Recherches sémiotiques
Semiotic Inquiry
Volume 29, numéro 2-3, 2009 Traduction Translation
Sommaire (12 articles)
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Traduction : présentation / Translation: Presentation
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Le même et l’autre (bis)
Charles LeBlanc
p. 15–22
RésuméFR :
Dans ce texte, l’auteur poursuit sa critique du concept d’altérité en traduction et l’exploitation de concepts traductologiques à des fins qui dépassent la traduction.
EN :
In this article, the author takes another look at the concept of alterity in translation and the use of translation studies notions for purposes that extend beyond the field of translation.
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L’expérience de l’origine : John Glassco, traducteur de Saint-Denys Garneau
Patricia Godbout
p. 23–31
RésuméFR :
Cet article se penche, dans une perspective sémiotique, sur la traduction anglaise, par John Glassco, d’un poème d’Hector de Saint-Denys Garneau, “Saules” (Regards et jeux dans l’espace, 1937). À partir d’une analyse très fine de ce poème proposée par Jacques Blais, la traduction de Glassco, publiée en 1975 dans les Complete Poems of Saint Denys Garneau, est examinée afin de déterminer quelle “expérience de traduction” est vécue par le traducteur.
EN :
This article examines in a semiotic perspective the English translation, by John Glassco, of a poem by Hector de Saint-Denys Garneau, “Saules” (Regards et jeux dans l’espace, 1937). From the fine interpretation of that poem proposed by Jacques Blais, Glassco’s translation, published in 1975 in Complete Poems of Saint Denys Garneau, is scrutinized in order to determine what “translation experience” the translator has undergone.
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Force et signification à l’épreuve de la traduction : la différance derridienne et son transport à l’étranger
René Lemieux
p. 33–58
RésuméFR :
La différance est probablement le “lemme” le plus fécond de tous les termini technici de la pensée de Jacques Derrida. Pourtant, de tout ce que Derrida a pu en dire, on ne peut déduire ni définition ni même contenu de ce mot ou ce concept, qui n’est “ni un mot, ni un concept”. Comment donc le traduire, avec toute la difficulté qu’il apporte avec lui : usage du “a”, indistinction à l’oral avec l’“autre” différence, travail d’ambiguïté avec les deux verbes “différer” et “différencier”, etc.? Ce texte entend mettre à l’épreuve le geste traductif à partir d’une étude de trois réceptions du terme en portugais, en anglais et en finnois.
EN :
Différance is probably the most seminal “lemma” of all termini technici of Jacques Derrida’s thought. However, from Derrida’s texts, one can establish no single definition or precise content of any sort for this word or concept which is “neither a word nor a concept”. How, then, can one translate such a term, with all the difficulties that arise, for example, from the use of the letter “a” which creates an oral utterance indistinguishable from the “other” différence, or the ambiguous play on “defer” and “differ”, etc.? This text examines various translating strategies through the study of three receptions of the term, in Portuguese, English and Finnish.
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Quand l’altérité revient au même : la Perse antique et ses traductions dans l’Iran moderne
Annie Brisset et Nazila Khalkhali
p. 59–80
RésuméFR :
En Iran, les publications sur la Perse antique, en particulier sur la dynastie achéménide, se multiplient après la révolution islamique (1979). La connaissance de ce passé occulté depuis le VIIe siècle par l’islamisation est tributaire des travaux orientalistes européens, car ceux-ci ont fourni la clé des inscriptions royales encryptées dans des langues disparues. Retraduire ce savoir en persan moderne est une condition du retour aux origines préislamiques de l’identité iranienne, mais cette réappropriation est investie d’une fonction politique. Les deux tiers des publications sur les Achéménides sont des traductions. Les titres répertoriés depuis 1971 font voir que le rythme des publications originales ou traduites soutient le courant d’opposition à la théocratie islamique. En suivant l’évolution des publications originales et traduites sur les Achéménides, l’étude montre en quoi, paradoxalement, l’histoire de la Perse antique n’a pas cessé de servir le courant moderniste qui s’exprime sur la scène politique de l’Iran depuis le début du XXe siècle.
EN :
In Iran, the number of publications on Ancient Persia, and on the Achaemenid Dynasty in particular, has increased significantly since the Islamic Revolution of 1979. Knowledge about this period - an era that, since the 7th century, has been eclipsed by the process of Islamization - stems from research by European Orientalists who have made it possible to decipher royal inscriptions encrypted in languages that are now extinct. Retranslating these publications into modern Persian is essential for reconnecting with the pre-Islamic roots of the Iranian identity; however, such reappropriation has a political function. Nearly two third of Achaemenid-related publications are translations. Titles indexed since 1971 indicate that both the originals and the translations support the opposition movement to Islamic theocracy. An analysis of the evolution of original and translated publications on the Achaemenid Empire shows that, ironically, the history of Ancient Persia continues to nurture the modernist drive that has characterized the Iranian political scene since the beginning of the 20th century.
