques, camera-less films, etc.). Instead of adhering to the classical notion of dispositif, which privileges the screening situation, the author rather suggest that we envisage a dispositif of production, involving the spatial relationship between the body of the artist, the ‘pro-filmic’ event and his/her material at the very moment of production, and that informs the practices of cinematic retrograde technicity.
FR :
Prenant comme point de départ le concept de ‘dispositif’ tel qu’élaboré durant les années 1970, cet article cherche à le redéfinir dans le contexte de pratiques cinématographiques expérimentales qui rejettent les outils habituels de la production de cinéma, ou, plus précisément, tentent de les remplacer par des moyens techniques ‘rétrogrades’ (tels que les techniques artisanales, le cinéma sans caméra, etc.). Plutôt que d’adhérer à la notion classique de dispositif, qui privilégie la situation spectatorielle, l’auteur suggère d’envisager le dispositif par le biais de la production filmique afin de mettre en jeu la relation spatiale entre le corps de l’artiste, l’événement “pro-filmique” et son matériel (au moment même de la production), et ainsi offrir un éclairage nouveau sur les usages rétrogrades de la technique.
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Théories-manifestes des cinéastes et artistes face au numérique
Christa Blümlinger
p. 95–111
RésuméFR :
Depuis une quarantaine d'années, un certain nombres d’artistes-cinéastes, se situant du côté de l'art vidéo, dans l’art des nouveaux médias ou encore du côté du cinéma dit avant-gardiste, ont successivement pris position face aux changements et innovations technologiques. Il s’agissait non seulement de repenser l’argentique, la fonction esthétique et les composants du cinéma, mais aussi des questions de dispositif au sens large du terme. En tant que modalités de textes écrits, les manifestes occupent une fonction charnière entre création artistique et théorie. Le présent article commente une série de textes déclaratifs tenant lieu de la fonction traditionnelle du manifeste, rédigés par des artistes ou cinéastes. Les discours sur la numérisation héritent souvent de la rhétorique des grands récits de l’avant-garde, empruntant des attitudes apocalyptiques, utopiques ou prophétiques, tout en s’inscrivant dans une tradition moderniste par la revendication de l’innovation, de l’opposition, ou encore de la critique des images.
EN :
Over the last forty years a number of artist-filmmakers working in the areas of video art, new media or else in the cinematic avant-garde, have taken position with regards to changes wrought by technological innovations in their field. This has led them to rethink the traditional film media, as well as the aesthetic function and components of cinema, including its dispositif in the wide sense of the term. These artists have written documents that have come to occupy a pivotal role in both artistic practice and theory production. This article comments a series of written declarations by artists and filmmakers that take on the traditional function of the manifesto. In particular, it is shown that discourses concerning the digital often inherit the rhetoric associated with the great narratives of the avant-garde, borrowing either apocalyptic, utopian or prophetic attitudes and subscribing to a modernist tradition that appeals to the tropes of either innovation, opposition or to the critique of images.
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The Cinema of Exposure: Spiritualist Exposés, Technology, and the Dispositif of Early Cinema
Simone Natale
p. 113–129
RésuméEN :
This article addresses the relationship between early cinema and the tradition of spiritualist exposés. The latter were spectacular shows performed by stage magicians in the nineteenth and early twentieth century, which aimed to debunk the tricks employed by spiritualist mediums in their séances. Drawing on the theoretical framework of the dispositif, this article shows how early cinema renewed and reinterpreted the tradition of the exposés. Focusing in particular on Hugo Münsterberg’s work, moreover, it addresses the connections between early film theory and psychological studies that debunked the illusions performed in spiritualist séances and stage magic. In the conclusion, the article proposes to employ the concept of “cinema of exposure” in order to address how early cinema invited spectators to acknowledge their own perceptual delusion.
FR :
Cet article examine les relations entre le cinéma des premiers temps et la tradition des dévoilements (ou exposés) spiritistes. Ces derniers étaient d’impressionnants spectacles créés par des magiciens au XIXe siècle et au début du XXe siècle, afin de dévoiler les trucages employés dans les séances de spiritisme. À partir du cadre théorique de la théorie du dispositif, l’auteur illustre comment le cinéma des premiers temps a renouvelé et réinterprété cette tradition des exposés. De surcroît, à travers l’analyse de l’oeuvre d’Hugo Münsterberg, les liens entre la première théorie du cinéma et les études psychologiques concernant les illusions des séances spiritistes sont examinés. L’auteur propose enfin d’utiliser le concept du “cinéma de l’exposé” afin de comprendre comment le cinéma des premiers temps invitait les spectateurs à reconnaître leurs propres illusions perceptives.
