Compte-renduReview

Daniel Vaillancourt, Les Urbanités parisiennes au XVIIe siècle, Le livre du trottoir , Collections de la République des Lettres, Presses de l’Université Laval, 2009, pp. 334. ISBN 978 2-7637-8874-6[Notice]

  • Max Vernet

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  • Max Vernet
    Queen's University

La quatrième de couverture de ce livre le présente comme un ouvrage d’histoire, “analysant [un] moment de l’histoire urbaine de Paris”, plus tard précisé dans le corps du texte : en gros trois quarts du XVIIe siècle, “de l’arrivée d’Henri IV le 22 mars 1594 au départ de Louis XIV vers Versailles à la fin de l’automne 1673”. C’est le Paris des premiers Bourbons qui va faire le sujet de l’enquête. L’émergence de la modernité y est saisie dans la façon dont elle travaille ce qui va devenir la Ville, et tout l’ouvrage épie une sorte de vie de la ville, animée d’abord par la volonté des monarques ou du “Grand Voyer” (Sully), les choses semblant ensuite présider à leur propre changement, passives et actives, narrées à la “voix moyenne” qu’essaient de représenter les verbes réfléchis ( par exemple: “Ligne dans le texte urbain, mobilisant le sens, elle s’écrit horizontale […] Recueil des pas et des passages, inventaires des habitudes, la rue déploie ses histoires et ses aventures. Par elle, dans le surgissement des édifices, se donne le sens de cette violence faite à la terre. Par le cadastre qu’elle assigne au terrain, se trament les récits d’une ville.” 121). Il y a ainsi dans les deux premiers chapitres une histoire plus traditionnelle, avec d’un côté des agents (Henri IV, Sully), des projets et des cartes, et de l’autre des choses et des contraintes. Le souverain et Grand Voyer “pensent” la Ville et le résultat de la rencontre dans cette pensée du projet des agents et de la résistance de la ville est l’“édit”, mise en acte de la transformation. Ce à quoi les nombreuses histoires de Paris et de la-ville-en-général nous ont habitués, sur le modèle de l’Histoire traditionnelle en général, qui se présente comme le récit d’agents transformant le monde. Mais très vite l’auteur nous propose un autre parcours et une autre histoire, et nous comprenons que l’espèce de subjectivité qui saisit Paris devant nous animé et sujet de sa propre transformation (“Paris redessine alors son urbanité, se délestant […] de ses aspérités”), est plus qu’une figure de style, ou la notation d’une accélération du temps qui, comme dans les films documentaires nous offrant l’éclosion d’un fleur, révèle à l’historien l’évolution de son objet. Ce dont parle le livre, c’est du Paris vécu, sujet ou objet, on ne sait plus et peu importe, de l’habitus de ses habitants, habitude et habitation retrouvant ici leur cousinage étymologique. C’est ce que rassemble le terme “urbanité”, éponyme du volume. En retrait, en amont, à la fois d’urbanisme (compris comme le contrôle et la transformation de l’espace urbain par les édits) et d’urbanitas (comprise comme l’ensemble émergent de conduites d’une civilisation urbaine, celle qui se met en place dans les faits et dans les textes de la période étudiée par DV), l’urbanitéparisienne tente de désigner la transformation des choses par les conduites et des conduites par les choses, la Ville et ses agents/habitants/usagers se soumettant mutuellement à un proccessus de transformation en boucle récursive. C’est là la grande innovation méthodologique de ce livre, qui importe ainsi dans le champ des études sur le XVIIe siècle un type de réflexion amorcée en sociologie, et dont Bourdieu par exemple a montré la pertinence en adoptant naguère l’habitus comme terme recteur de sa réflexion. En fait, bien des “essais” historiques sur Paris, nombreux dans les trois dernières décennies, avaient adopté une démarche semblable, l’urbanitas étant devenue une manière d’écrire l’Histoire en rupture avec l’Histoire événementielle. Mais DV annonce clairement la situtation de son urbanité au carrefour de deux séries …

Parties annexes