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Avuncular Listening: The Unsuspected
John Mowitt
p. 81–97
RésuméEN :
This essay approaches the topic of translation through the motif of “transmutation”, Roman Jakobson’s term for a modality of translation understood to be inter-semiotic as opposed to either intra or inter-linguistic. Instead of developing transmutation as a re-wording of “adaptation” (for example, the elaboration of a novel as the screenplay for a film), this text brings transmutation into contact with “remediation”, a concept used within media studies to describe how, as McLuhan famously put it, media are always comprised of other media. More specifically, and with an eye toward the particular tension between radio and film, this text shows how remediation repeats with a difference what Raymond Williams meant by “residualism”, the survival within the cultural dominant of politically charged cultural technologies and practices from an earlier moment. Key here is the rivalrous character of this tension, that is, the fact that media that include other media typically do so by subjecting them to their own formal and narrative logics. Here is explored this dynamic through a reading of Michael Curtiz’s The Unsuspected from 1947, a film that narrativizes the rivalry between radio and film.
FR :
Cet article aborde la question de la traduction sous l’angle de la notion de “transmutation”, terme qu’emploie Roman Jakobson pour désigner la traduction de type intersémiotique par opposition à la traduction intra- ou interlinguale. Au lieu d’aborder la transmutation comme synonyme de l’adaptation (par exemple, comme la transposition d’un roman au grand écran), le présent article met la transmutation en relation avec la “remédiation”, concept des études médiatiques servant à décrire, tel que souligné par MacLuhan, le fait qu’un média est toujours composé d’autres médias. Plus particulièrement, ce texte s’intéresse à la tension spécifique entre la radio et le cinéma afin de montrer que la remédiation est une répétition modulée de ce que Raymond Williams a appelé le “résidualisme”, ou la survivance, au sein d’une dominante culturelle, de technologies et de pratiques culturelles antérieures à forte teneur politique. Ce qui est central ici, c’est la rivalité inhérente à cette tension, c’est-à-dire le fait que les médias qui incluent d’autres médias le font habituellement en assujettissant ces derniers à leur propre logique formelle et narrative. Cette dynamique est explorée par l’entremise d’une lecture du film The Unsuspected de Michael Curtiz (1947) où se joue la tension entre la radio et le cinéma.
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La sémiose du texte érotique
Pier-Pascale Boulanger
p. 99–113
RésuméFR :
Le récit érotique contemporain est un objet littéraire vilipendé qui exige pourtant la maîtrise d’un certain nombre de moyens afin d’accomplir sa visée : exciter le lecteur. L’article présente quelques considérations sur les modes de lecture du texte mais se concentre plutôt sur l’analyse et l’illustration des moyens lexicaux, syntaxiques et discursifs mis en oeuvre par les pornographes dans la trame narrative dans le but d’assurer le processus de sémiose érotique chez le lecteur. Les impératifs de clarté, de réalité et d’inventivité sont présentés comme des valeurs cardinales que le traducteur doit s’efforcer de rendre s’il aspire à produire un texte de jouissances.
EN :
Although it requires mastery of several means in order to achieve its goal - the reader's arousal -, contemporary erotica is a reviled literary object. Following a brief examination of the modes of reading erotica, this paper analyzes and illustrates the lexical, syntactical and discursive means used by pornographers in narratives in order to ensure that the process of erotic semiosis takes place. The constraints of clarity, reality and inventiveness are outlined as the cardinal values translators must seek to render in order to produce a text of jouissance.
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L’actualité de Michel Tremblay traducteur et adaptateur : derrière le miroir de l’idéologie
Sathya Rao
p. 115–132
RésuméFR :
L’objet de cet article est de mettre en lumière les présupposés sous-jacents à la lecture sociocritique de l’oeuvre de traduction et d’adaptation de Michel Tremblay afin de comprendre la valeur mais aussi les limites de cette lecture. De notre point de vue, c’est dans l’inconscient éthique de la sociocritique que résident à fois sa force et sa faiblesse. Le sort réservé à l’oeuvre de traduction et d’adaptation de Michel Tremblay en est le symptôme. Comme en témoignent ses réalisations comme traducteur et adaptateur depuis le milieu des années 1980 et le début des années 1990, Michel Tremblay n’est plus aussi ethnocentriste qu’avant. Il établit désormais une distinction très claire entre la pratique de l’adaptation, réservée en général à des pièces légères jouées sur des scènes d’été, et la pratique de la traduction qui concerne spécifiquement les “chefs-d’oeuvre”. Tandis que les adaptations portent sur des pièces françaises de France, les traductions, elles, portent sur des pièces étatsuniennes d’auteurs contemporains. Aussi différentes soient-elles, ces pratiques partagent une exigence semblable de fidélité à l’ordre et à la signification de l’original. Pour ce qui est de l’adaptation en particulier, elle devient pour Michel Tremblay un terrain de jeu où le nationalisme n’est plus l’inspiration dominante.