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Technique/Discourse: When Bergson Invented His Cinematograph
Maria Tortajada
p. 131–151
RésuméEN :
The “cinematographic model of thought” was developed by Bergson in Creative Evolution (1907) after his 1902-1903 lectures at the Collège de France. His appropriation of this device of modernity certainly didn't go unnoticed. Throughout the twentieth century, Bergsonian discourse produced frequently opposing positions on the cinema, making it necessary for the film historian to question the status of Bergson’s cinematographic dispositive. This dispositive, which strictly belongs to philosophical discourse, refers to equipment and procedures whose mechanism is quite recognizable and isn’t solely confined to the device invented by Lumière. Scholars thus need to confront the technical dimension of this dispositive if they are to examine its very singular character. What makes Bergson’s dispositive technical? How does the shift occur from the technical reference to its appropriation by discourse in demonstrative strategies that transform its value? Starting from this case study, this article seeks to address the following question as directly as possible : what does technique become once it enters (philosophical) discourse? Borrowing from the history of techniques outside the specialized literature on cinema, the article also attempts to redefine the web of relations between discourse and technical fact. Finally, it raises the issue of what may be called a user discourse with respect to specialized discourse, emphasizing the predisposition of any discourse for an osmosis of concepts which the epistemology of viewing dispositives can account for.
FR :
Le modèle cinématographique de la pensée est développé par Bergson dans L’évolution créatrice en 1907 à partir des Cours au Collège de France donnés entre 1902 et 1903. Cette appropriation bergsonienne d’un appareil de la modernité n’est certes pas passée inaperçue. Le discours bergsonien a nourri tout au long du XXe siècle des positions souvent opposées sur le cinéma qui imposent à l’historien de s’interroger sur le statut du dispositif cinématographique de Bergson. Relevant purement du discours philosophique, ce dispositif renvoie à un appareillage et à des procédures dont le mécanisme est bien reconnaissable et ne se résume certes pas au cinématographe inventé par Lumière. Il faut donc se confronter à la dimension technique de ce dispositif pour en interroger le caractère très particulier. Qu’est-ce qui fait la technicité du dispositif de Bergson? Comment se joue le passage de la référence technique à son appropriation par le discours dans des stratégies démonstratives qui en transforment la valeur? Il s’agira d’interroger frontalement, à partir d’une étude de cas, le devenir de la technique dans les discours. En empruntant à l’histoire des techniques en dehors de la littérature spécialisée du cinéma, cet article tente de redessiner l’entrelacement du discours et du fait technique. Il propose de réfléchir à ce qu’on peut appeler un discours utilisateur dans son rapport au discours spécialisé et met en évidence la prédisposition des discours, quels qu’ils soient, à une osmose des concepts dont peut rendre compte l’épistémologie des dispositifs de vision.
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Motion/Performance Capture and The Afterlife of The Index. A Reconsideration of André Bazin’s “Myth of Total Cinema”
Marco Grosoli
p. 153–173
RésuméEN :
The history of film technology is not a progressive and linear march towards the future : it is rather a discontinuous, irregular process where the past returns more often than not. Motion capture and performance capture technologies are particularly indicative examples of this dynamic, as their digital nature is far from opposed to the indexical bias of photography that (according to a widespread doxa) the digital is supposed to gradually supplant. On the contrary, they integrate the index in their own functioning. Moreover, some of the films making use of these devices (for instance Robert Zemeckis’s A Christmas Carol) seem to allegorize this very paradox. André Bazin has often been believed to advocate for a teleological view of history (and of the history of film technology) just because of his idealism. In fact, a close re-reading his writings, particularly of his “Myth of Total Cinema”, shows that his idealism works as an “antidote” against teleological presuppositions.
FR :
L’histoire de la technologie au cinéma n’est pas une avancée progressive et linéaire vers le futur. Elle est plutôt un processus irrégulier et discontinu où le passé souvent revient. Les technologies de capture de mouvement et de performance en sont des exemples particulièrement probants, car leur nature numérique est loin d’être opposée à l’index photographique sur lequel – selon une vulgate assez répandue – le numérique serait censé prendre graduellement le pas. Au contraire, ces technologies intègrent l’index dans leur fonctionnement même. Qui plus est, quelques-uns des films qui leur font appel (A Christmas Carol par Robert Zemeckis, par exemple) semblent allégoriser ce paradoxe. Cette situation sera également l’occasion de revenir sur la conception bazinienne de l’histoire technologique du cinéma. En effet, on a souvent cru que la conception de l’histoire que défendait André Bazin était téléologique, à cause de ses prémisses idéalistes. Or, une relecture des écrits de Bazin, et tout particulièrement “Le mythe du cinéma total”, montre au contraire que son idéalisme était en fait un antidote contre toute conception téléologique de l’histoire.
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The Passion of the Digital: the Ontology of the Photographic Image in the Age of New Media
Anustup Basu
p. 175–202
RésuméEN :
Using Mel Gibson’s 2004 film and cultural phenomenon The Passion of the Christ as a launching pad, this essay meditates on some questions about the twentieth century legacy of competing realisms, the graphic imperative of contemporary digital image cultures, and the ontological conundrums involving technology and mass media. Passion is an onto-theological filmic ‘event’ that derives equally from an almighty religiosity as well as a cultish process of being enraptured by certain ritual values of a new-age technologism of sound and image. This endographic writing out of the Gospel narrative at the level of the tissue and nerve of the committed viewer affirms a transcendental truth already there in an internal cosmos of belief instead of working in terms of an externally navigable ‘realist’ representation of the world that seeks to ‘bear away our faith’. This is rendered possible when unquestioning belief in Christ and in his momentous sacrifice is met by an embracing of technology without the skepticism of a scientific temper.