EN :
The purpose of this article is to shed light on the assumptions underlying a socio-critical reading of adaptations and translations authored by Michel Tremblay in order to better understand both the value and limits of such a reading. It will be claimed that both its strengths and weaknesses lie in what can be labelled the “ethical unconscious” of sociocritique. In this respect the treatment undergone by these translations and adaptations is symptomatic. As evidenced by Michel Tremblay’s translations and adaptations in the mid-80s and early 90s, he is no longer the ethno-centrist he used to be. He now establishes a clear-cut distinction between these practices. Whereas adaptation concerns mostly trivial French dramas (from France) staged in summer festivals, translation is specifically applied to “masterworks” by contemporary US authors. As different as they may be, both practices faithfully render the order of sentences and the meaning of the original text. As for the practice of adaptation, it has gradually become for Michel Tremblay a textual playground where nationalism is no longer the only source of inspiration.
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D’Homère l’aède jusqu’à Homer… Simpson, ou l’exercice périlleux de la fidélité
Jean-François Doré
p. 133–149
RésuméFR :
Pour Francis Affergan, traduire c’est passer d’une ontologie dans une autre. Ainsi toute traduction se “traduit”-elle par la destruction, relative, d’un texte pour en construire un (ou des) nouveau(x) qui rend(ent) plus ou moins justice au texte source. C’est de cette tension que naît la position radicale de l’impossibilité de la traduction. À cet égard, les textes homériques offrent depuis des siècles un terreau de réflexion fertile : théoriquement impossibles à rendre, ils ont pourtant en pratique été “traduits” de dizaines de façons.
EN :
According to Francis Affergan, to translate is to operate a transfer from one ontology to another. Thus, every translation can be construed as the relative destruction of a text that is used to construct one or more new ones, each of them doing more or less justice to the source text. From this fundamental tension springs the radical position of the impossibility of translation. In this regard, the Homeric poems have been for centuries a fruitful ground for reflection : theoretically impossible to translate, they have in fact been “translated” in many a way.
Articles hors-dossier / Individual Articles
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Elements For a Synergetic Approach to Peirce’s Semiotics and Adamczewski’s Linguistics
Cécile M. Cosculluela
p. 151–182
RésuméEN :
How legitimate is the use of numbers by linguistic operators zero, phase 1 and phase 2? It seems that these references to the philosophy of mathematics pose a problem that is inherently tied to the core of the science of linguistics. The Peircean categories of firstness, secondness and thirdness not only offer terminogical solutions, but also corollary epistemological openings that allow for the substitution of linguistic’s empiricism by a semiotic basis.
FR :
Quelle légitimité ont les opérateurs linguistiques zéro, phase 1 et phase 2 dans l’emploi qu’ils font des chiffres? Il semble que ces références à la philosophie mathématique posent un problème de terminologie, inéluctablement lié au fondement même de la science du langage. Les catégories peirciennes de priméité, secondéité et tiercéité offrent non seulement des solutions terminologiques mais aussi, puisque c’en est le corrolaire, des ouvertures épistémologiques permettant de remplacer l’empirisme sur lequel repose la linguistique par un fondement sémiotique.
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La citation visuelle contemporaine. Le cas du changement de médium dans l’oeuvre Le Radeau de la Méduse (100 Mile House) 1 d’Adad Hannah
Lynn Bannon
p. 183–196
RésuméFR :
L’article porte sur la citation dans l’imagerie contemporaine, plus exactement sur le transfert de l’image citée dans un autre médium en prenant à témoin l’oeuvre Le Radeau de la Méduse (100 Mile House) 1 d’Adad Hannah. L’objectif est de démontrer comment, en choisissant un médium autre que celui de l’image citée, l’artiste citant se présente et se représente comme réformateur des arts. Pour le citateur, l’acte citationnel repose sur deux objectifs qui se confrontent : celui de s’identifier à l’autre cité et de reconnaître la valeur exemplaire du modèle; celui de s’approprier l’image source et de la recomposer par le biais d’une pratique personnelle dans un contexte qui favorise les mélanges et les déplacements de tous ordres, notamment à l’égard des hiérarchies conventionnelles qui s’en trouvent ainsi renouvelées.
EN :
This article concerns the practice of quotation in contemporary visual arts. More specifically, it examines the process of intermedial quotation using as an example Adad Hannah’s Le Radeau de la Méduse (100 Mile House) 1. The aim of the article is to demonstrate how, by quoting a work in a medium that is different from its source, the artist who uses such a work presents herself as a reformer of the arts. For this artist, moreover, the act of quoting implies two distinct positions : on the one hand she identifies with the artist and the work she quotes, taking it as a “model”; on the other hand she appropriates the source work for herself and re-composes it through a personal artistic pratice that fosters forms of media mixing and displacements of traditional hierarchies.