FR :
Le film La Passion du Christ de Mel Gibson, phénomène culturel de l’année 2004 sert de point de départ à cet article. À partir de ce film, nous examinons l’héritage que laisse le XXe siècle en ce qui concerne le conflit des réalismes, l’impératif graphique des cultures de l’image numérique contemporaine et des dilemmes ontologiques impliquant la technologie et les médias de masse. La Passion est un ‘événement’ filmique onto-théologique qui découle autant d’une religiosité toute-puissante que d’un processus cultuel d’extase lié à certaines valeurs rituelles propre à un technologisme “Nouvel Âge” du son et de l’image. Cette écriture endographique du récit évangélique qui affecte le spectateur de manière viscérale affirme une vérité transcendantale déjà présente dans un cosmos de croyances qui dès lors se substitue à une représentation ‘réaliste’ et ‘extériorisée’ du monde, laquelle ne conduirait qu’à contester la Foi. Or, la condition de possibilité de cette écriture tient au fait que la croyance inconditionnelle dans le Christ et dans son sacrifice s’associe à une technologie (le numérique) affranchie de tout scepticisme à caractère scientifique.
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Cinema, the (Digital) Machine of the Imaginary: Revisiting Edgar Morin in the Quest to Create a Theory of Cinema in the Digital Age
Diana Wade
p. 203–221
RésuméEN :
Digital image technology facilitates the production and distribution of images, and at the same time, instills doubt as to the integrity of those images. As a result, spectators today trust and doubt the image while still retaining a need to see a double of the world on screen. Edgar Morin’s work on cinema permits us to speak of cinema in the digital age because he recognizes that from its origins cinema has been a “mirror-machine” that reflects the spectator’s imaginary and practical relationship with images as experienced through new technologies. I will explore Morin and Christian Metz’s writings on cinema to analyze cinema’s foundational element : the ability to satisfy the besoin de cinéma throughout changes in technology. Cinema persists as digital moving images because by evolving technologically it responds to the spectator’s need to see a double of the world on screen in order to negotiate the demands of society and personal desires.
FR :
La technologie de l’image numérique facilite la production et la distribution des images tout en semant, simultanément, le doute sur leur intégrité. Conséquemment, les spectateurs d’aujourd’hui entretiennent autant la confiance que le doute à l’égard de l’image, tout en conservant le besoin de voir un double du monde à l’écran. Les travaux d’Edgar Morin sur le cinéma demeurent pertinents à l’ère numérique, car celui-ci reconnaît que, depuis ses origines, le cinéma a été une “machine-miroir” qui reflète la relation imaginaire et pratique du spectateur avec des images en mouvement, et ce, quel que soit son fondement technologique. Nous ferons appel aux écrits de Morin et de Christian Metz dans le but de cerner l’essentiel du cinéma : sa capacité à satisfaire, d’une technologie à l’autre, le besoin de cinéma. Si, aujourd’hui, le cinéma persiste sous des formes numériques c’est qu’il continue de répondre au besoin chez l’homme de voir sur un écran un double de son monde, lui permettant ainsi de négocier avec les exigences sociales de son existence autant qu’avec ses désirs personnels.
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Paradigmes théoriques et innovation technologique
Dominique Chateau
p. 223–240
RésuméFR :
Je m’efforce de montrer que la réflexion théorique sur les mutations technologiques dans le domaine audiovisuel exige non seulement de considérer les discours que ces mutations suscitent immédiatement, mais aussi d’interroger la théorie elle-même. J’utilise à cette fin le concept de paradigme scientifique (emprunté à Thomas Kuhn) et je montre qu’il y a plusieurs sortes de paradigmes sous-jacents à la théorie du cinéma qui peuvent la déterminer, la freiner ou l’accélérer, en passant par la médiation des données concrètes, notamment technologiques. La relation entre paradigme et données, outre cette interrégulation, a une dimension théorico-historique qui implique le changement de paradigme (par évolution ou révolution), mais peut tout aussi bien relever d’un blocage conceptuel.
EN :
In this paper, I attempt to show that theoretical considerations over technological changes in the audiovisual field require not only that we turn to the discourses that these transformations elicit, but also that we question theory itself. To this end, I refer to Thomas Kuhn’s conception of scientific paradigms to show the existence of several underlying paradigms in film theory. The latter paradigms can determine, halt or even accelerate the development of film theory when they turn to consider concrete data, including technology. The relation between paradigm and data, beyond this sort of “interregulation” also implies a theoretical-historical aspect that can pave the way toward paradigm shifts (either through evolution or revolution) or, on the contrary, hinder any conceptual growth.